01. Opening (3:48) 02. Agree, Hypocrite or Leave (3:38) 03. Yala Qawmi (5:20) 04. Inel Blues (8:27) 05. Nawres (2:24) 06. Road to... (6:39) 07. Akahaw (1:04) 08. Hymn to Stambeli (7:44) 09. Hroub (2:06) 10. Choral Stambeli (3:21) 11. Essia (4:08) |
Date de sortie : 1er décembre 2023 Personnel: Wajdi Riahi (piano), Basile Rahola (bass), Pierre Hurty (drums) Enregistré les 19 & 20 juin 2023 au Studio La Buissone, Pernes-les-Fontaines, France Photos de Valentine Jamis. |
Chronique
« Le premier titre de l'album intitulé Opening nous transporte dans le parcours quotidien que Wajdi Riahi a pris dès l'âge de six ans pour rejoindre le conservatoire, niché au cœur de la vieille ville de Tunis : la Médina » nous apprend la présentation de l'album sur le site du label Fresh Sound. Son esprit, poursuit l'auteur de ces lignes, débordait d'ambition et d'un amour indéfectible pour la musique et le piano, toujours guidé par la présence bienveillante de sa mère, Essia. Essia, le titre éponyme qui clôture de belle manière un album qui, au fil des morceaux, s'affirme comme une invitation à partager l'amour de la musique, du pays, de la famille que Wajdi revendique sans ambages. Essia, c'est avant tout une œuvre où s'exprime la personnalité d'un musicien talentueux, pas seulement par sa virtuosité, mais surtout par sa capacité à tisser des paysages d'une richesse et d'une beauté qui ne peuvent susciter qu'émotion, enchantement et dépaysement. Sur les onze titres de l'album, tous composés par le jeune pianiste à l'exception du titre Yala Quawmi que chante Wajdi Riahi avec beaucoup de profondeur et de délicatesse, la Tunisie, pays que le musicien a quitté pour s'installer à Bruxelles, n'est jamais loin. Elle est même formellement présente sur trois titres qui font référence au Stambeli, un rythme rituel qui fait en quelque sorte le pont en l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne. Le trio constitué du leader, de Pierre Hurty à la batterie et du contrebassiste Basile Rahola, se propulse alors dans une autre dimension : l'osmose est totale et on se plait à se laisser transporter par une musique où rythme et poésie se conjuguent parfaitement. Wajdi Riahi nous gratifie de quelques perles déposées avec délicatesse dans notre oreille attentive pour y déceler toutes les subtilités : Nawres, qui renvoie au prénom de sa soeur, mélodie tout en douceur ; Hroub, où piano et Fender Rhodes se superposent subtilement ; et Essia, un hommage émouvant à sa maman. A un peu plus de 28 ans, Wajdi Riahi, fait preuve d'une maturité étonnante s'appuyant sur un langage, tantôt empreint de lyrisme et de rêverie, tantôt s'ancrant dans une démarche où tradition, intériorité et audace se conjuguent parfaitement. Il nous produit une musique où tout est savamment construit avec de larges espaces où le trio s'aventure sans fioriture, laissant libre cours à son inspiration, construisant ainsi une œuvre qui nous fait tellement de bien et nous procure un moment, suspendu dans le temps, comme pour faire barrage à la violence et à la haine qui se déversent sur le monde. Il y a près de vingt ans, grâce au label espagnol Fresh Sound New Talent, je découvrais un jeune talent : le pianiste américain Robert Glasper. On sait aujourd'hui ce qu'il est advenu de la carrière de ce musicien. Sans prédire, le même destin à Wajdi Riahi, il ne fait aucun doute que le jeune pianiste tunisien est promis à un bel avenir et Essia fait plus que le confirmer ! [ Chronique par Albert Drion ] |
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Sur Internet
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Rencontre avec Wajdi Riahi
Nous nous sommes fixés rendez-vous Place Jourdan à Bruxelles. D'emblée, le jeune pianiste tunisien m'invite à prendre un café dans un petit bistrot où il semble avoir ses habitudes. La conversation s'engage aisément et très vite, nous nous surprenons à échanger comme de vielles connaissances. Du moins, c'est ce que je ressens de mon côté. Wajdi répond avec spontanéité à mes questions. D'emblée, je lui signifie que je suis face à un des pianistes le plus en vue et le plus demandé de la scène jazz belge voire européenne. En effet, hormis Essia sorti le 1er décembre, Wajdi est présent sur pas moins de trois albums sortis successivement en novembre 2023, à savoir l'album, Petrichor du trompettiste grec Andreas Polyzogopoulos et le mois suivant, les albums New Lands du batteur italien Armando