Jazz & Fusion : Sélection 2023




DragonJazz : Highlights in Jazz since 1996


Mes chroniques parues dans JazzMania


JAZZ Sélection 2023
JAZZ Sélection 2023


Jaimie Branch : Fly or Die Fly or Die Fly or Die (World War)Jaimie Branch : Fly or Die Fly or Die Fly or Die (World War) (International Anthem)), USA, 2023

1. Aurora Rising (01.58) – 2. Borealis Dancing (07.01) – 3. Burning Grey (09.10) – 4. The Mountain (04.56) – 5. Baba Louis (09.07) – 6. Bolinko Bass (04.32) – 7. And Buma Walks (01.59) – 8. Take Over The World (04.58) – 9. World War (Reprise) (03.06)

Jaimie Branch (trompette, voix, claviers, percussions) ; Lester St. Louis (violoncelle, voix, flute, marimba, claviers) ; Jason Ajeman (contrebasse, basse électrique, voix, marimba) ; Chad Taylor (batterie, mbira, timpani, bells, marimba) ; Nick Broste (trombone: 5, 6) ; Rob Frye (flute: 5, clarinette basse: 5-7) ; Akenya Seymour (voix: 5) ; Daniel Villareal (congas, percussions: 2, 5-7) ; Kuma Dog (voix: 5)


Disons-le d’emblée Fly or Die Fly or Die Fly or Die (World War) est un disque posthume. Il est sorti officiellement le 25 août 2023, soit, à quelques jours près, un an après le décès de Jaimie Branch survenu lors que la musicienne avait à peine 39 ans. L’écriture de la présente chronique a donc été en soi un exercice particulier. Il s’agit avant tout de rendre hommage à une artiste qui, comme l’a précisé son label à l’annonce de son décès, « a touché un nombre incalculable de gens avec sa musique et son esprit, qui sont tous les deux intrépides, authentiques et beaux, et qui vivront dans les cœurs et les oreilles pour toujours ».

Jaimie Branch est une musicienne au talent d’une originalité peu commune, une artiste singulière, à la personnalité bien affirmée et engagée, puisant son inspiration dans les racines mêmes de la musique au croisement des Caraïbes, de l’Afrique et de l’Amérique. Chez la trompettiste américaine, il y a de la sincérité, de la spontanéité, de l’inventivité et bien sûr de la révolte, à la fois contre le racisme, la violence et l’injustice mais au-delà, il y a également une volonté de bousculer, de surprendre, et un souci de développer un langage qui lui est propre en brouillant tout repère et en repoussant les limites de son instrument.

Dans la chronique que Dragonjazz a consacré à son premier album, je mettais en exergue la liberté, la générosité, l’inventivité et l’authenticité de l’artiste. Des mots que Jaimie Branch n’aurait sans doute pas réfutés, ajoutais-je. Et aujourd’hui, ils me paraissent encore plus correspondre à Fly or Die Fly or Die Fly or Die (World War), son troisième et ultime album, un album qu’il faut écouter tout comme il faut réécouter ceux qui le précèdent (Fly Or Die et Fly or Die II : Bird Dogs of Paradise). Et se laisser emporter par le rythme échevelé de certains titres, se lever et danser avec frénésie, et ensuite se poser quand l’artiste nous invite à une exploration sonore qui peut parfois décontenancer, et enfin se confronter à cette rage que la musicienne a du mal à contenir, comme dans sa prière pour l’Amérique (Prayer for Amerikka Pts 1 & 2 de l’album Fly or Die II : Bird Dogs of Paradise) ou dans sa chanson World War qui nous invite à voir « ce que pourrait être le monde si seulement tu pouvais voir que leurs ailes sont des faux drapeaux… ».

Jaimie Branch laisse pour toujours une empreinte remarquable dans le monde de la musique improvisée, une empreinte qui dépasse largement la notoriété qui a été la sienne et qui n’a pas toujours été la hauteur de son talent. Jaimie Branch, une musicienne définitivement attachante, au destin peu commun, conservera à jamais une place à part dans le panthéon des artistes bien trop tôt disparus.

[ Chronique d'Albert Drion ]

[ Fly or Die Fly or Die Fly or Die (World War) sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Borealis Dancing - Burning Grey ]


Simon Martineau : Tapes From NowhereSimon Martineau : Tapes From Nowhere (Soprane Records), France, 17 novembre 2023

1. En Calme Au Large - 2. Thabor - 3. Mangrove - 4. Animal - 5. Le Tombant - 6. Double Brain - 7. Etude Mode III - 8. Twelve Tone Tune - 9. Countdown - 10. Moya - 11. Schemes From Nowhere

Simon Martineau (guitare) ; Gabriel Midon (contrebasse) ; Thomas Delor (batterie)


Simon Martineau a sorti un premier disque sous son nom en 2018. Enregistré en quartet, le très réussi One mariait guitare et saxophone dans un jazz cool à la séduction immédiate. Après plusieurs collaborations, le guitariste français refait aujourd'hui surface avec Tapes From Nowhere qui marque une évolution musicale à la fois sur la forme et sur le fond.

Ce disque a été enregistré par Simon dans la formule d'un trio canonique (guitare / basse / batterie) impliquant un recentrage sur la guitare, mais qui suscite aussi, grâce à l'expérience de ses compagnons de route, une interaction permanente entre les trois musiciens. On peut s'en rendre compte en écoutant Thabor, sa mélodie serpentine autour de laquelle s'imbriquent les trois instruments et son remarquable chorus de guitare, ou encore Mangrove, construit sur un ostinato de basse et porté par une frappe dansante comme des vaguelettes au bord d'une rivière. Tout cela est agencé en triangle équilatéral avec beaucoup de talent et de connivence. Cette musique propice au rêve procède comme un tableau impressionniste où les formes concrètes sont estompées par des effets de lumière. Le temps se ralentit tandis le contour mélodique se dilue dans un étrange mélange de méticuleuse rigueur et de nonchalance.

Cet album a été conçu comme la prospection d'une expression musicale originale au croisement du jazz et des musiques improvisées européennes. Le dossier de presse le précise d'ailleurs clairement : « l'album est le fruit d'un travail d'écriture, de recherches harmoniques et instrumentales tendant à s'émanciper des formes musicales classiques du Jazz ». Certaines pièces offrent ainsi un aspect expérimental comme Double Brain où l'on croirait entendre deux guitares qui se répondent, ou Animal avec son thème flottant et légèrement dissonant, ou encore Twelve Tone Tune et le court Etude Mode III pour guitare solo qui sont inspirées par des travaux de compositeurs classiques du XXe siècle. D'autres, au contraire, séduisent par leurs belles mélodies comme Le Tombant, ou bien s'étirent en invitant à la méditation comme Moya.

Riche et varié, cet album sophistiqué combine innovations musicales et passages émotionnels dans une approche qui ne manque pas de panache. Voilà en tout cas un disque sincère, ambitieux, exigeant et passionnant qui, plutôt que d'emprunter des chemins balisés, élargit un peu plus le spectre de la guitare jazz. Recommandé !

