Chronique

Depuis le disque Talisman, sorti en 2007 et encensé ailleurs dans ces pages, on peut dire que Fred Delplancq nous a manqué. Dès l'introduction de Strange Atmosphere jouée au saxophone en solo, on retrouve la puissance de feu et l'expressivité du musicien. Après cette minute dépouillée d'une stupéfiante beauté, l'émergence du groupe au complet magnifie le phrasé et la sonorité du souffleur, libérant la composition dans un post-bop inventif hanté par les esprits des grands improvisateurs contemporains comme Wayne Shorter, Brandford Marsalis et consorts. Heureusement, Fred Delplancq a conservé autour de lui la même équipe que pour Talisman. C'est toujours le flamboyant Vincent Bruyninckx qui officie au piano. Son jeu, tout en souplesse et marqué par une belle verve mélodique, illumine des titres lyriques comme I Wish I Had Known You ou le splendide Down Under qui clôture le répertoire dans une ambiance des plus nostalgiques. Ailleurs, comme sur Fritland, c'est la brillance de son jeu qui est mise en exergue, le pianiste versant alors dans l'abondance, délivrant des vagues de notes qui brillent comme des étoiles. A la contrebasse, Sam Gerstmans est comme d'habitude parfait et l'on appréciera tout particulièrement son long solo nuancé et sa sonorité travaillée sur le contemplatif Horizons avant que le leader n'y incruste une partie méditative de saxophone qui en dit long sur sa sensibilité. Quant au batteur Toon Van Dionant, en mettant sa technique impeccable au service des compositions, marquant le swing, facilitant les dérives libertaires, assurant les relances ou se fondant avec délicatesse dans la poésie quand elle pointe son nez, il démontre quel grand batteur il est.

Personnellement, j'apprécie énormément les morceaux les plus aventureux comme Filipus quand le saxophone, plein de ferveur, flirte avec la dissonance ou l'extraordinaire Desolation avec sa mystérieuse introduction et son ambiance sombre et mélodramatique encore amplifiée par le jeu à l'archet du contrebassiste. Toutes les compositions sont de Fred Delplancq qui s'avère ici d'un éclectisme redoutable. Même si globalement, sa musique s'inscrit dans la ligne d'un post-bop contemporain, son style est multiple, relativement libre de références, parfois paisible et parfois tourmenté. Horizons confirme le talent de quatre musiciens exceptionnels, soudés par l'expérience en un ensemble interactif et engagé, plein de fraîcheur et de spontanéité.