Série IV - Volume 6 | Volumes : [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ] [ 5 ] [ 7 ] [ 8 ] [ 9 ] [ 10 ] |
Nemo : Le Ver Dans Le Fruit (Progressive Promotion Records), France 2013 |
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Pour son huitième album en studio, le groupe français Nemo revient avec un double album conceptuel qui, à l'instar d'un Ayreon, inclut un sacré mélange de styles. Démarrant sur un chant a capella qui ressemble à du Malicorne (Stipant Luporum), on passe rapidement en vitesse lumière avec une musique à la fois plus angulaire et plus métallique qu'autrefois. La guitare de Jean Pierre Louveton tient le haut du pavé et lâche son fiel dans un déluge de variations rythmiques parfois difficiles à digérer au premier abord. Cette approche plus sauvage est toutefois cohérente par rapport aux thèmes abordés qui traitent tous de manipulations opérées pour diverses raisons à l'encontre des individus. Du premier CD, on épinglera d'abord le terrible Milgram, son riff énorme, son solo explosif inspiré par les dieux du métal, sa rythmique arborescente, et son thème traitant de l'expérience du psychologue américain Stanley Milgram qui cherchait à analyser le processus de soumission à l'autorité. Beaucoup moins radical et donc plus accessible, le second compact n'en est pas moins un autre morceau de bravoure. On adhère tout d'abord à l'idée développée dans A La Une selon laquelle les journalistes exagèrent parfois des faits sans importance dans l'unique but d'accroître les audiences et le profit, ce qui constitue également en soi une forme grave de manipulation malhonnête. Mais musicalement, c'est Allah Deus et Opium qui retiennent surtout l'attention, l'un pour ses solos speedés et l'autre pour par sa basse énorme et son groove hypnotique quasi psychédélique. L'œuvre se clôture comme il se doit sur un morceau épique de 17 minutes (Arma Diania), une armoire normande qui ressasse brièvement les idées développées auparavant tout en se concentrant sur une musique plus éclectique que jamais. Le chant en français est correct et, grâce à une diction claire et à un mixage intelligent, les paroles, importantes dans le cadre d'un album à message, restent toujours compréhensibles même au cœur du métal. On saluera d'ailleurs en passant la production efficace et soignée qui rend le disque agréable à écouter. Le coffret multicolore qui contient les compacts est magnifique. La pochette et le design réalisés par l'artiste Stan-W. Decker (voir son site internet) sont en phase avec le concept et constituent une œuvre d'art en soi qu'on ne se lasse pas de regarder tandis que le livret qui contient les textes est tout aussi réussi. L'Œuvre aurait probablement gagné à être plus concise tandis que la densité du premier CD aurait pu être légèrement atténuée mais ces remarques sont subjectives car Le Ver Dans le Fruit reste un achèvement remarquable bourré de punch vital et d'idées originales. Bien que sculptée dans la tradition progressiste, c'est aussi une réalisation moderne qui par sa fraîcheur, son message et son interprétation, s'inscrit comme un jalon séminal du prog francophone, sinon international. [ Le Ver Dans Le Fruit (CD & MP3) [ Extrait du titre Opium ] [ Un Pied Dans La Tombe ] |
Flying Colors (Mascot Records), USA 2012 | |
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Certains producteurs exécutifs sont à l’origine de bonnes idées ayant engendré des albums historiques. En jazz par exemple, Alan Douglas a réussi à amener Ellington, Roach et Mingus dans le même studio pour l’inoubliable Money Jungle tandis qu’en rock, Kevin Shirley est à la base du super-groupe Black Country Communion dont le rock polychrome et musclé surpasse la somme des talents des musiciens rassemblés. Et voilà que le producteur Bill Evans décide à son tour de réunir autour d’un chanteur pop (Casey McPherson) quatre musiciens renommés en provenance de formations progressives : le puissant Mike Portnoy (Dream Theater) derrière les fûts ; le versatile guitariste Steve Morse (Deep Purple, Dixie Dregs) ; Neal Morse (Spock’s Beard et Transatlantic) aux claviers ; et le bassiste Dave Larue (Dixie Dregs). Avec un tel équipage, le vol s’annonçait pour le moins turbulent. Pourtant, enregistré en neuf jours seulement, l’album ne correspond pas complètement à ce qu’on en attendait. Certes, les musiciens sont extraordinaires et s’avèrent capables de bâtir une musique irréprochable en captant sur le tas les idées des uns et des autres (on peut s’en rendre compte en visualisant sur YouTube l’étonnant processus de création du morceau Shoulda Coulda Woulda). Mais on se retrouve vite perdu au sein d’un amalgame de styles divers qui évoquent, au fil des titres, aussi bien Muse que les Beatles, Rush ou Coldplay. Du progressif il n’y en guère sauf la dernière plage épique de 12 minutes intitulée Infinite Fire. Et c’est une bombe : les musiciens libérés y déploient enfin leurs ailes et s’envolent là ils veulent. Le casting de rêve tourne alors comme une horloge : Steve Morse est un guitariste prodigieux tandis que Neal Morse groove sur son orgue comme au temps de Spock’s Beard. La rythmique est prodigieuse, Larue et Portnoy composant un tandem magique. Quant à la voix de McPherson, elle est parfaitement à sa place dans ce contexte moins évident pour lui. Le reste du répertoire est très hétérogène avec des ballades (Everything Changes), du métal (Shoulda Coulda Woulda), du rock alternatif (All Falls Down) et beaucoup de rock-pop classique pour radio FM (Kayla, The Storm, Forever In A Daze) plus un superbe Blue Ocean plutôt indescriptible dans le style très particulier des productions en solo de Neal Morse. Tout ça est joué avec une vivacité renversante et un enthousiasme indiscutable. Maintenant, si cet album, qui ne manque pas de qualités, répondra à vos attentes, c’est davantage une affaire de goût mais, en ce qui me concerne, le potentiel du groupe n’a été entièrement exploité. Ce qui laisse de la marge pour une amélioration dans le cadre d’un éventuel second opus.
[ Flying Colors (CD & MP3) [ Blue Ocean ] |
Quintessence : In Blissful Company (LP Island), UK 1969 - CD (Repertoire), 2003 | |
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La pochette en dit déjà long et les surnoms dont se sont affublés les musiciens (Ronald « Raja Ram » Rothfield , Phil « Shiva Shankar » Jones…) le confirment : Quintessence joue un rock psychédélique typique de la fin des années 60 fortement teinté d’influences hindoues. La filiation avec les Beatles, et avec George harrison en particulier, est indiscutable même si la musique n’a ni la sensibilité pop ni la claire évidence des mélodies composées par les « Fab Four ». Par contre, Quintessence parsème ses compositions d’improvisations jazzy où brille surtout la flûte de l’Australien Raja Ram et, dans une moindre mesure, la guitare d’Alan Mostert. Bien sûr, on n’évite pas les Hare Krishna ni le son du sitar indispensable à ce genre d’entreprise mais, globalement, la musique est plaisante, sinon planante. Le groupe était d’ailleurs connu à l’époque pour donner des concerts en forme de happenings musicaux où la spiritualité flottait dans l’air en même temps que quelques nuages illicites. La production vivante et naturelle fait penser aux disques enregistrés à la même époque par le label Vertigo, à Jade Warrior ou Nirvana (en moins complexe) ou à Gravy Train (en moins brouillon) par exemple quand, sur Manco Capac, le rythme devient plus hard et que la flûte, jouée dans le style de Jethro Tull, est confrontée à une guitare électrique qui replonge dans un blues-rock inattendu. L’un des meilleurs titres de l’album s’appelle Notting Hill Gate en référence à un quartier de Londres ou était basé le groupe. Semblable au Greenwich Village de New York ou au Haight Asbury de San Francisco, Notting Hill et Ladbroke Grove étaient le refuge de l’underground musical à la fin des 60’s : c’est là qu’Eric Clapton forma Cream et que décéda Jimi Hendrix et c’est là aussi que fut tourné le film culte de Nicolas Roeg, Performance, avec Mick Jagger et Anita Pallenberg. Quant à la musique, elle évoque le rock léger et jazzy de Savoy Brown au temps de Raw Sienna. Ce mélange de musique occidentale et orientale, assez inusité à l’époque, est plutôt bien conçu et s’écoute encore aujourd’hui avec un certain plaisir pour autant, bien sûr, que l’on ne soit pas réfractaire au style psyché des groupes anglais des glorieuses sixties. [ In Blissful Company (CD) [ Notting Hill Gate ] |
