Jazz en France : une Sélection de CD


Volume 2 Volumes : [ 1 ] [ 3 ] [ 4 ]


Jean-Rémy Guédon & Ensemble Archimusic : MuTemps / Fantaisie Numérique
[Le Triton – Distribution Muséa]


Mode de vie, vie sociale (5:19) - Attention confinement (2:53) - Epicurine (1:43) - Avis aux Poulets (6:08) - Monnaie Argent (11:55) - Madame Adam (0:57) - Discours type (4:20) - L'Omme c'est toi! (2:58) - Générique (0:38) - Les rythmes de l'Omme (14:55)

Jean-Rémy Guédon (compositions et saxophone) - Laurence Malherbe et Jean-Marie Marrier (voix) - Vincent Arnoult (hautbois) - Emmanuelle Brunat (clarinette basse) - Nicolas Fargeix (clarinette) - Vincent Reynaud (basson) - Fabrice Martinez (trompette) - Yves Rousseau (contrebasse) - David Pouradier Duteil (batterie) - Jacques Rebotier (textes) - Julie Desprairies (mise en scène) - Johan Lescure et ses collaborateurs (vidéo). Enregistré en concert au Triton, Les Lilas (France) en octobre 2014.

Pochette abstraite, nom du disque insolite et intitulés des morceaux bizarres. Reste la musique qui est … tout ça à la fois. Jean-Rémy Guédon a constitué l'orchestre Archimusic il y a plus de 20 ans comme une rencontre entre musiciens venus d'horizons différents pour confronter des musiques classiques et contemporaines à d'autres improvisées. Le résultat est une expérience singulière qui échappe aux classifications existantes. En plus, Guédon s'inspire pour ses composition de références littéraires dont il tente de transmettre certaines pensées. Poursuivant dans cette voie originale qu'il fait encore évoluer en intégrant cette fois un vidéaste qui, en concert, projettera en temps réel des images interactives filmées au cours du spectacle, Archimusic est devenu aujourd'hui une formation artistique protéiforme dont la musique n'est qu'un des éléments constitutifs.

Toutefois, MuTemps peut aussi s'écouter en tant que bande sonore d'un univers plus large. L'oeuvre a cette fois pour thème la mutation de la société et se base sur l'ouvrage de l'écrivain poète Jacques Rebotier, "La description de l'Omme", qui présente une analyse encyclopédique et humoristique, voire burlesque, de la société humaine. Les textes sont chantés / récités par deux voix bien distinctes, celle lyrique de Laurence Malherbe, et l'autre puissante et terrestre de Jean-Marie Marrier. En plus d'un trompettiste et du leader qui joue du saxophone, l'orchestre comprend aussi une section de quatre bois (clarinettes basse et normale, hautbois, et basson), le tout interagissant sur des rythmiques lentes et incantatoires qui renvoient au continent africain (formidable tandem envoûtant comprenant le contrebassiste Yves Rousseau et le batteur David Pouradier-Duteil). Les parties improvisées, surtout exécutées par le saxophoniste, ont un parfum libertaire qui évoque parfois l'esprit d'un Archie Shepp. La forme d'ensemble, elle, est plus structurée et relève d'une poétique musicale où perce l'influence d'une certaine musique classique moderne. Le tout ressemble à un opéra de poche fantaisiste conçu pour un public actif, invité à participer d'une manière ou d'une autre à un happening pluridisciplinaire. Mais pour ça, il faut aller écouter Archimusic sur scène. Heureusement, cet album, auquel il manque quand même la dimension visuelle, ne devrait avoir aucun mal à vous inciter d'aller au concert appréhender l'œuvre dans sa globalité.

[ Mutemps - Fantaisie Numérique (CD) ]
[ A écouter : Archimusic : MuTemps - Fantaisie Numérique (teaser) - Archimusic : MuTemps (teaser 2) ]



Sébastien Lovato : Music Boox Vol.2
[ACEL/Quart De Lune]


1) Montedidio (5:06) – 2) Ragondins (4:27) – 3) Le Château (6:55) – 4) Harlem Quartet (4:04) – 5) Hadrian's Dream (6:35) – 6) Another Brick In The Wall (7:06) – 7) Focus On Tanity (06:40) – 8) Ritournelle (7:04) - 9) Little Wing (04:25)

Sébastien Lovato (piano, Fender Rhodes); Marc Buronfosse (contrebasse); Sébastien Texier (clarinette, saxophone alto); Karl Jannuska (batterie). Enregistré au Studio de Meudon en juin, septembre et octobre 2014. Sorti en mars 2015

Originaire de Dordogne, le pianiste Sébastien Lovato a baigné dans la musique depuis sa prime jeunesse et a joué de tout, du classique au jazz en passant par la variété, la salsa et l'acid jazz. Autant d'influences qui affleurent dans sa musique en quartet pourtant bien ancrée dans la tradition du piano jazz. Dans ce deuxième tome de son Music Boox, Lovato poursuit une approche similaire à celle du premier volume: composer des thèmes inspirés par des livres qu'il a aimés et dont il cite des extraits soigneusement choisis. Du coup, cela donne une profondeur supplémentaire à sa musique ainsi mise en perspective tandis que l'auditeur peut s'amuser à rechercher des corrélations entre l'esprit des textes et celui des sons. Ainsi, la poésie d'Erri De Luca à propos du quartier populaire de Naples où il a passé son enfance est-elle perceptible dans le premier titre Montedidio; l'atmosphère sombre et fantastique de Franz Kafka imprègne la composition Le Château qui lui est dédiée; et l'onirisme d'Hadrian's Dream va comme un gant au texte proposé de Marguerite Yourcenar. Tout cela tourne bien d'autant plus que le pianiste s'est entouré de complices attentifs à mettre en relief son lyrisme et ses idées: le contrebassiste Marc Buronfosse et le batteur Karl Jannuska délivrent une rythmique sobre mais efficace tandis que le saxophoniste et clarinettiste Sébastien Texier apporte des couleurs expressives avec le talent qu'on lui connait. On notera aussi une reprise de Another Brick In The Wall du Pink Floyd ainsi qu'une autre, jouée sur un Fender Rhodes, du Little Wing de Jimi Hendrix, deux interprétations malaxant mélodie originale, improvisation et émotion dans une approche fort différente du jeu plus fusionnel d'un Nguyen Lê. Music Boox offre une musique sans aucun artifice qui coule naturellement en direction du cœur et qu'on pourra écouter à maintes occasions, notamment en lisant un des bons livres référencés dans le livret intérieur. [P. Dulieu]

