CD NEWS : les Nouvelles du Disque (2003 - 2004)


Retrouvez sur cette page une sélection des grands compacts, nouveautés ou rééditions, qui font l'actualité. Dans l'abondance des productions actuelles à travers lesquelles il devient de plus en plus difficile de se faufiler, les disques présentés ici ne sont peut-être pas les meilleurs mais, pour des amateurs de jazz et de fusion progressive, ils constituent assurément des compagnons parfaits du plaisir et peuvent illuminer un mois, une année, voire une vie entière.

A noter : les nouveautés en jazz belge font l'objet d'une page spéciale.

Stéphane Belmondo : WonderlandDon Byron : Ivey-DiveyJan Garbarek : In Praise Of Dreams
Une sélection pour 2004

Comme chaque année, je retourne sur mes pas et fouille ma discothèque à la recherche des compacts qui se sont incrustés dans ma platine l'année dernière, ceux que j'ai glissés dans mon Case Logic pour les voyages, ceux dont il est difficile de me séparer. En voici quelques uns listés sans aucun ordre de priorité et tous dans des genres différents. Conseillés, recommandés, en tout cas à écouter si vous ne les connaissez pas encore, voici les choix de DragonJazz :

  • Trygve Seim : Sangam (ECM). Une musique entêtante et méditative à la croisée des chemins, entre improvisation et écriture, entre jazz et musique contemporaine. Pour écouter quelque chose de vraiment différent, misez sur ce saxophoniste norvégien et sur son grand ensemble nordique.
  • Diana Krall : The Girl In The Other Room (Verve). La chanteuse qui a contribué à sortir le jazz de l'ombre a le swing à fleur de peau. Accompagnée entre autres par le bassiste Christian McBride et le batteur Peter Erskine, Madame Elvis Costello procure le frisson avec des reprises de son époux, de Tom Waits, de Mose Allison et de Joni Mitchell mais aussi pour la première fois avec sa propre musique.
  • Bugge Wesseltoft / New Conception Of Jazz : FilmIng (Jazzland). A l'instar de son compatriote Nils Peter Molvaer, ce pianiste et organiste venu du Nord a fini par imposer ses climats post-modernes et ses rythmes syncopés. Aidé par le vocaliste Dhafer Yussef et un Joshua Redman (ts) tout funky, son groove flirte avec la zone rouge. Si l'électro-jazz est votre tasse de thé, tentez ce combo norvégien en pleine ascension.
  • Diederik Wissels : Song Of You (Igloo). Le Hollandais est déjà un pianiste rare mais Song Of You apparaît, dans sa discographie, comme un disque unique par son esthétique sans œillères qui ravira non seulement les amateurs de jazz mais également un public plus large appréciant aussi bien la musique de chambre que la musique folklorique, qu'elle soit d'ici ou d'ailleurs.
  • Stefano Di Battista : Parker's Mood (Blue Note). De Salt Peanuts à Round Midnight en passant par Night In Tunisia, voici dix thèmes historiques portant l'empreinte de Charlie Parker. Rien d'extravagant dans ces interprétations mais plutôt un profond respect de la part d'un saxophoniste soucieux de payer son tribut à celui qui inventa le Bebop. Accompagné par Kenny Baron (p), Rosario Bonaccorso (b), Herlin Riley (drs) et, sur quelques titres, par le trompettiste Flavio Boltro, Di Battista au sommet de son art revisite et émule ces chefs d'œuvres indémodables.
  • Jan Garbarek : In Praise Of Dreams (ECM). Ne lisez pas ce qu'on a écrit ailleurs. Ce disque est une merveille. Garbarek y joue des phrases mélodiques qui se solidifient dans l'air. La batterie de Manu Katché saupoudrée d'une fine dentelle électronique est d'une incroyable légèreté. Et la violoniste arménienne Kim Kashkashian réussit le tour de force de caler le timbre de son instrument sur le saxophone, mêlant ses mélopées à celles du leader en un écho mystique et singulier.
