Constitué en 2008, ce quintet a remporté le concours du Trempin Jazz d’Avignon où il a d’ailleurs rejoué l’année suivante (il existe sur You Tube quelques bonnes vidéos en haute définition montrant le groupe en concert sur la scène d’Avignon en août 2010). Très originale, la musique de Christian Mendoza, pianiste et compositeur d'origine péruvienne, apparaît d’abord entièrement libérée de tout dogmatisme : on y entend du jazz improvisé bien sûr mais aussi quelques effluves de folklores indéterminés, ou encore de la musique contemporaine aux effets évocateurs, le leader n’hésitant d’ailleurs pas à plonger ses mains dans le ventre de son piano pour en tirer des sonorités aussi étranges qu’inusitées. On ne peut pourtant pas parler de free jazz ici car, si la musique intègre parfois des aspects libertaires, elle est aussi à d’autres moments très structurée, offrant ainsi dans sa globalité un équilibre dynamique qui en rend l’écoute aisée. Le jeune leader s’affirme comme un pianiste imaginatif dont le style rappelle à certains moments, sinon dans la forme tout au moins dans l’esprit, l’approche atonale et percussive d’un Cecil Taylor (Canon 3 Geel). Mais, au contraire du célèbre pianiste avant-gardiste américain, Mendoza planifie dans ses longues compositions complexes des passages harmonieux, voire contemplatifs (September Snow) ou même hypnotiques (Emty), et se met parfois en retrait, offrant ainsi de larges espaces à ses complices qui en profitent pour s’exprimer pleinement (Passe-Temps). Le tandem Ben Sluijs / Joachim Badenhorst fait merveille dans ce contexte de musique ouverte tandis que l'interaction du saxophone alto ou de la flûte avec la clarinette compose des textures aussi nouvelles qu’agréables. Le choix et la réunion de ces deux solistes relève d’une grande idée tant leurs styles personnels se marient avec aisance en faisant preuve d’une entente parfaite. Quant à la rythmique composée du batteur Teun Verbruggen (Jef Neve Trio) et du contrebassiste Brice Soniano, elle est surprenante dans sa diversité et sa conception moderne d’un soutien rythmique à une musique aussi riche et variée. Si Verbruggen affiche un jeu foisonnant à l'occasion ensemencé d'effets électroniques, le Français Soniano reste par contre plus discret même si une écoute attentive révèle une technique exemplaire acquise au cours d'expériences artistiques diverses avec des musiciens d’horizons différents (Jean-Paul Celea, Eddie Gomez et Jean Paul Everts notamment). Avec son approche plurielle d’une fraîcheur inouïe, Arbr’-En-Ciel est un album ambitieux et réussi à ne pas rater : heureusement, sa magnifique pochette bariolée vous le fera immédiatement remarquer dans les nouveautés exposées au rayon jazz. Emportez-le tout de suite dès que vous l’aurez repéré car il offre plus d’une heure de bonheur garanti.
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