Rock progressiste : La Sélection 2013



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L'année 2013 a livré son lot de prog nouveau dans tous les styles mais elle aura surtout apporté la confirmation de deux ou trois choses dont on se doutait. Steven Wilson, le leader de Porcupine Tree, n'a désormais plus besoin de son groupe fétiche. Il s'est définitivement fait un nom en sortant dès le mois de février l'album de l'année : The Raven That Refused To Sing est un disque culte qui se bonifiera avec l'âge comme les grands albums légendaires des 70's sur lesquels il est d'ailleurs modelé. Simon Collins joue de la batterie et chante comme son père Phil mais, malgré un énorme potentiel, il n'avait pu jusqu'ici s'imposer : c'est fait grâce au réjouissant Dimensionaut de son nouveau groupe Sound Of Contact dont n'a pas fini d'entendre parler. Les Flower Kings sont revenus avec Desolation Rose, un album brillant qui témoigne à la fois de la forme actuelle du groupe suédois et de sa suprématie en matière de prog symphonique. Enfin, avec le deuxième volet de English Electric, Big Big Train a complété une œuvre monumentale qui fera date dans l'histoire du Prog.

Si les quatre disques précités sont incontournables, 2013 a aussi vu éclore quelques pépites dont on n'a pas encore fini de faire le tour. Certaines d'entre elles sont d'ailleurs toujours en écoute et feront sans doute l'objet d'une chronique détaillée ultérieure quand toutes leurs subtilités auront été assimilées correctement : The Mountain (Haken), Brief Nocturnes & Dreamless Sleep (Spock's Beard), Shrine Of New Generation Slaves (Riverside), The Snow Goose 2013 de Camel, le très attendu A Feast Of Consequences de Fish et le tardif Himlabacken Volume 1 de Moon Safari sont entre autre de bons candidats. En attendant, Le Sacre Du Travail (The Tangent), The Weight Of The World (Sanguine Hum), Rubidium de Maschine, Ego de Millenium, Lifesigns et même The Theory Of Everything (Ayreon), dont l'académisme est pourtant désormais sans surprise, auront globalement nourri le genre et méritent certainement qu'on leur prête une oreille attentive. A l'autre bout du spectre, le quatrième disque de Blackfield s'est enlisé dans une pop music sans consistance tandis que l'insipide Dancer And The Moon de Blackmore's Night ne plaira qu'aux inconditionnels de Ritchie Blackmore. Enfin, le projet And I'll Scratch Yours de Peter Gabriel n'aura finalement amusé que son auteur.

Parmi les albums de prog non anglophones, Le Porte Del Domani du groupe italien La Maschera Di Cera, Crash des Français d'Elora et Le Ver Dans Le Fruit de Nemo ont retenu toute notre attention tandis que dans le genre prog/jazz-rock instrumental, les sorties de Searching For Jupiter et de Nubium Swimtrip par respectivement Magnus Ostrom et Dan Berglund/Tonbruket (deux ex-membres du défunt Esbjorn Svensson Trio) auront marqué l'année ainsi d'ailleurs que le flamboyant nouvel opus de Chick Corea, The Vigil, qui renvoie aux plus belles heures de Return To Forever.

Côté métal, C'est Dream Theater et son album éponyme qui ont défrayé la chronique: attendu par tous et scruté à la loupe, le disque s'est en fin de compte révélé sans défaut et à la hauteur de ceux enregistrés jadis en compagnie de Mike Portnoy. Sinon, Harvest Moon de Votum et Darkness In A Different Light de Fates Warning ne sont certes pas passés inaperçu au contraire de l'excellent et subtil Paraiso du groupe allemand Subsignal qui aurait lui mérité plus d'attention qu'il n'en a reçu.

Au-delà de cet insignifiant microcosme, la planète a continué de tourner. L’année avait commencé au Mali et elle s'est terminée en Centrafrique. Condamnée par quasiment toute le monde, la Corée du Nord a persisté dans ses essais nucléaires alors qu'un astéroïde de 45 mètres de diamètre frôlait notre planète et rappelait à l'homme combien peu de choses il est dans l'univers. Dans la foulée, Hugo Chavez a tiré sa révérence, un nouveau pape argentin a été élu, des terroristes ont visé le marathon de Boston, et la National Security Agency dont parlait Dan Brown dans son premier roman est soudain entrée dans le collimateur des nations. La guerre civile a sévi toute l'année en Syrie tandis qu'à Istambul, on inaugurait un train qui relie l'Asie à l'Europe en passant sous le Bosphore. Un super-typhon dénommé Hayan, jugé hors catégorie par les chasseurs de tempêtes, a tué quelques 10.000 personnes aux Philippines. Et puis, le géant de la paix Nelson Mandela, regretté et célébré par à peu près tout le monde, est décédé le 5 décembre 2013 à Johannesburg tandis qu'à l'occasion de l'hommage qui lui était rendu, Obama a serré la main du Président cubain Raul Castro.

Nous ont aussi quittés cette année quelques musiciens plus ou moins célèbres sans lesquels le monde de la musique rock ne sera plus jamais le même : Ray Manzarek (claviériste des Doors), Kevin Ayers (premier bassiste de Soft Machine), Alvin Lee (Ten Years After), Lou Reed, J.J. Cale, Trevor Bolder (bassiste de Uriah Heep), Peter Banks (premier guitariste de Yes), Allen Lanier (Blue Oyster Cult), Ken Whaley (Man), et George Duke (claviériste entre autre de Frank Zappa). Mais on déplore aussi la perte du plus grand des designers de l'histoire du rock, Storm Thorgerson (Hipgnosis), qui nous laisse en héritage quelques unes des plus belles pochettes d'album jamais réalisées.

Et surtout, n'oubliez pas de visionner sur YouTube la vidéo la plus hilarante de l'année, celle de Carol Of The Bells publiée en décembre par Marillion.

En attendant, voici la sélection de Dragonjazz, faite de bric et de broc, amassée avec un peu de perspicacité et beaucoup de subjectivité dans tous les sous-genres qui composent aujourd’hui ce qu’on nomme encore et toujours le rock progressiste … Sic transit 2013 …


Ayreon : The Theory Of Everything (InsideOut), Pays-Bas 2013


Arjen Anthony Lucassen (gt, b, claviers)
Ed Warby (drums)
+ Invités

CD 1 : Phase I: Singularity (23:29) - Phase II: Symmetry (21:31) - Durée Totale : 45'00"
CD 2 : Phase III: Entanglement (22:34) - Phase IV: Unification (22:20) - Durée Totale : 44'54"


