Le dernier des disques de l’âme des poètes est double et il est entièrement dévolu aux prénoms de filles et à l’amour, mais cette fois encore, il s’agit de chansons populaires françaises archi-connues dont les rengaines ont été diffusées sur les ondes francophones pendant des générations : Aline, Madeleine, Marina, Salade de fruits, J’aime les filles, Petite Marie et bien d’autres. Rien de novateur donc et pas une trace d’avant-gardisme dans ces interprétations mais seulement le souci d’arranger des mélodies, de les combiner parfois en pots pourris quand la rampe de lancement est trop pauvre, et de trouver des alternatives aux sempiternels accords en inventant des variations subtiles qui feront oublier la relative simplicité musicale des chansons originales amputées de leurs textes. Et là, les trois compères sont au sommet de leur art, improvisant avec une verve magnifique qui n’a d’égale que leur bonne humeur contagieuse. Evidemment, pour le néophyte, ce jazz-ci est une bénédiction : reconnaissant immédiatement les mélodies au charme suranné, il peut suivre sans se perdre les développements improvisés et apprécier la façon dont les trois artistes s’envolent pour mieux retomber sur les thèmes qui les ont inspirés. Quant aux jazzmen érudits, ils ne pourront qu’être conquis par la fraîcheur de ces relectures. Conscient que la diversité des timbres est un élément favorisant le plaisir d’écoute, le trio a fait appel à des musiciens invités dont les interventions rehaussent encore les couleurs familières de ces anciens tubes. Stéphane Belmondo a prêté son bugle sur quatre titres dont un Filles de Camaret totalement décoiffant. Le guitariste virtuose Sylvain Luc est présent sur cinq chansons enjolivant les partitions de ses volutes délicates. Les frères Mike et Ivan Smeulders s’avèrent un choix judicieux pour la restitution d’une ambiance évoquant Jacques Brel. Quand à Claude Flagel, par le truchement de son instrument incongru dans ce contexte qu’est la vieille à roue, il donne une couleur folk aux reprises de deux titres extraits du folklore traditionnel : Des Pesches et Rossignolet du bois. Souvent, le lyrisme s’invite et la tendresse n’est jamais loin mais surtout, il se dégage de ces sessions une humeur facétieuse immédiatement perceptible jusque dans les lignes de contrebasse. Prénoms d’amour est un disque à déguster entre amis : ambiance chaleureuse garantie !