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Dix CD pour les fêtes : regroupés par genre, voici quelques grands disques de Jazz qui ont marqué l'année 2006. Offrez-les et soyez assurés que personne n'ira les échanger le lendemain. Non, House Of The Hill de Brad Mehldau ne figure pas dans cette liste : cette fois, sa musique trop répétitive souffre d'auto-complaisance sur le plan technique et, plus grave, n'inspire pas grand chose non plus sur le plan émotionnel. Quant au duo Mehldau - Metheny, malgré les promesses d'inspiration réciproque que peut porter une telle association (souvenez-vous de Bill Evans - Jim Hall sur Undercurrent), il faut avouer qu'on reste sur sa faim : l'oeuvre, dominée par un Pat Metheny (auteur de 7 compositions sur 10) imposant nettement ses harmonies, est non seulement bancale mais, pour plaisants qu'ils soient, les duos (au contraire de l'excellent Say The Brother's Name en quartet) manquent parfois juste d'un peu de peps pour décrocher les cinq étoiles.
- Fusion / Guitare électrique Mike Stern : Who Let The Cats Out? (Heads Up), 2006 : l'ancien guitariste fusionnel de Miles revient avec un album moderne, inspiré et efficace dont la fraîcheur doit beaucoup à son éclectisme, à la tonalité claire et si particulière de la guitare ainsi qu'à l'apport d'invités prestigieux dont Roy Hargrove (trompette), Grégoire Maret (harmonica), Bob Malach (saxophone ténor), Meschell Ndegeocello et Richard Bona (basse électrique et vocal). De la ballade acoustique We're With You aux Funky Tumble Home et Roll with It en passant par le Bluesy Texas et le Jazz moderne de Leni Goes Shopping, la souplesse et le swing félin de ces aristocats-là vont vous combler de bonheur. [ Ecouter / Commander ] Trio Beyond : Saudades (2 CD ECM), 2006 - lire la chronique John McLaughlin : Industrial Zen (Verve), 2006 - lire la chronique - Ambient / Ouaté Suzanne Abbuehl : Compass (ECM), 2006 : étrange musique d'une chanteuse suisse vivant aux Pays-Bas qui échappe à toute classification. Le style est minimaliste dans l'esprit de Carla Bley et de Meredith Monk. La voix pure, à peine portée par un trio composé d'un piano (Wolfert Brederode), d'une clarinette (Christof May) et de percussions (Lucas Niggli), crée un monde ouaté même sur les reprises étonnantes du nostalgique Where Flamingos Fly (jadis interprété par Helen Merrill, Stan Getz et Gil Evans) où l'on croit entendre le cri des flamants roses, du bluesy et sensuel Call For All Demons de l'énigmatique Sun Ra et de l'angélique Children's Song de Chick Corea. Sur deux titres, une autre clarinette, celle du grand Michel Portal, apporte un surcroît de rêverie. Délicat et surtout profondément lyrique, ni jazz, ni classique, ni ethnique, Compass est le résultat atypique d'une pensée et d'une conception musicale totalement originales. - Jazz et musiques actuelles Michel Mainil Enter Project : Between The Two Solstices (Igloo), 2006 - lire la chronique Christian McBride : Live At Tonic (3 CD Ropeadope/Ryko), 2006 : trois compacts enregistrés à Manhattan en janvier 2005. Trois compacts bourrés d'un Jazz jouissif qui affiche l'attirance du bassiste (acoustique ou électrique en fonction des plages) pour l'univers fusionnel de Miles Davis et de Weather Report dont il reprend ici respectivement les fameux Bitches Brew et Boogie Woogie Waltz. Le groove du quartet est omniprésent sur le premier CD (le meilleur) qui regroupe de vraies compositions mieux articulées et plus concentrées. Les deux autres compacts sont essentiellement consacrés à des jam sessions jouées pendant les seconds sets des concerts. McBride y a fait appel à quelques invités célèbres dont Jason Moran au piano, Charlie Hunter à la guitare, DJ Logic aux platines et Scratch en tant que rappeur / vocaliste extraordinaire. L'ambiance funky est détonante et, malgré quelques inévitables longueurs, on s'amuse presque autant que le public du Tonic Club. [ Ecouter / Commander ] - Guitare manouche / Django Stochelo Rosenberg / Romane : Gypsy Guitar Masters (Iris Music), 2006 : l'un est gadjo (Romane) et l'autre manouche (Rosenberg). Tous les deux sont tombés sous le charme de Django Reinhardt quand ils étaient petits et ils ne s'en s'ont jamais remis. Bien sûr, on retrouve ici les inusables Nuages, Minor Blues, Rythme