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Jon Anderson : Discographie en Solo (albums en studio)
Si la carrière du chanteur Jon Anderson au sein de son groupe Yes est quasiment irréprochable, son oeuvre en solo, pourtant abondante (une vingtaine d’albums sans tenir compte de ses multiples collaborations avec Vangelis, Roine Stolt, Ponty, et autres), apparaît beaucoup plus erratique. Excepté Olias Of Sunhillow, son mythique premier album paru en 1976, ce qui suit risque fort de décevoir les amateurs de musique progressive. Pourtant, tout n’est pas à jeter et à l’heure où la musique peut aussi s’acheter par titre, il peut être tentant de composer son propre "best of" avec les meilleures chansons puisées dans la discographie de ce grand artiste.
Olias Of Sunhillow (Atlantic, 1976) : le chef d’œuvre ambitieux et visionnaire d’Anderson, inspiré par la fantastique pochette de Roger Dean pour Fragile, est à écouter dans sa totalité. Une suite racontant les mésaventures de Zamran, fils d’Olias, est en préparation. Song Of Seven (Atlantic, 1980) : composé de chansons conventionnelles et sans grande prétention, le répertoire contient quand même un petite perle progressive : Song Of Seven, un titre de plus de 11 minutes doté d’un bel arrangement symphonique et incluant de superbes parties de guitare par le vétéran Dave 'Clem' Clemson (Colosseum et Humble Pie). Animation (Atlantic, 1983) : est globalement plus réussi que le précédent tout en restant dans la même veine pop-rock tranquille. Le meilleur consiste en le titre éponyme qui est aussi le plus long et le plus progressif, incluant plusieurs sections de styles différents dont la dernière, avec son piano évanescent, est superbe. Ceci dit, Boundaries, accompagné à la guitare acoustique, est quand même aussi une belle ballade folk. Three Ships (Elektra, 1985), In the City of Angels (Columbia, 1988), Deseo (Windham Hill, 1994) : le premier est un album de Noël ; le second, enregistré en Californie avec des musiciens de session renommés comme Mike et Jeff Porcaro et le guitariste Michael Landau, est un disque à vocation purement commerciale ; le troisième tente une percée dans la musique world en compagnie de musiciens d’Amérique latine. Aucun de ces trois disques n’est réussi et, mis à part les harmonies vocales de Jon Anderson toujours agréables à entendre, il n’y a malheureusement rien qui mérite d’être sauvé de ce triple naufrage. Change We Must (EMI, 1994) : ce disque enregistré en compagnie de Nigel Warren-Green et de son London Chamber Academy, qui comprend des arrangements orchestraux souvent remarquables d’anciennes et de nouvelles chansons, n’est pas mal du tout. La voix d’Anderson est particulièrement bien mise en valeur dans ce contexte. Ceux qui apprécient la combinaison de rock et de classique dans l’esprit de ce que fait The Enid apprécieront tout particulièrement des morceaux comme Hurry Home, Shaker Loops, Hearts (une chouette reprise du disque 90125 de Yes) et le titre éponyme. |
Angels Embrace (Virgin, 1995) : long, lent et sans substance, ce disque quasi instrumental où perce l’influence de Vangelis peut servir de bruit de fond pour une séance de méditation mais c’est à peu près tout ce qu’il y a à en dire..., avant le dernier morceau Midnight Cello, sauvé in extremis par son romantisme exacerbé.