  • Mahieu - Vantomme Quartet : Whatever (WERF). Onze compositions originales qui sillonnent l'univers du jazz dans tous les sens : du swing presque classique et chargé d'émotion à la frange d'un free maîtrisé en passant par une modernité où plane l'esprit d'un Steve Coleman. Pourtant, loin d'être un collage, la musique dégage une cohésion qui fait que l'on a envie de l'écouter d'un seul tenant. Voilà du jazz que l'on peut qualifier de vivant et allumé ; comprenez : en totale opposition à ce qui est figé et éteint.
  • Stéphane Belmondo : Wonderland (B-Flat). Le trompettiste revisite en acoustique dix thèmes parmi les moins populaires de Stevie Wonder qui, faut-il s'en étonner, se prêtent admirablement à une adaptation jazzistique. Son frère Lionel joue de la flûte et de la clarinette et arrange avec goût. Quant au piano, il a été confié à Eric Legnini dont le jeu précis et clair rend le groove plus incisif. Un casting parfait pour un disque qui n'est pas loin d'être un classique.
  • Don Byron : Ivey-Divey (Blue Note). Abandonnant ses concepts saugrenus, le clarinettiste, accompagné par le pianiste Jason Moran en grande forme et le batteur Jack DeJohnette, a enregistré son meilleur disque. Des standards associés à Lester Young y côtoient avec bonheur de nouvelles compositions et deux reprises intrigantes de Miles Davis : Freddie Freeloader (Kind Of Blue) et un In A Silent Way acoustique. Mais n'attendez rien de convenu : c'est du Don Byron à 100%, libre et créatif, empathique et embrasé, exalté et virtuose.
  • John Scofield Trio : En Route (Verve). En concert au Blue Note à NYC, Sco relève la barre d'un cran et improvise tous azimuts, de la ballade au Bop, du blues au Boogaloo. Steve Swallow à la basse a suffisamment de bagout pour suivre la conversation. Quant à Bill Stewart, son jeu de batterie est tellement captivant qu'il y a même des moments où l'on n'écoute que lui. Ce trio est au top alors, après "En Route", vivement "On The Road Again" !

Vital Information : Come On In
Steve Smith & Vital Information : Come On In (Tone Center), 2004. Ne vous laissez pas avoir par la pochette ringarde de ce compact car ce qui est à l'intérieur est tout simplement un régal pour les amateurs de Jazz-rock électrique. Vital Information, fondé en 1983 par le batteur vétéran Steve Smith (Journey, Jean-Luc Ponty, Steps Ahead …), a connu de multiples changements de personnel au fil de sa discographie déjà longue de 11 albums. Rejoint par l'organiste Tom Coster en 1986, le guitariste Frank Gambale en 1988 et le bassiste Baron Browne en 2000, Steve Smith a finalement stabilisé le line-up de son groupe qui fait aujourd'hui partie des meilleurs représentants du genre. Come On In par exemple vous en mettra déjà plein la vue avec sa partie de basse électrique à la Jaco Pastorius intiment imbriquée à la guitare de Gambale. Mais le disque est varié avec deux plages acoustiques en trio (Beneath The Surface et Fine Line), une valse qui rend hommage aux origines italiennes du guitariste (From Naples to Heaven), l'emploi occasionnel d'un accordéon joué par Tom Coster sans oublier l'extraordinaire Baton Rouge, improbable croisement entre la musique cajun et des rythmes indiens. Le quartet démontre aussi ce que Funk veut dire avec Cat Walk, un titre chaloupé soutenu par un orgue Hammond B-3 qui n'est pas sans rappeler le grand Jimmy Smith (dont l'ombre plane encore davantage sur un titre Hard Bop plus classique comme Little Something). Gambale apparaît sur toutes les plages comme un guitariste inventif et d'une incroyable vélocité, mettant à l'occasion en pratique sa fameuse technique de sweep picking qui consiste approximativement en de rapides remontées ou descentes sur plusieurs cordes simultanées (bonjour le tricotage des doigts) : la frénésie qui s'en dégage, qui n'a rien de gratuite tant ces effets sont parfaitement naturels et maîtrisés, est tout bonnement ahurissante. Quant à Steve Smith, sa pulsation marque le temps avec une précision métronomique avec de soudaines poussées de fièvre qui font passer la ligne jaune sans qu'on s'en aperçoive, poussant alors les solistes dans leurs retranchements ultimes et engageant avec eux des passes d'armes aussi courtes que redoutables. Le dernier morceau du compact, High Wire, est à écouter en priorité par les aficionados de fusion tant le quartet s'en donne à cœur joie : Hammond B-3 déchaîné, guitare furieuse rappelant les plus grands moments de Tribal Tech ou du Chick Corea électrique, cadence étincelante du batteur… le groupe est ici au sommet de sa complicité et quand tout s'arrête sur une infernale série de breaks, on n'a qu'une envie : rester là haut et remettre ça encore une fois. Décidément, Vital Information est le secret le mieux gardé du Jazz-rock. A ne pas rater !