futur et autres Django's Tiger en plus de standards comme All Of Me ou Sweet Sue et quelques compositions originales (Pour parler de Romane ou Blues For Barney de Rosenberg) mais, aussi incroyable que cela paraisse, les deux guitaristes, bien épaulés par le contrebassiste métronomique Marc-Michel Le Bévillon, arrivent à leur rendre une nouvelle jeunesse. Mélange incroyable de virtuosité et de décontraction, ce concert Enregistré à l'Opéra Comédie de Montpellier le 8 octobre 2005 est tout simplement époustouflant. En plus, le label a ajouté un DVD gratuit offrant six titres du concert et deux documentaires où les musiciens parlent d'eux-mêmes, de leur rencontre et de leurs instruments. Indispensable à tous ceux qui aiment un tant soit peu les guitares acoustiques et le jazz manouche. [ Ecouter / Commander ] - Jazz moderne et/ou référentiel (Davis/Coltrane/Mingus...) Dave Douglas : Meaning And Mistery (Greenleaf), 2006 : Le prolifique trompettiste enregistre avec son quintette neuf nouvelles compositions. Il a gardé ses anciens comparses : Uri Caine est au Fender Rhodes, James Genus à la basse, Clarence Penn aux drums et l'unique nouveau venu est Donny McCaslin au saxophone ténor qui remplace désormais un Chris Potter probablement trop occupé par sa propre musique. Ce Jazz moderne, dont l'esprit peut évoquer le second quintet de Miles ou ses premiers albums avec un piano électrique, n'appartient pourtant qu'à Dave Douglas : son style tranchant, épuré, précis est au service d'une vision artistique unique par ailleurs fédératrice d'autres formes de création comme la peinture ou la poésie. Ecoutez seulement le fabuleux Culture Wars : la musique est tout simplement solaire. [ Ecouter / Commander ] Kenny Garrett : Beyond The Wall (Nonesuch), 2006 - lire la chronique Moker : Konglong (WERF), 2006 - lire la chronique |
Kenny Garrett : Beyond the Wall (Nonesuch Records), 2006. Après deux disques de smooth jazz légèrement funky (Simply Said et Happy People) et un Standards Of Langage meilleur mais inégal, le saxophoniste Kenny Garrett propose enfin un nouvel album (le premier sur le label Nonesuch) digne de son génie retrouvant l'inégalable ferveur exubérante affichée dans Songbook sorti en 1997 dans lequel il se hissait au niveau des plus grands altistes du Jazz tels Phil Woods ou Charlie Parker. Dans Beyond The Wall, il affiche une fois encore sa fascination pour John Coltrane auquel il avait déjà dédié il y a dix ans le disque Pursuance. A l'instar de Coltrane qui se tournait vers l'Inde comme un papillon vers la lumière, Garrett également subjugué par la spiritualité et le mysticisme extrême-orientaux est même parti chercher un peu plus loin, au Tibet et jusqu'en Chine. Pour concrétiser son inclination, il s'est associé à un géant du ténor qui fut autrefois compagnon de Coltrane : Pharoah Sanders et tout deux se sont lancés dans cette musique modale si propice aux longs développements majestueux. Le son des deux cuivres à l'unisson ou qui s'entrecroisent est colossal, les crescendos monumentaux, les solos titanesques. Derrière les deux hommes, la rythmique est luxuriante : le batteur Brian Blade et le bassiste Robert Hurst III enrichissent les progressions thématiques en leur insufflant une incroyable densité tandis que le pianiste Mulgrew Miller paie son tribut au grand McCoy Tyner à qui cet album est d'ailleurs dédié. Certains titres affichent quelques influences asiatiques et Tsunami Song est même enjolivé par un instrument chinois appelé ehru. Ailleurs, des voix surgissent comme des litanies répétées à l'infini et confèrent à la musique un côté hypnotique. Enfin, cerise sur le gâteau, le grand vibraphoniste Bobby Hutcherson insère des solos passionnés sur pas moins de cinq titres (sur 9). L'album se conclut sur May Be Peace Upon Them enregistré en quartet : le leader s'y montre impérial, dégageant au cours de son solo une émotion et une densité rares jusqu'au cri libérateur qui monte dans le ciel tel un jet de lave incandescent. Pas de doute, l'esprit du grand gourou noir est redescendu sur la terre et les volcans se sont à nouveau ouverts, libérant un courant d'énergie phénoménal qu'aucune muraille bâtie par les hommes ne saurait endiguer. De l'Asie à l'Afrique s'étend la musique de Kenny Garrett et Beyond The Wall, quand on n'est pas occupé à l'écouter, peut être rangé sans complexe aux côtés de Crescent et de A Love Supreme ! [ Ecouter / Commander ]
