Manneken Swing Film réalisé par Julien Bechara sur un scénario de David Deroy Belgique - Durée : 56' Sorti le 10 novembre 2015 |
Chronique
Véritable précurseur à l'instar de Fud Candrix et de Jean Omer, Constant "Stan" Brenders, né à Bruxelles le 31 mai 1904, se destinait à une carrière de pianiste classique quand il fut attiré par le jazz des frères Candrix. Il écoute alors les rares disques américains qu'il peut trouver et rejoint Chas Remue et ses New Stompers avec qui il enregistre en 1927. C'est le point de départ de ce film documentaire qui retrace le parcours de ce musicien exceptionnel et, à travers lui, revisite quelques pans d'histoire d'une Belgique qui connaîtra successivement L'Exposition universelle de Bruxelles en 1935, l'engouement pour le jazz américain, la création de l’Institut National de Radiodiffusion et de son grand orchestre, les affres de la guerre et de l'occupation, les destins bouleversés et les maladresses involontaires ou pas de certains et enfin, la libération qui n'ira pas sans règlements de compte, parfois sévères et arbitraires, envers ceux que l'on considérait comme des collaborateurs de l'Allemagne nazie. Hergé en a souffert un peu pour sa participation au Soir volé et Stan Brenders bien davantage pour avoir profité de l'occupation et fait danser l'ennemi. En pesant le pour et le contre, le film ne réhabilite certes pas sa mémoire mais fait quand même comprendre les limites et l'exagération de ce qu'on a pu lui reprocher (notamment par rapport à ce qu'ont vécu d'autres cas similaires) tout en laissant le public décider par lui-même. Cette histoire aurait pu faire un bon roman mais il aurait alors manqué les images d'archives, qui pour peu nombreuses qu'elles soient, sont d'autant plus intéressantes. Et puis, bien sûr, il y a la musique qui, pour les amateurs de jazz, est exceptionnelle. Et dans ce documentaire, la musique est partout, swinguant sur le devant de la scène ou imprégnant les images à l'arrière, en toile de fond. On y voit les rares documents filmés des big bands l'époque et on y entend les 78 tours originaux que Stan Brenders a laissé à la postérité. Pour combler certaines lacunes, il a aussi été fait appel au Tivoli Band, une formation actuelle qui joue en direct et en couleur quelques compositions oubliées. Le film se termine comme il a commencé, sur une note nostalgique, dans le piano-bar appelé Archiduc qui fut ouvert par Brenders après guerre et qui existe encore aujourd'hui à la rue Antoine Dansaert à Bruxelles. Le piano sur lequel il exprimait sa solitude est toujours là tandis que, dans un angle, est accroché un portait de lui au temps de sa gloire. Toutes les périodes difficiles de l'histoire ont engendré des drames, petits ou grands. La déchéance de Stan Brenders, musicien doué et idéaliste mais aussi suffisamment malavisé pour ne pas avoir estimé la portée de ses actes, en fait partie. Son histoire peu connue se devait d'être racontée un jour et ce film, concis mais bien documenté, l'a fait avec suffisamment de passion et d'intégrité. A voir ! |
Chas Remue and his New Stompers Orchestra L'un des meilleurs orchestres européens de jazz dans les années 20 avec Remue au sax alto et à la clarinette (au centre) et Stan Brenders (deuxième à gauche) au piano. Bien que n'ayant pas existé plus d'une année, ils furent les premier Belges à enregistrer une quinzaine de titres chez Edison-Bell à Londres les 27 et 28 juin 1927. En 1928, Remue laissera la direction de l'orchestre au batteur Harry Belien pour rejoindre une formation anglaise: les Savoy Orpheans. |
Fud Candrix & His Orchestra Né à Tongres en 1908, Fud Candrix fut l'un des meilleurs solistes belges de l'avant-guerre. En 1936, à l'âge de 28 ans, il parvint à monter son propre big band avec lequel il enregistrera son premier 78 tours à Bruxelles le 25 novembre 1937 pour la marque Telefunken (Love Is In The Air couplé avec Cotton Picker's Congregation, Tel A 2378). C'est le début d'une belle carrière de chef d'orchestre et d'arrangeur qui durera quelques vingt années. |
Jean Omer Orchestra Saxophoniste réputé, Jean Omer a déjà une belle carrière derrière lui quand, en 1938, il ouvre un night club à Bruxelles, appelé le Bœuf Sur Le Toit, qui deviendra un des hauts lieux du jazz en Belqique. Et c'est la même année, le 5 novembre, qu'il accompagna Coleman Hawkins (ts) au Palais des Beaux-Arts. Omer a enregistré quelques 80 faces de 78 tours avec divers orchestres pour différents labels mais, à part quelques morceaux isolés, ceux-ci n'ont pas encore connu de réédition anthologique en compact. |
Stan Brenders Orchestra Pianiste chevronné et compositeur prolifique, Stan Brenders (ici au piano) devra surtout sa réputation à l'Orchestre de Jazz de l'INR qu'il constitua en 1936 et qu'il dirigea pendant de nombreuses années. Avec des solistes de qualité à bord comme John Ouwerx, David Bee, Chad Demany ou Chas Remue, la formation deviendra rapidement l'une des plus renommées d'Europe, jouant pour des radios étrangères et enregistrant abondamment à partir de 1938. |
Photo de Stan Brenders à l'Archiduc Après la libération, Stan Brenders est accusé de collaboration pour son travail au sein de Radio-Bruxelles contrôlé par les Allemands : son orchestre est dissous et il est forcé de jouer seul ou en petite formation. En 1953, Brenders ouvre son propre piano-bar appelé L'Archiduc qui existe toujours aujourd'hui à la rue Antoine Dansaert à Bruxelles et où, dans un angle, trône son portrait photographique. |
L'art des années 30 Il faut également mentionner le chouette poster du film Manneken Swing, conçu dans un style entre Art Deco et Paquebot (Streamline Moderne) qui évoque des images de l'époque comme, ici, la couverture de Music (juin 1931) réalisée par l'illustrateur Peter de Greef. Créé en 1924 par Félix-Robert Faecq, Music fut le premier magazine au monde à ouvrir ses pages au jazz. |
Commentaires et avis sur ce site : livre d'or Contact pour promotion et chronique : @dragonjazz.com |