[ Music Boox Vol.2 (CD & MP3) ]
[ A écouter : Harlem Quartet ]



Stéphane Escoms Trio : Meeting Point
[Autoproduction]


1) K.M.A. - 2) Marrakech - 3) Mario - 4) Pick-A-Boo - 5) Rajan's Song - 6) Yellow Fruits - 7) Market Under The Rain - 8) Ausencia - 9) Mario (Duo version) - 10) Marrakech (Trio version) - 11) K.M.A. Remix (6:28)

Stéphane Escoms (piano, compositions); Jérémi Lirola (contrebasse); Francesco Rees (batterie) + Invités. Enregistré les 17 & 18 octobre 2012. Sorti le 5 février 2014.

Il sort aujourd'hui un flopée d'autoproductions dont beaucoup passent malheureusement inaperçues alors qu'on y trouve de vrais projets roboratifs dont certains valent bien, en qualité comme en originalité, ceux édités par des labels majeurs. C'est le cas de ce Meeting Point enregistré et mixé professionnellement au Studio Downtown de Strasbourg. Composé par le pianiste bulgare Mario Stantchev, le premier titre K.M.A. est une belle surprise : le thème primesautier qui s'incruste dans la mémoire et les improvisations hard-bop qui en découlent évoquent l'insouciante gaieté des compositions d'Horace Silver au temps où il faisait les beaux jours du label Blue Note. L'interprétation en trio est aérienne, sophistiquée et pleine de soul, bien plus excitante à mon goût que le remix électro du même titre ajouté en queue de disque. Le reste, entièrement écrit par Escoms, est d'une surprenante variété. Ses compositions mélodiquement très riches sont ensemencées par d'autres cultures mais d'une manière subtile, jamais ostentatoire. Escoms a eu en outre la bonne idée d'inviter quelques musiciens qui, le temps d'un morceau, apportent d'autres couleurs sonores. La voix légère de la chanteuse équatorienne Maria Tejada renforce ainsi le côté latin de la ballade Ausencia tandis que G.S. Rajan prête sa flûte bansuri sur un Rajan's Song nostalgique qui lui est dédié. Quant à Marrakech, avec ses rythmes et ses nuances arabo-andalouses, c'est l'un des sommets du répertoire qui, à l'instar du Caravan de Juan Tizol, a le pouvoir de faire éclore des images tout droit sorties d'un désert fantasmé. Ce morceau qui bénéficie d'un solo de guitare et d'un arrangement d'Anthony Winzenrieth témoigne aussi de la souplesse et du dynamisme de la section rythmique composée du contrebassiste Jeremy Lirola et du batteur Francesco Rees. A noter qu'une version en trio de cette composition est également proposée et qu'elle ne perd rien dans cette configuration de son pouvoir de séduction. Résultat probant d'une vision artistique large mais précise, Meeting Point est une belle réussite et une superbe carte de visite pour ce fantastique trio qu'on a maintenant hâte de découvrir sur scène. [P. Dulieu]

[ Meeting Point (MP3) ]
[ A écouter : Rajan's Song ]



Serge Adam : Up to 1970
[LP Quoi de Neuf Docteur]


1) Up 124 - 2) Up 132 / Up 104 - 3) Up 150 - 4) Up 168

Serge Adam (trompette,composition); Pierre de Bethmann (Fender Rhodes); Benoît Delbecq (claviers, électronique); Benjamin Henocq (batterie); Christelle Séry (guitare électrique); Romuald Tual (beat machine, électronique); Zaf Zapha (basse électrique); Eric Vernhes (vidéo); Djengo Hartlap (spatialisation, sound diffusion). Sorti le 24 février 2014