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Trio Beyond : Saudades (ECM), 2006. Le Trio Beyond, c'est d'abord trois musiciens hors du commun : le guitariste John Scofield, ancien sideman de Miles Davis (Star People, Decoy, You're Under Arrest), qui a depuis joué dans un nombre incalculable de formations de la fusion au Post-Bop en passant par le Funk, imposant un son distordu influencé par le Rock ; Jack Dejohnette, vétéran des années 60, une des dernières grandes légendes vivantes qui, avant de devenir un des batteurs attitrés du label ECM (Keith Jarrett's Standards Trio), fut le batteur de Miles sur Bitches Brew ; quant à Larry Goldings, relativement le moins connu des trois, c'est l'un des grands organistes modernes à avoir émergés après 1995. Les trois hommes ont eu l'idée de s'assembler pour rendre hommage à l'un des groupes les plus marquants du Jazz-Rock des années 69/70 : le Lifetime de Tony Williams formé après que le batteur ait quitté le second quintet de Miles en 1969 et qui comprenait le guitariste John McLaughlin et l'organiste Larry Young. Tout trois ont des accointances avec les musiciens du trio initial : Dejohnette a succédé à Williams dans le groupe de Miles Davis, Scofield a eu l'occasion de jouer avec Williams à plusieurs reprises et Goldings, qui est considéré par beaucoup comme le digne successeur du grand Larry Young, fut celui que Tony Williams appela quand, peu de temps avant sa mort en 1997, il avait souhaité faire revivre une nouvelle version de son célèbre Lifetime. Ce double album, intitulé Saudades, a été enregistré en novembre 2004 pendant un concert au Queen Elizabeth Hall de Londres quelques semaines seulement après la constitution du trio. Il aurait tout aussi bien pu être enregistré le premier jour tant l'empathie entre les trois hommes est immense. Dejohnette, dont le jeu est habituellement plus fluide et mélodique (l'homme fut d'abord pianiste), appuie ici sur l'accélérateur et se révèle, comme Williams l'était en son temps, la véritable dynamo de ce trio agressif et survitaminé. Un trio qui n'est d'ailleurs pas qu'un « tribute band » car, à côté de morceaux joués jadis par le Lifetime comme les inévitables Emergency ou Spectrum, il revisite aussi quelques titres liés à l'univers de Miles (Pee-Wee, Seven Steps To Heaven), à celui de Coltrane (Big Nick) ou encore de Joe Henderson (If) et ajoute dans le répertoire quelques compositions originales qui ne déparent en rien les classiques précités : Love In Blues et surtout Saudades comptent même parmi les grands moments du concert. Si vous appréciez la Fusion combustible du tournant des années 60 ainsi que le groove particulier des trios de guitare électrique / orgue Hammond / drums, cet album effeuille quelques belles pages du genre et prolonge, 36 années plus tard, l'histoire initiale par un nouveau tome alliant énergie, fraîcheur et innovation (le groupe s'est dénommé Trio Beyond parce que dès le départ, son intention était d'aller bien au-delà d'une simple relecture des classiques du passé). Habituellement, le label ECM ne fait pas dans le Jazz-Rock explosif mais pour un coup d'essai, on peut dire que c'est un coup de maître. [ Ecouter / Commander ]
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Keith Jarrett : The Impulse Story (Impulse! Records), 2006. Bien que dans les années 70, Keith Jarrett fut encensé par une certaine presse branchée comme un membre de la grande famille de la Fusion alors en plein essor, il préféra garder ses distances et continuer de jouer en acoustique. Sur scène toutefois, son attitude était bien celle d'un musicien de Rock : coupe afro, débout face à son piano, démonstratif dans ses poses, il chantait sur ses mélodies, grattait les cordes de son instrument ou bondissait soudain sur un saxophone soprano. Alors qu'il continua à produire des disques aux sensibilités plus européennes davantage en phase avec le concept du label munichois ECM, Jarrett signa en même temps un contrat avec Impulse! pour un autre genre de musique influencée par une école américaine aux velléités avant-gardistes sur laquelle planait aussi bien l'ombre de Miles Davis