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Tapes From Nowhere sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Thabor - Le Tombant - Moya ]


Albert Vila : Reality Is NuanceAlbert Vila : Reality Is Nuance (Fresh Sound New Talent), Espagne, 10 novembre 2023

1. Hope - 2. Blue - 3. Northern Flower - 4. Healing - 5. The Loner - 6. 215 - 7. 216 - 8. Ancient Kingdom - 9. April

Albert Vila (guitare) ; Doug Weiss (basse) ; Rudy Royston (drums). Enregistré les 13 et 14 Novembre 2022 au Jet Studio à Bruxelles, Belgique.


Après Levity, un disque intimiste conçu pendant la période de confinement et enregistré en solo, le guitariste espagnol Albert Vila a choisi la formule du trio canonique pour Reality Is Nuance, son septième album depuis Foreground Music (2006) qui paraît sur le label barcelonais Fresh Sound New Talent. Soutenu par le contrebassiste Doug Weiss et le batteur Rudy Royston qui composent une rythmique cinq étoiles, le leader peut développer toutes les nuances de sa musique en étant certain d'être constamment tiré vers le haut par la compréhension, l'agilité et l'activisme de ses deux complices.

Dès le premier titre, Hope, on retrouve cette guitare (probablement la même Westville « semi-hollow » que celle utilisée pour Levity) marquée par une pointe de réverbération qui élargit son spectre sonore. La mélodie raffinée du thème délicat interprété en solo par Albert ne laisse pas deviner la suite quand la rythmique entre dans le jeu, et encore moins l'improvisation intense en constante expansion qui vient après. On atteint la plénitude dans la seconde partie de la composition avant que la conclusion nous ramène rapidement au thème et à la gravité. D'autres titres du répertoire, comme Northern Flower ou Ancient Kingdom, mettent en évidence l'intensité et la fluidité du jeu du guitariste dont les chorus sont magnifiques mais un autre aspect du disque qui fascine tout autant est la qualité des mélodies qui ont toutes, sauf une basée sur le standard I'll Remember April, été écrites par le leader.

Le compact est emballé dans une superbe pochette décorée par un collage (le Jockey) de l'équatorien Beto Val. Cette image surréaliste convient bien à la musique d'Albert Vila : ces deux artistes, l'un pictural et l'autre musical, produisent des œuvres suggestives et différentes à chaque fois, alors même qu'elles sont estampillées par le cachet immédiatement reconnaissable de leurs auteurs. N'est-ce pas là le privilège des grands créateurs ?

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Reality Is Nuance sur Amazon (*) ] [ Reality Is Nuance sur Fresh Sound Records ]
[ A écouter : Reality Is Nuance (trailer) ]


Stéphane Mercier : SyntropyStéphane Mercier : Syntropy (Step By Records), Belgique, 2 octobre 2023

1. Fly, Fly, Rockets – 2. You Are So Beautiful – 3. Blizz – 4. Ipseity – 5. Too Cool For School – 6. Norma – 7. Major Changes – 8. Blizz (alternate take)

Stéphane Mercier (sax alto, flûte) ; Nicola Andrioli (piano) ; Nicolas Thys (contrebasse) ; Dré Pallemaerts (batterie, percussions). Enregistré le 20 mars 2022 au Jet Studio, Bruxelles


Sur la page de présentation de son disque, Stéphane Mercier a tenu à préciser que « cet album a été enregistré un dimanche entre 2h30 et 5h dans l'après-midi dans une même pièce, sans séparation entre les musiciens ni casque ». Tout est là ! C'est du jazz né de l'interaction entre les musiciens du quartet, tous amis et complices de longue date : le leader au saxophone alto et à la flûte, le pianiste Nicola Andrioli, le contrebassiste Nicolas Thys et le batteur Dré Pallemaerts. Le titre de l'album, Syntropy (qui est un antonyme en anglais de l'entropie), fait référence à la tendance du vivant à s'organiser et à se complexifier selon un processus énergétique positif. Appliquée à la musique la Néguentropie se traduit par une osmose entre les membres du groupe qui conduit à une musique organique, résultant d'une interaction permanente et bénéficiant ainsi d'un surcroît d'énergie. Ça, c'est le fil conducteur et la perspective intellectuelle du projet.

Pour ce qui concerne l'aspect émotionnel, cette musique attachée à la tradition du jazz comme une moule à son rocher est sacrément jouissive. Du bop endiablé de Fly, Fly, Rockets au hard-bop de Too Cool For School en passant par la ballade You Are So Beautiful, composée par Billy Preston et popularisée en 1974 par Joe Cocker, le quartet combine enthousiasme avec maturité dans des interprétations irréprochables. Et il y a quelques surprises comme Norma dédié à la chamane Norma Panduro Navarro dont deux chants ont été réharmonisés par le leader. Ou Ipseity, joliment introduit par une pluie de notes jouées au piano par Nicolas Andrioli avant de s'épanouir dans une partie de flûte élégiaque. Tout en restant globalement dans les clous d'un jazz bop ou post-bop classique, Syntropy n'en délivre pas moins une musique fraîche, ludique et agréable qui se déploie dans des directions suffisamment variées et, surtout, qui ne manque ni de séduction ni de sensibilité.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Syntropy sur Amazon (*) ] [ Syntropy sur Step By Records ]


Martin Salemi - Daniel Jonkers - Boris Schmidt : Leaving: Live on TourMartin Salemi - Daniel Jonkers - Boris Schmidt : Leaving: Live on Tour (Igloo Digital), Belgique, 27 octobre 2023

1. Doubt - 2. One Fine Day - 3. Leaving - 4. Remembered - 5. Late April - 6. Most Of The Time

Martin Salemi (piano, compositions) - Boris Schmidt double basse) ; Daniel Jonkers (batterie)


Son troisième album, le pianiste Martin Salemi a choisi de l'enregistrer en concert pendant la tournée « About Time » réalisée à l'automne 2021. Ce sont donc des versions étendues de cinq titres extraits du dernier album en studio, About Time (2021), qui sont proposées ici plus une composition sortie uniquement en single intitulée Leaving.

Avec sa rythmique comprenant Boris Schmidt à la contrebasse et Daniel Jonkers à la batterie, le pianiste offre une musique fluide et toujours aussi délicate même si l'aspect « live » lui donne un surcroît d'intensité ou même, parfois, de profondeur. Il y a assurément du Bill Evans, du Keith Jarrett, du Stefano Bollani et, à travers eux, des réminiscences de la musique classique européenne dans ce jazz hautement émotionnel. Le répertoire bien agencé alterne intelligemment des moments de lyrisme et d'introspection (en particulier sur One Fine Day, Late April, Most Of The Time) avec d'autres qui font la part belle à un groove subtil donnant envie de dodeliner (Doubt, Leaving). L'ensemble varié est très agréable à écouter, en partie grâce à un enregistrement d'une clarté cristalline qui rend justice à ce trio en état de grâce. Ce disque qui n'est disponible qu'en digital est aussi une sorte de conclusion (qu'on espère quand même provisoire) à une période caractérisée par des échanges triangulaires puisqu'un futur album en studio est déjà annoncé, cette fois dans une configuration étendue en quintet.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Leaving: Live On Tour sur Bandcamp ]
[ A écouter : Leaving ]


Kaléïdoscopes : Voyages ImmobilesKaléïdoscopes : Voyages Immobiles (Mogno), Belgique, 1er novembre 2023