Comme l'indique explicitement son titre, ce projet a l'ambition de ressusciter le courant musical d'une époque, en l'occurrence cette fusion électrique de jazz, de rock et de R&B que Miles Davis concrétisa à partir de 1970 par ses albums Bitches Brew, Jack Johnson et On The Corner. Dans ce but, le trompettiste Serge Adam a réuni autour de lui un septet efficace incluant Pierre de Bethmann au Fender Rhodes, Benoît Delbecq aux claviers et Benjamin Henocq à la batterie. Conscient qu'il ne suffirait pas pour s'imposer aujourd'hui de reproduire fidèlement une musique datée quoique désormais intemporelle, Adam y a injecté une bonne dose d'électronique tout en l'habillant d'une imagerie vidéo traitée en temps réel. En concert, cet aspect visuel procure une ambiance de happening et accentue le côté psyché d'un spectacle qui, si l'on en juge par les vidéos, renvoie autant aux Mothers of Invention qu'à Miles Davis. Certes cette musique n'est plus aussi provocatrice qu'elle l'était au début des seventies mais quand elle est jouée avec la férocité et la passion requises (comme c'est le cas ici), les affamés de groove ressentent à nouveau des frissons dans l'échine. Quatre titres seulement sont au répertoire et tous sont des pièces ouvertes propices aux improvisations débridées, avec la trompette du leader en tête de proue louvoyant au-dessus des claviers brûlants sur une rythmique entêtante. Mission : mettre le feu aux poudres et, tel une machine de Tesla, zébrer l'air de nervures électriques. Au cours de la dernière décennie, le projet Yo Miles de Henry Kaiser et Wadada Leo Smith a montré que les musiques intenses du Miles électrique laissaient beaucoup d'espace pour de nouvelles explorations et ce collectif le confirme : on n'en a pas encore fini avec ce système sonique inventé il y a plus de quarante ans et trop vite relégué aux oubliettes. Finalement, la seule critique que l'on fera à ce disque est de ne pas avoir confié la pochette à un Abdul Mati Klarwein local. Quitte à assumer un héritage, valait autant le faire jusqu'au bout ! [P. Dulieu]

[ Up To 1970 sur Quoi De Neuf Docteur ]
[ Up 104 (Agora theater Evry - 26/11/2010) ] [ Up 230 (Agora Theater Evry - 26/11/2010) ] [ UP 168 (Pôle Sud Strasbourg - 13/04/2012) ]



Julian Julien / Fractale : Suranné
[A Bout De Son]


1) Partie XV - 2) Partie VI - 3) Partie V - 4) Partie XVI - 5) Partie XVII - 6) Sans Papiers - 7) Clémentine

1 à 5 : Julian Julien (as et compositions), Vivien Philippot (ts), Patrice Cazeneuve (tp), Jennifer Quillet (tp), Jon Lopez de Vicuna (bs électrifié), Lorenz Steinmueller (tuba électrifié), Benjamin Vairon (dr) - 18 février 2008
6 & 7 : Julian Julien (as et compositions), Michael Havard (ss), Yann Lupu (tp), Jennifer Quillet (tp), Laurent Dessaints (bs électrifié), Xavier Sibre (b cl), Lorenz Steinmueller (tuba électrifié), François Favreau (dr) - 2010


Quatrième disque de Julian Julien et le premier à paraître sous le nom de Fractale, Surrané ne s’inscrit pas dans un courant musical bien défini. Ni vraiment du jazz, ni du rock progressif même en opposition, cette suite, découpée en parties qui ne se succèdent pas et enregistrée en concert au Zèbre de Belleville en février 2008, s’inspire de films ou de littérature, s’attachant à créer des atmosphères qui, en fin de compte, possèdent leur propre logique. Des cuivres de la Partie XV à l’électronique de la Partie V, on voyage en terre inconnue tout en pensant à certains moments à Michel Portal et, à d’autres, à d’anciennes fanfares joviales et éclectiques (Dollar Brand) passées à la moulinette de l’électro. Le son du saxophone baryton et du tuba, qui sont tous deux électrifiés, procurent à l‘ensemble une coloration très particulière mais globalement, il y a peu de solos, les masses sonores, guidées par des boucles minimalistes conçues sur ordinateur, se déployant sans cesse autour de mélodies itératives et entêtantes. La mise en place est précise et il y a pas de temps mort : les titres sont en effet concis, denses, ramassés sur eux même et n’offrent guère d’espace à l’improvisation. Parmi les deux morceaux ajoutés en bonus figure l’excellent Sans Papiers, enregistré plus récemment en concert au Sunset : l’électronique y est moins apparente et, sinuant sur un rythme efficacement soutenu par les cuivres, quelques chorus émergent enfin. Ca évoque à la fois la transe, la parade de rue et une clique urbaine du vingt-et-unième siècle. Quant à Clémentine qui clôture ce court album (27 minutes), c’est une composition nostalgique, remplie de bruitages, qui aurait pu servir de bande sonore à un film populaire italien des années 50. Etrange musique que celle de Julian Julien qui n’a certainement pas encore exploré tout le potentiel de son projet (à quand un vrai album ?). On reste toutefois perplexe devant la pochette psychédélique, aux couleurs criardes, à mon avis totalement inadaptée au contenu émotionnel de ces ambiances foraines qui, malgré leurs consonances actuelles, auraient été bien mieux mises en valeur par la photographie sépia d’une joyeuse fête fellinienne. [P. Dulieu]

[ Julian Julien Website ]



Sébastien Paindestre Trio : Live @ Duc des Lombards
[Artist Recording Collective]


1) Le Tourour (S. Paindestre) - 2) Sail Away (Tom Harrell) - 3) Le Soupirail (S. Paindestre) - 4) Bess You Is My Woman Now (G. Gershwin) - 5) Métamorphose (S. Paindestre) - 6) 5 Bd Serrurier (S. Paindestre) - 7) La Java De La Luna II (S. Paindestre) - 8) Ron's Place (Brad Mehldau / M.A. Mimouni)

Sébastien Paindestre (piano), Jean-Claude Oleksiak (Contrebasse), Antoine Paganotti (drums). Enregistré le 26 mai 2008. Sorti en 2010.

