So Happy, The Curve Carbon 7 C7-067/068 ------------------------- Fred Wilbo (piano on CD 1) ; Charles Loos (piano on CD 2) Valentin Wibaux : vocals on CD 1 - piste 15 Enregistré en août 2002 (Wilbo) et en août 2003 (Loos) |
CD 1
CD 2
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Le concept à la base de ce double compact est pour le moins original. Un beau jour, le pianiste tournaisien Fred Wilbo décide de piocher la première phrase de 15 passages choisis au hasard dans les œuvres complètes du poète Saint-John Perce et d’en faire les titres de ses nouvelles compositions. Une année plus tard, il demande à Charles Loos, qui fut jadis son professeur, d’extraire de ces mêmes passages une seconde phrase et d’en faire les titres de 15 nouvelles improvisations sur le même instrument. On peut alors imaginer qu’un lien mystérieux s’est spontanément tissé entre les interprétations de ces deux pianistes. Ce qui fait de cette œuvre en deux volets quelque chose de mystique à l’instar de cette belle photographie illustrant la pochette qui présente un ciel nuageux et son reflet : un paysage comme un tableau de Magritte où la perspective est prolongée au-delà de la réalité. La première plage du compact de Wilbo place instantanément l’auditeur au cœur d’un monde irréel. Cette musique tournée vers l’intérieur fascine d’autant plus qu’elle ne dit pas tout. Elle plane aérienne, intemporelle, chargée d’expressivité tandis que les notes traînent longtemps dans le silence telle la robe translucide d’une comète poursuivant sa course dans un ciel pur. Beaucoup de ces mélodies se lisent ainsi entre mélancolie et fragilité, toutes en ellipses délicates et envoûtantes. Et comme l’instrument est un Bechstein mythique de 1877, le timbre est forcément grandiose d’autant plus qu’il est capté avec une science de l’enregistrement peu commune. Ailleurs, il arrive que Wilbo s’envole dans des improvisations tourmentées comme si l’inquiétude reprenait ses droits le temps d’un orage avant que la lumière ne perce à nouveau les volets clos (Le lit, les eaux du ciel … et les relais du fleuve d’ombre sur la terre – peut-être même s’irritant de n’avoir pas de réponse). Là on se dit que Keith Jarrett rôde dans les parages mais si l’on ose citer une telle référence, c’est que la musique le vaut bien. Avec Charles Loos sur le second compact, on pouvait s’attendre à quelque chose de plus enjoué, de plus chantant dans le style habituel du pianiste mais ce n’est pas le cas. Après tout, la magie a quand même fonctionné et Loos s’est laissé emporter vers des improvisations qui prolongent les voyages intérieurs du premier disque, explorant du côté de la musique classique et de l’impressionnisme, s’aventurant même dans des zones plus sombres où vivent parfois des accords dissonants. Ce côté profond et obscur de l’artiste est plus secret mais il révèle un musicien plein de ressources capable de contrastes et d’alternances qui paraissent inépuisables. Il termine son répertoire sur une petite ritournelle en forme de boîte musicale, concluant ainsi un voyage mystique en revenant à ses aspirations personnelles. Ainsi ces deux disques constituent bien ensemble une œuvre unique à déguster d’un seul tenant. Laissez-vous pénétrer par les émotions indicibles de cette musique construite sur un rêve insolite et ouverte à la plus profonde sensibilité.
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Sur un site consacré à Saint-John Perse, on peut lire la phrase suivante :
Son œuvre transcende à coup sûr les appartenances étroites, ne se réclamant que de son esthétique propre, cette manière élaborée sous bien des inspirations et à l'écoute de bien des influences, mais débouchant sur une originalité si marquée. ... C'est à peu de chose près ce que l’on a envie d'écrire à propos du binôme Wilbo - Loos et de So Happy, The Curve. |
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