1. Au Bord de l'Eau (6:08) - 2. Kaléïdoscopes (4:02) - 3. Blue in Green (4:10) - 4. Tutu (6:32) - 5. Sarabande et Résonances (1:42) - 6. Far Out (5:49) - 7. Ghînekâ (5:19) - 8. Tango sur le Nil (4:27) - 9. Nightfall (7:02) - 10. I love Duclar & Hulusi (4:46) - 11. Our Spanish Love Song (3:46)

Daniel Stokart (saxophone soprano) ; Nicolas Draps (violon) ; Laurence Genevois (violon alto) ; Thomas Engelen (violoncelle) ; Alexandre Furnelle (contrebasse) + Peter Hertmans (guitare : 6, 9, 11)


Après un premier disque éponyme paru en 2020, Kaléïdoscopes sort Voyages Immobiles avec le même line-up incluant Daniel Stokart au saxophone soprano, Nicolas Draps au violon, Laurence Genevois au violon alto, Thomas Engelen au violoncelle et Alexandre Furnelle à la contrebasse. Le style reste globalement le même avec des plages combinant parties écrites dans une perspective de musique chambriste et moments d'improvisation dans la lignée du jazz européen actuel.

Le répertoire comprend quatre reprises (plus une Sarabande de Bach) dans des versions, on s'en doute, peu académiques au regard des enregistrements originaux : Blue in Green de Miles Davis / Bill Evans dont la lenteur est ici mise à profit pour installer une ambiance onirique tout en conservant lyrisme et profondeur ainsi que Tutu, écrit par Marcus Miller pour Miles Davis, dans une interprétation ralentie, habillée par un enchaînement harmonique ample et hantée par de superbes chorus de violon et de violoncelle. Quant à Our Spanish Love Song de Charlie Haden, il apporte en finale une touche légère avec sa mélodie à la fois nostalgique et ensoleillée tandis que le guitariste Peter Hertmans a été convié à y déposer quelques phrases subtiles et délicates qui renvoient à la sensibilité d'un Pat Metheny dont l'inoubliable interprétation de ce morceau en duo avec Haden figure sur l'album Beyond the Missouri Sky.

Parmi les compositions originales, Au Bord de l'Eau met en exergue l'expression sensible des musiciens dépourvue de tout artifice. L'atmosphère est celle d'un déjeuner sur l'herbe impressionniste, le morceau faisant naître des images de dames en robe à pois et de messieurs en marinière que cette musique aurait sûrement enchantés pendant leur piquenique à l'ombre des arbres. Kaléidoscopes, qui a prêté son nom à la formation (ou l'inverse), est en principe le reflet identitaire de l'album même si l'intonation y est subitement plus sombre qu'ailleurs. Les lignes entrecroisées des instruments à cordes y nourrissent une musique qui renvoie un écho de la gravité de certaines compositions contemporaines. Enfin, on épinglera encore le splendide Far Out écrit par le leader, sa mélodie pleine de langueur et son improvisation lumineuse à la guitare par Peter Hertmans. Voyages Immobiles est un disque distillant une poésie immanente : il suffit de l'écouter une seule fois pour en vivre l'épiphanie.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Voyages Immobiles sur Bandcamp ]
[ A écouter : Tutu ]


Vincent Thekal & Fabian Fiorini Quartet : Monk's MoodVincent Thekal & Fabian Fiorini Quartet : Monk's Mood (Hypnote Records), Belgique, 20 octobre 2023

1. Evidence – 2. Off Minor – 3. Pannonica – 4. Friday The Thirteen – 5. Monk's Mood - 6. Little Rootie Tootie

Vincent Thekal (saxophone ténor), Fabian Fiorini (piano), Nic Thys (contrebasse), Dré Pallemaerts (batterie)


L'intitulé Monk's Mood, qui est à la fois le nom d'une ballade et d'un album Prestige de Thelonious Monk, explique la genèse de cet enregistrement. A force de rejouer sur scène certaines compositions choisies du génial pianiste américain, le saxophoniste ténor d'origine française basé à Bruxelles Vincent Thekal et le pianiste Fabian Fiorini y ont en effet injecté progressivement leur propre personnalité avant de décider finalement d'enregistrer un disque live le 18 juin 2022 à la Jazz Station.

Le line up du groupe est celui du « quartet classique » de Monk : un sax ténor, un piano et une rythmique expérimentée comprenant le contrebassiste Nic Thys et le batteur Dré Pallemaerts. Quant au répertoire, il comprend six reprises de titres monkiens qui ne comptent pas tous parmi les plus connus du pianiste. Ça démarre avec Evidence, un morceau exigeant avec un rythme très singulier sur une trame harmonique classique. L'ambiance des compositions de Monk est immédiatement perceptible mais chacun y va de son solo et on est facilement emporté par l'enthousiasme et la pulsion des interprètes. Le solo de piano de Fabian Fiorini avec ses envolées dans les aigus est particulièrement jouissif. Mis à part son thème sombre et angulaire qui renvoie à Bud Powell et son splendide chorus de ténor be-bop, le fréquemment joué Off Minor met surtout en exergue l'interplay magique entre les musiciens qui résolvent avec aisance le danger et la bizarrerie de ce morceau de 1947. Après le lyrisme du court Pannonica, Friday the Thirteenth, qu'on n'entend pas souvent, est une pièce de composition simple ce qui s'explique par le fait qu'elle a été conçue en studio pendant une session d'enregistrement comme une jam de 10 minutes destinée à compléter un disque Prestige avec Sonny Rollins. Elle est ici raccourcie de moitié avec une répétition tout du long du thème au ténor sur lequel le pianiste improvise de belle manière en transformant ce titre en quelque chose de frais et finalement de plus monkien que la version originale.

Le plus intéressant est encore à venir avec les deux dernières plages. La ballade Monk's Mood est une pièce nostalgique qui invite à la méditation au fil des splendides improvisations. Le disque se referme sur le moins populaire Little Rootie Tootie pourtant si typique de l'art et la manière de Monk. Ecrit vers 1943, Little Rootie Tootie démarre poussivement comme une locomotive à l'arrêt avant de prendre sa vitesse de croisière et de devenir le véhicule idéal pour des chorus de ténor et de piano aussi virtuoses que jubilatoires.

Superbe album que ce Monk's Mood : voici du jazz vivant à la fois respectueux et innovant à consommer « Straight, No Chaser » !

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Monk's Mood sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Off Minor ]


Kris Defoort & Veronika Harcsa : Pieces of PeaceKris Defoort & Veronika Harcsa : Pieces of Peace (WERF), Belgique, 2023

1. Hope Prelude (2:44) - 2. Pieces of Peace I: The Smile (11:45) - 3. Pieces of Peace II: Silence & Joy (8:20) - 4. Pieces of Peace III: Hope - is the thing with feathers (6:10) - 5. Graphic Score N° One (1:45)

Kris Defoort (piano) ; Veronika Harcsa (voice) ; Jean-Philippe Poncin (clarinettes) ; Lode Vercampt (violoncelle) ; Benjamin Sauzerau (guitare électrique)


La collaboration entre le pianiste Kris Defoort et la chanteuse hongroise Veronika Harcsa (NextApe) débute en 2015 quand l'une était dans la classe d'improvisation libre de l'autre au Conservatoire de Bruxelles. Elle a finalement conduit à diverses expériences en duo avant d'aboutir à l'enregistrement de ce disque par un quintet qui, outre le pianiste et la chanteuse, comprend Lode Vercampt au violoncelle, Jean-Phillipe Poncin aux clarinettes et Benjamin Sauzereau à la guitare électrique. L'œuvre se situe au croisement des deux univers qui constituent le fond de la personnalité musicale de Kris Defoort : la musique improvisée et la musique écrite classique.