Ce troisième disque du pianiste Sébastien Paindestre a été enregistré live en mai 2008 au Duc des Lombards, (pour ceux qui ne connaîtraient pas : un club dans le 1er arrondissement de Paris dédié au jazz depuis plus de 25 ans et qui fut le tout premier à recevoir un Django d'Or pour sa contribution au genre). D'abord, le son est magnifique, à la fois feutré et très présent, restituant à merveille l'ambiance chaleureuse de ce temple moderne récemment rénové. Depuis son premier album paru en 2005 (Ecoutez-moi, Musicast) et, au-delà, depuis sa formation en 2001, le trio est resté le même avec Antoine Paganotti à la batterie et Jean-Claude Oleksiak à la contrebasse. Et ça s'entend : ces deux-là ont appris à écouter, à répondre à la moindre sollicitation du pianiste dont les notes rebondissent allègrement sur leur trame rythmique. Le swing ! Tel est l'élément fondateur de cette musique mature qui s'abreuve aux sources du jazz tout en proposant de nouvelles harmonies, de nouvelles échappées qui déjouent tous les clichés. Quelques reprises de compositions modernes (le délicat et romantique Sail Away de Tom Harrell) ou de standards (Bess You Is My Woman Now de Gershwin) parsèment les propres compositions de Paindestre (cinq plages sur huit). Ces dernières révèlent toute l'attention dont elles ont fait l'objet au cours du processus d'écriture : les mélodies sont mémorables et leurs variations toujours prenantes, racontant des histoires musicales dont on aimerait qu'elles ne finissent jamais. Heureusement, le trio s'autorise à s'étendre davantage par rapport aux versions en studio sans rien céder sur la fulgurance de sa musique, propice parfois à un jeu en staccato impressionnant et à quelques acrobaties rythmiques qui ont du faire frissonner le public. 5 Boulevard Serrurier par exemple est à cet égard une impressionnante réussite : retenu et mystérieux avec un solide solo de contrebasse et un piano qui dérape soudain vers le blues avant de lâcher des chapelets de notes en cascade comme si le pianiste prenait un malin plaisir à brouiller les pistes. Son phrasé vif et son toucher puissant y sont tout à fait convaincants. Le disque se termine sur Ron's Place, emprunté à Brad Mehldau, ici chanté en français avec une voix un peu rauque par Michèle-Anna Mimouni. Les paroles rendent d'ailleurs hommage au pianiste américain qui l'avait accompagné jadis sur son propre album : Entre Ombre Et Lumière sorti en 2007. Ce disque en concert, co-produit par le trio et le Duc des Lombards, est aujourd'hui le plus bel opus du groupe ou, disons, le plus impressionnant. On devine à son écoute un plaisir incommensurable de jouer et, en tant qu'auditeur, on y décèle une présence et une intensité proprement jubilatoires. A ne pas rater ! [P. Dulieu]

[ Sébastien Paindestre Website ] [ Live @ Duc Des Lombards (CD & MP3) ]



Jean-Philippe Muvien Quartet : Rebirth!
[Allgorythm allgo3]


1) Ich Bin Romantich (Muvien/Humair) - 2) Lucille et Daniel (Muvien) - 3) Ulysse Treize (Muvien) - 4) The Night Has A Thousand Eyes (Weisman/Wayne) - 5) Beatrice (Rivers) - 6) Four On Six (Montgomery) - 7) Tahabalad (Muvien) - 8) Blue Bossa (Dorham) - 9) El Bonobo (Muvien)

Jean-Philippe Muvien (guitare), Jean-Philippe Viret (Contrebasse), Bruno Rider (piano), Yoann Serra (drums). 2007. Sorti en 2008.

Sur le site, par ailleurs très original de Jean-Philippe Muvien, on apprend que le guitariste a des affinités avec Daniel Humair (batterie), Jean-Paul Celea (b) et plus récemment avec Louis Sclavis (cl), ce qui suppose en principe une attirance pour l’avant-gardisme et l’expérimentation. Toutefois, Rebirth, enregistré en quartet pour son propre label Allgorythm, démontre une approche plus classique où le bop et le swing règnent en maître. Il suffit d’écouter les reprises de standards comme le Blue Bossa de Kenny Dorham ou le trépident Four Of Six de Wes Montgomery, dévissé avec aisance, pour savoir que le quartet joue ici dans le respect de la tradition. C’est confirmé par une autre reprise évocatrice : The Night Has A Thousand Eyes tiré de la bande sonore du film du même nom et qui fut autrefois, dans la version de Sonny Rollins, choisi comme générique de l’émission Bouillon de Culture. Et on s’en voudrait ne pas citer cette reprise du fameux titre de Sam Rivers, Beatrice, ici rendu avec une simplicité apparente et une bonne dose de mélancolie. Par contre, sur ses propres compositions, Muvien se montre plus aventureux : Ulysse Treize par exemple est pourvu d’une structure aérienne plus ouverte au sein de laquelle la guitare se promène librement en compagnie des notes cristallines d’un piano très éloquent tenu par Bruno Ruder. Mais le morceau le plus surprenant reste en finale ce El Bonobo où la guitare hyper speedée comme un bourdon en colère se fraie un chemin à travers des sons pianistiques qui fusent comme des feux d’artifice. Jean-Philippe Viret à la contrebasse et Yoann Serra à la batterie complètent le quartet et lui procurent une souplesse féline qui contribue largement au swing naturel dégagé par cet ensemble. Tout cela est fort bien joué et, d’après les photos du livret, sans prétention et dans la bonne humeur. Sachez enfin que ce disque, enregistré dans les fameux studios « La Buissonne » de Pernes Les Fontaines, est doté d’un son fort avantageux. En conséquence, et particulièrement si vous appréciez la guitare jazz réconciliant le moderne et le « mainstream », Rebirth! n'aura aucune peine à capter toute toute votre attention. [P. Dulieu]

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Sébastien Paindestre Trio : Parcours
[Jazzseb 02]


1) Le Soupirail (S. Paindestre) - 2) Métamorphose (S. Paindestre) - 3) Un père Impair (Jean-Claude Oleksiak) - 4) Bess You Is My Women Now (G. Gershwin) - 5) Merlin (S. Paindestre) - 6) Je Kaje Lune (S. Paindestre) - 7) La Java de la Luna II (S. Paindestre) - 8) 5 boulevard Serrurier (S. Paindestre) - 9) Tell Me A Bed Time Story (Herbie Hancock)

Sébastien Paindestre (piano), Jean-Claude Oleksiak (Contrebasse), Antoine Paganotti (drums). 2008.