que celle d'Ornette Coleman. En compagnie de musiciens comme Dewey Redman, Charlie Haden, Paul Motian ou Sam Brown, Keith Jarrett enregistra pour le label rouge et noir huit albums de 1973 à 1976. Ouvert à toutes sortes d'expériences, mixant Rock, Free Jazz, Bop, R&B et rythmes exotiques, le pianiste se fit un nom qui dépassa les limites d'un public strictement Jazz et obtint même un certain succès auprès d'une jeunesse avide d'une musique progressive au croisement de tous les styles. Ce disque retrace en onze titres le parcours de Jarrett sur Impulse! et témoigne de l'extraordinaire vitalité de cette musique exploratoire qui reste aujourd'hui porteuse de bien d'émotions. De pièces atmosphériques en improvisations ardentes en passant par de superbes mélodies, on trouvera ici un panel de musiques indescriptibles dont la variété n'exclut pas l'extraordinaire connivence d'un groupe dont les membres ne tarderont pas à essaimer pour développer leurs propres visions. Bien que l'acquisition des albums complets enregistrés par Jarrett pour Impulse! soit grandement recommandée (particulièrement les premiers : Fort Yawuh, Treasure Island, Backhand et Death and the Flower), cette récente compilation n'en constitue pas moins une excellente introduction à cette période, surtout si vous ne possédez encore aucun des enregistrements originaux. [ Ecouter / Commander ]
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John McLaughlin : Industrial Zen (Verve), 2006. Ceux qui apprécient le côté électrique de John McLaughlin ne seront pas déçus. Bien que ce disque soit enrobé dans des textures synthétiques, il n'en évoque pas moins des brûlots plus anciens dont certains remontent au temps du Mahavishnu Orchestra. D'ailleurs, le guitariste a dédié la plupart de ses nouvelles compositions à d'anciens comparses qui ont guidé sa pensée ou avec qui il a partagé jadis sa longue carrière. Senor CS est ainsi un hommage à Carlos Santana déployé sur une rythmique furieuse composée d'une double batterie et d'une basse très présente tandis que Mother Nature utilise le talent vocal de Shankar Mahadevan (Remember Shakti) tout en évoquant la période Love, Devotion, Surrender. Bien sûr, Jaco Pastorius, Wayne Shorter et le Dalaï Lama ne sont pas oubliés et prêtent d'ailleurs carrément leurs noms aux titres d'un album qui renoue aussi avec un mysticisme dont le leader a toujours été friand. Les synthés et les bidouillages électroniques qui donnent aux textures sonores un aspect contemporain ne cachent pas la réalité : John McLaughlin a rebranché sa guitare et, à dix mille lieues au dessus de son précédent opus (Thieves and Poets en acoustique et avec orchestre), joue avec la même urgence qu'autrefois des lignes de notes étourdissantes qu'on ne trouve que dans son monde chromatique. Accompagné par des maîtres de la fusion comme Bill Evans (sax), Vinnie Coliauta (dr), Dennis Chambers (dr), Zakir Hussain (tabla), le guitariste texan Eric Johnson et le fantastique batteur et claviériste Gary Husband qui fut révélé par l'autre roi de la six-cordes britannique Allan Holdsworth, on a droit à tout ce qu'on pouvait attendre d'un grand retour à l'électricité. Les plages méditatives (le côté Zen) alternent avec d'autres qui déboulent comme des rames de métro (le côté Industrial) mais l'essentiel est que d'un bout à l'autre de cet album sonique, on vibre ! Et quand on vibre, c'est que c'est bon ! [ Ecouter / Commander ]
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Pat Martino : Remember - A Tribute To Wes Montgomery (Blue Note), 2006. L'histoire de Pat Martino est presque incroyable. Guitariste classé parmi les meilleurs de son temps, il enregistra dans les années 60 et 70 des disques mémorables comme El Hombre (Prestige, 1967), East! (Prestige, 1968), Baiyina (Prestige, 1968), Consciousness (Muse, 1974) ou Exit (Muse, 1976) avant d'être opéré d'un anévrisme cérébral en 1980 avec, comme séquelle, une perte de mémoire. Incapable de jouer, il réapprit son art pendant des années en réécoutant ses propres enregistrements et finit par sortir un nouvel album en 1987 intitulé tout simplement The Return (Muse). Enregistré en public, cet album en trio avec Steve LaSpina à la basse et Joey Baron à la batterie témoignait certes d'un courage admirable mais pas