Sans basse ni batterie, l'idiome est celui de la musique de chambre mais la musique échappe à toute catégorisation. La présence d'une guitare électrique très libre et d'un violoncelle aux accents contemporains de même que la géométrie variable des compositions brouillent les pistes. Et surtout, il y a la voix de Veronika, à l'impressionnante tessiture, qui renvoie aussi bien aux « Mélodies » de Debussy (compositeur classique préféré du pianiste) qu'à du jazz vocal improvisé dans la lignée indescriptible d'une Youn Sun Nah. Après un court prélude instrumental aux accents oniriques, la suite Pieces of Peace (un beau titre qui suggère la recherche d'une certaine sérénité) déclinée en trois parties est un maelstrom sophistiqué d'idées et de sentiments contrastés dont le spectre va d'un lyrisme intimiste à une expansivité ludique en passant par des moments d'abstraction dans lesquels la voix, totalement décomplexée, complémente les instruments dans une approche musicale œcuménique. Pieces of Peace est un morceau de bravoure fusionnant musique chambriste et jazz contemporain dans une œuvre originale qui, au-delà de sa complexité, séduit surtout par le continuum varié d'émotions qu'elle procure.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Pieces of Piece sur Amazon (*) ] [ Pieces of Piece sur Bandcamp ]
[ A écouter : Pieces of Peace I: The Smile - Pieces of Peace II: Silence & Joy - Pieces of Peace III: Hope - is the thing with feathers ]


Trombone Ensemble Nabou Claerhout : Slide Unit Live at FlageyTrombone Ensemble Nabou Claerhout : Slide Unit Live at Flagey (WERF), Belgique, 2023

1. Slide Unit (Live at Flagey) – 2. A Day at the Huge Field With a Little House – 3. Murphy All the Way – 4. HUTCH – 5. A Duet For Three – 6. Wistful – 7. Illusion

Nabou Claerhout (trombone, compositions) ; Rory Ingham (trombone) ; Peter Delannoye (trombone) ; Nathan Surquin (trombone) ; Tobias Herzog (trombone basse, tuba) ; Gijs Idema (guitare) ; Cyrille Obermüller (contrebasse) ; Daniel Jonkers (batterie) + Invité : Robin Eubanks (trombone)


Le Trombone Ensemble, ce sont cinq trombonistes plus une section rythmique de trois membres (guitare / contrebasse / batterie). Un projet pour le moins original créé au printemps 2022 par la tromboniste anversoise Nabou Claerhout et tout de suite programmé par le Gent Jazz Festival et le Jazz Middelheim. Le premier titre de l'album, Slide Unit, a un côté jazz funky réjouissant qui, comme le dit la leader elle-même, affiche un groove qui n'est pas sans évoquer les bandes sonores des films d'action des années 80 (et même des 70's avec Lalo Schifrin en mémoire). En plus, la légende américaine du trombone Robin Eubanks a rejoint le collectif début 2023 pour ce morceau enregistré live pendant le Brussels Jazz Festival à Flagey, ce qui fait six trombones en ligne. Pour autant, si l'impact d'un tel ensemble est indéniable, la musique reste légère et agréable grâce d'une part, à un arrangement très efficace qui privilégie constamment la clarté et d'autre part, à l'excellente dynamique de l'enregistrement.

A Day at the Huge Field With a Little House démontre que la formation est aussi à l'aise dans les morceaux lents. Les couleurs apportées par le guitariste néerlandais Gijs Idema sont essentielles tandis qu'au centre de ce morceau, il délivre un solo de toute beauté, inséré entre les parties de trombone. Le reste du répertoire est tout aussi réjouissant. Entre le swing doux de Murphy All the Way qui invite à dodeliner et les nappes sonores étirées et un peu inquiétantes d'un A Duet For Three aux reflets en clair-obscur, on est submergé par la vitalité de cet orchestre et la richesse de ses harmonies. On ne manquera pas à cette occasion de souligner l'indispensable contribution de l'Allemand Tobias Herzog qui enrichit les textures par les sonorités graves de son trombone basse ou d'un tuba. Enfin, quand la musique se fait plus expérimentale comme sur Hutch, on reste accroché par l'innovation de la composition et, en l'occurrence sur ce titre, par la frappe hyper-dynamique du batteur néerlandais Daniel Jonkers (apprécié entre autres sur les albums de Margaux Vranken et de Martin Salemi). Enthousiasmant est le mot de la fin retenu pour qualifier ce Trombone Ensemble de Nabou Claerhout qu'il ne faut surtout pas manquer d'écouter !

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Trombone Ensemble Nabou Claerhout sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Slide Unit - Trombone Ensemble Nabou Claerhout : Project Teaser ]


Robert Jukic : Odtenki SreceRobert Jukic : Odtenki Srece (Bandcamp), Slovénie, 2023

Personnel et titres des morceaux : voir ici

Le nom de Robert Jukic m'est connu depuis sa participation à l'album Live At Umit (2006) du quartet Take The Duck. Par la suite, le contrebassiste slovène a continué à sortir des albums sous son nom : il en a au total une quinzaine à son actif dont le pénultième, Res Publica (2023), enregistré en quartet live au festival de Cerkno, a recueilli de bonnes critiques (notamment dans le magazine JazzMania). Ce projet très ambitieux est toutefois bien différent. Né pendant la période Covid sous la forme de canevas enregistrés en trio, ces derniers ont ensuite été envoyés à d'autres musiciens en même temps que les partitions de base et une liste de réalisateurs de cinéma et de peintres comme autant de mots clés indiquant la manière de les approcher. Une fois les différentes contributions reçues, l'œuvre a été reconstruite, réarrangée et complétée par de nouveaux apports et nappes sonores. Le résultat, produit de la contribution d'une vingtaine de musiciens (dont Toine Thys au saxophone ténor et à la clarinette basse) et de sept chanteuses, ne ressemble à rien de connu.

