Chronique

En 2010, le pianiste Charles Loos sortait Piano Works sur label Mogno Music, un de ses rares disques sur lesquels il joue en solo. Il y revisitait sans véritable ligne de conduite des compositions très différentes, toujours élégantes, souvent enjouées, et inspirées par différents styles populaires. L’album incluait aussi une pièce en cinq parties (Wasif) tirée d’une longue improvisation. Imprévisible, la musique restait quand même toujours reconnaissable comme du Charles Loos … ce qui témoigne de sa façon unique de jouer et de composer.

Quinze années plus tard, ce nouvel album, dont la pochette rappelle celle du précédent, est présenté comme un second volume de « Piano Works » mais cette fois, il obéit à un fil directeur puisque onze des douze titres sont des « variations automnales » totalement improvisées dans des tonalités différentes sur un même canevas harmonique emprunté au standard Autumn Leaves - Les Feuilles mortes composé en 1945 par Joseph Kosma avec des emprunts à une mélodies plus ancienne. La saison d’automne étant traditionnellement liée au spleen, la musique est ici occasionnellement mélancolique (Variation Automnale C# Mineur, Ab Mineur, B Mineur) mais pas seulement : le pianiste a varié son approche en introduisant des rythmes différents - parfois complexes comme celui en 7/8 sur F Mineur -, ce qui permet de faire swinguer certaines de ces variations tonales (C Mineur), voire de les jouer comme, entre autres, un tango (A Mineur) ou une valse (Bb Minor). La plupart des jazzmen jouent ce thème en G Mineur mais sans doute pour se démarquer, cette tonalité est la seule qui n’a pas été revisitée par le pianiste.

Le dernier titre de l’album est une Suite en La de 13 minutes, entièrement écrite par Charles Loos mais qu’en raison de certaines difficultés d’interprétation, il a préféré confier à Elise Fosty, une jeune pianiste classique dont l’expérience et la formation académique lui assuraient un enregistrement conforme à ses attentes. Ainsi, par cette pièce classique sophistiquée mais pleine de fraîcheur et ponctuée de surprises, se clôture un album à la fois varié et original qui, parce qu’il enjambe allègrement les barrières stylistiques, enchantera les mélomanes de tous bords.

[ Chronique par Pierre Dulieu ]