Interview de Thomas Champagne
DragonJazz: Bienvenue Thomas. Quel est ton parcours musical et pourquoi le jazz ?
Thomas: Bonjour ! Mon parcours musical a commencé vers l'âge de 8 ans, à l'académie d'Evere. Vers mes 15 ans, j'ai suivi mes premiers cours de jazz (à Evere avec Nathalie Loriers et Fabien Degryse et à Eghezée) puis quelques stages à Libramont (avec Bart Defoort et Pierre Vaiana), une année chez Garrett List à Liège, quelques cours particuliers (Bo Van De Werf, Laurent Blondiau...) et ensuite, place au Koninklijk Conservatorium avec Jeroen Van Herzeele. J'ai terminé mon parcours chez les francophones avec Steve Houben. Rajoutez à cela quelques masterclass ou cours privés (Ralph Alessi, Ellery Eskelin...) et vous avez une bonne image de mon parcours 'scolaire'.
J'ai commencé ma carrière en Trio. Le Thomas Champagne Trio a duré 12 ans! J'ai sorti mon premier album (Charon's Boat) en 2008 pour le label Igloo. Avec le Trio, nous avons aussi accompagné la pièce de théâtre de Nicolas Bedos, 'Promenade de santé' avec Tania Garbarsky et Charlie Dupont. J'ai ensuite multiplié les expériences avec pas mal de groupes : le quintet hardbop The Sidewinders (album A Little Busy pour Igloo Records en novembre 2012), le septet devenu octet de pop/rock brésilien UTZ (projet du chanteur et guitariste Renato Baccarat - 2 albums) et un duo avec le pianiste Christian Claessens.
J'ai aussi partagé la scène avec Gino Lattuca, Michel Mainil, Paolo Loveri, Jean-Louis Rassinfosse ou Bruno Castellucci dans le sextet Kind Of Blue Tribute et le Mainil / Champagne Quintet.
Depuis 2014, je participe aussi au magnifique projet Al Manara, quinze musiciens belgo-palestiniens au service de la musique de Ramzi Aburedwan, arrangée par Eloi Baudimont. Ça m'a permis de tourner en Tunisie, en Palestine, en Belgique, en France et en Espagne. Je tourne également beaucoup avec le projet de jazz pour enfants GribouJazz, un quartet de jazz autour d'illustrations animées.
J'aime passer du jazz moderne au jazz classique, avec quelques incursions en musique du monde (Création pour l'ouverture du Festival de musiques sacrées de Fès au Maroc en mai 2017). Le jazz a été une évidence depuis toujours ! C'est mon ADN... Ce qui m'attire le plus, c'est la communication humaine et musicale qui s'installe entre les musiciens, la liberté de raconter sa propre histoire à travers les compositions et les improvisations, la surprise à chaque concert !
DragonJazz: Quand, comment, et pour quelle raison Random House a-t-il été créé ?
Thomas: Random House a vu le jour en janvier 2014. Après 12 ans en Trio sans instrument harmonique, j'avais envie de remettre des accords dans le groupe et de trouver un terrain de jeu plus moderne, une musique plus ouverte, plus surprenante.
Après quelques mois d'existence, nous avons eu la chance de partir une semaine en résidence à Avignon ! On bossait toute la journée et on jouait tous les soirs ! Quand tu vis et respires ensemble pendant une semaine, humainement et musicalement, ça passe ou ça casse ! Et c'était top !
DragonJazz: Qu'est-ce que ce groupe Random House a de particulier parmi tes différents projets ? Quelle était ton ambition au départ ?
Thomas: La couleur que Guillaume amène à la guitare donne une touche plus pop au projet, par rapport à mes autres groupes. Ne prenez pas pop dans le mauvais sens du terme ! Malheureusement, pour certains jazzmen, pop signifie souvent musique d'ascenseur ! Ici je veux parler d'une grande aptitude pour créer des mélodies qui chantent, des suites d'accords différentes du hardbop et une belle présence rythmique.
Derrière ce changement 'évident' par rapport à mon Trio, il y a aussi une magnifique paire rythmique. Ruben a un son chaud, une liberté et une solidité à rude épreuve. Il laisse beaucoup d'espace à la musique et pose notre jeu. Quant à Alain, j'adore sa faculté à toujours être en mouvement, à nous surprendre. C'est un batteur très organique.
DragonJazz: As-tu des modèles ou des références en matière musicale qui t'ont inspiré pour la musique de l'album Sweet Day ?
Thomas: J'ai été influencé depuis de nombreuses années par les maîtres que sont Lee Konitz, John Coltrane, Joe Henderson ou Wayne Shorter par exemple. Ces influences sont quelque part dans mon jeu. Mais au niveau du quartet, j'ai énormément écouté la scène newyorkaise actuelle. Ellery Eskelin et son Trio New York, le trompettiste Ralph Alessi et son quartet Baida, Ben Wendell, Chris Cheek, la paire Mark Turner / Kurt Rosenwinkel du début des années 2000, le Trio de Tony Malaby avec Nasheed Waits à la batterie.
