Nicolas Kummert, saxophoniste remarqué au sein du groupe Alchimie, s’associe pour ce nouveau projet intitulé tout simplement « quatre » à Marco Locurcio, jeune guitariste prodige qui fut l’élève de Peter Hertmans avec qui il enregistra jadis un cédé passionnant et malheureusement peu connu : Buddies (1997). Locurcio, qui ne dédaigne pas à d’autres occasions faire appel à l’énergie du rock, se montre ici très réservé et s’exprime dans un style fluide, plein de retenue et tout en nuances qui peut parfois évoquer Philip Catherine et parfois Pat Metheny. Son phrasé est clair, limpide et, à l’instar d’un impressionniste, il injecte de subtiles petites touches de couleur à ses propres compositions ou à celles des autres membres du groupe. Son accompagnement à la guitare acoustique sur Matongé est aussi plein de finesse dans sa manière d’enrober la mélodie et de jouer avec. Kummert confirme tout le bien qu’on pense de lui avec un son au ténor impressionnant et une inspiration au soprano qui doit forcément quelque chose à Coltrane. Il arrive à investir l’espace avec une grande sensibilité aussi bien dans l’exposé des thèmes que dans les parties improvisées. Quant à la rythmique, composée de Jaques Pili à la basse et de Lieven Venken à la batterie, elle offre un soutien sans faille aux solistes et lie la sauce avec une présence remarquable. Mais la cerise sur le gâteau, c’est le cinquième homme invité par le quartette : Bert Joris transcende littéralement la musique du groupe et sa trompette en contrepoint du saxophone fait des merveilles, rappelant immanquablement par sa douceur, son lyrisme et sa manière de se poser sur le temps, soit Chet Baker soit Miles Davis. L’ambiance du disque est plutôt cool, pensive, parfois planante, avec de superbes mélodies qui incitent à la rêverie ou à la promenade. Publié sur le label Mogno de Henri Greindl sous la forme d’un digipack au concept simple mais réussi, Quatre est un disque emballant qui ravira tous les amateurs d’un jazz de chambre moderne, sensible et caressant. Un projet réussi et une formation à voir en concert et qu’on ne manquera pas de suivre dans sa trajectoire discographique que l’on espère longue et fructueuse.
|