Toltec (Windham Hill, 1996) : un disque conceptuel à propos d’une tribu mystérieuse d’Américains natifs, soit un thème ésotérique et empreint de spiritualité comme Anderson les aime. La musique variée inclut des éléments rock, world, new-age et électroniques avec des parties narratives par-dessus. Certaines pièces ambitieuses comme Building Bridges ne manquent pas de panache et valent certainement une écoute, même si l’album entier est gâché par les déclamations de Longwalker un peu trop envahissantes. The Lost Tapes Of Opio (Voiceprint, 1996) : pas grand-chose à sauver sur ce disque qui reprend des pièces instrumentales enregistrées en France à la fin des années 80 et au début des 90’s. Un disque encore davantage plombé par le long monologue de 17 minutes d’Ernie Longwalker (Longwalker Speaks). A noter un titre intitulé Homage To Sun Ra, pas si surprenant que ça si l’on considère qu’Anderson et Ra partagent une philosophie cosmique et une dimension mystique qui ne sont finalement pas si différentes. Earth Mother Earth (Ellipsis Arts, 1997) : enregistré à la maison et dans le jardin avec des bruits de chats et d’oiseaux, cet album intimiste et sans prétention est une sorte d’ode tranquille à la nature, à l’amour, à la vie spirituelle, à tout ce que vous voulez sauf à la musique flamboyante de Yes. The Promise Ring (Higher Octave, 1997) : ce sont cette fois les mélodies irlandaises et celtiques qui sont à l’honneur sur fond de guitares, flûtes, mandolines et violons joués par des musiciens spécialisés et expérimentés. C’est du folk certes, mais pas prog du tout, et ressemblant plutôt à ce qu’on pourrait écouter au détour d’une taverne irlandaise. The More You Know (Big Eye Music, 1998) : retour à une musique world plus ou moins semblable à celle de l’album Deseo mais avec des éléments actuels en plus (drums 'n' bass et ce genre de choses) renforçant encore le côté pop-soul d’une musique prévisible et sans consistance. A éviter. |
In Elven Lands / The Fellowship (United States Of Distribution, 2006) : une célébration de l’œuvre de J.R.R. Tolkien par divers musiciens dont Jon Anderson qui n’apparaît que sur quatre morceaux. Le style est volontairement archaïque et des instruments médiévaux (flûte, harpe, cromorne, luth, vielle à roue …) sont combinés à d’autres plus modernes mais ça fonctionne, la voix dopée à l’hélium d’Anderson se prêtant particulièrement bien à ce genre de musique. The Sacred Stones avec son air celtique est à écouter en priorité. Searching For The Songs (Voiceprint, 2006) : une collection de chansons enregistrées en 1986 dont The Meaning Of Your Love qui refera surface en beaucoup mieux sur l’album Anderson Bruford Wakeman Howe. Sinon, ces démos sont plutôt banales dans le genre pop-rock. Watching the Flags That Fly (Voiceprint, 2007) : une autre compilation de démos enregistrées au cours des années 90 et qui étaient supposées figurer sur le second album en studio de Anderson Bruford Wakeman Howe. Take The Mountain To The Water fut effectivement réenregistré plus tard à cet effet, mais comme ABWH fut finalement dissous suite à la reformation de Yes, c’est plutôt sur le disque Union qu’elle a été incluse. Quoique présentées dans des versions squelettiques, moins travaillées, sans solos et avec une instrumentation plus simple et électronique que d’habitude, ce disque n’en contient pas moins quelques bons morceaux (en plus du titre précité, We Make Believe et To the Stars) qui laissent imaginer ce que ABWH aurait pu construire avec ce matériau de base. Survival & Other Stories (Voiceprint, 2011) : ce disque est le résultat de la collaboration d’Anderson avec des musiciens anonymes lui livrant, à sa requête, leurs travaux via internet. En dépit de ce processus, le résultat final, avec Jon ajoutant