Le premier titre intitulé Le Soupirail accroche d’emblée : la sonorité est pleine, le piano dynamique à souhait et la composition bondissante comme une particule élémentaire échappée de l’univers monkien. Métamorphose qui vient ensuite confirme que le trio a mûri : l’interaction entre les trois instruments apparaît naturelle et la rythmique, composée de Jean-Claude Oleksiak à la contrebasse et d'Antoine Paganotti à la batterie, s’agrippe au thème comme une huître à son rocher et transforme cette composition en une œuvre plus collective qu’individuelle. Avec la reprise du Bess You Is My Women Now de Gershwin, l’attirance de Paindestre pour un jazz nuancé à la manière d’un Bill Evans refait surface. Et le répertoire se conclut sur Tell Me A Bedtime Story qui n’évite pas la référence à son concepteur Herbie Hancock. Mais au-delà des influences par ailleurs assumées, on sent bien à l’écoute des neuf titres constituant cet album, que le pianiste a cherché une voix intérieure, allant même jusqu’à reprendre un thème de son premier disque (La Java De La Luna II) pour en exploiter davantage les ressources. Tout cela est joliment pensé jusqu’aux titres des morceaux qui jettent sans prétention une lumière indirecte sur les idées ayant guidé le travail de composition : Le Soupirail parce que c’est une ouverture donnant un peu d’air et de lumière à un sous-sol, Métamorphose en hommage à l’esprit torturé de Kafka ou 5 Boulevard Serrurier qui est tout simplement l’adresse d’un ami saxophoniste. Parcours est un disque de jazz moderne plutôt facile à appréhender grâce à sa bonne humeur et à un agencement harmonique subtil conjugué avec la fluidité d’un trio en nette progression créatrice. On se saurait trop conseiller aux amateurs de jazz pianistique triangulaire d’y laisser traîner une oreille. [P. Dulieu]

A noter : un dixième titre intitulé Blue For Violaine et des prises alternatives issues des mêmes sessions sont offerts à tout acheteur de l'album par téléchargement sur le site de Sebastien Paindestre

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Olivier Calmel Quartet : Empreintes
[Musica Guild MG0718]


1) Prologue - 2) Travelling Mafate - 3) Tempérament? - 4) D'humeurs changeantes - 5) Epistrophe - 6) Un mystère - 7) Rage / Sacrifice humain - 8) Trois messes basses - 9) Apprenti / La potion du sorcier - 10) Au lever - 11) Alter Ego - 12) Le Hongrois déraille - 13) Prélude des 5 rameaux.

Olivier Calmel (piano), Frédéric Eymard (violon alto), Bruno Schorp ou Jean Wellers (Contrebasse), Karl Jannuska (drums), Vincent Peirani (accordéon sur 1 & 2), Christophe Panzani (sur 1 & 12), Rémi Merlet (percussions sur 1, 7 & 9), Alvaro Martinez (palmas sur 2 & 12). Toutes les compositions sont de Olivier Calmel excepté Trois messes basses (Roger Calmel). Enregistré en décembre 2006.

Après l’excellent Mafate réédité l’année dernière par le label Musica Guild, le pianiste Olivier Calmel nous offre son second opus intitulé Empreintes. S’il a gardé la formule du quartet et les mêmes musiciens (Karl Jannuska à la batterie, Bruno Schorp ou Jean Wellers à la contrebasse et Frédéric Eymard au violon alto), il a aussi fait appel à des musiciens invités dont Vincent Peirani à l’accordéon et Christophe Panzani au saxophone soprano, chacun sur deux titres. La musique est un véritable jazz de chambre marqué par une inspiration classique européenne et moderne (Stravinsky et Debussy entre autres) mais aussi par les compositions de son père, Roger Calmel, à qui cet album est dédié. Bien sûr, les parties improvisées ne manquent pas mais on sent bien l’intérêt du leader pour l’écriture de morceaux bien pensés et truffés de clins d’œil qui ne laissent en définitive qu’une place limitée à l’aventure. Complexe et pourvu d’une dynamique qui n’en rend pas toujours l’écoute facile (les humeurs changeantes de la quatrième plage), le disque se révèle apte à procurer des émotions diverses qui vont de la nostalgie (écoutez les notes de piano dans Au lever : on dirait des flocons de neige tombant sur une campagne matinale et déserte) à l’appréhension (Epistrophe / Un mystère ou RageSacrifice humain). On pourrait même penser que la musique a été écrite pour un film imaginaire dont le scénario hésite constamment entre poésie et mystère, ce qui n’est guère étonnant quand on sait l’auteur friand de cinéma et attiré par l’écriture de bandes sonores de films (il a notamment composé la partition du moyen métrage Close Up). Pour accentuer les climats, Olivier Calmel a parfois recours à un piano préparé duquel il tire des bruitages inattendus, colorant les trames de subtiles fréquences à l’instar d’un groupe comme E.S.T. Dans cette quête presque maniaque de nuances rares, le pianiste est considérablement aidé par Frédéric Eymard, très expressif sur son violon alto et habile à créer des superpositions de timbres osées. Empreintes confirme le talent d’Olivier Calmel à concevoir des pièces musicales raffinées dont les riches textures sonores ont l’avantage de raconter des histoires et d’imprimer avec force la mémoire auditive. A écouter souvent et avec beaucoup d’attention ! [P. Dulieu]

A noter une initiative intéressante : des titres complets en bonus, issus des mêmes sessions et masterisés comme sur le compact, sont offerts gratuitement au téléchargement sur cette page du site d'Olivier Calmel.