Taï Phong : Taï Phong (WEA), France 1975 | |
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![]() [ Taï Phong (CD & MP3) [ Sister Jane ] |
Taï Phong : Windows (WEA), France 1976 | |
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![]() La réédition en compact de Windows offre en bonus trois morceaux édités uniquement en 45 tours : le slow Dance, face B de Follow Me paru en 1977, ainsi que les deux faces du simple Back Again / Cherry, sorti l’année suivante, qui furent enregistrées après le départ de Taï et de Jean-Alain Gardet. Rien de spécial toutefois dans ces trois plages pop et calibrées pour plaire aux radios. L’essentiel de Windows est dans le LP original qui, lui, ne décevra pas les fans du premier opus éponyme. [ Windows (CD & MP3) [ When It's The Season ] |
Marsupilami : Arena (Transatlantic), UK 1971 – Réédition CD (Esoteric Recordings), 2007 | |
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Drôle de nom pour un groupe de rock, fut-il progressif, et surtout quand ce groupe joue une musique dramatique et parfois sombre à l’opposé du petit monde comique dans lequel évolue l’animal de Franquin. C’est en effet aux arènes et aux combats sanglants des gladiateurs de l’Empire Romain qu’est consacré ce deuxième et dernier album de Marsupilami, groupe anglais relogé aux Pays-Bas. C’est après avoir lu le livre « Those about to die » de Daniel P. Mannix que le groupe eut l’idée de transposer en musique le monde apocalyptique des jeux de la Rome antique en ajoutant toutefois une comparaison entre la chute de l’Empire Romain et le déclin présumé de la civilisation Occidentale. Enregistré dans le petit studio Tangerine de Londres, l’album a été produit par Peter Bardens, claviériste et membre fondateur de Camel, qui intervient ici également aux percussions. L’élément le plus faible de ce disque inégal est la voix de Fred Hasson, chanteur limité aux inflexions théâtrales sans doute appropriées à cette musique composée pour mettre en valeur une histoire mais qui n’a ni le timbre d’un Greg Lake, ni la justesse d’un Peter Gabriel ni la puissance d’un Fish. Reste la musique plutôt complexe et variée où l’on retrouve tous les ingrédients d’un rock progressiste aventureux et expérimental. Les sections calmes succèdent aux éruptions de violence, les mélodies au chaos dans un maelstrom de sections instrumentales et chantées où brillent les instruments vintage de l’époque comme l’orgue et le mellotron. Mention particulière doit être donnée au saxophoniste Mandy Riedelbanch ainsi qu’à la flûtiste Jessica Stanley-Clarke qui apportent indéniablement un peu de fraîcheur dans un univers de brutes. Le morceau épique est évidemment Arena, pompeux et ridicule à certains moments mais aussi ambitieux et ouvert avec ses références orientales. Toutefois,le meilleur de l’album est le morceau qui vient ensuite, Time Shadows, avec son indescriptible mixage de styles et d'instruments (on y entend même un harmonica) et sa longue partie instrumentale à la fois jazzy et psychédélique. Arena est à redécouvrir mais je ne pense pas qu’il fera l’unanimité des amateurs même si la majorité des chroniques du Web reconnaissent en Marsupilami un groupe précurseur oublié du rock progressiste qui mérite d’être réhabilité dans l’histoire de cette musique. A noter que Marsupilami fut le premier groupe à se produire le premier jour du Festival de l’Ile de Wight en 1969, un peu avant Keith Emerson et les Nice avec lesquels ils partageaient indéniablement un petit grain de folie ainsi qu'un goût similaire pour les musiques épiques, baroques et grandiloquantes.
