Cécile Broché est une violoniste, avec une formation à la fois classique et jazz, qui compose aussi bien pour le théâtre que pour la danse. Originaire de Saint-Denis de la Réunion, Etienne Bouyer est un saxophoniste doté d’un bagage musical impressionnant acquis auprès de multiples artistes. Tout deux sont encore peu connus mais talentueux, bourrés d’idées, ouverts à différentes formes d’art et prêts pour des expériences musicales inédites. Les voici rassemblés pour le meilleur dans un duo rare entre sax et violon. Le projet ? Une dérive au gré d’une excursion imaginaire à travers des villes et des pays qui n’existent pas. Du mélancolique prélude qui ouvre le répertoire à la reprise customisée du In A Sentimental Mood de Duke Ellington, on a le temps d’explorer un monde indéfini et riche en surprises. Ici, le folklore nostalgique d’une Molvanie fictive ; là, le mystère d’un parfum oriental et plus loin, la traversée chaotique d’une mégapole à l’heure de pointe. Le saxophone raconte une histoire tandis que le violon abandonne les ritournelles légères pour lesquelles on l’a conçu et s’aventure dans des sons trafiqués par des pédales d’effets, créant un environnement contemporain dans lequel on n’a pas souvent l’occasion de l’y voir traîner. Mélodies croisées et superbes unissons témoignent d’une proximité artistique sans équivalent. Sur quelques plages, voici soudain qu’apparaissent les percussions inattendues de Chris Joris et les couleurs jaunissent d’un coup pour ressembler à celles de l’Afrique. Dissonances et rythmes font bon ménage : on est au cœur d’une nature sauvage pour un inquiétant safari. Des voix se superposent aux instruments et on a l’impression qu’Edouard aux Mains d’Argent est passé par là avec ses ciseaux pour façonner les contours de la musique au gré de son humeur inconstante. Et il y a même une composition époustouflante qu’on croirait interprétée par un trio de jazz bop dans une cave enfumée des sixties. Cette œuvre indéniablement poétique recrée le temps et l’espace dans une vision onirique de parcours aléatoires, de déplacements instantanés, de pas de côtés en divagations impromptues. Le dire ainsi fait craindre une anarchie sophistiquée qui serait réservée aux amoureux de projets bizarres mais il n’en est rien. Le disque s’écoute d’un seul tenant et aurait bien convenu à l’illustration sonore d’un film comme Into The Wild. Car Pureté, liberté, fraîcheur et spontanéité sont en définitive les mots qui reviennent en boucle pour rendre compte de cet insolite voyage.
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