The RH Factor : Hard GrooveThe RH Factor : Strength
The RH Factor : Hard Groove (Verve), 2003 - The RH Factor : Strength (Verve EP), 2004. Le trompettiste Roy Hargrove, depuis ses premiers pas pour le label Novus en 1989, a montré un bel éclectisme dans ses choix musicaux. Son premier opus pour Verve en 1993 intitulé With the Tenors of Our Time, dans lequel il se frottait à cinq des plus grands ténors de l'époque, est resté dans les mémoires comme une belle leçon de Hard-bop, un style dans lequel les chroniqueurs l'ont un peu trop vite enfermé. En 1997, il remettait les compteurs à zéro en prenant la tête d'un orchestre américano-cubain dont l'exubérance latine mit le feu à sa réputation de bopper mainstream. Habana, avec Chucho Valdez au piano et un Russell Malone transcendant à la guitare, fut assurément l'une des productions les plus chaudes de l'année. Deux ans plus tard, il surprenait encore avec Moment To Moment, un disque nettement plus cool à la gloire d'un jazz classique enrobé d'un orchestre à cordes comme la plupart des grands trompettistes ont rêvé d'en enregistrer un jour. Mais la vraie révolution était encore à venir et elle fleurit au printemps 2003 avec un projet personnel par lequel Hargrove ouvrit la boîte de Pandore, libérant d'un coup toutes ses envies et ses innombrables influences. The RH Factor prit l'Europe (et dans une moindre mesure l'Amérique) par surprise en étalant une fusion libératrice de jazz, funk, R&B, néo-soul, hip-hop et rap tellement jouissive qu'on l'a comparée à la grande révolution que fut le Jazz-rock pour Miles Davis à la fin des années 60. C'était oublier bien sûr que d'autres avant lui avaient eu la même idée comme Brandford Marsalis avec Buckshot Lefonque par exemple, mais avec Hard Groove, le trompettiste, en se moquant des bien-pensants de son petit monde élitiste, a quand même ramené le jazz dans la rue. Et tout ça sans s'aliéner son passé de jazzman car il n'est pas question ici de sampler des musiques anciennes en les recyclant sur des rythmes bass'n'drums. C'est bien de vrai jazz moderne qu'il s'agit mais subtilement mélangé à ces nouvelles formes de musique noire populaire qui font vibrer les jeunes d'aujourd'hui. Pour ça, il s'est entouré d'un nouveau band (Keith Anderson, Sax ; Bernard Wright, keyboards ; Bobby Sparks, Fender-Rhodes ; Spanky, guitare ; Reggie Washington, basse acoustique ; Jason Thomas, drums) excellent dans ce contexte et sans doute incapable de rejouer les classiques de Habana mais armé pour s'imposer dans les clubs ou sur les radios branchées du monde entier. En invités, Erykah Badu, D'Angelo, Stephanie McKay, Q-Tip, Common et d'autres dont les noms sont totalement inconnus du jazzfan de base sont venus parfaire et adouber cette entreprise osée et bouillonnante. Et la meilleure, c'est que tout ça n'a rien d'une banale histoire commerciale tant la musique paraît honnête et spontanée. Pari réussi : les ventes ont grimpé et tout le monde parle sur le Net de Hard Groove comme d'une œuvre majeure. 25 titres furent enregistrés avec l'intention de sortir un double album mais en définitive, pour des raisons commerciales, Verve n'édita qu'un unique compact de 14 plages. Alors, à la demande de la division française du label, six autres titres issus des mêmes sessions sont maintenant gravés sur un nouvel EP intitulé Strength. Tous sont cette fois bien axés sur le côté funk de l'entreprise et le feu se ravive de plus belle. Nul ne sait ce que fera Roy Hargrove sur son prochain disque mais en attendant, vous pouvez faire tourner ces deux galettes sans modération. Ca se danse, ça s'écoute et ça fait plaisir à tout le monde. Recommandé !