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Les Doigts de l'Homme
[Lamastrock]


1) Stenay vous bien (O. Kikteff) - 2) Ce vieux conte Dracula (M. Laverty) - 3) Crise de nerfs (O. Kikteff) - 4) 140 C (O. Kikteff) - 5) Camping sauvage à Auschwitz (O. Kikteff) - 6) Métal Hurlant version 2 (O. Kikteff) - 7) Faites du bien (O. Kikteff) - 8) Rythme futur (D. Reinhardt) - 9) La valse des rois (O. Kikteff) - 10) Etre ou avoir (O. Kikteff) - 11) Blue Ska (T. Blum) - 12) Les doigts dans la bossa (O. Kikteff) - 13) Cuba-Texas (O. Kikteff) - 14) Mandarine (M. Laverty).

Olivier Kikteff (Guitare solo, Chant), Marc Laverty (Guitare rythmique), Tanguy Blum (Contrebasse). 2005.

Après un premier compact sorti en 2003 et un mini disque de 5 titres en 2004 (Gipsy Jazz Nucléaire), ce nouvel album éponyme enfonce le clou avec la même frénésie doublée d’une bonne dose d’iconoclasme. Certes, c’est du Jazz manouche inspiré par Django Reinhardt et ils paient leur tribut au maître en reprenant ici Rythme futur : ça signifie des guitares acoustiques swinguantes, des solos véloces et acrobatiques et une pompe endiablée pour les soutenir. Les compositions originales les plus respectueuses du genre comme Stenay vous bien, La Valse des rois ou Métal hurlant révèlent des qualités mélodiques, un swing sans faille et un sens aigu de la composition bien tournée. Il faut dire que le soliste Olivier Kikteff a aussi toute la science guitaristique qu’il faut pour maintenir la pression : écouter par exemple Ce Vieux Conte Dracula impressionnant où la vibration des cordes frappées à toute vitesse évoque le vol ultra-rapide des chauve-souris vampires. Mais voilà, Les Doigts de l’Homme sont tout sauf des conservateurs sclérosés : la tradition pour eux est davantage un tremplin destiné à mettre en oeuvre une stratégie salvatrice du contournement : leur jazz manouche, ils le mélangent allègrement à d’autres influences qui, en dehors même du jazz, puisent dans les musiques du monde. Crise de nerfs interprété au banjo introduit ainsi un feeling Bluegrass au royaume des Gitans, Blue Ska justifie son titre en faisant sien le rythme si particulier du ska, Mandarine sonne comme une danse folklorique d’inspiration médiévale tandis que Les Doigts dans la bossa et Cuba-Texas se nourrissent d’influences latines. Et puis, il y a encore trois titres chantés à la Brassens (140 C, Faites du bien, Etre ou avoir) dont les textes gouailleurs confirment un comportement salutaire d’amuseur public. Tout ça n’est sans doute pas pour plaire au cercle fermé des amateurs sclérosés d’un genre où toute musique sérieuse ne peut être qu’hommage à Django mais pour les autres, sachez que l’audace et l’imagination dans l’art populaire se logent bien souvent là où beaucoup refusent de les reconnaître. [P. Dulieu]

[ Les Doigts de l'Homme : Official Website ] [ Ecouter / Commander ]



William Chabbey : Après la nuit
[Disques DOM]


1) Paris Calvi - 2) Fast Life - 3) Vignola - 4) 3 et 4 - 5) Manu's Blues - 6) Guitar Song - 7) Swing 21 - 8) Wes Groove - 9) Antoine la comète - 10) Cécile ma fille (Claude Nougaro) - 11) Après la nuit. Toutes les compositions sont de William Chabbey sauf indication contraire.

William Chabbey (guitare), David Sauzay (saxophone, flûte), Emmanuel Chabbey (contrebasse), Mourad Benhammou (dr), Carlos Werneck (guitare & percussions sur 10), Didier Ithursarry (accordéon sur 10). Enregistré les 5 et 6 décembre 2004.

Après La Nuit est le second disque de William Chabbey, guitariste de jazz français sur qui Wes Montgomery paraît avoir eu une énorme influence. Le son si caractéristique, le glissement sur les cordes et la manière de bloquer les accords en accompagnement rappellent instantanément le guitariste américain. C’est évidemment le cas sur le titre dédié Wes Groove ou sur 3 et 4 où le guitariste renforce encore la comparaison en se faisant doubler par David Sauzay à la flûte rappelant ainsi l'union magique de Montgomery et de James Clay sur l’album Movin’ Along (Riverside, 1960), mais également dans le contexte plus typiquement Hard Bop de Fast Life ou de Manu’s Blues qui comprennent par ailleurs d’autres belles contributions de Sauzay cette fois au saxophone dans un style coltranien. Pour pallier l’uniformité, le répertoire offre une belle variété de thèmes qui rendent l’écoute de cet album agréable : la reprise sensible du Cecile Ma Fille de Claude Nougaro enluminé par l’accordéon nostalgique de Didier Ithursarry est un modèle d’élégance tandis qu’Après La Nuit se décline tranquillement à la guitare et à la flûte sur un rythme brésilien plein de soleil. Impossible aussi de ne pas rendre hommage à la rythmique composée du frère du leader, Emmanuel Chabbey, à la contrebasse et de Mourad Benhammou à la batterie. C’est elle qui assure la cohésion du groupe et qui maintient la pression dans les titres rapides à coup d’emballements fulgurants, signe incontestable de musiciens aguerris et compétents. Après La Nuit est un disque non seulement conseillé aux fans de guitare en général et de Wes Montgomery en particulier mais aussi et à ceux qui apprécient un jazz Bop à la fois chaleureux et swinguant. [P. Dulieu]

