Premier prix de trompette du Conservatoire de Mons, Gino Lattuca fait du jazz depuis le début des années 80 mais, s’il apparaît en tant que sideman dans une multitude d’orchestres, ce n’est pas pour autant que sa discographie en solo soit bien fournie. En fait, le trompettiste n’a enregistré en tout et pour tout que deux disques sous son nom : My Impression en 1992 sur le label B. Shap, aujourd’hui disparu, et ce Bad Influence dix-huit années plus tard, tous les deux en quartet et avec le batteur Mimi Verderame. Excellent technicien, l’homme s’est plié à plusieurs styles et joue souvent au sein de grands orchestres (Act Big Band et Brussels Jazz Orchestra) mais il affectionne tout particulièrement le Bop moderne où il excelle et c’est tout naturellement vers ce genre particulier qu’il s’est tourné pour cet album. Evidemment, l’un des bonnes surprises de Bad Influence est la présence de Philip Catherine, non pas en invité sur quelques titres, mais bien comme membre à part entière du quartet. Conjuguant volubilité et délicatesse, sa guitare habite cette musique et, comme il ne pourra probablement pas suivre Lattuca en concert par suite de ses propres obligations, mieux vaut acheter ce disque pour profiter du quartet au complet. Le trompettiste cosigne avec Verderame deux superbes compositions : Bad Influence, tout en swing et souplesse comme un classique venu tout droit de la grande époque Blue Note, et Espresso, plus énergique encore avec une articulation hallucinante entre trompette et guitare qui témoigne d’une belle complicité. L’un des thèmes les plus irrésistibles de l’album est pourtant Last Minute Blues offert spécialement par Michel Herr pour cette séance : Catherine y prend un solo d’anthologie tandis que Lattuca adopte une sonorité plus suave qui va comme un gant à cette chanson féline qu’on a envie de faire tourner en boucle jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Bonne idée aussi de reprendre quelques standards dont Come Rain Or Come Shine d’Harold Arlen et surtout Along Came Betty de Benny Golson : ces deux là s’inscrivent avec bonheur dans un répertoire dédié à un post-bop chaleureux. Quant à l’incontournable ballade lyrique et sensuelle, elle réside ici dans Theme For Ernie, une mélodie blême qui fut écrite un jour d’inspiration par Fred Lacey pour le saxophoniste Ernie Henry. Bart de Nolf et Mimi Verderame composent une rythmique solide et dynamique garantissant aux solistes un tempo sans faille et le dynamisme indispensable à la réussite d’un tel projet. Tous ces messieurs swinguent avec une bonne humeur contagieuse et, franchement, à l’heure où une nouvelle génération de jazzmen belges revient avec délice aux racines d'un jazz mainstream, ça fait plaisir d’entendre que les plus anciens n’ont jamais cessé de les cultiver avec passion !
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