Steps Ahead
Steps Ahead (Elektra), 1983 (réédition 2004). Voici une réédition bienvenue : celle du premier disque sorti en 1983 aux USA par le groupe Steps Ahead. Fondé par le vibraphoniste Mike Mainieri, Steps Ahead réunissait à l'époque, autour du leader, des pointures comme Michael Brecker (ts), Eddie Gomez (b) et Peter Erskine (batterie) en plus de la pianiste plus discrète et moins connue Eliane Elias, pour un disque de Jazz-rock / R&B / Fusion acoustique efficace, mélodique et magnifiquement interprété. Erskine, dont on connaît les qualités et qui profite ici de la technique sans faille du bassiste Eddie Gomez mixé bien devant, se révèle comme le vrai organisateur de cette musique à laquelle il confère une souplesse féline. Mainieri par son jeu profond et nuancé vous fera aimer le vibraphone même si vous avez des craintes à ce sujet. Quant à Brecker, c'est évidemment le soliste le plus imposant, délivrant des solos inventifs plein de passion tout en restant au service d'un jazz moderne qui s'est fixé quelques limites en matière de construction et d'accessibilité. Parmi les sept titres offerts, le premier, Pools, composé par Don Grolnick (pianiste de Steps, ancienne mouture du groupe) et Islands de Mainieri se distinguent comme des modèles du genre. Le disque se conclut par Trio, un titre de près 8 minutes mettant en évidence les capacités d'improvisation de Mainieri, Brecker et Gomez.. Le groupe connaîtra par la suite plusieurs changements de personnel et s'orientera vers une fusion électrique plus traditionnelle, devenant l'un des tremplins du fameux saxophoniste. Passeront ainsi entre autres au fil des disques, Tony Levin (Chapman stick), les pianistes Warren Bernhardt et Rachel Z, Darryl Jones et Victor Bailey (basse), le batteur Steve Smith et même le guitariste Mike Stern. Mais cet album-ci reste le meilleur de tous grâce à un line-up presque parfait (si Don Grolnick était resté aux claviers, ça n'aurait pas été plus mal !) et parce que c'est l'un des premiers véritables disques de fusion acoustique sophistiquée comme on n'en trouve pas tellement dans l'histoire du jazz. Croyez-moi, ça vole bien plus haut que Spyro Gyra, The Yellowjackets ou Elements à qui Steps Ahead a parfois été comparé. A redécouvrir !