Luongo et Ruby du guitariste belgo-italien Lorenzo Di Maio, des albums aux inspiration variées où le lyrisme du pianiste s'exprime sans retenue. A la date à laquelle a lieu cet entretien, Wajdi vient de rentrer de Grèce où il a séjourné pour une série de concerts organisés dans le cadre de la sortie de l'album Petrichor. La Méditerranée est bien présente dans notre conversation ! France, Italie, Grèce, Tunisie... Notre conversation dérive naturellement vers la Tunisie et la passion précoce du jeune musicien pour le piano. Il s'oriente d'abord vers la musique classique et orientale. Sa curiosité le mène à explorer l'univers du jazz. Au début, il travaille à l'oreille en s'inspirant de vidéos qu'il visionne sur You Tube. Et puis, il y a la rencontre en Tunisie avec Basile Rahola. Le bassiste français accompagne une chanteuse syrienne. Une amitié est née... Elle est loin de s'arrêter là. En 2018, Wajdi a l'opportunité de participer à un stage à Libramont. Ensuite, il y a les cours au conservatoire royal de Bruxelles. Nous abordons la question délicate de ses influences. Je l'interpelle sur ce qui s'écrit à propos d'une proximité de son jeu avec celui de Brad Mehldau. Comparaison flatteuse s'il en est ! Cependant, je lui avoue que je ne partage pas tout à fait cette affirmation. Pas tant que je remets en cause son talent. Mais je perçois chez lui un langage, une sonorité qui lui sont propres. Une telle comparaison n'est donc pas, à mon avis, pertinente. Il me fait comprendre que si cela revient souvent dans les articles qu'on lui consacre, c'est qu'il fait régulièrement référence au pianiste américain auquel il voue une grande admiration à tel point qu'il s'est plongé dans sa biographie. Certes, pour lui Brad Mehldau est une référence qu'il partage avec Éric Legnini, son professeur au Conservatoire. Je reviens sur mon affirmation : – Qu'est-ce qui t'inspire ? Comment as-tu pu développer, je veux dire précocement, un langage qui t'est spécifique ? Après que secondes d'hésitation, il me répond : – Je pense que j'ai été baigné à la fois dans la musique traditionnelle orientale et plus précisément tunisienne. En l'occurrence, je suis imprégné du Stambeli, un rythme qui est bien présent dans l'album. Mais j'ai également beaucoup étudié la musique classique. Et puis ce que j'aime dans le jazz, c'est la liberté et l'espace qu'il offre pour exprimer ses propres émotions. C'est la conjugaison de tous ces éléments qui nourrissent ma façon d'aborder la musique. A une époque, m'apprend-il, l'improvisation qui est l'apanage du jazz, existait également dans l'interprétation de la musique classique. Dans les œuvres les plus exécutées, il y avait des parties non écrites. L'interprète pouvait s'y exprimer en toute liberté. On parle de Cadenza. – M'exprimer, partager mes émotions, au travers de la musique est fondamental pour moi, me dit-il. La conversation se poursuit et sans transition, Wajdi s'exprime sur les musiciens qu'il fréquente régulièrement à Bruxelles ou ailleurs. Il ne peut évidemment pas passer sous silence Pierre Hurty et Basie Rahola qui sont les membres fidèles de son trio. Il s‘agit plus d'une amitié et d'une complicité musicale que d'une collaboration. Il a également une grande admiration pour les membres du groupe Aka Moon. Il a fait partie des musiciens invités sur la scène du Théâtre national pour fêter le trentième anniversaire du groupe. Mais bien avant cela, il a eu la chance de participer à des stages dirigés par Fabrizio Cassol. Il rencontre fréquemment Michel Hatzigeorgieou : le véritable détenteur du répertoire d'Aka Moon, me confie-t-il. Enfin, il travaille depuis trois ans sur le prochain projet de Stephane Galland. C'est ainsi qu'il est devenu proche de Sylvain Debaisieux qui lui a fait découvrir un percussionniste particulièrement talentueux venu tout droit du Bénin : Angelo Moustapha. L'occasion pour Wajdi d'évoquer le trio Macondo. Il serait prétentieux et fastidieux de retranscrire le contenu de notre échange et tous les noms des musiciens qui ont été évoqués au cours de notre conversation. Le temps est passé bien trop vite. Il nous faut déjà nous séparer. – Tiens, me dit-il, Laurent Blondiau m'a appelé ce matin. Il souhaite me rencontrer. Une nouvelle collaboration en perspective ? Je disais bien : Wajdi, un des pianistes le plus demandés de la scène jazz belge actuelle ! Albert Drion |
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