Septième album d'Ayreon, The Theory Of Everything marque le début d'un nouveau concept différent de l'univers de science-fiction exploré dans Timeline et les albums précédents (à l'exception notable de The Human Equation). Raconter comment un fils autiste mais génial (genre Will Hunting) aide son père à élaborer la fameuse théorie « du tout » susceptible de décrire de manière unifiée l'ensemble des forces fondamentales de la physique semblait à priori une bonne idée susceptible d'entraîner quelques réflexions philosophiques universelles. Mais, déclinée de manière trop prosaïque et en se focalisant surtout sur des conflits passionnels et sur leurs conséquences, l'histoire s'avère en réalité beaucoup plus simple qu'il n'y paraît. A l'instar du légendaire Tales From Topographic Oceans de Yes, The Theory Of Everything fut initialement pensé comme un double album comprenant quatre longues pièces musicales de plus de vingt minutes chacune : 1) Singularity, 2) Symmetry, 3) Entanglement, et 4) Unification. Mais en décidant impulsivement de faire un pied de nez au fameux Guide du Routard Galactique et à sa réponse à la Grande Question de l'Univers, Lukassen (on ne se refait pas) à tronqué son oeuvre en 42 morceaux, ce qui n'en simplifie certes pas l'écoute même si cela permet à ceux qui le souhaiteraient d'accéder plus aisément à certains passages particuliers. Sinon, les grands principes qui présidaient à la réalisation des précédents opus ont été respectés. Lukassen a fait appel à un pool de sept chanteurs différents pour interpréter les protagonistes de son roman musical, parmi lesquels on épinglera John Wetton (Asia) dans le rôle du psychiatre, Cristina Scabbia de Lacuna Coil impériale dans celui de la mère et surtout Tommy Karevik (Seventh Wonder, Kamelot) dont la voix extraordinaire donne littéralement vie au personnage du fils prodige. Il a aussi invité des musiciens issus de tous les horizons du Prog : Rick Wakeman (Yes), Keith Emerson (ELP), Jordan Rudess (Dream Theater), Troy Donockley (Iona, Nightwish) et Steve Hackett (Genesis) viennent ainsi jouer modestement quelques notes qui, sans être essentielles ni à ce disque ni à leur propre histoire, raviront toutefois leurs nombreux fans. Quant à la musique, il s'agit toujours de cet incroyable patchwork de métal, de rock progressif, de folk et d'ambiances électroniques qui, au fil des albums, est devenu l'étendard glorieux du vaisseau Ayreon. L'approche globale de The Theory Of Everything s'avère cependant plus ardue qu'autrefois : les idées et scénettes s'enchaînent de prime abord selon une formule inutilement complexe et, si cohérence il y a, elle ne surgira probablement qu'après de multiples écoutes attentives. A cet égard, il est quand même éloquent que le premier morceau à être livré sur le net soit une combinaison de deux titres non consécutifs sur le compact : The Theory of Everything Part 1 & Part 2 (pistes 2 et 11). Ceci dit, Arjen Lukassen est un artiste exigeant dont le grand souci est de ne pas se moquer de son public : son album regorge de riffs vengeurs, de sections instrumentales roboratives (Progressive Waves avec un Keith Emerson qui retrouve la sonorité de Lucky Man, Quantum Chaos, The Parting avec Steve Hackett, …) et de mélodies peaufinées avec un soin maniaque tandis que la production, plus claire et transparente que d'habitude, met merveilleusement en valeur les voix et les différents instruments. Le tout est emballé dans un superbe digipack comportant un livret attractif ainsi qu'une couverture dessinée par l'artiste belge Jef Bertels, aux commandes de toutes les pochettes d'Ayreon depuis Into The Electric Castle. En fin de compte, chacun devra se faire sa propre opinion sur cet opéra rock ambitieux mais sachez que cette opinion fluctuera probablement beaucoup en fonction du temps et de l'attention qu'on voudra bien lui accorder.

[ The Theory of Everything (2 CD & MP3) ]
[ A écouter : The Theory Of Everything (Part 1 & 2) ]

The Flower Kings : Desolation Rose (InsideOut), Suède 2013


Roine Stolt (chant, guitares)
Hasse Fröberg (chant, guitares)
Jonas Reingold (basse)
Tomas Bodin (claviers)
Felix Lehrmann (drums)

Tower One (13:39) - Sleeping Bones (4:16) - Desolation Road (4:00) - White Tuxedos (6:30) - The Resurrected Judas (8:24) - Silent Masses (6:17) - Last Carnivore (4:22) - Dark Fascist Skies (6:05) - Blood Of Eden (3:12) - Silent Graveyards (2:52) - Durée Totale : 59'37"

Il y a les grands albums des Flower Kings (Back In The World Of Adventures, Space Revolver), ceux qui sont plus expérimentaux (Unfold The Future), ou plus éclectiques (Paradox Hotel), plus musclés (Adam & Eve) ou encore plus rétro (The Sum Of No Evil), mais aucun n'est véritablement mauvais. Après un gel compréhensible au vu des multiples projets impliquant le chanteur et guitariste Royne Stolt, le groupe était revenu en 2012 avec Banks Of Eden, un disque qui sans innover n'en était pas moins frais et vigoureux. Il poursuit maintenant sur sa lancée avec ce formidable Desolation Rose débordant d'un rock symphonique qui devrait faire l'unanimité. Inutile d'analyser chaque titre de ce nouvel album en détail puisque la musique, dans son essence, ne s'écarte jamais vraiment de celle de son prédécesseur, cette filiation étant par ailleurs fort bien illustrée par le même design épuré de la pochette cette fois encore conçue par Silas Toball. Plus intéressant par contre est de ce pencher sur ce qui rend aujourd'hui les productions des Flower Kings aussi attachantes et nécessaires au prog actuel que le sont celles de Steven Wilson par exemple. D'abord, la musique, mélodique, sophistiquée et souvent épique, a une valeur narrative et évoque en filigrane celle des groupes classiques (Genesis, Gentle Giant, Camel et surtout Yes) mais sans jamais la copier : les FK ont su rapidement cultiver un style propre avec assez de caractère pour être immédiatement reconnaissable tout en restant accessible. Ensuite, les membres du groupe ont acquis au fil du temps une virtuosité exceptionnelle dont ils n'abusent jamais de manière égocentrique, préférant se concentrer sur les compositions mises en valeur par de subtils arrangements et des solos appropriés. La basse charnue et volubile de Jonas Reingold enrichit les textures; coloriste hors-pair, l'allemand Felix Lehrmann est le meilleur batteur que le groupe ait jamais eu; Hasse Fröberg à la seconde guitare apporte également un soutien sans faille aux harmonies vocales; et Tomas Bodin mêle avec bonheur au piano acoustique et aux synthés des claviers vintage comme l'orgue Hammond B3, le Fender Rhodes et le Minimoog. Quant à Royne Stolt, ses solos de guitare sont de plus en plus en plus précis et chantants tandis que sa voix unique, pourtant limitée dans le haut registre, fait désormais partie du patrimoine prog au même titre que celles de Peter Gabriel, David Gilmour ou Jon Anderson. Pour le reste, la musique, plus concise et cohérente que d'habitude, fait naître une palette d'émotions, engendrant la mélancolie, le mystère, l'angoisse ou la révolte en fonction des épisodes d'un thème qui n'est pas loin d'être un constat sociopolitique sur l'humanité et l'état de notre planète auquel on ne peut qu'adhérer. Tout cela s'entend fort bien dans Tower One, le premier morceau du répertoire, dans lequel une créature énigmatique nichée au sommet d'une tour observe les actions dérisoires et désespérées d'une humanité en quête d'Eden tandis que la musique explose en une bande sonore majestueuse. Desolation Rose est un disque pour les âges offrant tout ce qu'on pouvait espérer des Flower Kings et c'est indéniablement l'une des plus belles émanations du rock progressiste actuel.