encore d'un total recouvrement de ses capacités. Les choses iront quand même pour lui en s'améliorant et, dans les années 90, des disques comme The Maker (Evidence, 1994), All Sides Now (Blue Note, 1997) et Stone Blue (Blue Note, 1998) démontreront que le maître est à nouveau en pleine possession de ses moyens. L'homme qui a appris à jouer deux fois dédie ce dernier album à l'un des plus grands guitaristes de Jazz, Wes Montgomery, qui fut l'une de ses influences majeures même si Martino s'est davantage exprimé dans un style Hard Bop influencé par la Fusion et parfois le Rock qui n'était pas celui de Montgomery. Pour l'occasion, Martino revisite le répertoire du maître d'Indianapolis (Four On Six, West Coast Blues, Full House, Road Song …) mais à sa façon, sans se confiner à une simple copie des originaux. On retrouvera bien sûr ici un jeu en octaves et quelques tournures de phrases qui démontrent que Martino à analysé et tout compris du jeu de son illustre héro mais aussi un phrasé rapide, un son d'une rondeur indescriptible et une précision dans les attaques qui colorent ces réinterprétations et les rendent intéressantes. Accompagné par Scott Allan Robinson (dr), John Patitucci à la basse, David Kikoski au piano et Daniel Sadownick aux percussions, Pat Martino délivre un disque qui comblera aussi bien les fans du grand Wes que tous les amoureux de guitare Jazz moderne, virtuose et intemporelle. Géant ! [ Ecouter / Commander ]
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Cassandra Wilson : Thunderbird (Blue Note), 2006. Thunderbird est le produit d'une collaboration, celle de Cassandra Wilson, chanteuse crossover à la voix envoûtante, et du producteur T Bone Burnett, ex-musicien de Bob Dylan bien défini par son superbe travail sur le film des frères Coen « O Brother ». Ce septième disque chez Blue Note risque encore de heurter les puristes en mélangeant des genres à priori peu compatibles : les ambiances hip-hop les plus modernes, des ballades Folk et le Blues profond du Mississippi, terre d'origine de Cassandra Wilson. Déjà, c'est en puisant dans les racines du Blues, qu'elle s'est fait connaître : personne n'a oublié ses interprétations très personnelles et réussies du Strange Fruit de Billie Holiday ou de Come On In My Kitchen de Robert Johnson. Ici, elle enfonce le clou avec le classique Easy Rider (enregistré par Blind Lemon Jefferson dans les années 20) qu'elle arrive à remettre au goût du jour grâce à un arrangement superbe dans l'esprit de Jimi Hendrix ou I Want To Be Loved de Willie Dixon porté par les riffs de guitare de Keb' Mo' et de Colin Linden et par la batterie de Jim Keltner. Sans œillères, Wilson ouvre aussi son répertoire à des morceaux moins convenus comme le traditionnel Red River Valley sur lequel elle dialogue avec la slide du Canadien Colin Linden ou la ballade Lost en duo avec le guitariste Marc Ribot. Le reste est plus ancré dans les goûts actuels (il y a même du sampling sur Go To Mexico) et recourt à des ambiances moelleuses et des rythmes sensuels qui mettent en valeur sa voix de velours. La production organique de Burnett est magique et les musiciens qui l'accompagnent irréprochables. Tout serait donc parfait si à certains moments, on n'avait cette impression bizarre que le son est plus important que les compositions, mais c'est une impression très fugace qui ne gâche pas le plaisir d'écoute. En somme, après trois disques autoproduits excellents mais un peu prévisibles, la chanteuse a cherché à donner une nouvelle dimension à sa musique tout en renouant avec son amour pour le Blues profond. Thunderbird s'inscrit ainsi dans le prolongement de ses plus célèbres opus, Blue Light ‘Til Dawn et New Moon Daughter (Blue Note, 1993 et 1996), qui restent quand même ce qu'elle a enregistré de mieux à ce jour, cet excellent album compris. [ Ecouter / Commander ]