John Abercrombie : Class Trip
John Abercrombie : Class Trip (ECM), 2004. Près de 60 ans et une liste de disques derrière lui tellement longue que celui qui ne le connaîtrait qu'imparfaitement aurait bien du mal à en choisir un. Pourtant, il y en a peu qui ne soient pas intéressants et celui-ci se classe parmi les tout meilleurs. Le style du guitariste John Abercrombie est devenu si parfait, si fluide qu'on est immédiatement troublé par la beauté des paysages sonores qui sont présentés ici. Le trio qui l'entoure est celui qu'il fallait pour donner à ces miniatures librement improvisées une profondeur peu commune. La rythmique composée de Marc Johnson à la contrebasse et du batteur Joey Baron est ample et réactive tandis que le violon de Mark Feldman, qui est l'autre secret de cette réussite, ajoute avec sophistication une extraordinaire touche d'émotion. Les hommes interagissent, se répondant l'un l'autre avec une science de l'écoute et de la répartie qui laisse pantois. Un peu comme si l'on écoutait le fameux trio (celui de Waltz For Debby) du pianiste Bill Evans réincarné en guitariste. On pourrait appeler ça de la musique de chambre non par ce qu'elle doit aux mélodies de la musique classique (et malgré une belle interprétation du Soldier's Song de Bela Bartok) que par la manière dont le quartet organise ses structures harmoniques et rythmiques. La seule autre comparaison possible que l'on puisse faire sans être sûr de se tromper, c'est avec Bill Frisell, un autre guitariste qui sait aussi faire passer avec calme, retenue et en quelques notes bien choisies, une dose massive de sentiments. Comme Frisell, Abercrombie a cette agilité, cette souplesse qui ouvre la musique sur les grands espaces où l'esprit se perd et le corps se régénère. Enfin, n'allez pas croire qu'il s'agit là d'un autre disque à la sonorité diaphane dominante destiné à la méditation. Non, c'est du pur jazz et, de la valse au bop en passant par la ballade romantique ou quelques effluves moyen-orientales, il y en a pour tous les goûts. Class Trip est varié, imprévisible, original et d'une indescriptible beauté. Bref, c'est le disque de guitare jazz de l'année 2004 !
Miroslav Vitous : Universal SyncopationsMichael Brecker Quindectet : Wide AnglesClark Terry & Max Roach : Friendship
Papa Noël est de retour. Des cadeaux ! Des cadeaux ! Et qu'est-ce qu'on peut offrir en 2003 à ceux ou celles qui aiment le jazz ? Piochez sans retenue dans cette sélection de dix disques choisis parmi les plus indispensables de l'année. Une sélection faite comme d'habitude sans préjugé, sans œillère et les pavillons grand ouverts sur la plus belle des musiques d'aujourd'hui. Pas de classement ni de priorité dans cette liste : juste 10 disques à écouter pour (se) faire plaisir sans retenue.

  • Chick Corea : Rendez-vous in New York (Stretch 2CD). Pour son soixantième anniversaire, Corea invite tous ses amis au Blue Note et enregistre un double compact en forme de bilan, parcourant au gré des différentes (re)formations un itinéraire discographique d'une richesse et d'une beauté sidérantes.
  • Michael Brecker Quindectet : Wide Angles (Verve). Le plus grand saxophoniste actuel remonte au créneau avec un sac bourré d'idées créatrices, invente un nouveau mot et retrouve avec son big band l'énergie de ses premiers disques en leader. Excitation garantie.
  • Chris Joris & Daniel Schell : Oratorio Ishango (Lyrae). Le plus beau des hommages à l'Afrique noire avec Fabrice Alleman en état de grâce, Chris Joris en magicien des percussions et le Chœur symphonique de Namur démesurément émouvant.
  • Miroslav Vitous : Universal Syncopations (ECM). Le bassiste tchèque s'associe à John Mclaughlin, Chick Corea, Jan Garbarek et Jack Dejohnette qu'il entraîne avec lui dans un jazz plus jouissif que jamais en profitant de l'occasion pour remettre les pendules à l'heure question basse.
  • Quatre : 4 (Mogno). Mario Locurcio et Nicolas Kummert, en compagnie du trompettiste Bert Joris en invité, ont concocté un jazz de chambre épuré et éthéré qu'on apprécie de plus en plus au fur et à mesure qu'on l'écoute.