[ Desolation Rose (CD & MP3) ]
[ A écouter : Tower One ]

Tonbruket: Nubium Swimtrip (ACT Music), Suède 2013


Dan Berglund (contrebasse)
Martin Hederos (piano, claviers, violon)
Johan Lindström (gt, pedal steel, claviers)
Andreas Werliin (drums, percussions)
Magnus Holmström (nyckelharpa sur 4)

A Road (to Anders Burman) (5:10) - Nightmusic (6:45) - Little Bruk (5:13) - Liga (7:12) - Nubium Swimtrip (7:59) - The Harmonist (4:51) - Dukes and Wells (7:17) - Arbat (5:56) - Peace (4:07) - Closing (3:36) - Floatsome (3:33) - Durée Totale : 61'39"

Quasiment en même temps que le batteur Magnus Ostrom, c'est cette fois le bassiste du défunt Esbjorn Svensson Trio qui sort un nouvel album. Comme son ancien complice, Dan Berglund est lui aussi passionné par le son, et sa passion s'étendant également au rock classique, il a choisi d'enregistrer sa musique dans les mythiques studios Abbey Road. Toutefois, plus que les Beatles, ce sont les climats aériens du Pink Floyd et la performance sonique du célèbre Dark Side Of The Moon, qui y fut enregistré entre mai 1972 et janvier 1973, qui ont inpiré Tonbruket (Atelier Sonore en suédois). Le résultat est une fusion étonnante d'influences diverses, bien plus proche du prog que du jazz, ce dernier n'apparaissant vraiment dans une forme pure que sur la ballade au piano intitulée Little Bruk. Pour le reste, on a droit à un florilège dynamique de musiques progressistes ici sombres et oppressantes, et là, atmosphériques et planantes. Parfois, comme sur Liga, un violon se combine aux synthés en procurant à la composition une lointaine nuance orientale d'origine inconnue. Ailleurs, c'est une pedal steel guitare qui fait monter en spirale des volutes de fumée multicolore comme dans Ummagumma ou le grand happening floydien sur le volcan de Pompei (Nubium Swimstrip). Le plus étrange consiste en ces petites pièces peuplées de bruitages et centrées sur des rythmes hypnotiques qui s'abreuvent au krautrock expérimental des seventies (The Harmonist) à moins bien sûr que ce ne soit du post-rock velouté ultra moderne (Nightmusic). Et enfin, il y a ces amples compositions évanescentes qui évoquent des paysages sonores imaginaires comme savent si bien le faire Sigur Ros ou Brian Eno et ses acolytes des séries "Ambient" (le mystérieux Closing et Floatsome). Quoi qu'il en soit, on l'aura compris, la musique de Tonbruket est bien difficile à catégoriser. Dan Berglund (b), Martin Hederos (claviers et violon), Johan Lindström (guitares et pedal steel) et Andreas Werliin (drums) sont certes des musiciens de jazz accomplis mais le fait de les voir ainsi créer une musique d'une sensibilité différente, sans improvisations démesurées, et qui se référe au monde du rock, est tout à fait réjouissant. Magnifiquement enregistré par l'ingénieur du son Ake Linton (Anders Jormin, Bobo Stenson, Yaron Herman Trio et bien sûr E.S.T.), Nubium Swimtrip, tout comme Searching Of Jupiter de Magnus Ostrom dans un autre registre, est un vrai disque de rock progressiste multifacettes recommandé à tous ceux qui apprécient le genre dans une version ouverte et instrumentale où le jazz n'est qu'une influence parmi d'autres. Recommandé !

[ Nubium Swimtrip (CD & MP3) ]
[ A écouter : Tonbruket: Nubium Swimtrip teaser ]

Maschine : Rubidium (InsideOut), UK 2013


Luke Machin (Guitare & Chant)
Elliot Fuller (guitare)
Daniel Mash (basse)
Doug Hamer (batterie)
Georgia Lewis (claviers, chant)

The Fallen (10:16) - Rubidium (8:15) - Cubixstro (8:53) - Invincible (10:02) - Venga (6:21) - Eyes Pt.1 (5:52) - Eyes Pt.2 (8:37) - Durée Totale : 58'50"

Le patronyme du groupe résulte de la contraction des noms de deux de ses membres : le bassiste Daniel Mash et le guitariste Luke Machin. Ce dernier s'est déjà fait une réputation enviable en jouant de la six-cordes pour Andy Tillison au sein de The Tangent, délivrant des solos de haut-vol qui ont même réussi à faire oublier le Royne Stolt des deux premiers albums. Sorti sur le célèbre label allemand InsideOut, Rubidium témoigne de l'intérêt de Maschine pour le rock progressiste sous toutes ses formes, ce qui se traduit par un disque extrêmement varié, pour ne pas dire hétérogène, dont les titres ne sont pas tous égaux en réussite. The Fallen par exemple, qui ouvre le répertoire, plaira probablement aux fans de prog-métal mais, dans sa section la plus extrême, le déficit mélodique plombe largement le climat. Luke Machin a beau soloter avec une virtuosité qui évoque John Petrucci, la machine tourne sur elle-même et engendre une certaine lassitude surtout chez ceux qui n'apprécient pas particulièrement ce genre de froide technicité. Le même sentiment prévaut encore mais dans une moindre mesure sur la section chantée de Rubidium. Ensemble, ces deux titres font quand même près de vingt minutes (sur un total de 58) de musique complexe et parfois brillante mais pas totalement convaincante. Heureusement, la plupart des autres compositions sont enthousiasmantes et certaines ne sont pas loin du chef d'oeuvre. Comme Invincible, une véritable chanson progressiste toute en nuances avec flûte et guitare acoustique, harmonies vocales (féminines et masculines) et mélodies accrocheuses, interludes instrumentaux et multiples changements de tempo. On pense à Steve Hackett dont Maschine épouse ici le légendaire éclectisme. Mêlée au piano, la guitare impressionniste de Machin éblouit mais le solo de basse électrique en finale est tout aussi réjouissant. Cubixstro surprend par son groove exotique où perce l'influence des musiques noires. Quant à Venga, il renoue avec le prog-métal mais d'une manière beaucoup plus maîtrisée et mieux intégrée dans la structure de la composition. Le répertoire de l'album dans sa version normale se termine sur la suite Eyes déclinée en deux parties intelligemment fusionnées. Jazz, métal et rock sont ici abordés dans une succession de mouvements qui s'imbriquent les uns dans les autres avec beaucoup de grâce. Et Machin y délivre quelques solos d'anthologie en parfaite symbiose avec la claviériste Georgia Lewis. En dépit des deux premiers titres destinés à un public plus extrême et d'un mixage qui laisse de la marge à une amélioration, Rubidium reste incontestablement une découverte à faire de la part d'un groupe ambitieux même s'il est encore loin d'avoir atteint sa maturité. Moins de dispersion, des vocaux mieux travaillés et un mixage plus avantageux sont les premiers conseils qui me viennent à l'esprit pour leur prochain compact, en plus bien sûr de choisir une pochette un peu plus attractive que celle-ci.

[ Rubidium (Édition Spéciale) ]
[ A écouter : The Fallen et Rubidium Album Teaser ]

Sanguine Hum : The Weight Of The World (Esoteric Recordings), UK 2013


Joff Winks (chant, gt, programmation)
Matt Baber (claviers, percussions électroniques)
Brad Waissman (basse)
Andrew Booker (batterie)

From The Ground Up (5:35) - System For Solution (8:02) - In Code (4:35) - Cognoscenti (3:57) - Day Of Release (5:51) - Phosphor (3:04) - The Weight Of The World [parts 1 To 3] (14:51) - Durée Totale : 45'55"