DragonJazz: Comment définirais-tu la musique de Sweet Day ?
Thomas: Question très difficile. Définir ma musique a toujours été un exercice compliqué ! C'est clairement du jazz moderne mais qui est très mélodique, très harmonique aussi. Quelques titres sont basés sur des lignes de basse qui tourne pendant tout le morceau. Et l'album est au final assez posé. Il y a 2 ou 3 morceaux qui pourraient être assimilés à des ballades. En live, la musique et les structures bougent plus. J'aime cette différence entre un travail plus posé en studio et une énergie plus forte en concert.
DragonJazz: Quelle est la part de chacun dans les compositions et les arrangements de Sweet Day ?
Thomas: Sur le disque, j'ai gardé 4 de mes compositions et 5 sont de Guillaume. Sur tout le répertoire du groupe, c'est moitié moitié. Et aussi quelques propositions de Alain. Je fonctionne toujours comme ça dans mes projets. Ceux qui veulent amènent des choses et on garde ce qui marche le mieux ensemble. Je n'ai pas d'ego par rapport à mes propres morceaux. Les structures et les arrangements se font ensemble.
DragonJazz: La complicité mélodique et harmonique entre le saxophone et la guitare est particulièrement remarquable. Comment s'est concrétisée cette relation particulière ?
Thomas: Merci ! Guillaume a fait quelques concerts avec mon Trio pour nos 10 ans en 2011. Notre connexion a fonctionné naturellement tout de suite ! La relation avec Guillaume est basée sur une envie partagée de raconter une histoire ensemble et de réagir à ce que fait l'autre. Et, comme avec tout le quartet, on se fait découvrir des trucs, on se laisse de l'espace musicalement et surtout, on passe du bon temps ! Ça se sent dans la musique.
DragonJazz: Où, quand et par qui l'enregistrement a-t-il été effectué ? Aurais-tu une anecdote à propos des sessions d'enregistrement qui pourrait intéresser ou amuser nos lecteurs ?
Thomas: Enregistré par Géraldine Capart les 30 et 31 janvier et le 1er février 2017 au Jet Studios. Vincent De Bast était là depuis le début du processus et a mixé et masterisé le disque. Les morceaux se sont faits en 3 ou 4 prises maximum.
Je rajouterais aussi le super boulot de Joop Pareyn qui a fait 5 Teasers pour la sortie de l'album et nos photos de presse (qui sont aussi dans la pochette). On s'est bien marré à tourner dans une énorme usine en rénovation cachée derrière une porte cochère dérobée près du chemin de fer à Anderlecht !
DragonJazz: Peux-tu expliquer le choix de la pochette avec sa petite maisonnette ?
Thomas: C'est Simon Defosse qui nous a fait une superbe pochette. Il avait déjà fait plusieurs couvertures pour les groupes de Guillaume (LG Jazz Collectif et Harvest Group) et pour Urbex de Antoine Pierre par exemple. On lui a envoyé la musique et il nous a fait plusieurs propositions. Il est parti sur l'idée des maisons aléatoires du nom de notre groupe Random House et il a fouillé des vieilles diapos de son grand-père !
DragonJazz: Je me demande si les titres des morceaux font allusion à des évènements particuliers et si oui, quel rapport ces évènements ont-ils avec la musique. Par exemple, Tres Chicas, 3 Octobre, ou encore Mister Ploug pour ne prendre que ceux qui m'intriguent le plus ?
Thomas: Mes morceaux sont souvent liés à des évènements ou à des périodes de vie. Tres Chicas est un clin d'oeil pour Uxia, Laia et Maira, mes trois chicas à la maison. Les 2 autres titres sont de Guillaume donc il faudrait voir ça avec lui ! Je suis certain qu'il se fera un plaisir d'en parler autour d'une bonne bière après un concert! Je sais que Mister Ploug est une allusion au guitariste danois Mikkel Ploug.
DragonJazz: Quels sont tes projets pour le futur ?
Thomas: D'abord profiter un maximum avec Random House et essayer de se faire plus de place en Flandres et de jouer à l'étranger. Il y a aussi GribouJazz qui joue beaucoup. C'est fantastique de jouer pour les enfants dans les écoles et dans les salles ! Ca donne une énergie très positive !
Je sais que Random House durera un bout de temps et nous pensons déjà à un invité ou à un deuxième disque pour dans quelques années.
Et aussi continuer l'aventure de la rencontre, des nouveaux projets, des voyages et des surprises !
DragonJazz: Merci Thomas pour ton temps et ces réponses claires. A bientôt alors, à l'occasion d'un prochain concert.
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