Harmoniquement très travaillée, la musique est dense, complexe et impossible à rattacher à un quelconque courant musical. Des parties improvisées (piano, saxophone...) émaillent les compositions, d'autres sont le résultat de couches superposées qui donnent un côté expérimental à l'ensemble. Et puis, il y a le chant qui occupe une part importante de cette musique tout en contribuant également à l'étrangeté de l'album puisque son titre (Odtenki Srece, qui peut se traduire par « nuances du bonheur »), ceux des chansons et toutes les paroles sont en slovène. Je ne sais pas si la pochette reprend les traductions en anglais des textes (le dossier de presse ne dit rien à ce sujet) mais j'aurais bien aimé en savoir davantage d'autant plus que la musique est terriblement envoûtante et invite à plonger plus profondément dans les arcanes et les ambiances inédites de ce disque hors du commun.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Odtenki Srece sur Bandcamp ]
[ A écouter : Dokler ne pade slon v porcelan (ft. Masa But) ]


Harold Lopez-Nussa : Timba a la Americana Harold Lopez-Nussa : Timba a la Americana (Blue Note), Cuba, 2023

1. Funky - 2. Cake a la Moda - 3. Mal du Pays - 4. Rat-a-Tat - 5. Conga a la Americana - 6. Afro en Toulouse - 7. Tumba la Timba - 8. Mama - 9. Tierra Mia - 10. Hope

Harold Lopez-Nussa (piano); Grégoire Maret (harmonica); Luques Curtis (basse); Barbaro “Machito” Crespo (congas); Ruy Adrian Lopez-Nussa (drums)


C'est mon coup de coeur du moment : le pianiste et compositeur d'origine cubaine Harold López-Nussa. Son album Havana-Paris-Dakar, avec Alune Wade était déjà une petite merveille de musique afro-cubaine. Mais le voici maintenant qui entame un nouveau chapitre avec son premier disque pour Blue Note, Timba a la Americana, un album vibrant, joyeux et inspiré par la récente décision du pianiste de quitter son pays natal pour commencer une nouvelle vie en France. Produit par Michael League, chef d'orchestre de Snarky Puppy, Timba a la Americana dévoile un son latin revitalisé et frais à travers dix compositions originales marquées par une extraordinaire dynamique, interprétées par un groupe soudé qui comprend le virtuose de l'harmonica Grégoire Maret, Luques Curtis à la basse, Barbaro « Machito » Crespo aux congas et Le frère d'Harold, Ruy Adrián López-Nussa à la batterie. On ne peut que goûter sans modération cette musique enthousiaste qui transcende ses racines cubaines !

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Timba a la Americana sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Funky ]


Sebastian Rochford & Kit Downes : A Short DiarySebastian Rochford & Kit Downes : A Short Diary (ECM), UK, 2023

1. This Tune Your Ears Will Never Hear (3:52) - 2. Communal Decisions (1:57) - 3. Night Of Quiet (4:56) - 4. Love You Grampa (6:15) - 5. Our Time Is Still (3:32) - 6. Silver Light (4:55) - 7. Ten Of Us (7:08) - 8. Even Now I Think Of Her (4:14)

Sebastian Rochford (batterie); Kit Downes (piano)


Sebastian Rochford est un batteur britannique connu pour sa frappe innovative au sein de son groupe Polar Bear mais aussi au côté d'artistes divers comme Brian Eno et David Byrne, ou Andy Sheppard avec qui il a enregistré trois albums sur le label ECM (Romaria, sorti en 2018, est une vraie pépite). Quant à Kit Downes, lui aussi britannique, c'est un pianiste récompensé par les BBC Jazz Awards qui a déjà enregistré trois disques en leader pour le label munichois (Obsidian, 2018; Dreamlife of Debris, 2019; Vermillion, 2022). A Short Diairy est dédié par Sebastian, qui a composé l'essentiel du répertoire, à son père, Gerard Rochford, le poète d'Aberdeen. La musique est à la fois intimiste et éthérée. Sa délicate beauté est rendue sans artifice par le duo batterie/piano : les mélodies sont reines et les fioritures minimales, l'objectif étant clairement d'exprimer une émotion en ligne avec la perte d'un être cher. A écouter avec recueillement comme on le ferait avec une musique de culte invitant au souvenir et à la spiritualité. Personne d'autre que Manfred Eicher, même s'il a été ici secondé par Sebastian Rochford, ne pouvait mixer et produire un tel album !

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ A Short Diary sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Extraits musicaux sur ECM ]


Walter Smith III : Return to CasualWalter Smith III : Return to Casual (Blue Note), USA, 2023

1. Contra (5:03) – 2. River Styx (5:31) – 3. Pup-Pow (2:34) – 4. Shine (6:06) – 5. Mother Stands For Comfort (4:07) – 6. Quiet Song (5:37) – 7. Lamplight (3:38) – 8. Amelia Earhart Ghosted Me (5:26) – 9. KB+BYU$ (6:46) – 10. Revive (3.56)

Walter Smith III (saxophone tenor); Taylor Eigsti (piano); Matt Stevens (guitare); Harish Raghavan (contrebasse); Kendrick Scott (batterie); Ambrose Akinmusire (trompette: 2, 8); James Francies (piano électrique: 9)


Return to Casual est le 10ème album du saxophoniste Walter Smith III, le premier sur le prestigieux label Blue Note, après la série des trois albums In Common (enregistrés respectivement en 2018, 2020 et 2022 sur le label Whirlwind Recordings). On y retrouve le même line-up hors pair que sur Still Casual sorti en 2014, à savoir le batteur Kendrick Scott dont l'album Corridors également sorti cette année sur le label Blue Note est loin d'être passé inaperçu, le génial trompettiste Ambrose Akinmusire sur deux titres, le pianiste Taylor Eigsti au talent incontestable, le guitariste Matt Stevens, fidèle comparse du leader et le bassiste Haris Raghavan qu'on ne présente plus. A cette liste, il faut ajouter le claviériste James Francies présent sur un seul titre.

Return to Casual, ce sont dix compositions, tous de la plume de Walter Smith III, à l'exception de Mother Stands for Comfort, de l'album iconique Hounds of Love (1985) de l'auteure-compositrice-interprète anglaise Kate Bush. Autant de compositions, savamment construites, où chacun des intervenants s'exprime naturellement, toujours sans fioriture ou excès, parfois tout en contrepoint, comme le fait, sur la majorité des titres, le guitariste Matt Stephens. Il s'agit ainsi de ne jamais trahir l'intention du compositeur, et ce faisant, Return to Casual se révèle être un album où tout s'exprime avec cohérence et équilibre même si un morceau tel que Quiet Song trahit quelque peu son titre tant l'énergie qui s'y dégage est vivifiante.

Dire de Walter Smith III qu'il est un excellent saxophoniste est un euphémisme. Cela ne nous empêche pas d'affirmer qu'il frôle la perfection sur Shine, un titre qui est une synthèse parfaite de la démarche qui sous-tend tout l'album. On atteint également des sommets avec River Styx, une superbe composition magnifiée par un Ambrose Akinmusire plus expressif que jamais (et quand il l'est à ce point on ne peut qu'être subjugué). On croise à nouveau le trompettiste sur le titre Amelia où, avec le saxophoniste, ils se subliment l'un l'autre dans un dialogue musical d'une rare expressivité. On retrouve une telle conversation sur le morceau étrangement dénommé, KB+BYU$, où Taylor Eigsti répond à James Francies qui, au Fender Rhodes, marque de son empreinte ce très beau titre.

Et pour clôturer avec éclat cet album, Walter Smith III nous délivre, en duo avec le pianiste, une magnifique ballade (Revive), aux accents aussi profonds qu'émouvants, une véritable perle, une belle façon de nous offrir un dernier instant de ravissement, un ravissement qui se renouvelle à chaque écoute de ce superbe album.

