Aka Moon, rendu à sa formule triangulaire patinée par une décennie de complicité, surprend une fois de plus par un projet emballant. Car si le moteur est toujours celui qui nous a si souvent emporté dans des spirales passionnément créatrices, l’équipage comprend cette fois trois nouveaux acolytes qui ont consenti à se plier aux règles de base d’un voyage en terre pygmée. Trois musiciens, trois solistes, trois guitaristes avec des voix originales mises au service d’une idée, d’un rêve, d’une passion. L’Indien Prasanna, l’Américain David Gilmore et, bien sûr, le Belge Pierre Van Dormael s’insèrent aujourd'hui avec un égal bonheur dans les compositions de Fabrizio Cassol, abandonnant leurs guitares respectives à l’incroyable énergie de sa pensée musicale. Que les amateurs qui jetteront un regard sur les titres inscrits sur la pochette ne se fassent aucune illusion : ils font certes référence à des guitaristes modernes et célèbres, à des princes de l’instrument comme Paco de Lucia, John Scofield, Jaco Pastorius ou Jimi Hendrix mais il ne s'agit là que d'un hommage spirituel car la musique, elle, reste l’incarnation du seul et unique Aka Moon, avec ses rythmes complexes et tranchants, son dynamisme, ses ouvertures orientales, sa mise en place rigoureuse, son souffle et son urgence, sa densité de sens et d'identité, et enfin cette distance naïve par rapport à toutes les modes et tendances. C’est ainsi que l’on bâtit une œuvre qui subsiste dans la mémoire collective : en restituant une vision de plus en plus précise et en s’appropriant avec un profond respect et une ferveur innocente toute l’énergie et la substance créatrice de ceux qui vous approchent. Avec un piano, des guitares, un grand orchestre ou tous les peuples du monde en face de lui, Aka Moon ne cède rien sur son désir.
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