Originaire d'Oxford, ce quartet n'en est qu'à son deuxième album bien que les musiciens peuvent se prévaloir d'une expérience beaucoup plus longue acquise en jouant sous divers noms un rock progressiste expérimental inspiré aussi bien par Frank Zappa que par la scène de Canterbury. Mais The Weight Of The World marque une évolution radicale aussi bien au plan de l'esthétique musicale qu'au niveau des compositions et cet album pourrait bien être l'opus qui les fera connaître d'un public élargi. Le titre éponyme, une suite de 15 minutes en trois parties, témoigne en effet à la fois d'une technique sans faille basée sur l'interaction entre un guitariste (Joff Winks) et un claviériste (Matt Baber) qui se connaissent depuis quinze années, d'un éclectisme aussi surprenant qu'attrayant, et d'une profondeur indiscutable du discours qui va bien au-delà de la simple virtuosité. Guitares acoustiques et xylophone, parties instrumentales brillantes et interludes versatiles à la Zappa, textures amples et variations progressistes en pagaille, plus la voix claire et haut perchée de Joff Winks très agréable à entendre... Sanguine Hum s'impose par sa musique dense et complexe mais aussi actuelle et accessible. The Weight Of The World n'est toutefois pas l'album d'un seul titre et contient beaucoup d'autres perles. De l'atmosphérique Phosphor bâti sur un superbe accompagement de piano à System For Solution et son drive de guitare irrésistible évoquant le modernisme visionnaire d'un Steven Wilson en passant par From The Ground Up, un hymne néo-prog classicisant qui aurait pu être composé par IQ, on ne s'ennuie jamais d'autant plus que la section rythmique, composée du bassiste Brad Waissman et du nouveau batteur Andrew Booker (No-Man, Peter Banks), évite tous les pièges de la monotonie en relançant en permanence la machine. Et il y a même quelques essais avant-gardistes comme In Code bâti sur une séquence d'accords bizarres à la limite de la dissonance ou Days Of Release sur lequel on a intelligemment greffé un loop électro sans pour autant provoquer un rejet de la part de l'auditeur. Pas de doute: Sanguine Hum vient d'imposer une nouvelle étoile, parfaitement identifiable, dans le ciel du prog moderne et ceux qui apprécient les musiques ambitieuses, intègres et sophistiquées de Steven Wilson, Porcupine Tree, North Atlantic Oscillation, Radiohead ou Lifesigns feraient bien de leur prêter une oreille attentive. A noter également la curieuse pochette conçue par le talentueux Carl Glover pour Aleph Studio (Marillion, No-Man, Storm Corrosion, Porcupine Tree, Blackfield...) dans un style sombre et industriel qui donne une touche visuelle classy à cet album très réussi.

[ The Weight Of The World (CD & MP3) ]
[ A écouter : From The Ground Up et Extraits musicaux + Session d'enregistrement ]

Black Sabbath : 13 (Vertigo), UK 2013


Ozzy Osbourne (chant)
Tony Iommi (guitare)
Geezer Butler (basse)
Brad Wilk (batterie)

End Of The Beginning (8:07) - God Is Dead? (8:54) - Loner (5:06) - Zeitgeist (4:28) - Age Of Reason (7:02) - Live Forever (4:49) - Damaged Soul (7:43) - Dear Father (7:06) - Durée Totale : 53'16"

Ils l'ont appelé 13 et ils se sont littéralement battus contre l'adversité pour qu'il devienne une réalité. Ce 19ème album en studio est peut-être le dernier chant de ce cygne noir qu'est Black Sabbath. Un Black Sabbath blessé, en bout de course, avec un Tony Iommi luttant contre le cancer, un Ozzy osbourne désemparé par des tribulations familiales et un Bill Ward fatigué et manquant à l'appel à cause d'une bizarre et peu crédible histoire de contrat. Pourtant, le fait est là: 43 ans après l'album légendaire Paranoid qui transforma à jamais leurs vies médiocres en héros du rock lourd, Black Sabbath, reconstitué aux trois quarts, a miraculeusement retrouvé l'énergie et un savoir faire que plus personne n'espérait. Bon, ils ont eu un peu de chance aussi en recrutant le batteur Brad Wilk (Rage Against The Machine) qui s'est révélé un substitut fort honorable. Et puis, ils ont été pris en main par le producteur visionnaire Rick Rubin (Red Hot Chili Peppers, The Mars Volta, Metallica et ZZ Top) qui ne voulait pas entendre parler de heavy métal. Devant les protestations du groupe, il leur a fait réécouter le premier album éponyme de 1969, teinté de blues-Rock et qui comprenait même un titre avec un harmonica (The Wizard). Tout le monde s'est aligné et le résultat est probant: 13 renoue avec les grands moments du Sabbath qui s'étalent sur les quatre premiers albums et oublie les erreurs des trois autres décennies qui, si elles n'étaient pas totalement insignifiantes, furent quand même fort erratiques. Le riff lent, incantatoire et massif de End Of The Beginning renvoie au morceau Black Sabbath dont il émule la même atmosphère maléfique si bien suggérée autrefois par la photographie sanguine de Marcus Keef. Zeitgeist est un Planet Caravan version II avec un superbe solo jazzy de Tony Iommi. Quant à Damaged Soul, c'est le retour inespéré à un blues- rock puissant enluminé comme il se doit par un harmonica plaintif. Entre ces titres mémorables qui raniment tant de souvenirs, il y en a beaucoup d'autres, tous peuplés de riffs énormes comme seuls Iommi sait les pondre et tous hantés de textes sombres où la mort, telle une hyène, rôde en permanence. Le dernier titre, Dear Father, se termine sur un fond d'orage et des cloches qui sonnent dans le lointain, clin d'oeil au premier disque qui commençait ainsi. La boucle du temps se referme sur 43 années de musique macabre et infernale où le pire et le meilleur se sont longtemps côtoyés. Et si l'existence de Black Sabbath, revenu inopinément à son point de départ, devait finir ici, cet album vintage resterait sûrement dans toutes les mémoires comme une révérence quasi-parfaite!

[ Black Sabbath Website ] [ 13 (CD & MP3) ] [ 13 (Edition Deluxe - 3 titres en bonus) ]
[ A écouter : Dear Father et End of the Beginning (Live) ]

Sound Of Contact : Dimensionaut (InsideOut), UK 2013


Simon Collins (chant, drums)
Dave Kerzner (claviers)
Kelly Nordstrom (guitare, basse)
Matt Dorsey (guitare, basse)
+ Hannah Stobart (chant)
+ Wells Cunningham (violoncelle)

Sound of Contact (2:05) - Cosmic Distance Ladder (4:44) - Pale Blue Dot (4:44) - I Am (Dimensionaut) (6:25) - Not Coming Down (6:01) - Remote View (3:54) - Beyond Illumination (5:53) - Only Breathing Out (5:57) - Realm of In-Organic Beings (2:53) - Closer To You (5:05) - Omega Point (6:30) - Möbius Slip (19:36) - Durée Totale : 73'42"