[ Chronique d'Albert Drion ]

[ Return to Casual sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Contra - River Styx]


Nicaise / Fénichel / Pasqua : Des Jours HeureuxNicaise / Fénichel / Pasqua : Des Jours Heureux (Clapson records), France, 31 mars 2023

1. Low Key Lightly – 2. Cyclic Episode – 3. Des Jours Heureux – 4. Mobile – 5. Sidi m'Bark – 6. Rhythm Doesn't Change – 7. Huxley – 8. South – 9. Picture in Black and White – 10. The Happiness We Share – 11. The Thing Called Live

Robin Nicaise (saxophone ténor); Pierre Fénichel (contrebasse); Fred Pasqua (batterie, percussions). Enregistré aux Studios La Buissonne (Pernes-Les-Fontaines) les 9 et 10 novembre 2022


Enregistré à l'automne 2022 dans les studios La Buissonne par Gérard de Haro, cet album laisse entendre toutes les nuances d'un trio soudé, caractérisé par une belle empathie et une maturité basée sur l'expérience. Le saxophoniste Robin Nicaise, le contrebassiste Pierre Fénichel et le batteur Fred Pasqua ont en effet croisé leurs routes à de multiples reprises et les retrouver ici réunis paraît logique.

Eclectique, le répertoire comprend trois reprises de compositions de Duke Ellington, de Sam Rivers et d'Antonio Carlos Jobim ainsi que neuf titres originaux écrits par l'un ou l'autre membre du trio. La sonorité d'ensemble est feutrée, presque douce. Au ténor, Robin développe ses phrases en souplesse avec un son moelleux qui, à certains moments, m'évoque l'art d'un Dexter Gordon (celui de ‘Round Midnight et des ballades Blue Note). Même sur Cyclic Episode emprunté à l'album Fuchsia Swing Song du bouillonnant Sam Rivers, l'articulation fluide et l'exposé net et clair des idées font glisser ce titre avant-gardiste aussi aisément qu'une lettre à la poste. Ecoutez seulement The Happiness We Share, une de ses compositions, et vous serez vite convaincu que les idées mélodiques de Robin ont une limpidité qui sort de l'ordinaire. A la batterie, Fred Pasqua est un complice idéal. Son jeu foisonnant, révélé au mieux sur sa propre composition Sidi m'Bark, relance constamment la dynamique du trio, ponctuant les interventions du soliste tout en s'immisçant dans la conversation. Quant à Pierre Fenichel (connu entre autres pour ses projets avec Raphaël Imbert et Christophe Leloil), sa contrebasse agile est le gouvernail indispensable pour que cette musique funambule garde son cap. On l'appréciera notamment sur Mobile et Huxley, deux pièces qu'il a écrites pour ce trio.

Pour rendre une production saxophone / basse / batterie attrayante tout le long de la durée d'un disque, il faut ces qualités spéciales que possèdent individuellement Nicaise, Fenichel & Pasqua. Mais j'ajouterai que sur cet album, la qualité globale de ce trio me paraît encore supérieure à la somme de ses composantes unitaires.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Des Jours Heureux sur Bandcamp ] [ Des Jours Heureux sur Amazon ]
[ A écouter : Sidi m'Bark ]


Diederik Wissels / Ana Rocha : YearnDiederik Wissels / Ana Rocha : Yearn (Igloo Records), Belgique, 14 avril 2023

1. Like standing on a cliff - 2. Moebius (instrumental) - 3. Yearn - 4. All the hope - 5. If - 6. Edge of the world - 7. Sleepless - 8. Wheep for me - 9. Lockdown - 10. Rising - 11. Moebius - 12. Pelas searas - 13. Polaris - 14. Under the blue skies

Ana Rocha (voix); Diederik Wissels (piano, synthétiseur); Andreas Polyzogopoulos (trompette); Nicolas Kummert (saxophone ténor)


La chanteuse germano-portugaise Ana Rocha écrit des textes qu'elle interprète sur les musiques du pianiste Diederik Wissels. Les syllabes sont détachées, la voix est limpide et sa justesse infaillible. Les mots tombent comme des flocons épars, composant des phrases à la mélancolie diffuse et, finalement, de petites paraboles allusives aussi fragiles que des rêves de verre. Il y est question d'absence, de chimères, d'aspirations et de transcendance vers plus d'amour, de paix et de beauté : « La vie est un état éphémère. Et une porte étroite, qui mène à un petit jardin où s'épanouissent les fleurs, pourrait bien être tout l'espoir qui nous reste. »

Il n'y a pas de section rythmique dans cette musique qui s'enroule autour des mots plus qu'elle ne les porte. Les associations de timbres sont remarquables et comme souvent avec Diederik, le silence est partout, propre à rendre vivante l'inflexion sonore la plus infime. Parfaitement adapté au monde évanescent de la chanteuse, le toucher du pianiste est d'une extrême délicatesse, tout en finesse et légèreté.

Mais Yearn bénéficie aussi de la présence de deux autres musiciens : le trompettiste d'origine grecque Andreas Polyzogopoulos et le saxophoniste ténor Nicolas Kummert qui enrichissent les harmonies, là où c'est opportun, avec toute la douceur et la discrétion requises. Leurs surgissements splendides au moment où on ne s'y attend pas participent à la dramaturgie de ces miniatures en déclenchant nouveaux émois et enchantements.

Symbiose, harmonie, sensibilité et lyrisme sont les maîtres mots de ce second opus de Diederik Wissels et Ana Rocha, un duo avec un esprit gémellaire dont la chorégraphie lunaire et la force contenue portent le mélomane affranchi de toute pesanteur en des contrées inouïes.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Yearn sur Amazon (*) ] [ Yearn sur Igloo Records ]
[ A écouter : Sleepless ]


Ralph Towner : At First LightRalph Towner : At First Light (ECM), USA, 17 mars 2023

1. Flow – 2. Strait – 3. Make Someone Happy – 4. Ubi Sunt – 5. Guitarra Piccante – 6. At First Light – 7. Danny Boy – 8. Fat Foot – 9. Argentinian Nights – 10. Little Old Lady – 11. Empty Stage

Ralph Towner (guitare acoustique)


At First Light est le nouvel album de Ralph Towner qui est sorti sur ECM le 17 mars 2023. Il s'agit d'un disque enregistré en solo à propos duquel le guitariste explique : « Mes enregistrements en solo ont toujours inclus mes propres compositions dans lesquelles il y a des traces des nombreux compositeurs et musiciens qui m'ont influencé comme George Gershwin, John Coltrane, John Dowland et Bill Evans … Je pense qu'At First Light est un bon exemple d'exposé de ce panel d'influences dans ma musique personnelle. »

Cet album inclut onze titres dont neuf compositions du guitariste, deux reprises (Little Old Lady de Hoagy Carmichael et Make Someone Happy de Jule Styne) plus une ballade traditionnelle irlandaise (Danny Boy). Le son de la guitare acoustique est clair et remplit tout l'espace. Avec Ralph Towner, tout paraît simple sans l'être vraiment et, à certains moments comme sur Guitarra Picante qui mêle harmonieusement lignes de basse, jeu en accords et solos dans les aigus, on a bien difficile à croire qu'il n'y a qu'un seul guitariste en studio.