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Sebastien Paindestre Trio : Ecoutez-moi
[distribution Musicast]


1) Le Tourtour - 2) Le Beau Cierge - 3) Jeux de Quartes - 4) Stella By Starlight (Victor Young) - 5) La Java de la Luna - 6) Certitude - Solitude - 7) Les Brenots - 8) United We Waltz (Kenny Garrett). Toutes les compositions sont de Sebastien Paindestre sauf indication contraire.

Sebastien Paindestre (piano), Jean-Claude Oleksiak (contrebasse), Antoine Paganotti (batterie). Enregistré les 23 et 24 juin 2003 au Studio Mesa.

En trio avec Jean-Claude Oleksiak à la contrebasse et Antoine Paganotti à la batterie (membre du groupe Magma depuis 1999), le pianiste Sebastien Paindestre a enregistré un disque varié où la modalité se mâtine d’influences diverses (la musique classique impressionniste entre autres) et trahit une poésie toute intérieure. Son jeu fortement construit révèle un goût pour les mélodies dépouillées qui sont l’expression de perspectives émotionnelles, d’inclinations et de souvenirs émaillant sa vie personnelle. Ainsi, Le Beau Cierge qui s’écoute comme une jolie chanson à trois temps est-il dédié à l’auteur de la Javanaise, Les Brenots qui commence comme un appel de cloche et se poursuit gaiement par l’exposé d’un thème presque bucolique est l’évocation musicale d’un petit village du Morvan où le leader réside, tandis que Jeux de Quartes à l’atmosphère plus tendue et inquiétante se réfère à un cauchemar d’enfance. Les annotations reprises dans le livret aident singulièrement à mieux s’imprégner de cette musique qui s’inscrit dans la ligne des trios modernes de piano jazz inventée jadis par Bill Evans. Doté d’une belle sonorité acoustique, Paindestree fait preuve d’une grande sensibilité dans ses improvisations tandis que ses comparses lui emboîtent le pas d’un jeu intuitif et discret. Contrairement aux trios scandinaves, le pianiste ne joue pas la carte du minimalisme mais exprime plutôt la joie de vivre, les contrastes, les couleurs de la vie qui passe et il le fait sans maniérisme ni fausse pudeur. Quelque part dans la plaquette introductive à son art est citée une phrase de Confucius : comment un homme dépourvu des vertus qui sont propres à l’homme peut-il cultiver la musique ? A entendre ce disque noyé dans un lyrisme délicat, on sent bien que ces vertus ne sont étrangères ni à l’artiste ni à sa musique. En définitive, ce compact, qui s’intitule Ecoutez-moi, vaut bien la peine qu’on s’y arrête un moment. [P. Dulieu]

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Olivier Ker Ourio : Siroko
[e-motive Records]


1) Belly Dancing - 2) Tramonto (Ralph Towner) - 3) Siroko - 4) Seascape - 5) Goodbye Pork Pie Hat (Charles Mingus)- 6) Fun Key (Heiri Kaenzig) - 7) ELM (Richie Beirach) - 8) Payanké - 9) Everybody’s Song But My Own (Kenny Wheeler) - 10) Syracuse (Henri Salvador). Toutes les compositions sont de Olivier Ker Ourio sauf indication contraire).

Olivier Ker Ourio (harmonica chromatique), Ralph Towner (guitares nylon et 12 cordes), Heiri Kaenzig (contrebasse). Enregistré le 1er novembre et le 18 décembre 2004 au PowerPlay Studio à Zurich.

Dès les premières mesures, on reconnaît le style et la sonorité sèche et métallique du guitariste virtuose américain Ralph Towner, connu pour ses magnifiques opus parus sur le label ECM. Pour son cinquième disque en solo (déjà !), le nouveau gourou de l’harmonica chromatique a choisi la voie difficile du trio et de surcroît un partenaire dont le jeu à la six ou douze cordes dépasse parfois les limites strictes du jazz pour flirter avec la musique classique contemporaine. Rien d’inaccessible toutefois dans ces plages arborant la plupart du temps un air nonchalant qui ensoleille depuis longtemps la musique du Réunionnais aux ascendances bretonnes. Le répertoire est varié avec quatre compositions originales de Ker Ourio, une du contrebassiste autrichien Heiri Kaenzig et une de Ralph Towner, le reste étant emprunté à Charles Mingus (Goodbye Pork Pie Hat), Kenny Wheeler (Everybody’s Song But My Own), Richie Beirach (ELM) sans oublier en finale une très belle relecture bluesy du fameux Syracuse d’Henri Salvador. En fait, la guitare, la contrebasse et l’harmonica se marient à la perfection atteignant souvent à un lyrisme rare. Il faut dire qu’entre les accords improbables de Towner et le chant mélancolique de l’harmonica, on a de quoi écouter et c’est bien souvent que l’on est emporté avec ravissement dans des paysages sonores aux couleurs inédites. On l’a dit mille fois, Olivier Ker Ourio est le digne successeur de Toots Thielemans auquel son jeu peut faire penser mais ce disque-ci, par la combinaison ingénieuse des sonorités, la modernité expressive des rythmes et l’originalité des mélodies, est le sien à lui tout seul. Indéniablement ! [P. Dulieu]



Thierry Maillard : Time's Color
[RDC Records]


1) New Quartet - 2) Sur les Ailes du Temps - 3) Up and Go - 4) Sans Limite - 5) I'll Always Be There - 6) Obsession - 7) I Remember Clifford (Benny Golson) - 8) Save File Error - 9) For Ever. Toutes les compositions sont de Thierry Maillard sauf indication contraire.