Comme l'écrivait jadis Emile Zola, bon sang ne saurait mentir. Batteur et chanteur comme son père Phil Collins, le rejeton a de l'énergie à revendre et une voix qui rappelle celle du papa, renvoyant à ces années heureuses où furent enregistrés les chefs d'œuvre Winds And Wuthering, And Then There Were Three, Duke et Abacab. Ceci pour dire que ceux qui n'apprécient pas trop cette seconde période de Genesis, sans Peter Gabriel, ne seront probablement pas non plus entièrement satisfaits de ce disque qui comprend un bon nombre de chansons pop/rock sans véritable innovation. Les autres par contre vont se régaler car Dimensionaut est non seulement un album plaisant, accessible et techniquement parfait (grâce à la production immaculée de Simon Collins and Dave Kerzner) mais il est aussi très varié, offrant même quelques moments de bravoure qui sonnent, eux, comme de vraies surprises. Le tandem Sound Of Contact et Cosmic Distance Ladder, qui ouvre l'album, constitue ainsi une superbe composition progressiste, quasiment instrumentale, qui évoque les grandes symphonies astrales de Yes. Le concept général de l'œuvre est d'ailleurs dans la même ligne mystico-cosmique si prisée par Jon Anderson puisqu'elle raconte l'histoire d'un personnage anonyme qui fuit une réalité décevante en se propulsant à travers le temps, l'espace et d'autres dimensions (d'où le titre de l'album: le dimensionaute, comme se définit lui-même dans une chanson le protagoniste de cette étrange épopée). On appréciera en passant le superbe travail des musiciens, en particulier le claviériste Dave Kerzner, très présent au niveau des textures, et le guitariste Kelly Nordstrom responsable de quelques lâchers de guitares aussi mélodiques qu'efficaces. Pale Blue Dot confirme l'attrait indéniable de cette formation qui affiche une écriture moderne par exemple en intégrant des boucles de synthé en ligne avec le rock progressiste actuel. Not Coming Down, Remote View et Beyond Illumination sont plus consensuels en rappelant le Genesis seconde époque : la similitude entre les voix du père et du fils est frappante tandis que la frappe précise, claire et maligne rappelle celle de ce véritable héro de la batterie qu'était Phil Collins (il l'était au temps de Brand X et il l'est resté plus tard même sur ses disques les plus commerciaux). Si Only Breathing Out louche sur le rock alternatif, Realm Of In-Organic Beings paie son dû au Pink Floyd avec une ambiance aérienne et des vocalises célestes à la “The Great Gig In The Sky”. Mais le meilleur est encore à venir avec, en finale, le titre épique Möbius Slip qui frôle les 20 minutes et le bonheur absolu. On y retrouve beaucoup de la grandeur de Watcher Of The Skies, entre autre cette atmosphère de science-fiction sombre et mystérieuse qui a peut-être inspiré les auteurs. Loin de n'être qu'une parodie de Genesis, cet album conceptuel est pétri de musique vibrante et moderne, offrant une approche multidimensionnelle à l'instar de son héro sautant d'un monde à l'autre.

[ Sound Of Contact Website ] [ Dimensionaut (CD & MP3) ]
[ A écouter : Extraits de l'album Dimensionaut et Not Coming Down ]

Cosmograf : The Man Left In Space (Cosmograf Music), UK 2013


Robin Armstrong (chant, gt, claviers...)
+ Invités

How Did I Get Here? (2:06) - Aspire, Achieve (10:15) - The Good Earth Behind Me (4:18) - The Vacuum That I Fly Through (5:00) - This Naked Endeavour (4:42) - We Disconnect (5:45) - Beautiful Treadmill (5:03) - The Man Left In Space (9:58) - When The Air Runs Out (9:35) - Durée Totale : 56'42"

Robin Armstrong est un multi-instrumentiste anglais produisant, dans le studio qu'il s'est lui-même construit, des albums inspirés par la grande tradition du rock progressif symphonique. Le concept de The Man Left In Space orbite autour d'une mission spatiale qui a mal tourné mais, derrière cette banale histoire de science fiction, se cache en réalité une réflexion aiguisée sur les sacrifices et les peines, causées à soi-même et aux autres, invariablement liés au succès personnel. En filigrane, l'auteur plaide aussi pour la poursuite de l'exploration spatiale en tant qu'unique possibilité de survie pour une humanité en croissance sur une planète aux ressources limitées. Ces textes, dont le côté nostalgique, voire tragique, évoquent parfois ceux de Rogers Waters, vont bien au-delà des futilités généralement abordées dans les chansons populaires. Il sont en plus mis en valeur par une musique prenante, grandiose qui, elle aussi, porte dans ses gènes quelques réminiscences floydiennes du temps de Dark Side Of The Moon : bruitages et effets spéciaux, passages récités, guitares lancinantes, groove hypnotique et son moelleux sont ainsi au rendez-vous. Mais Armstrong est aussi un musicien de son temps aux oreilles grandes ouvertes et sa musique incorpore des sons plus actuels comme ceux que l'on peut entendre chez Porcupine Tree ou même chez Muse et qui donnent à cet album un cachet vraiment spécial. Comme d'habitude, le leader s'est entouré de quelques invités prestigieux pour enrober sa voix et compléter son propre panel d'instruments : de passage en Angleterre, Nick D'Virgilio (Spock's Beard, Big Big Train) s'est mis derrière les fûts tandis que Dave Meros (Spock's Beard également) délivre une belle partie de basse fretless sur le finale When The Air Runs Out. L'instrumental The Vaccum That I Fly Through bénéficie de la présence du guitariste Matt Stevens qui substitue au chant une mélodie simple et aérienne de toute beauté. D'autres comme Greg Spawton (Big Big Train), le guitariste Simon Rogers (Also Eden, Francis Dunnery) et le bassiste Steve Dunn (Also Eden), responsable du riff monstrueux d'Aspire Achieve, prêtent également leur talent au fil des morceaux. Pas question d'abandonner la lecture du disque en plein milieu : The Man Left In Space s'écoute d'une traite comme les grands albums conceptuels d'autrefois. Dommage que, pour des raisons financières, cette production indépendante ne puisse pas pour l'instant être jouée sur scène : le potentiel de Robin Armstrong est énorme et, vu l'intérêt que lui portent déjà les médias spécialisés, sa reconnaissance internationale ne dépend plus que de la manière dont il gèrera professionnellement son futur (formation stable et concerts). Coup de cœur !

[ Cosmograf Website ] [ The Man Left In Space (CD & MP3) ]
[ A écouter : Aspire, Achieve et When The Air Runs Out ]

Lifesigns : Lifesigns (Cherry Red Records/ Esoteric Recordings), UK 2013


Lighthouse (12:51) - Telephone (9:16) - Fridge Full Of Stars (11:18) - At The End Of The World (8:23) - Carousel (11:46) - Durée Totale : 53'49"

John Young (chant, claviers) - Nick Beggs (bass, Chapman Stick) - Martin "Frosty" Beedle (drums)
Superbe, le paysage bucolique de la pochette (conçue par Brett Wilde) accroche tout de suite le regard mais le nom du groupe est une énigme. Par contre les musiciens ne sont pas inconnus : le claviériste et chanteur John Young, qui est aussi le compositeur de tous les titres de ce disque, a joué avec Uli Jon Roth dans les années 80, et depuis avec Asia, Paul Rodgers, Bonnie Tyler, Greenslade et The Strawbs. Nick Beggs qui a tenu la basse et le Chapman stick pour Iona, Kompendium et Steve Hackett est aujourd'hui surtout connu pour sa contribution remarquée à la musique de Steven Wilson. Quant à Martin "Frosty" Beedle, il fut autrefois le batteur de Cutting Crew qui décrocha un hit aux USA en 1986 avec I Just Died in Your Arms. En plus, sur certaines plages, le trio est accompagné par des invités prestigieux qui donnent quelques indices sur le style de musique abordé par Lifesigns: Robin Boult (Fish), Steve Hackett et Jakko Jakszyk (Level 42, The Tangent et Robert Fripp) aux guitares ainsi que Thijs Van Leer, l'inénarrable flûtiste éclectique du groupe hollandais Focus. Captivant apparaît déjà le premier titre, Lighthouse, avec ses nappes sonores mystérieuses, ses claviers lumineux, sa basse dynamique et ses mélodies fortes qui s'incrustent dans la mémoire. Un peu avant la dixième minute, Robin Boult entre en scène, démontrant l'ampleur de son talent à peine entraperçu dans ses collaborations avec le chanteur Fish. La guitare se faufile alors à travers un mur de son qui se perd dans le grondement de l'orage et le cri des goélands. Telephone confirme la fraîcheur de la musique du trio. Sur un drive de basse irrésistible qui est désormais la signature de Nick Beggs, la chanson la plus accessible de l'album coule comme l'eau vive, bourrée d'harmonies vocales enchanteresses. Il est temps alors d'aborder la pièce centrale de l'album: l'épique Fridge Full Of Stars digne des plus belles compositions de Yes. Thème cosmique, passages instrumentaux atmosphériques, changements de tempo, chant et refrain aériens dans le style de Jon Anderson : tout y est y compris le duo espéré entre ces deux monstres sacrés du prog que sont Steve Hackett et Thijs Van Leer. At The End Of The World se révèle une tapisserie de prog symphonique dans le style de Big Big Train avant d'évoluer en crescendo par rajout de couches successives de claviers. Quand au dernier titre, Carousel, il ramène une dernière fois l'auditeur dans le monde magique de la grande musique progressiste anglaise, tendance Yes filtrée au tamis de la modernité. A côté du "Raven" de Steven Wilson avec qui il a aussi quelques accointances, ce disque exceptionnel est l'autre grande claque de ce début d'année, le genre de production soignée qui fera lever dans un élan unanime les sourcils fébriles de ceux qui vont le découvrir.