ses vocaux et peaufinant la touche ultime dans son propre studio, est plutôt cohérent. Au sortir d’une longue maladie, Anderson retrouve ici une nouvelle énergie tandis que le répertoire s’abreuve aux différents styles abordés durant sa carrière en solo : chansons intimistes accompagnées à la guitare ou au piano, pièces orchestrales, influences world, new-age, ou tout simplement pop-rock. New New World est mon titre préféré sur celui-ci. Finalement, comme suggéré au début de cet article, je vous propose donc un Best Of virtuel compilant 12 des meilleurs titres de Jon Anderson enregistrés en studio et parus sous son seul nom. Il ne vous reste plus maintenant qu'à le constituer en piochant les titres un par un sur les plateformes de vente en ligne : The Best Of Jon Anderson Studio Solo Recordings 1) Flight Of The Moorglade (3:24) – 2) Song Of Seven (11:16) - 3) Animation (9:10) - 4) Change We Must (5:40) – 5) Hearts (4:57)- 6) Midnight Cello (4:01) – 7) Leap Into The Inconceivable (3:53) – 8) Building Bridges (5:54) – 9) Boundaries (3:23) – 10) The Sacred Stones (5:08) – 11) To the Stars (3:23) - 12) New New World (4:14) [ Olias Of Sunhillow (CD & MP3) ] [ Change We Must (CD & MP3) ] [ Toltec (CD & MP3) ] [ Survival & Other Stories (CD & MP3) ] [ A écouter : Flight of the Moorglade - Song Of Seven - Animation - Change We Must - Hearts - The Sacred Stones - New New World ] |
Jon Anderson : Olias Of Sunhillow (Atlantic), UK 1976 Une fois les sessions de l’intense Relayer mises en boîte, les membres de Yes se consacrèrent à l’enregistrement d’albums sous leur propre nom : Fish Out Of Water de Chris Squire et Beginnings de Steve Howe sortirent en novembre 1975 suivis en 1976 par Ramshackled d’Alan White, l’album solo de Patrick Moraz et enfin Olias Of Sunhillow du chanteur Jon Anderson. Ce dernier, inspiré par les mondes fantastiques de Roger Dean et plus particulièrement par la superbe pochette illustrant le LP Fragile, a écrit une œuvre ambitieuse en phase avec l’univers de science-fiction qui baigne ses plus beaux textes. Anderson y raconte dans son style abstrait et poétique la création par l’architecte Olias d’un vaisseau des étoiles, une sorte d’Arche de Noé destinée à l’exode du peuple de la planète Sunhillow. Le chanteur a choisi de jouer lui même tous les instruments et, sans être virtuose d’aucun, sa musique concentrée sur ses compositions évite par la force des choses les démonstrations et les excès. Grâce à la magie des consoles, guitares acoustiques, harpes, synthés, chœurs et percussions enrobent la voix inspirée qui s’enroule, se dédouble et s’amplifie telles les voiles du grand navire gonflées par les vents solaires. Le disque montre par ailleurs combien la contribution de Jon Anderson est essentielle au sein du groupe Yes qui lui doit son côté mystique et des thèmes inattendus comme Soon, We Have Heaven, Survival, Long Distance Runaround ou Wonderous Stories. Bizarre que la superbe pochette très Fantasy ait été réalisée par un inconnu, Dave Roe, et non par Dean lui-même ! Bizarre aussi que les séquences cristallines de synthé sonnent parfois comme du Vangelis alors que ce dernier n’est que « remercié » dans le livret !! Bizarre enfin qu’Anderson n’ait plus jamais produit un disque en solo d’un imaginaire aussi fort que celui-ci !!! [ Olias Of Sunhillow (CD & MP3) ] [ A écouter : Olias Of Sunhillow (album entier) ] |