Enregistré à l'Auditorio Stelio Molo RSI de Lugano en février 2022, At First Light a été produit par Manfred Eicher. Cinquante années après son premier album en solo déjà produit par Eischer et sorti sur ECM (Diary, novembre 1973), Ralph Towner a épuré son style sur le plan sonore (en abandonnant tout overdubbing) tout en se recentrant sur la guitare acoustique seule (plus de guitare 12 cordes, ni de piano) mais ce 25e album en leader sur le label munichois reste tout aussi unique et splendide que les précédents.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ At First Light sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Live at Porgy & Bess, Vienne, Autriche, 25 septembre 2020 ]


Nguyên Lê Trio : Silk And SandNguyên Lê Trio : Silk And Sand (ACT Music), France, 24 février 2022

1. Red City (4:44) - 2. Silk & Sand (6:00) - 3.Onety-One (5:44) - 4. Moonstone (6:26) - 5. The Waters of Ortiglia (5:05) - 6. Baraka (4:43) - 7. Thar Desert Dawn (6:18) - 8. Tiger's Dance (3:58) - 9. Becoming Water (5:50)

Nguyên Lê (guitares, synthés, chant) ; Chris Jennings (basse) ; Rhani Krija (percussions, gumbri, chant)


A 64 ans, le guitariste franco-vietnamien Nguyen Lê retourne au format du trio avec lequel il débuta sa carrière sur ACT Music en 1995 (Million Waves). Il est ici accompagné par le Canadien Chris Jennings (Joachim Kühn, Céline Bonacina, Dhafer Youssef), l'un des bassistes les plus recherchés des deux côtés de l'Atlantique, et par le percussionniste marocain basé à Cologne, Rhani Krija (Dominic Miller et Sting). La musique est, comme souvent chez Nguyên, une rencontre entre différents continents, et plus particulièrement l'Asie et l'Afrique, symbolisés respectivement par la soie et le sable (d'où le titre de l'album : Silk And Sand). Déjà, sur son disque Three Trios de 1996, le guitariste avait nommé deux morceaux Silk et Sand comme deux indices qui renvoient, l'un vers ses origines et l'autre vers la terre primitive comme un rêve d'ailleurs. Avec son jeu de guitare typé qui le rend reconnaissable dès les première mesures, Nguyên Lê perpétue son désir d'universalité, sa musique comportant autant de mélodies accrocheuses que d'harmonies riches et de rythmes colorés qui font rêver. Ensorcelant !

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Silk And Sand sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Red City - Thar Desert Dawn - Tiger's Dance ]


Tomer Cohen : Not the Same RiverTomer Cohen : Not the Same River (Hypnote Records), 17 février 2023

1. Not the Same River (2:45) – 2. Connecting Dots (5:57) - 3. Hithadshut (Regeneration) (6:41) - 4. Empty? (5:22) - 5. Pastures (9:02) - 6. Sunrise (7:22) - 7. Probably More than Two (4:53) - 8. First Laps (6:17)

Tomer Cohen (guitare); Matt Penman (basse); Obed Calvaire (batterie)


Le premier disque du guitariste Tomer Cohen, né aux Etats-Unis mais élevé en Israël, fait référence par son titre à la maxime du philosophe grec Héraclite, "on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, car la seconde fois, ce n'est plus ni la même eau ni le même homme", traduisant ainsi que tout change et est en perpétuel mouvement. Les huit compositions constituent ainsi un instantané de sa musique qui, à ce moment précis, reflète les évènements ayant jusqu'ici marqué sa vie. On y trouve entre autres, mêlées au jazz, des influences « folk » ainsi qu'une ambiance pastorale héritée des années de kibbutz passées en Israël.

Tomer Cohen utilise la technique du « fingerpicking ». Accompagné sobrement mais efficacement par le batteur Obed Calvaire et le bassiste Matt Penman, le guitariste qui aime les belles mélodies laisse aussi une large place à l'improvisation. Pastures et Sunrise, par exemple, sont de belles pièces mélodiques qui installent une atmosphère bucolique. La légèreté du matériel thématique est prolongée par des digressions libres qui s'inscrivent dans un contexte de communion avec la nature. La sonorité de la guitare (d'après les vidéos postées sur YouTube, Tomer joue apparemment sur une Gibson 335), très claire et légèrement amplifiée, est chaleureuse et se marie à merveille avec celle boisée de la contrebasse. Entre folk et jazz, le titre éponyme, tout en retenue, est une petite merveille de sensibilité tandis que Connecting Dots, avec son jeu foisonnant de batterie, et Empty?, avec son solo débridé de six-cordes, témoignent d'une approche plus rythmée et aventureuse tout en conservant une grande fluidité et une parfaite cohérence avec le reste du répertoire.

Tomer Cohen s'affirme aujourd'hui comme un musicien prometteur de la nouvelle scène newyorkaise et le fait qu'il ait enregistré son premier disque pour Hypnote Records est tout à l'honneur du label belge qui, avec les productions récentes d'Albert Vila et de Toni Mora, s'impose comme un vrai défricheur de nouveaux talents et de guitaristes en particulier.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Not the Same River sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Not The Same River - Empty? - Pastures ]


Joe Chambers : Dance KobinaJoe Chambers : Dance Kobina (Blue Note), 3 février 2023

1. This Is New (5:19) – 2. Dance Kobina (6:24) – 3. Ruth (4:11) – 4. Caravanserai (4:37) – 5. City of Saints (7:31) – 6. Gazelle Suite (5:27) – 7. Intermezzo (2:55) – 8. Power To The People (6:08) – 9. Moon Dancer (4:42)

Joe Chambers (batterie, vibraphone) ; Caoilainn Power (sax alto) ; Marvin Carter (Sax alto, sax ténor) ; Ira Coleman, Mark Lewandowski (basse) ; Emilio Valdes, Elli Miller Maboungou (Percussions) ; Andres Vial, Rick Germanson (Piano) ; Michael Davidson (Marimba, Vibraphone)


Une année après le très réussi Samba De Maracatu, sorti sur Blue Note en février 2021, le batteur Joe Chambers propose un nouveau disque sur le même label qui explore les connections entre musiques afro-cubaines, brésiliennes, argentines et jazz. Grâce au réenregistrement, il ajoute le vibraphone à la batterie sur quatre titres. Le répertoire inclut trois compositions du batteur et deux du pianiste et coproducteur de l'album, Andres Vial. Avec ses influences latino-africaines, la musique est rythmée, joyeuse et dynamique, tout en restant très imaginative, mettant en exergue les multiples talents du leader à la tête de ses deux formations : l'une basée à New-York et l'autre à Montréal. On s'en convaincra en écoutant le morceau éponyme Dance Kobina, une composition d'Andrés Vial, ainsi que Gazelle Suite et Caravanserai, en forme de rumba endiablée, qui constituent des moments parmi les plus enthousiasmants de sa musique. On ne manquera pas non plus d'épingler les excellentes reprises de This Is New, de Kurt Weill, joué en trio avec le bassiste Mark Lewandowski et le pianiste Rick Germanson, ainsi que le fameux Power To The People de Joe Henderson ici rendu dans une version aux rythmes latins entrelacés (guaguancó, rumba, guaracha…)

Après avoir tenu le rôle de batteur sur des albums majeurs de l'histoire du jazz comme Happenings et Total Eclipse de Bobby Hutcherson, Mode For Joe de Joe Henderson, et All Seeing Eye et Adam's Apple de Wayne Shorter, le vétéran poursuit aujourd'hui une carrière en leader en tout point exemplaire.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Dance Kobina sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Dance Kobina - Ruth - Gazelle Suite ]


Eric Sempe - Jean-Marc Jafet / JAES Group : Le CheminEric Sempe - Jean-Marc Jafet / JAES Group : Le Chemin (Production Euromusique), janvier 2023

1. Jungle Traffic (6:17) - 2. Le Chemin (6:32) - 3. Jan&John (7:26) - 4. Balise (5:14) - 5. Modalité Orientale (5:38) - 6. Totanka Yotanka (5:41) - 7. Jamuna (5:56) - 8. Déesse (6:07) - 9. Another Rainy Day (5:58) - 10. Entre Deux Mondes (6:17) -11. Tripping Down the Stairs (3:50)

Jean-Marc Jafet (basse électrique) ; Eric Sempé (guitares électrique, guitare sitar) ; Robert Persi (piano et claviers) ; Yoann Serra ( batterie) ; Neil Gerstenberg (flûtes) + invités et chœurs.