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Brad Mehldau : Day Is Done (Nonesuch), 2005. Pour son second album sur le label Nonesuch (après Live In Tokyo enregistré en solo en février 2003), le pianiste Brad Mehldau, qui n'a jamais caché un certain attrait pour les thèmes du Rock, revient en trio sur un disque éclectique composé essentiellement de reprises dont quelques unes empruntées au répertoire Pop/Rock. On trouve ainsi, parmi les dix plages de ce CD, She's Leaving Home et Martha My Dear (en version solo) des Beatles, 50 Ways To Leave Your Lover de Paul Simon, Day Is Done de Nick Drake et Knives Out de Radiohead, un groupe que Mehldau semble apprécier particulièrement puisqu'il revisite régulièrement leurs compositions : la pièce maîtresse de son précédent album en concert était déjà une version épique et intense de 20 minutes de Paranoid Android qui figurait aussi sur Largo, Anything Goes comprenait Everything In Its Right Place et les albums The Art Of The Trio Vol.3 et Vol. 4 (Live) deux versions de Exit Music (For a Film). Souvent comparé à Keith Jarrett et surtout à Bill Evans dont l'influence se traduit dans ses premiers albums par une approche harmonique typée et un côté introspectif hyper développé qui confine au nombrilisme, Mehldau se renouvelle ici de manière inespérée, un changement qu'il faut probablement imputer au choix d'un nouveau batteur. Jeff Ballard met en effet fin à une collaboration de sept années entre le pianiste et Jorge Rossy, parti explorer d'autres sources d'intérêt. Ballard, qui a joué avec Chick Corea (Past, Present & Futures, 2001), Kurt Rosenwinkel (The Next Step, 2001) et l' Elastic Band de Joshua Redman (Momentum, 2005), est un batteur différent avec une frappe précise, nerveuse et dynamique. Quant à la brillance de sa technique, il suffit de réécouter les albums précités (celui de Corea surtout) pour s'en convaincre : l'homme est un virtuose. C'est bien lui qui, épaulé par le contrebassiste de la première heure Larry Grenadier, pousse ici le leader à davantage de vigueur, de cinétique, voire de concision. Nettement plus réussi que le précédent album en trio (Anything Goes, 2004), Day Is Done marque une évolution pour Brad Mehldau et c'est tant mieux. On ne regrette certes pas ses fameux Art Of The Trio (les volumes 1 et 3) toujours agréables à écouter, mais Day Is Done ouvre d'autres possibilités et laisse augurer un nouveau cycle plein de promesses. [ Ecouter / Commander ]
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Buddy Guy : Bring 'Em In (Jive), 2005. Après deux disques acoustiques marquant un retour aux racines du Blues, Buddy Guy revient encore une fois au format de ses premiers albums parus chez Silvertone au début des années 90 (Damn Right, I've Got The Blues, 1991 ; Feels Like Rain, 1993) qui firent briller son nom à côté des grands artistes de Rock comme Clapton, Stevie Ray Vaughan, Paul Rodgers ou Carlos Santana. Probablement guidé par le producteur Steve Jordan (également batteur) dont l'intention de départ était de sortir un nouvel album plus commercial, Buddy Guy s'est tourné vers le R&B et la Soul en reprenant quelques classiques empruntés aux ténors du genre comme Otis Redding (I've Got Dreams to Remember), Isaac Hayes (Do Your Thing), Curtis Mayfield (Now You're Gone), Wilson Pickett (Ninety Nine and One Half), Steve Cropper (On a Saturday Night) et Bill Withers (Ain't No Sunshine). A ce répertoire, il faut encore ajouter quelques titres mille fois rabâchés comme Lay Lady Lay de Bob Dylan et l'éternel I Put a Spell on You de Screamin' Jay Hawkins qui subit ici un phénoménal lifting de la part de Carlos Santana et, ainsi métamorphosé, aurait tout aussi bien pu figurer sur un des premiers albums du rocker latino. Pour parfaire le projet, on a bien sûr fait appel encore une fois à de prestigieux invités destinés à attirer l'amateur de Blues-Rock mainstream : Santana, John Mayer, Tracy Chapman, Anthony Hamilton et Keith Richards prêtent ainsi leurs talents respectifs pour colorer la musique du bluesman et contribuent à perpétuer la mode des albums de Blues « and friends » ou « with guest stars ». Finalement, pour entendre le vrai Buddy Guy, il reste peu de choses : What Kind of Woman Is This est un superbe Blues qui fait probablement référence au divorce récent du leader tandis que Cheaper to Keep Her / Blues in the Night et Cut You Loose emballent tout autant par leur approche plus authentique. Il est probable que cet album surproduit ne décevra pas les amateurs de Damn Right, I've Got The Blues mais il est moins certain que les vrais afficionados du grand Buddy y trouvent leur compte. [ Ecouter / Commander ]
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