Anderson Bruford Wakeman Howe (Arista), UK, 20 juin 1989 En 1988, Yes connaissait des brouilles internes et Jon Anderson, mécontent de la nouvelle direction pop prise par le groupe, quitta ses complices après la tournée Big Generator. D'un côté, Chris Squire, Travor Rabin, Tony Kaye et Alan White conservèrent le nom de Yes tandis que de l'autre, Jon Anderson s'associa avec les anciens membres Bill Brufford, Rick Wakeman et Steve Howe, pour tenter d'opérer un retour aux valeurs progressives originales du groupe. Ne pouvant se produire légalement sous le nom de Yes, ils optèrent pour garder simplement leurs noms et sortirent en juin 1989 un album éponyme que l'on appellera bientôt ABWH. Toutefois, pour que personne ne soit dupe, Roger Dean, l'emblématique illustrateur de Fragile, Close To The Edge, Tales Of Topographic Oceans et Relayer, fut à nouveau engagé pour réaliser la pochette (qui dans sa version simple originale ne présente qu'une version tronquée de l'oeuvre Blue Desert). En outre, Anderson demanda au nouveau label Arista d'attribuer au disque le numéro de catalogue 90126, indiquant ainsi qu'ABWH était bien la suite directe de 90125, l'album de Yes sorti en 1983. Revenant partiellement aux sources du prog qui fit leur succès dans les années 70, l'album est en fait un mélange bien dosé de longues compositions épiques à tiroirs et de chansons plus courtes et plus conventionnelles. Themes, Brother Of Mine, Quartet et Order Of The Universe, tous quatre divisés en plusieurs sections, sont les moments forts du disque. A la fois complexes et bourrés de fantastiques parties instrumentales, ces titres retrouvent le panache du prog d'antan mais avec une son légèrement différent marqué par la new-wave des années 80, en raison principalement de la production mais aussi à cause des percussions électroniques jouées par Bruford et de quelques nouveaux synthés introduits par Wakeman. Recommandé par Bruford, le recrutement de Tony Levin à la basse et au Chapman Stick était à priori un bon choix mais il a été mixé en retrait si bien que c'est surtout l'absence de la basse monstrueuse de Chris Squire qui se fait remarquer. Quant aux titres courts, à l'exception de Teakbois avec son rythme caribéen qui n'a rien à faire ici, le reste est de bonne facture dans un style immédiatement accessible. En fait, ABWH est un excellent disque que l'on pourrait classer comme équivalent en qualité à Going For The One et, en tout cas, bien meilleur que Tormato, 90125 et Big Generator. Il connut un succès appréciable et grimpa à la 14ème place des Charts britanniques tandis que la tournée qui suivit la parution remporta les faveurs du public d'autant plus que c'était la première fois que Bill Bruford jouait sur scène les compositions de l'album Close To The Edge auquel il avait participé. Anderson entama ensuite la composition de nouveaux titres destinés à une second disque de ABWH provisoirement baptisé Dialogue mais qui ne verra finalement jamais le jour (quelques démos referont surface plus tard notamment sur la compilation Watching The Flags That Fly d'Anderson). En effet, en voyage à Los Angeles pour y enregistrer ses parties vocales, Anderson y rencontra Trevor Rabin et l'idée émergea de rassembler les deux formations, Yes et ABWH, en une seule pour enregistrer sous le patronyme de Yes l'album Union qui, comme chacun sait, fut loin d'être une grande réussite. Mais ça, c'est une autre histoire. [ Anderson Bruford Wakeman Howe (CD & MP3) ] [ Anderso Bruford Wakeman Howe (Special Edition) (CD) ] [ A écouter : ABWH (album entier) ] |
Anderson / Wakeman : The Living Tree (Voiceprint Records), UK, 29 novembre 2010 Cet album a été enregistré via internet, Wakeman constituant d’abord le squelette des chansons en Angleterre avant de les envoyer à Anderson aux Etats-Unis pour enregistrer les vocaux qui les a ensuite retournés au pianiste pour finalisation et production. Les limites de cette façon de procéder, désormais courante dans le domaine du prog, ne sont toutefois pas perceptibles dans ce disque particulier. La raison en est sans doute que les deux vétérans, une fois encore en congé de Yes, ont si souvent joué ensemble qu’ils