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Sauf erreur, ce cédé est le treizième du pianiste belge Ivan Paduart et, si l’on excepte les productions en concert, le deuxième seulement enregistré en trio. Mais contrairement à Clair Obscur dédié entièrement à la musique de Fred Hersch, Paduart signe pour la première fois avec Blue Landscapes un disque studio en trio consacré à ses propres compositions. Bien sûr, il y a aussi quelques reprises : Sweet Georgia Fame de Blossom Dearie qui n’a pas souvent été joué sinon par Tete Montoliu et que Phil Abraham avait aussi interprété récemment sur son album Surprises ; Falling Grace de Steve Swallow qu’on pourra comparer avec la version de Bill Evans sur Intuition (1974) ; et le thème habité de My Song qui fit le succès du quartet de Keith Jarrett avec Jan Garbarek en 1977. Le reste est dû à la plume de Paduart et on est surpris tout de suite par la force intrinsèque de ces nouvelles mélodies et de la vie qui palpite en elles. Il semble qu’elles aient été inspirées au pianiste par un épisode personnel suffisamment difficile à vivre pour affecter son art. Toujours est-il que chacun de ces titres dégage une puissante nostalgie et dévoile une profondeur qui va au-delà de la forme et de la beauté envoûtante de ses précédentes productions. Tout est ici joué à une échelle intimiste et on a l’impression que chaque thème est interprété comme si Paduart voulait raconter dans le moindre détail une histoire, la sienne probablement. Igor par exemple, dédié à son fils, est un véritable enchantement : légèreté, mélancolie, fluidité du toucher et touches caressées, et une épaisseur en plus qui en fait quelque chose de spécial et d’inédit. Il est ici magnifiquement accompagné par le contrebassiste Philippe Aerts et le batteur Dré Pallemaerts qui, au lieu de se mettre en retrait de la musique, participent au jeu avec souplesse et un profond respect des émotions du leader. Ce nouvel album embué de tendresse s’écoute sans fin à l’ombre ou dans la lumière tamisée avec le cœur et l’âme en éveil. Et l’on se dit qu’Ivan Paduart, en donnant à imaginer des mondes oniriques d’une telle puissance évocatrice, est bien l’un des rares véritables poètes de la touche d’ivoire. Sublime !
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A écouter en priorité :
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MINI INTERVIEW
Pourquoi Blue Landsapes est-il produit sur un label japonais ? Est-il distribué au Japon et dans d'autres pays ?
Ivan Paduart : Ce disque m'a été commandé par des Japonais en juillet dernier; tout s’est fait très vite; ils m'ont demandé si j'avais un projet en trio dans mes tiroirs; j'ai dit oui, et ils m'ont proposé un deal! À priori, le disque n'était distribué qu'en Asie mais A.M.G. s'occupe également de le couvrir au BENELUX. Tes compositions sur ce disque sont-elles globalement inspirées par des émotions et/ou par des évènements personnels ou sont-elles plutôt le produit de recherches purement musicales ? Je traversais une période sentimentale particulièrement dure et je pense qu'il en ressort une certaine profondeur. Qu'est-ce qui t'a conduit à reprendre le fameux thème de Keith Jarrett : My Song ? C'est une idée des producteurs japonais; au départ, je n'étais pas trop chaud pour ce thème car Keith Jarrett l'a si bien joué qu'il était difficile de faire mieux mais comme ils produisaient le disque, je me devais un minimum de concessions. Quel regard portes-tu aujourd'hui sur l'ensemble de ta discographie ? Le fait d'enregistrer un disque par an depuis 1990 m'a beaucoup appris; d'année en année, j'ose espérer me rapprocher de la quintessence, négligeant peu à peu les effets faciles, laissant vivre la musique de façon plus naturelle en réduisant l'aspect "prémédité". Quel disque conseillerais-tu en premier à une personne qui ne te connaît pas encore ? Et pourquoi ? C'est difficile à dire; je dirais peut-être que mes disques les plus aboutis sont, chronologiquement, "BELGIAN SUITES", "STILL" et "BLUE LANDSCAPES". D'abord, parce qu'ils sont les plus homogènes; chaque morceau est indissociable des autres, contrairement à d'autres de mes disques, plus disparates... Après 13 disques, comment vois-tu l'évolution de ta musique ? L'année passée, j'ai enregistré un disque en solo dont je suis fier (30 minutes de compositions et 30 minutes d'improvisations libres). Par ailleurs, j'ai enregistré avec Richard Galliano et l'ensemble de musique nouvelle pour IGLOO ; ce disque sort en septembre. Qu'écoutes-tu le plus en ce moment ? Quels sont tes disques de chevet ? J'écoute beaucoup Ravel, Fauré, Arvö Part, Brad Meldhau, Michael Brecker et Bill Evans; je n'ai pas UN disque de chevet, je trouve ça réducteur ! Quels sont tes futurs projets discographiques (en leader et avec d'autres musiciens) ? En août, j'enregistre en duo avec Quentin Dujardin avec qui nous explorons d'excitants univers. J'aime toujours le trio et prépare un disque pour 2005 ; probablement sur le même label japonais. [Co PDL - 8 mai 2004] |
Discographie d'Ivan Paduart |
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