[ Lifesigns (CD & MP3) ]

Millenium : Ego (Lynx Music), Pologne 2013


Łukasz Gall (chant)
Ryszard Kramarski (claviers)
Piotr Płonka (gt)
Krzysztof Wyrwa (b))
Tomasz Pasko (dr)

Ego (10:35) - Born In 67 (9:01) - Dark Secrets (6:45) - When I Fall (5:23) - Lonely Man (10:37) - Goodbye My Earth (10:01) - Durée Totale : 51'42"

Millenium existe depuis 1999 et a déjà sorti huit disques en studio (dont le double album Puzzles en 2011), une production live (Back After Years - Live In Kraków 2009) et deux compilations incluant des morceaux rares et inédits : 7 Years et l'excellent White Crow. Ego s'inscrit dans la filiation directe des œuvres précédentes en proposant un rock symphonique ample et atmosphérique qui se nourrit à la fois du néo-prog de Marillion et du rock planant de Pink Floyd tout en évoquant d'autres formations polonaises plus célèbres comme Satellite, Quidam et Collage. Mais au-delà des comparaisons, il faut avouer que la musique de Millenium possède un charme fou: les mélodies sont magnifiques et les arrangements tellement soyeux qu'ils enveloppent l'auditeur dans un cocon confortable dont il n'a guère envie de s'échapper. Même les textes nostalgiques à propos de la place de l'homme dans le monde moderne (un concept résumé par la célèbre phrase de Shakespeare, to be or not to be, reprise en ouverture de l'album) sont propices à la rêverie et contribuent à l'ambiance générale. Bien sûr, l'innovation n'est pas la première cible de Millenium mais le groupe progresse à sa manière en introduisant de nouveaux sons et instruments, comme le saxophone de Dariusz Rybka et la trompette de Michael Bylica qui prennent de beaux solos sur Born in 67 ou la voix de Karolina Leszko qui enrichit et diversifie les harmonies vocales (When I Fall et Goobye My Earth). Les six fresques, dont quatre atteignent les dix minutes, ont leur lot de changements de tempo et d'envolées instrumentales (la guitare de Piotr Plonka en particulier) mais l'ensemble est organisé avec grâce et coule comme du miel au soleil. Ce qui protège Ego, et par extension toute la discographie de Millenium, c'est l'inaltérable foi du pianiste Ryszard Kramarski et de ses complices en la valeur éternelle d'un Rock progressif symphonique et esthétique qui est avant tout émouvant et mélodieux. Rien à jeter ici !

[ Millenium Website ]
[ Vocanda (2000) ] [ Reincarnations (2002) ] [ Deja Vu (2004) ] [Interdead (2005) ]
[ Numbers And The Big Dream Of Mr. Sunders (2006) ] [ 7 Years (2007) ] [ Back After Years - Live (2010) ]
[ Exist (2008) ] [ Puzzles (2011) ] [ White Crow (2011) ] [ Ego (2013)]

Big Big Train : English Electric - Part One (GEP), UK 2012
Big Big Train : English Electric - Part Two (GEP), UK 2013



English Electric - Part One : The First Rebreather (8.32) - Uncle Jack (3.49) - Winchester From St Giles' Hill (7.16) - Judas Unrepentant (7.18) - Summoned By Bells (9.17) - Upton Heath (5.39) - A Boy In Darkness (8.03) - Hedgerow (8.52) - Duréee totale : 58:44

English Electric - Part Two : East Coast Racer (15:43) - Swan Hunter (06:20) - Worked Out (07:30) - Leopards (03:54) - Keeper of Abbeys (06:58) - The Permanent Way (08:29) - Curator of Butterflies (08:44) - Duréee totale : 57:38

Andy Poole (claviers, gt acoustique, mandoline, choeurs) - Greg Spawton (basse, guitare, moog, claviers, gt ac) - David Longdon (chant, flûte, accordéon) - Nick D'Virgilio (drums, choeurs) - Dave Gregory (guitares, banjo, mellotron) - Danny Manners (piano)
Depuis leur premier album, Goodbye To The Age of Steam, paru en 1994, Big Big Train a monté peu à peu en puissance jusqu'au très acclamé The Underfall Yard (2009) chroniqué ailleurs dans ces pages. Cette fois encore, la formation britannique revisite la campagne, le peuple et la petite histoire de l'Angleterre, chantant des récits pleins de panache qui parlent aussi bien des mines de charbon de l'époque victorienne (A Boy In Darkness) que de l'ancien Royaume du Wessex et de sa capitale (Winchester From St Giles' Hill) ou encore de la célèbre locomotive à vapeur Mallard qui fut construite par la compagnie London and North Eastern Railway en 1937, et qui en juillet 1938, vola à l'Allemagne le record mondial de vitesse pour ce genre d'engin (East Coast Racer). Typiquement anglaise à l'instar de celle de Genesis, la musique est complexe mais accessible, pourvue d'arrangements méticuleux qui lui confèrent une indescriptible puissance émotionnelle capable d'amplifier la dramaturgie des sujets abordés. Plein de surprises attendent l'auditeur au détour de ces chansons remplies d'ombres et de lumières : des nappes symphoniques pastorales; des passages folk avec des instruments aussi divers que l'accordéon, la flûte, le banjo et la mandoline; des orchestrations à cordes ou cuivrées somptueuses; des harmonies vocales chaleureuses et des chœurs éthérés nostalgiques; des solos de guitare, de claviers et de violon parfaitement utiles et intégrés dans les concepts abordés; sans oublier bien sûr la voix parfaite de David Longdon qui auditionna en 1996 pour remplacer Phil Collins dans Genesis et dont les capacités lui permettent de s'adapter au multiples atmosphères, bucoliques ou dramatiques, du répertoire. Il faut dire aussi que les membres actuels de Big Big Train sont des musiciens hors-pairs : Dave Gregory par exemple, ancien guitariste solo du groupe de rock new-wave XTC, est aussi un excellent orchestrateur (il joue également ici du mellotron) qui doit sans doute avoir eu son mot à dire dans l'agencement des textures. Les deux membres fondateurs, le producteur Andy Poole et le bassiste Gregory Spawton sont également des multi-instrumentistes chevronnés et les gardiens de l'âme du groupe de Bournemouth. Quant au batteur, il n'est rien de moins que le grand Nick D'Virgilio qui officiait autrefois derrière les fûts de Spock's Beard avant de prendre possession du micro après le départ de Neal Morse. Inutile de préciser qu'il contribue aux harmonies vocales de Big Big Train. En plus, le groupe a fait appel à une kyrielle d'invités, parmi lesquels on épinglera Andy Tillison (The Tangent) aux claviers, Rachel Hall au violon, Dave Desmond pour les cuivres et Martin Orford (IQ) comme complément vocal, qui ont prêté leur talent pour faire de English Electric une réalisation monumentale.