se connaissent par cœur. Comme on pouvait s’y attendre, les thèmes, tout en laissant l’aspect cosmique et fantastique de côté, traitent de spiritualité et du respect de la nature, mais aussi de la mort et des horreurs de la guerre (le superbe 23/24/11) dans un esprit positiviste qui est celui d’Anderson depuis toujours. Quant à la musique, puisqu’elle est interprétée en duo, elle est forcément plus sobre et épurée que celle de Yes même si Rick Wakeman reste un pianiste flamboyant et qu’en plus, il a aussi ajouté des sons synthétiques à l’aide de son Moog et autres claviers. La voix d’Anderson est toujours aussi émouvante dans le registre aigu habituel du chanteur même si elle est devenue au fil des ans et de sa longue maladie, moins cristalline, un peu plus âpre. Les arrangements de ces neuf compositions originales (pas de reprise de Yes ici) sont également volontairement dépouillés, s’inscrivant parfois dans une ligne classique romantique à la Debussy. Ceux qui ne jurent que par Close To The Edge, Olias Of Sunhillow ou The Six Wives Of Henry VIII, feront peut-être mieux de s’abstenir mais les amateurs de belles mélodies et de textes décents interprétés simplement dans un esprit intimiste et feutré ne seront pas déçus. [ The Living Tree (CD & MP3) ] [ A écouter : 23/24/11 ] |
Anderson / Stolt : Invention Of Knowledge (InsideOut), UK/Suède, 24 juin 2016 Ce disque est l'inéluctable rencontre entre deux musiciens exemplaires, l'un créateur de chefs d'oeuvres aussi grandioses qu'historiques ayant façonné le rock progressiste et l'autre, héritier du premier, qui a su remettre au goût du jour une musique certes prestigieuse mais figée dans un dogmatisme immuable. Alors, cette "Invention de la Connaissance", c'est un peu la fusion entre Awaken (Yes) et Stardust We Are (The Flower Kings) avec une bonne part quand même d'Olias Of Sunhillow (Jon Anderson). Largement conçue via des échanges de fichiers par internet, cette nouvelle production n'offre pourtant ni batailles instrumentales épiques ni moments de folie comme on en trouve chez Transatlantic par exemple tandis que les parties chantées sont parfois un rien longuettes. Par contre, les thèmes ont été longuement ciselés et lissés de part et d'autre du cyber espace avant d'être finalement assemblés en de longues suites quasi parfaites qui évitent tout culte de la personnalité et toute virtuosité inutile. Anderson, qui a désormais pleinement retrouvé sa voix d'antan, fait ce qu'il sait faire le mieux: chanter dans son style inimitable des "wonderous stories" atmosphériques, bucoliques et empreintes de spiritualité dont les paroles même cryptées font toujours naître une grande émotion. Quant à Roine Stolt, qui ne chante pas en lead et n'a pas ici l'espace qu'il se réserve dans son groupe habituel ou chez Transatlantic, sa guitare emblématique n'en est pas moins omniprésente, soulignant les mélodies ou sous-tendant avec un savoir-faire immense les textures symphoniques qui enrobent la voix de son complice. Derrière, les accompagnateurs sont exemplaires: les trois chevaliers des fleurs, les bassistes Jonas Reingold ou Michael Stolt et le batteur Felix Lehrmann, assurant une rythmique sage mais parfaitement adaptée tandis que Tom Brislin, qui joua dans la tournée du Yes symphonique, délivre un accompagnement discret mais subtil au piano ou au synthé sans jamais, à aucun moment, chausser les poulaines de Rick Wakeman. Et puis, il y a quelques noms prestigieux comme Daniel Gildenlöw ou Nad Sylvan qui composent les choeurs mais leurs voix, intimement mêlées à celles de Stolt et d'autres, sont indistinctes dans le mix final. Bien emballé dans une superbe pochette (qui évite avec sagesse de reproduire une énième illustration de Roger Dean bien trop typé du monde de Yes) conçue par