Chronique

Originaire de la Nouvelle Orléans, le guitariste Greg Lamy est très présent sur la scène belge depuis 2001. Il a notamment enregistré deux albums en quartet pour le label Igloo, Meeting (2013) et Press Enter (2017), aujourd'hui suivis par Observe The Silence toujours avec les mêmes musiciens à l'exception du saxophoniste Johannes Mueller. Ce resserrement en trio permet désormais à Greg Lamy de proposer des collaborations à différents artistes comme Lionel Loueke ou Flavio Boltro. Pour ce disque, c'est le claviériste franco-serbe Bojan Zulfikarpasic, plus connu sous le nom de Bojan Z, qui apporte sa contribution à trois pistes sur les huit que comprend le répertoire.

Le premier titre, And I Told You, laisse entendre une musique paisible aux contours flous, habitée par une guitare à la sonorité fluide et un peu vaporeuse. Une impression de plénitude sereine se dégage de cette promenade tranquille au bord du rêve tandis que le leader, dans une approche "less is more", fait vibrer l'air de ses lignes mélodiques remarquablement construites. En dépit d'une rythmique plus appuyée, My Dearest (For Camille, Part. I) continue dans le même esprit avec une guitare envoûtante qui fraie son chemin dans une atmosphère céleste et cotonneuse. Le flux installé entre la section rythmique et le soliste est naturel et, tandis que la guitare électrique se mêle aux rondeurs de la contrebasse de Gautier Laurent, la batterie impose la cadence de cette balade poétique aux couleurs un rien métissées.

L'apport subtil de Bojan Z au Fender Rhodes est remarquable sur Morphine : les sons de claviers et de guitares s'y mêlent jusqu'à devenir quasiment indissociables, créant un tourbillon protéiforme de sonorités dans une esthétique nouvelle dont on comprend qu'elle a pu séduire le guitariste Lionel Loueke qui en a fait l'éloge. Sur Mothers, Bojan Z a préféré le piano et délivre un solo lumineux et rempli de poésie, intercalé entre des parties de guitares mélancoliques et terriblement expressives. L'album se referme sur le court Observe The Silence dont le titre indique la marche à suivre pour apprécier cette composition dépouillée où le temps suspend son vol.

Cet album un rien mélancolique charme par sa lisibilité mélodique et sa dimension onirique. C'est en plus un projet cohérent dont l'objectif de "mener l'auditeur vers la contemplation" est entièrement atteint. Recommandé, et pas qu'aux guitaristes !

[ Chronique par Pierre Dulieu ]