Thierry Maillard (p), Pascal Sarton (b), Jean-Mi Truong (dm), Nicolas Genest (tp, bugle sauf 7, 9 et 10), Yochk'o Seffer (fl sur 8). Produit par Thierry Maillard en décembre 2000.

Le Français Thierry Maillard, avec une certaine audace, a commencé sa carrière discographique en compagnie de John Pattitucci et de Dennis Chambers, et son premier disque Paris - New York (1997) mettait déjà en évidence son étonnante maturité face à ces professionnels du jazz outre-Atlantique. Depuis, il s'est adjoint une rythmique plus régulière en les personnes de Pascal Sarton à la contrebasse et Jean-Mi Truong à la batterie. Ce troisième album intitulé "Time's Color" permet d'entendre ce trio sur dix compositions originales et une reprise de Benny Golson (I Remember Clifford), augmenté de Nicolas Genest à la trompette et au bugle sur huit morceaux et du Hongrois Yochk'o Seffer - transfuge avec Truong du légendaire groupe de jazz-rock ZAO - à la flûte sur un seul titre (Save File Error). L'ambiance est au bop et Maillard démontre une fois encore son étonnante virtuosité alliée lorsque le tempo le permet, comme sur le très beau For Ever par exemple, à un grand lyrisme. Son jeu improvisé qui allie précision et vivacité et inclut de soudaines accélérations ainsi d'ailleurs que le son très bien enregistré du piano ne sont pas sans rappeler ceux de Chick Corea. Quant à la rythmique, elle fait preuve d'une belle vigueur dans la pulsation (écoutez le travail sur New Quartet et surtout sur Vitamine C) et sait élever la musique du pianiste un cran au-dessus. Bien équilibré, avec un climat varié dosant les tempos lents et rapides, avec des compositions qui, sans être d'une extrême originalité, restent toutefois attachantes, "Time's Color" est un bon disque dans le style d'un jazz bop acoustique très populaire actuellement et qu'on ne peut que recommander vivement à tous les amateurs. [P. Dulieu]



Jean-Pierre Como : Empreinte
[BLUE NOTE]


1) Anatole France (Jean-Pierre Como) - 2) Tontine (Jean-Pierre Como) - 3) Résonnances (Jean-Pierre Como, arr. Zool Fleisher) - 4) Margaux (Jean-Pierre Como) - 5) Ange Michel (Jean-Pierre Como) - 6) Three Views of a secret (Jaco Pastorius) - 7) Boulougnou (Jean-Pierre Como) - 8) Empreinte (Jean-Pierre Como) - 9) Apicoise (Marc Bertaux) - 10) Milestrone (Jean-Pierre Como) - 11) Giant Steps (John Coltrane) - 12) Liberty City (Jaco Pastorius)

Jean-Pierre Como (p, kb, voc), Marc Bertaux (elb), Emmanuel Cisi (ts, voc), Jean-Marie Ecay (elg), Minino Garay (perc, voc), Stéphane Huchard (dm) + invités : Michel Alibo, Dario Deidda, Emmanuel Binet (elb), Zool Fleisher (kb), Didier Lockwood (vl), Sylvain Luc (g, mand), Miguel Sanchez (perc), Paco Séry (dm, perc), Michel Lobentz (prog), Alain Debossiat (voc), Omar Toure, Guila Tchiam, Sixun, Karim Ziad, Oumar Ba, Weuz Kaly, Aurélie Guillier (voc). Enregistré en septembre 1997 à Yerres.

Avec cet hommage à Jaco Pastorius, sur lequel se succèdent quatre bassistes électriques et une pléiade de musiciens, Jean-Pierre Como retrouve la voie magique dont on avait à peu près perdu la trace depuis l'extinction, au milieu des années quatre-vingts, de l'étoile Weather Report - d'autant que les derniers opus du groupe ne furent pas ses meilleurs. L'inspiration est particulièrement franche sur le premier morceau, Anatole France, où le thème évoque l'ouverture de Night Passage, l'emploi joyeux du vocoder dépouillant Zawinul de l'exclusivité de ses recettes : le pianiste-claviériste de Sixun, en toute simplicité, marche sur les pas du tandem fondateur du Bulletin Météo et emmène avec lui toute sa troupe dans un périple énergique, luxuriant, une débauche de sons et d'atmosphères on ne peut plus proche de ce cosmopolitisme enthousiaste - jazz, rock, funk, terres lointaines et timbres spatiaux - qui fit de Weather Report ce qu'il a été. Les compositions du pianiste (on trouve deux reprises de Pastorius, dont le splendide Three Views of a Secret) se prêtent à se muer en cette débandade de couleurs et de rythmes qu'en font les musiciens, dont le plaisir de jouer est immense. "Jaco, c'est une étoile filante, un génie précoce et foudroyant consumé par sa propre intensité : derrière la force de son génie, la fragilité de l'homme, derrière la virtuosité de l'instrumentiste, la profondeur du musicien", écrit Como. Pastorius méritait un hommage démesuré : le pianiste ne faillit pas à la tâche. Puissent tous les fanatiques de ce musicien et de ce groupe uniques s'en convaincre au plus vite ! [B. Quiriny]




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