Silas Toball (Agents of Mercy, TFK) où l'on voit la connaissance s'échapper d'un crâne ouvert, Invention Of Knowledge est une odyssée, certes bien planifiée dans une approche avant tout compositionnelle, mais qui n'en est pas moins majestueuse par la musique et cosmique par les textes. Voici un album qui évoque de bons souvenirs mais qui parvient aussi à les transcender grâce à la passion intacte et aux aptitudes exceptionnelles de deux hommes pour qui le prog est à la fois un art et une philosophie. [ Invention Of Knowledge (CD & MP3) ] [ A écouter : Knowing ] |
Jon and Vangelis : Discographie
En 1974, Vangelis Papathanassiou, ex-membre du groupe Aphrodite’s Child avec qui il a produit l’un des disques légendaires du prog (666) devenu par la suite un sorcier des claviers en tous genres, est contacté par Anderson et Squire pour remplacer Rick Wakeman au sein de Yes. Mais la perception du groupe Yes diffère fondamentalement de celle de Vangelis qui préfère une musique moins intellectuelle, moins scénique aussi et plus introspective. L’association ne se fait pas (c’est Patrick Moraz qui obtiendra le job) mais une amitié durable va naître entre Jon Anderson et le claviériste. Elle se concrétisera d’abord par diverses collaborations sur les albums ultérieurs de Vangelis. Ainsi, Jon Anderson est-il invité à chanter sur So Long Ago So Clear, un passage de l’excellente suite Heaven And Hell (RCA, 1975). L’entente entre les deux hommes est parfaite, le Fender Rhodes de Vangelis se mariant à merveille avec la voix cristalline du chanteur dans une envolée atmosphérique de toute beauté.
Outre une possible participation (non confirmée) de Vangelis à l’album Olias Of Sunhillow d’Anderson, les deux hommes se retrouveront encore sur la bande originale du documentaire Opéra Sauvage (Polydor, 1979) de Frédéric Rossif, Anderson étant crédité cette fois à la harpe sur le morceau Flamants Roses, ainsi que sur le disque See You Later (Polydor, 1980) de Vangelis sur lequel Anderson chante sur les deux derniers titres : Suffocation et See You Later. Et finalement, en 1979, juste avant de quitter Yes, Jon Anderson s’associe avec le claviériste pour enregistrer sous le nom de Jon & Vangelis un premier disque intitulé Short Stories (1980). Ils en produiront trois autres : The Friends Of Mr Cairo (1981), Private Collection (1983) et Page Of Life (1991). Anderson écrit les paroles et chante tandis que Vangelis compose la musique et joue l’intégralité des claviers, le tandem étant parfois, mais très rarement, accompagné par un troisième musicien comme Raphael Preston à la guitare ou Dick Morrissey au saxophone ou encore par des harmonies vocales. Le dernier disque, Page Of Live, fut retravaillé indépendamment par Anderson et ressorti en 1998 sous le même nom mais dans une version différente non approuvée par Vangelis, ce qui qui entraîna une mésentente apparemment durable entre les deux musiciens. Anderson recontacta en effet Vangelis en 2011 en vue d’une possible nouvelle collaboration mais ne reçut jamais aucune réponse en retour. La musique de Jon & Vangelis n’est ni progressive ni inspirée par Yes mais s’inscrit plutôt dans une approche new wave électronique à vocation pop aujourd’hui un peu datée. A l’époque toutefois, le duo remporta un certain succès avec des titres très accessibles comme I Hear You Now, I'll Find My Way Home et The Friends Of Mr Cairo. Ceci dit, on trouve aussi dans ces quatre albums quelques morceaux plus gratifiants que l’on va épingler ici en vue de constituer un "best of" pouvant être écouté d'une traite sans être obligé de zapper continuellement. Il existe bien deux compilations officielles du groupe, The Best Of Jon and Vangelis (Polydor, 1984) et Chronicles (Universal Distribution, 1994), mais, comme la plupart des "best of" sortis par les firmes de disques, ils sont davantage axés sur les succès commerciaux que sur l’originalité et la valeur artistique de la musique. |
