Anfass est un projet belgo-tunisien, une tentative réelle et délibérée de fusion entre deux cultures comme seul actuellement le (world) jazz peut en offrir. Deux Belges, deux Tunisiens. D'un côté, les instruments traditionnels de la musique orientale : l'oud (luth arabe à manche court), la darbouka (tambour en terre cuite) et le ney (flûte en roseau) ; de l'autre, une guitare classique, un saxophone soprano et une flûte. Et la magie opère ! Au fil des plages, c'est un vent frais qui fait l'aller-retour perpétuel entre les deux rives de la Méditerranée, de l'éclat des ors immuables de la vieille Europe à la blancheur lumineuse et bleutée d'un village face à la mer, de l'harmonie européenne à la mélodie et au rythme arabes. Certes, les dix thèmes de ce disque ont en commun ce savant brassage, opéré par des alchimistes talentueux, de deux visions différentes de la musique mais chacun d'entre eux n'en exhale pas moins un parfum particulier : si Lettres tunisiennes ou Mabrouk empruntent davantage aux gracieuses mélodies orientales, Message d'amour et de lumière est une ballade de forme classique au lyrisme intense, pleine d'intimité et invitant au voyage intérieur. Quant à Canto Largo, il relève plus du jazz avec de belles improvisations sur les guitares et au saxophone soprano. Ce disque, porté par un besoin naturel d'échange et de compréhension mutuelle, est un voyage spirituel. Il doit être écouté et respecté. Après l'avoir aimé, vous le rangerez à la place qui lui revient, entre le Thimar d'Anouar Brahem et le Al Jadida de Rabih Abouh-Khalil, comme un autre témoignage de la diversité des hommes et de leur profonde humanité.
|