Le renommé bassiste français Jean-Marc Jafet et son complice niçois, le guitariste Eric Sempé, se sont associés pour former JAES Group et donner le jour à un premier album captivant : Le Chemin. Les deux musiciens expérimentés ont composé quasiment l'entièreté de cet opus, le onzième thème étant écrit par le flûtiste écossais Neil Gerstenberg. Toutes ces compositions relèvent d'une grande finesse d'écriture, d'une musicalité étonnante et d'un son particulièrement soigné. L'album est passionnant par ses arrangements qui laissent beaucoup d'espace à chacun des musiciens pour s'exprimer tout en jouant à l'unisson en cohésion et en complémentarité avec ses pairs. Il l'est aussi par sa diversité musicale.

On l'entame par un titre de jazz-fusion (Jungle Traffic) auquel, excusez du peu, John McLaughlin et Thierry Eliez à l'orgue Hammond collaborent. Dans le même style, Balise est un coude à coude entre l'incroyable organiste et la guitare électrique d'Eric Sempé. Une fois de plus, on pourra apprécier la rythmique implacable constituée de la batterie de Yoann Serra et de la basse groovy de Jean-Marc Jafet. Ensuite, de jolies ballades ou morceaux calmes alternent avec d'autres plus rythmés dont certains font un clin d'œil à la musique du monde dans un esprit jazzy. Pour ces différentes plages, d'autres invités de haut vol apparaissent aussi dans le line up : le guitariste Sylvain Luc, l'harmoniciste Olivier Ker Ourio, le saxophoniste Baptiste Herbin, les percussionnistes Stéphane Edouard et Denis Benarrosh sans oublier les voix de Cathy Palvair et Véronique Albouy.

A l'écoute de cet album exaltant doté de très belles mélodies, on parcourt "Le Chemin" entre différentes atmosphères grâce à des musiques variées qui peuvent être intimistes, soutenues et colorées. A découvrir de toute urgence !

[ Chronique de Pierre Gerard ]

[ Le site de JAES Group ] [ JAES Group sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Extraits de l'album Le Chemin ]


Bill Laurance and Michael League : Where You Wish You WereBill Laurance and Michael League : Where You Wish You Were (ACT Music), 27 janvier 2023

1. La Marinada (2:35) - 2. Meeting of the Mind (3:25) – 3. Round House (5:12) – 4. Sant Esteve (3:30) – 5 Kin (6:44) – 6. Tricks (4:46) – 7. Anthem for a Tiny Nation (2:28) – 8. Ngoni Baby (2:24) – 9. Bricks (4:28) – 10. Where You Wish You Were (1:34) – 11. Duo (4:15)

Bill Laurance (piano); Michael League (oud, guitare basse acoustique fretless, guitare électrique baryton fretless, ngoni, voix)


Avec uniquement un piano et des instruments à cordes (ngoni, oud, guitare basse acoustique fretless et guitare électrique baryton fretless), cette musique ne saurait être plus éloignée de celle produite par le fameux collectif Snarky Puppy dans lequel jouent ces deux musiciens : Bill Laurance (le pianiste) et Michael League (le guitariste). Pour autant, comme on pouvait quand même s'y attendre un peu de la part de musiciens d'un tel calibre, la musique acoustique et sans aucun effet électronique de Where You Wish You Were ne ressemble à rien de connu. Basée uniquement sur des mélodies et des accords (sans rythmique), les compositions affichent quand même quelques références aux musiques méditerranéennes et, en particulier, à leur composante orientale par l'utilisation d'un luth arabe qui n'est toutefois pas joué ici de manière traditionnelle ou classique. En conséquence, ce qu'on entend n'est ni de la world-music ni du jazz-world mais plutôt une musique hybride, aérienne et mélodique, avec des timbres très singuliers où percent diverses influences qu'il est impossible de connecter à une région géographique particulière. Il en résulte un album distinct, avec des compositions originales, des thèmes émouvants, des harmonies riches et des sonorités chaleureuses, qu'on a envie de se repasser en boucle. Michael League et Bill Laurance sont parvenus à créer une sorte de monde perdu imaginaire, doté de son propre folklore, dans lequel on aurait bien envie de passer ses prochaines vacances.

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Where You Wish You Were sur Amazon (*) ]
[ A écouter : La Marinada - Where You Wish You Were ]


Fred Hersch and Esperanza Spalding : Alive at the Village VanguardFred Hersch and Esperanza Spalding : Alive at the Village Vanguard (Palmetto Records), 6 Janvier 2023

1. But Not For Me (9:32) – 2. Dream Of Monk (7:36) – 3. Little Suede Shoes (9:03) – 4. Girl Talk (12:03) – 5. Evidence (6:35) – 6. Some Other Time (8:29) – 7. Loro (9:37) – 8. A Wish (4:35)

Fred Hersch (piano) ; Esperanza Spalding (chant)


Fred Hersch et Esperanza Spalding ont été enregistrés au cours de performances en duo données du 19 au 21 octobre 2018 dans l'emblématique Village Vanguard de New York. Si les facettes distinctes de leurs personnalités artistiques ne manquent pas de s'exprimer au cours de ce programme inspiré, il faut aussi louer leur extraordinaire interaction qui met en évidence une véritable complicité. L'ambiance du concert est particulièrement chaleureuse et la connexion entre les musiciens et le public semble totale (voir sur YouTube le concert donné par ce duo à Indianapolis en janvier 2023, deux jours après la sortie de l'album). Toutes ces qualités sont bien résumées par le pianiste/compositeur qui a déclaré dans un communiqué de presse : "on ressent vraiment la vitalité de la salle, du public et de notre interaction".

" Je crois que personne ne chante comme Esperanza. C'est une chanteuse impavide, un des plus grands talents que je connaisse. " (Fred Hersch)

« Jouer avec Fred, c'est comme être dans un bac à sable. Il prend la musique autant au sérieux que la vie et la mort, mais une fois sur scène, ce n'est que de l'amusement. » (Esperanza Spalding)

[ Chronique de Pierre Dulieu ]

[ Alive at the Village Vanguard sur Amazon (*) ]
[ A écouter : Alive at the Village Vanguard (teaser) - Fred Hersch & Esperanza Spalding live in Indianapolis, 8 janvier 2023 ]


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