Bien que sortis sur deux compacts à six mois d'intervalle, les deux albums (Part One et Part Two) ne constituent en réalité qu'une oeuvre unique portée par une musique similaire et une appréhension cohérente de quelques évènements historiques qui ont contribué à faire de l'Angleterre ce qu'elle est aujourd'hui. D'ailleurs, les deux compacts seront réédités ensemble cette année sous le nom de English Electric Full Power, peut-être avec une séquence des chansons différente qui mettra encore mieux en valeur la vision originale de cette production à nulle autre pareille.

Les photos des pochettes et des livrets ont été prises par le photographe Matt Sefton dans le domaine Tanfield Railway du compté de Durham où l'on trouve la plus ancienne ligne ferroviaire du monde. C'est en voyant sur Flickr la photo du panneau latéral d'une grue rouillée portant le nom de la compagnie anglaise English Electric, que Gregory Spawton eut l'idée géniale de nommer ainsi ses disques avant d'entrer en contact avec Sefton dans l'intention d'utiliser ses « images industrielles » qui se trouvaient être en parfaite adéquation avec son propre concept. C'est ainsi que naissent ces collusions magiques entre images et musique qui rendent certains albums cultes dès leur sortie. Indispensable !

[ Big Big Train Website ] [ English Electric - Part One (CD & MP3) ] [ English Electric - Part Two (CD & MP3) ]

Sorti un peu plus tard dans l'année, English Electric Full Power réunit les deux disques précédents de Big Big Train, soit English Electric Part One et Two, ainsi que quatre titres supplémentaires déjà disponibles sur l'EP Make Some Noise. L'ordre des morceaux a été modifié de façon à intégrer les nouvelles compositions dans l'ensemble et à constituer un répertoire cohérent. La qualité de la musique a déjà été soulignée plus haut dans les chroniques écrites au moment de la sortie des deux volumes originaux d'English Electric et il n'est plus utile d'y revenir. Quand aux quatre nouveaux titres, ils ne sont pas anodins. Make Some Noise introduit l'œuvre dans une ambiance pop / néo-prog qui peut surprendre mais ce morceau est doté de parties de flûte fort agréables qui en enjolivent les contours et il est dédié à ces jeunes Anglais qui se réunissent en vue de former un groupe musical inspiré par les Beatles, Queen, et autres Faces. Seen Better Days est du Big Big Train plus classique, célébrant avec beaucoup de sensibilité les communautés de travailleurs prises dans la tourmente sociale due à la révolution industrielle. Edgelands est un court interlude instrumental égrené au piano mais il installe une atmosphère de sérénité avant l'un des plus grands moments de l'album : Summoned By Bells. Enfin, The Lovers est une composition brillante et chargée de solos émotionnels à propos de l'interaction des personnes et de la complexité de leur relation qui peut en résulter. Le superbe digipack doté d'une nouvelle pochette comprend un livret de 96 pages incluant toutes les paroles des chansons, de magnifiques photographies industrielles de Matt Sefton prises sur le site ferroviaire de Tanfield Railway ainsi qu'un intéressant chapitre illustré fourmillant de détails sur l'origine et la signification des textes. Ainsi présenté, Full Power est assurément l'un des plus beaux et des plus intéressants objets musicaux délivrés en 2013.

[ English Electric Full Power (2 CD & MP3) ]

Elora : Crash (Progressive Promotion), France 2013


Damien Dahan (chant)
Anastasia Moussali (chant)
Lionel Giacobbe (gt)
Vince Filipini (basse)
Patrice Cannone (claviers)
Julian Beaumont (dr)

Se Taire (4:13) - Elle Espère (3:56) - Année Lumiere (5:16) - Ici Encore (6:09) - Espoir 1-2 (12:37) - Control (5:45) - En Paix (6:22) - Elle (4:57) - Crash (8:46) - Durée Totale : 58'01"

La longue tradition des groupes de rock progressistes s'exprimant en français, qui part des 70's avec Ange, Mona Lisa ou Carpe Diem et a survécu jusqu'à aujourd'hui grâce à d'excellentes formations comme Maldoror, Nemo et Lazulli, accueille un nouvel ensemble basé à Marseille : Elora est son nom, en hommage à la fille du bassiste et membre fondateur Vince Filipini. Après un simple sorti en 2008 et quelques années de concerts locaux, ils se sont sentis prêts pour enregistrer leur premier véritable album. Crash surprend d'emblée par sa vigueur et surtout sa cohésion musicale. Grâce à une excellente production ciselée par le Norvégien Terje Refsnes (Tristania, Sirenia, Nightmare…) dans son Sound Suite Studio, les instruments se détachent avec la clarté du cristal tandis que les passages instrumentaux, parfois assez longs, prennent vie. Quelques traces existent encore de la magie des classiques du genre mais elles sont vite oubliées tant la musique sonne fraîche et moderne, plus proche de l'esprit de groupes récents comme Riverside, Votum, Porcupine Tree ou Pineapple Thief qui savent combiner la puissance émotionnelle du rock avec une bonne dose de sophistication. On y retrouve en effet la même attirance pour des mélodies bien tournées ainsi qu'une volonté affichée de rester accessible. Guitares et claviers sont bien accordés, tissant ensemble de légères trames subtiles ou explosant à l'occasion en d'énergiques assauts tandis que de la basse très mobile jaillit des gerbes de notes essentielles (Elle). La force créative d'Elora réside aussi dans le fait que ce sextette comprend une chanteuse et un chanteur à plein temps qui sont le yin et le yang de l'âme du groupe. Les deux timbres vocaux se complètent harmonieusement en se partageant les textes, donnant du relief à des paroles par ailleurs bien écrites même si leur dramaturgie reste parfois obscure. Résolument modernes apparaissent ainsi Année Lumière avec son introduction planante et ses intensités sonores contrastées ou l'addictif titre éponyme qui s'arrache en laissant des traces sur le bitume avant d'évoluer à mi-parcours en une glorieuse envolée floydienne. On soulignera encore l'impressionnant travail du guitariste Lionel Giacobbe qui joue ici, en colorant les textures de notes claires dans une esthétique impressionniste et là, en délivrant d'amples solos qui procurent le frisson. Elora prolonge et modernise avec bonheur la tradition d'un rock progressiste créatif d'expression française, un genre qui, en dépit du manque d'intérêt des pays anglophones, mérite pourtant bien de s'exporter au même titre que le prog symphonique italien ou le flamenco - rock espagnol. Viva Elora !

