Enregistré au Studio Jet à Bruxelles, 30 janvier 2010 - 1er octobre 2010 |
La délirante pochette en dit déjà long sur l’état d’esprit de cet ensemble réunissant des jazzmen belges et français pour une prestation débordante d’énergie qui emprunte à toutes sortes de styles brassés avec humour. Mais si l’autodérision est une part assumée de leur projet, la musique n’en est pas moins traitée avec beaucoup de sérieux. Les deux compositeurs, le tubiste et tromboniste Michel Massot (Trio Bravo / Trio Grande) et son compère flûtiste Pierre Bernard (Parfum Latin, Octurn), ont tous deux fréquenté la scène avant-gardiste de Garrett List qui leur a vraisemblablement inoculé ses goûts éclectiques et non-conformistes. A l'instar des deux disques précédents (Racines du Ciel, 2001 et Lobster Caravan, 2004), les rythmes sont toujours prépondérants à tel point que trois musiciens sur sept sont des batteurs / percussionnistes : Michel Debrulle, Etienne Plumer et Stephan Pougin tissent avec beaucoup de nuances un tapis percussif foisonnant qui n’est jamais ni lourd ni bruyant (écoutez-les entrelacer subtilement leur art sur le jouissif Idylam'bo). Mais plus encore qu’auparavant, ce qui fait tout l’intérêt de ce nouvel album est la qualité des mélodies qui finissent invariablement par donner naissance à des transes collectives d’où s’échappent des solos fugaces et bien trempés. On insistera particulièrement sur la très bonne prestation du guitariste français Benoist Eil dont la réverbération évoque parfois les bandes de film d’Ennio Morricone (Mon Eléphant) et qui prend un excitant solo électrique dans Loxodonde. Quant à Dromadaire, on change d’animal pour la traversée d’un étrange désert peuplé de créatures énigmatiques dont les cris résonnent dans l'imaginaire. On jugera encore de l’ouverture d’esprit de cet orchestre en écoutant l’extraordinaire relecture électrique d’un madrigal italien (O cieco mondo, di lusinghe pieno) composé au quatorzième siècle par Jacopo da Bologna. Tout en conservant la complexité de la composition et son ambiance médiévale, notre éléphant propulse cette antique pièce de musique dans la modernité en lui insufflant une nouvelle vitalité propre à faire danser les droides de Tatooine. Et on est à peine surpris quand le répertoire se referme sur le nostalgique Tradewinds, un titre quasi minimaliste - s’il n’était enluminé par trois magnifiques solos successifs de flûte, de trombone et de trompette - extrait de l’ album Lush Life du pianiste américain Dave Burrell, un compositeur avant-gardiste connu pour ses collisions de styles et ses expériences musicales à 360°C. Pourquoi pas un scampi? est un album certes sophistiqué mais aussi fantaisiste qui baigne l’auditeur dans une atmosphère surréaliste et envoûtante dont il est bien difficile de s’extraire.
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Discographie de Rêve d'Elephant Orchestra
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