Jon and Vangelis : Short Stories (Polydor, 1980) : est le moins réussi des quatre albums peut-être parce que la musique y est essentiellement improvisée et que les arrangements sont réduits à leur plus simple expression. Far Away In Baagad et A Play Within A Play émergent du lot, le premier parce qu’il évoque de loin Olias Of Sunhillow et le second, grâce à ses superbes nappes de synthé et à un interlude instrumental enlevé tout à fait inattendu en plein milieu de la composition. The Friends Of Mr. Cairo (Polydor, 1981) : est le disque des succès avec I'll Find My Way Home, The Friends Of Mr. Cairo et State Of Independence qui sera repris par la reine du disco, Donna Summer. Ceci dit, The Friends Of Mr. Cairo avec ses bruitages cinématographiques est un bel hommage aux films noirs des années 30 et 40 (Mr. Cairo est le nom du personnage joué par Peter Lorre dans Le Faucon Maltais de John Huston) tandis que The Mayflower excelle dans son évocation d’un vaisseau (spatial comme le laisse supposer la voix typique de la NASA) à la recherche d’une nouvelle Terre. A noter qu’une version éditée de The Friends Of Mr. Cairo, amputée de sa seconde partie un peu trop complaisante et longuette, figure sur la compilation Chronicles. Private Collection (Polydor, 1983) : est un LP dont la première face est consacrée à des chansons mélodiques plaisantes mais sans surprise et dont la seconde est occupée entièrement par une longue (23 minutes) pièce symphonique aux accents célestes. Horizon est bien sûr le titre qui justifie à lui seul l’acquisition de ce disque mais c’est aussi l’opus majeur de toute la discographie de Jon et Vangelis en duo. Page Of Life (Arista / BMG, 1991) : l’album original qui, une fois réédité par Anderson, deviendra celui de la discorde propose de nouvelles chansons mélodiques et nostalgiques. Quelques invités ont été ajoutés au fil des plages sans apporter de variation substantielle à l’ambiance générale du disque. On peut retenir Garden Of Senses comme emblème de cette musique new-age onirique et évanescente auquel on ajoutera, en guise de coda, la petite pièce Little Guitar pour la sonorité très particulière de la guitare-synthé jouée par Vangelis. Mais il ne faut surtout pas oublier les deux morceaux les plus progressifs de l’album : Jazzy Box avec Vangelis dans une surprenante ambiance jazzy tout à fait inhabituelle de sa part et Be A Good Friend Of Mine très élaboré avec sa panoplie d’instruments synthétisés et son texte à nouveau ésotérique et cosmique comme au temps de Fragile. En conclusion, notre compilation virtuelle, judicieusement intitulée The VERY Best of Jon and Vangelis pour ne pas la confondre avec le "Best Of" officiel de 1984, comprend les dix morceaux suivants : 1. So Long Ago, So Clear (5 :03) – 2. Flamants Roses (11 :50) – 3. See You Later (10 :22) – 4. Far Away In Baagad (8 :04) – 5. A Play Within A Play (7 :04) – 6. The Mayflower (6 :40) – 7. The Friends of Mr. Cairo (version éditée) (4 :20) – 8. Horizon (22 :53) – 09. Jazzy Box (3 :15) – 10. Be A Good Friend Of Mine (4 :14) – 10. Garden Of Senses (6 :24) – 12. Little Guitar (1 :45) [ Vangelis : Heaven And Hell (CD & MP3) ] [ Vangelis : Opera Sauvage (CD & MP3) ] [ Vangelis : See You Later (CD & MP3) ] [ The Best of Jon and Vangelis (CD & MP3) ] [ Short Stories (CD & MP3) ] [ The Friends Of Mr. Cairo (CD & MP3) ] [ Private Collection (CD & MP3) ] [ Page Of Life (CD & MP3) ] [ A écouter : So Long Ago, So Clear - See You Later - The Mayflower - The Friends Of Mr. Cairo - Horizon - Jazzy Box - Be A Good Friend Of Mine ] |
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