Chronique

Le communiqué de presse, les notes de pochettes ainsi que les échos de ceux qui ont déjà écouté ce disque témoignent d'une rencontre entre un combo de jazz et un quatuor à cordes, de belles mélodies et d'arrangements sophistiqués. Pensant ainsi savoir à peu près ce qui m'attendait, j'ai abordé ce disque comme on va voir un film dont on connait le scénario. Mais surprise ! The Right Choices ?, qui ouvre cet album extrêmement diversifié, m'a stupéfié : rarement (si l'on excepte quand même UDiverse de Fabrice Alleman auquel Michel Herr collaborait aussi comme arrangeur) une telle synthèse entre jazz moderne et cordes ne m'a semblé aussi profonde et naturelle, à tel point que plutôt que de spécifier "sextet plus quatuor", il serait bien plus judicieux de parler de "tentet". La présence de la guitare électrique de Peter Hertmans confère en outre à ce premier morceau un petit côté fusionnel au carrefour de divers genres. Sinon, le trompettiste Bert Joris et le saxophoniste ténor Paul Heller constituent un extraordinaire tandem dont les échanges aussi fluides que relevants laissent pantois. Quant au fameux quatuor à cordes, il est vraiment intégré dans la masse sonore, soulignant les harmonies et accentuant encore l'élégance musicale. On retrouve cette ambiance un peu groovy sur Modules qui offre à nouveau un de ces splendides solo de guitare dont Peter Hertmans a le secret.

L'éclectisme qui est une grande qualité de cet album résulte sans doute du fait qu'il s'agit d'une collection de pièces composées à diverses époques pour des contextes différents (deux thèmes ont par exemple été écrits pour des téléfilms). On a ainsi l'occasion d'entendre la chanteuse Tutu Puoane sur I Think Of You, splendide chanson avec des paroles de Judy Niemack qui, en d'autres temps, serait probablement devenue un hit de radio et peut-être même un standard. Chemistry And Mystery, comme son nom le suggère, évoque les mystères qui entouraient jadis les expériences des grands alchimistes, étant entendu que le mage au fourneau est Mr. Herr qui nous gratifie ici d'un amalgame aussi riche qu'inédit entre cordes et cuivres. Quant à String Positive, il permet d'écouter la pianiste Nathalie Loriers dont le toucher toujours délicat donne un surcroît de cœur à la musique. Non, Michel Herr, pourtant pianiste émérite, ne joue pas sur ce disque dont il est le leader : il a en effet préféré se concentrer uniquement sur la composition et l'orchestration tout en confiant à d'autres l'interprétation de sa musique qu'en grand architecte sonore, il supervise dans la pénomombre du studio. L'album se referme sur Second Look qui met en exergue l'excellent travail du contrebassiste Sam Gerstmans très présent sur ce titre.

Ces neuf plages sont le fruit d'un travail intense aussi bien de la part de celui qui les a conçues que de ceux qui ont tout donné pour les interpréter de manière aussi respectueuse que vivante. "J'espère que cette facette de mon travail vous parlera" écrit Michel Herr dans le texte accompagnant le compact. Au fil des écoutes, sa musique fait bien plus que ça : elle nous enchante !

[ Chronique par P. Dulieu ]