[ Elora Website ]

Steven Wilson : The Raven That Refused To Sing (And Other Stories) (Kscope), UK 2013


Luminol (12:10) - Drive Home (7:37) - The Holy Drinker (10:13) - The Pin Drop (5:03) - The Watchmaker (11:43) - The Raven that Refused to Sing (7:57) - Durée Totale : 54'43"

Steven Wilson (chant, gt, claviers) - Nick Beggs (bass, Chapman Stick) - Guthrie Govan (guitar) - Adam Holzman (keyboards) - Marco Minneman (drums) - Theo Travis (fl, sax)
Cette fois, j'ai attendu ce nouvel opus avec curiosité. Après avoir occupé la scène progressive de façon aussi radicale ces dernières années en tant que compositeur, interprète et producteur des plus grands groupes de rock progressiste au monde, qu'allait bien pouvoir faire le leader de Porcupine Tree dans son nouveau projet en solo pour continuer à susciter un intérêt de la part d'un public de plus en plus sollicité par une pléthore de nouvelles productions qualitativement en hausse? Une seule écoute suffit pour répondre à cette question : cet album est la somme de toutes les musiques progressives. En quelques 55 minutes, Steven Wilson y revisite les branches majeures de ce qui a rendu ce style aux multiples facettes aussi attachant que populaire, du moins dans les seventies. Au fil des plages, on trouvera ainsi des références aussi bien à Yes qu'à Pink Foyd, au Alan Parsons Project, au Mahavishnu Orchestra ou encore à King Crimson, des groupes que, pour la plupart, Wilson connait sur le bout des doigts pour en en avoir retravaillé le catalogue a l'occasion de rééditions colossales aussi réussies que médiatisées. Mais ce qui est extraordinaire, c'est que si la musique rappelle les gloires du temps jadis, elle ne les copie jamais : ce qu'on entend ici est résolument moderne, frais, innovant et d'une qualité telle qu'elle sera difficile à surpasser dans l'avenir. Il faut dire qu'il s'est entouré de musiciens formidables, capables de jouer dans une sensibilité rock mais aussi d'improviser des lignes complexes qui rehaussent le niveau musical. Entendu récemment sur Out Of The Tunnels Mouth et The Shrouded Horizon de Steve Hackett, Nick Beggs à la basse est extraordinaire de présence : écoutez entre autre son solo au début de Luminol. Son complice à la batterie, l'Allemand Marco Minnemann (The Aristocrats), n'est pas en reste. Son jeu puissant et dynamique, qui a fait de lui l'une des alternatives envisagées par Dream Theater pour remplacer Mike Portnoy, rend les compositions plus vivaces en ne laissant aucune place à l'ennui. Ecouter le saxophone ou la flûte de Theo Travis Improviser sur une telle rythmique procure un plaisir fou. Mais, outre Steven Wilson, l'autre grande vedette du disque est incontestablement le guitariste virtuose Guthrie Govan (The Aristocrats, Asia, GPS) qui, même s'il lâche parfois quelques traits fulgurants à la Steve Vai, fait aussi preuve d'une grande sobriété en mettant sa technique au service d'une musique certes ambitieuse mais toujours émotionnelle et accessible. Enfin, ce serait injuste d'oublier Adam Holzman, claviériste de jazz américain ayant joué avec les plus grands, qui prend ici en charge la majorité des claviers. Quand lui et Travis décollent, on croirait carrément entendre un groupe de fusion. Tout ça permet à Steven Wilson de mieux se concentrer sur le chant et il est vrai qu'il n'a jamais aussi bien chanté. Le tout est produit par un ingénieur du son légendaire, l'homme derrière Abbey Road, Atom Heart Mother et The Dark Side Of The Moon : Alan Parsons, plus perfectionniste encore que Wilson lui-même. Du coup, on n'en finit pas de découvrir les subtilités microscopiques qui se nichent au cœur d'un son vintage garanti 70's (pas de manipulation extra musicale ici: le groupe a quasiment tout joué en live dans les studios EastWest de Sunset Boulevard à L.A.) L'album est un concept global centré sur le thème de l'au-delà et des fantômes, mais traité en demi-teintes d'une manière plus nostalgique qu'horrifique, à l'instar des images à la fois naïves et étranges de l'illustrateur Hajo Mueller. On pense aux contes d'Edgar Allan Poe, aux esprits de M.R. James ou aux romans gothiques d'Algernon Blackwood. Pas de doute, The Raven est une production majeure qui retrouve la magie des grands albums d'autrefois. On attend l'objet avec une impatience démesurée tandis que la notion de musique immatérielle prend soudain un coup de blues et se retrouve dévalorisée. J'espère que Steven Wilson poursuivra longtemps sa carrière en solo car il vient de dépasser tout ce qu'il a pu réaliser jadis sous le nom de Porcupine Tree.

[ Steven Wilson Website ] [ The Raven That Refused To Sing - Edition Limitée (CD & MP3) ]

La Maschera Di Cera : Le Porte Del Domani (AMS Records), 2013


Alessandro Corvaglia (chant, gt)
Agostino Macor (claviers)
Andrea Monetti (flûte)
Fabio Zuffanti (basse)
Mau Di Tollo (drums)
+Martin Grice (fl, sax)
+Laura Marsano (gt él)

Ritorno Dal Nulla (8:40) - La Guerra Dei Mille Anni (4:30) - Ritratto Di Lui (2:50) - L'enorme Abisso (5:46) - Ritratto Di Lei (4:49) - Viaggio Metafisico (3:44) - Alba Nel Tempio (4:23) - Luce Sui Due Mondi (5:11) - Alle Porte Del Domani (5:21) - Durée Totale : 45'15"

L'illustration de la pochette accroche immédiatement tout amateur de rock progressiste italien. Gli Amanti Del Sogno (les amants du rêve) est une toile réalisée en 1968 par Lanfranco Frigeri, l'artiste à qui l'on doit la pochette de l'inoubliable Felona E Sorona sorti en 1973. Ce n'est bien sûr pas fortuit puisque La Maschera Di Cera a cette fois décidé de rendre un hommage direct à Le Orme en enregistrant une séquelle à son plus célèbre opus. Le concept initial opposait deux planètes jumelles, l'une joyeuse (Felona) et l'autre triste (Sorona), dans une sorte de Yin et Yang cosmique garantissant l'équilibre de l'univers. L'évolution progressive et non résolue de leurs destins contraires (les ténèbres pour Felona et la lumière pour Sorona) laissant une opportunité pour une suite possible, La Maschera Di Cera l'a saisie avec passion, délivrant une musique glorieuse qui rend justice aux créateurs de l'oeuvre originale et ferme la boucle de leur histoire inachevée : après une guerre de mille ans, les deux planètes, inondées par une lumière divine, connaîtront enfin une paix éternelle. Emmené par le pétulant bassiste Fabio Zuffanti, le groupe brille de mille feux en majeure partie grâce à Agostino Macor, l'un des meilleurs claviéristes actuels qui fait ici étalage de son arsenal d'instruments vintage (piano, Fender Rhodes, orgue Hammond, mellotron, birotron, Mini-Moog et synthés divers). Les nappes sonores qu'il déploie avec maîtrise sous-tendent l'ensemble de cette musique symphonique même si un grand espace est aussi réservé aux flûtistes Andrea Monetti et Martin Grice. Quant au chanteur Alessandro Corviglia, il possède une belle voix exaltée dont il se sert non seulement pour chanter dans sa langue natale mais aussi en anglais (la version originale est en italien mais il existe aussi un second compact offrant la même musique avec des textes anglophones et un mixage légèrement différent : The Gates Of Tomorrow). Que ce soit sur le volcanique Ritorno dal Nulla, le mélodique et méditerranéen La Guerra Dei Mille Anni et sa flûte à la Ian Anderson, L'Enorme Abisso et ses dérives fusionnelles évoquant la scène de Canterbury, ou sur le planant Alba Nel Tempio avec son solo de guitare atmosphérique, La Maschera Di Cera creuse de sublimes tourbillons musicaux, inventant de nouveaux territoires imaginaires et prouvant en même temps qu'il sait tout faire. En finale, l'instrumental Alle Porte Del Domani, qui clôture en beauté cet album protéiforme, plonge dans un space-rock venteux qui file en crescendo sur la tangente et propulse l'auditeur dans une marée d'étoiles, là-bas où seuls les vaisseaux Ayreon et Hawkwind ont navigué. Grâce à Le Porte Del Domani, Felona et Sorona brillent désormais encore plus fort au firmament du rock progressiste.

[ La Maschera Di Cera Website ] [ Le Porte Del Domani ]

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