  • John Taylor : Rosslyn (ECM). Le pianiste impressionniste anglais, en compagnie de Marc Johnson à la basse et de Joey Baron à la batterie, réinvente le trio de piano avec sa manière atypique de suggérer les mélodies. Plus frais et moins prétentieux que Brad qui vous savez.
  • John Scofield – Joe Lovano – Dave Holland – Al Foster / Scolohofo : OH ! (Blue Note). quatre géants pour un vrai disque de musique intense, épanouie et intelligente. Ne cherchez plus : tout ce que vous aimez dans le jazz est généreusement dispensé dans cet enregistrement palpitant.
  • E.S.T. : Seven Days of Falling (ACT). Simple et minimaliste paraît à première écoute la musique du trio d'Esbjörn Svensson mais il vous faudra plonger au cœur du son pour découvrir la beauté cachée des micro-arrangements du Suédois.
  • Lionel et Stéphane Belmondo : Hymne au Soleil (B Flat). Un concept original et ambitieux que ce disque consacré à une relecture de quelques compositeurs français du début du vingtième siècle. Une œuvre forte portée par une spiritualité qui n'est pas sans rappeler celle du grand John Coltrane.
  • Clark Terry & Max Roach : Friendship (Sony Jazz 88's). L'Honneur et la Gloire couronnant le temps. Une plongée en apnée aux sources du jazz. Pour faire le plein de swing et de bonne humeur et profiter une fois encore de l'extraordinaire talent de ces deux musiciens intemporels.
Pat Metheny : One Quiet Night
Pat Metheny : One Quiet Night (Warner Brothers), 2003. Tout au long de sa prodigieuse carrière discographique, Pat Metheny n'aura cessé de surprendre, passant des ambiances les plus intimistes (ses débuts sur ECM) au rock (il va jusqu'à reprendre Third Stone from the Sun sur une compilation de guitaristes dédiée à Jimi Hendrix – Stone Free, 1993), du jazz climatologique qui se joue des genres (le Pat Metheny Group) à des expériences sonores à peine audibles (Zero Tolerance for Silence), du jazz classique (Question and Answer avec Dave Holland et Roy Haynes ou Trio 99>00 avec Larry Grenadier et Bill Stewart) à des incursions dans l'avant-garde en compagnie de Dewey Redman (80/81) ou David Liebman (Elements: Water) sans oublier sa participation à quelques musiques de film mémorables (Under Fire, Falcon and the Snowman). Et le voici une nouvelle fois qui expérimente sur ce disque enregistré au coin du feu, en solitaire devant un micro, avec une nouvelle guitare baryton acoustique acquise récemment et accordée dans un registre grave selon un mode dénommé « Nashville ». Avec un tel concept artistique comme fil conducteur, ce disque présente forcément une uniformité de ton et d'atmosphère. Mais quel talent ! De ces accords finement égrenés, sans l'ombre d'un solo, se dégage une sérénité, une émotion, un lyrisme dont on sait le guitariste capable mais qui surprendra toujours. Sur trois reprises, dont My Song de Keith Jarrett et un surprenant Ferry Cross The Mersey emprunté à Gerry and the Pacemakers, quelques improvisations originales et son fameux Last Train Home, le guitariste déploie sa science de l'instrument avec une telle maestria qu'on finit par en oublier les limites. Un disque comme New Chautauqua (ECM, 1979) est sans doute ce qui se rapproche le plus de cet essai mais One Quiet Night est plus dépouillé, plus homogène, plus austère aussi par la volonté de l'artiste de s'en tenir à sa singulière idée. En tout cas, Metheny démontre si c'était encore nécessaire qu'il reste aujourd'hui un véritable créateur et l'un des guitaristes majeurs du nouveau millénaire. Quant à ce CD, on le conseillera à tous les amoureux des musiques paisibles, particulièrement ceux qui s'en délectent le soir, au bord du rêve, juste avant que le silence de la nuit ne les emporte vers un monde meilleur.
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