Dès le premier titre Up and Down, on est tout de suite dans l'ambiance chaude de ce disque enregistré live aux "Riches Claires" en septembre de l'année dernière. Après une superbe introduction à la trompette par le Mauricien Philippe Thomas sur une rythmique acoustique sensuelle emmenée par le batteur Bilou Doneux et le contrebassiste canadien Mark Zubek, le thème complexe et très technique est emballé par le septet sur une métrique bizarre avant de passer aux choses sérieuses : les solos. Pierre Lognay d'abord et sa Fender : son clair, phrasé fluide avec une touche de nonchalance qui laisse deviner le travail accompli depuis son premier disque chez Igloo (Some Other Thing, 1990). Ensuite, le saxophoniste ténor Mark Turner, l'un des plus grands musiciens de jazz actuels, qui propulse ce thème hard bop dans une perspective de modernité audacieuse. Et enfin, l'Indien Rudresh Mahanthappa, jeune altoïste virtuose de la scène new-yorkaise, qui clôture les improvisations avec profusion, flamboiement et une énergie hallucinante avant le retour du thème. Plus de dix minutes se sont déjà écoulées et la magie les a effacées. Reste le souvenir d'une musique instinctive, spontanée, libératrice, incandescente comme une soudaine explosion. Et tout est joué ainsi sur ce disque, avec une verve détonante et une virtuosité jamais ostentatoire. Ce septet qui rompt les hiérarchies instituées est édifiant : voici un jazz universel, accessible à tous, joué avec authenticité et intégrité par des musiciens d'expériences et d'horizons divers animés par la même soif intense de liberté. Une lettre manuscrite reproduite sur la pochette du compact présente Pierre Lognay comme un musicien formidablement talentueux et doué dont il faut aider à faire connaître la musique au bénéfice de tous ceux qui auront le privilège de l'entendre un jour. Quand on se rend compte que c'est le grand Herbie Hancock lui-même qui a signé ça, franchement, que voulez-vous ajouter de plus !
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