[ Arena (CD) [ Time Shadows ] |
Supersister : To The Highest Bidder (Dandelion / Polydor), Pays-Bas 1971 - Réédition CD + 4 titres en bonus (Esoteric Records) 2008 | |
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![]() La réédition luxueuse de Esoteric Records rend justice à l’album en lui procurant un son nettoyé et plus clair. Agrémenté d’un livret copieux, illustré et instructif, le CD offre aussi quatre plages en bonus : les deux premiers titres de l’album en versions raccourcies calibrées pour 45 tours (A Girl Named You et No Tree Will Grow) et leurs faces B respectives : Missing Link (1971) et The Groupies Of The Band (1972). Rien de spécial toutefois dans ces morceaux courts qui n’ajoutent absolument rien à la qualité du LP original. [ To The Highest Bidder (CD) [ A Girl Named You ] [ No Tree Will Grow ] |
Hannibal (B&C Records), UK 1970 - Réédition CD (Repertoire) 1994 | |
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![]() [ Hannibal [ Winter ] |
Barclay James Harvest : Baby James Harvest (Harvest), UK 1972 - Réédition CD + 10 titres en bonus (EMI), 2002 | |
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![]() ![]() ![]() [ Baby James Harvest (CD & MP3) [ Summer Soldier ] |
Electric Light Orchestra : Eldorado (Warner Bros.), UK 1974 – Réédition CD remastérisé + 2 titres en bonus (Epic), 2001 | |
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![]() La réédition en compact par Epic offre deux titres en bonus. Le premier, Eldorado, est une suite orchestrale avec choeurs de huit minutes composée d'extraits musicaux de l'album. Bien qu'intégrant des instruments modernes comme la batterie et la guitare électrique, elle évoque les musiques des films des années 40 et confirme les origines de l'inspiration de Jeff Lynne pour ce disque. le second, Dark City, est une démo courte, inachevée et primitive de Laredo tornado qui n'a aucun intérêt. [ Eldorado (CD & MP3) [ Eldorado & Eldorado Finale ] |
Unicorn : Emotional Wasteland (Mellow Records), Suède 1995 | |
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Le producteur, compositeur, chanteur et multi-instrumentiste suédois Dan Swanö est davantage connu comme membre éminent de formations aux noms poétiques (Bloodbath, Katatonia, Edge Of Sanity et autres Maceration) besognant dans toutes sortes de sous-genres liés au métal (y compris le métal progressif, ayant joué sur l’excellent Star One – Space Metal de Arjen Lucassen). Mais avant d’être totalement englouti dans le gouffre sombre de ce genre extrême, il a aussi été le leader, chanteur et batteur de Unicorn, un groupe suédois de Néo-prog peu connu formé à Orebro en 1988. Le premier titre éponyme ne surprend guère : on est ici dans la frange imprécise entre un néo-prog à la Marillion et une pop music légère sans conséquence. Heureusement, ce n’est pas la meilleur titre de Unicorn qui a d’autres cordes à son arc. Hiding Again par exemple, qui frôle les neuf minutes, est une superbe composition intégrant piano acoustique, flûte et violoncelle, de multiples changements de tempo, des passages symphoniques typiquement néo-prog et un chant féminin vers la fin (Asa Jonsson) qui vient joliment compléter celui de Swanö. At The End Of The Bridge qui a une ligne mélodique rappelant beaucoup Nights In White Satin, The Sorrow Song avec ses solos aériens de guitare, ainsi que le dramatique The Boy And The Impossible et ses vocalises féminines à la Pink Floyd (celui du Great Gig In The Sky) sont d’autres très bons moments chargés d’émotion. Quant à After Before qui se démarque à peine d’un smooth jazz tranquille avec son saxophone et son piano électrique, il parvient à installer durablement une atmosphère relaxante. Le reste tourne rond mais quand même avec un ou deux ratés (Waterfall et sa fin abrupte en particulier). Globalement, Emotional Wasteland est un album au-dessus de la moyenne même si le mixage et la production auraient pu être bien meilleurs considérant l’expérience reconnue et appréciée de Swanö dans ce domaine. Une réédition remastérisée serait d’ailleurs bienvenue d’autant plus que bien qu’il soit toujours au catalogue de Mellow Records, l’album devient rare à trouver en version neuve. Unicorn s’est séparé après deux disques dans la même veine, Ever Since paru en 1993 et celui-ci. Plus tard, le groupe s’est réuni une dernière fois pour enregistrer la chanson After Me, incluse sur Recital For A Season’s End, une compilation hommage à Marillion sortie en 2010 par le même label italien (Mellow Records) que celui sur lequel sont édités les deux albums d’Unicorn. [ Emotional Wasteland ] [ The Boy And The Impossible ] |
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