Série III - Volume 1 | Volumes : [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ] [ 5 ] [ 6 ] [ 7 ] [ 8 ] [ 9 ] [ 10 ] |
IZZ : Crush Of Night (Doone Records), USA 2012 | |
Fondé à New-York en 1997 par les frères Tom et John Galgano, le sextet IZZ s'est fait connaître sur la scène des festivals américains tout en enregistrant cinq albums en studio avant celui-ci. Second opus de ce qui deviendra une trilogie, Crush Of Night laisse entendre un prog symphonique attrayant à la fois mélodique et moderne par inclusion discrète de l'électronique. Le premier titre, You've Got A Time, laisse appréhender la qualité du chant. Plus complexe mais tout aussi beau est Words And Miracles qui bénéficie de la présence en invité de Gary Green, guitariste de Gentle Giant dont il est le seul membre à continuer à enregistrer en 2012, et ce titre est d'abord, comme on peut s'en douter, un festival de guitares. La voix féminine d'Anmarie Byrnes est mise en exergue sur Solid Ground, enrichissant encore les fantastiques harmonies vocales de cette composition sublimée par les envolées instrumentales du guitariste Paul Bremner et du claviériste Tom Galgano. Après Half The Way en forme de ballade accompagnée au piano, le temps est venu d'aborder la pièce maîtresse de l'album : une impressionnante suite de vingt-six minutes déclinée en deux parties: This Reality et Crush Of The Night. Les amateurs de compositions épiques seront comblés par les arrangements élaborés, les vocaux superbes, les progressions d'accords parfaitement lisibles, les solos de guitare stratosphériques (Gary Green collabore également sur la deuxième partie) et les trames rythmiques tissées par deux batteurs complémentaires parfaitement synchrones (Brian Coralian pour les percussions électroniques et Greg DiMiceli pour la batterie acoustique). L'album se clôture sur Almost Over avec la participation d'un autre guitariste en invité, Greg Meade dont le curriculum m'est inconnu, qui apporte ici une touche plus hard-rock dans son phrasé. Les textes font référence aux diverses expériences et au sens général de la vie sans toutefois que l'on puisse saisir un concept global qui ne se révèlera probablement qu'après complétude du tryptique. Fort bien mixé et produit, Crush Of Night est un excellent album qui révèle les qualités d'interprétation et d'écriture d'un groupe en pleine maturité même si, malheureusement, il reste encore peu connu. Les fans de Spock's Beard, Flower Kings et Transatlantic sont largement invités à leur accorder une oreille attentive : ils ne seront pas déçus. [ Crush Of Night ] [ Words and Miracles (YouTube) ] [ The Crush Of Night (YouTube) ] |
Carptree : Insekt (Fosfor Creation), Suède 2007 | |
Nauseous tunnel vision Headache anxiety Confusion aggravation And on top of everything I'm supposed to be happy Pressure |
En somme, ce quatrième album du groupe suédois Carptree, constitué vers 1997, représente tout ce qu'on peut attendre d'un album de Rock progressif contemporain. D'abord, il est impossible de le comparer à quoi que ce soit tant son style est original. Ensuite, son apparente facilité d'écoute cache une grande sophistication au niveau des arrangements écrits par Carl Westholm. On ne trouvera pas ici de longs solos ou d'interventions instrumentales virtuoses car les textures d'ensemble très soignées, avec des guitares et un piano en contrepoint mélodique, l'emportent largement sur les prestations individuelles. Enfin, tout intimiste qu'elle soit, la musique joue avec des décalages subtils, ce qui demande certes un effort à l'auditeur mais arrive à créer un équilibre lumineux entre un progressif symphonique classique et quelque chose de plus contemporain. Le noyau du groupe est un duo : Carl Westholm tient les claviers et produit, Niclas Flinck chante et écrit les paroles, et tout deux sont compositeurs. Ils sont accompagnés par un sextet nommé No Future Orchestra comprenant un guitariste, un bassiste, un batteur, un percussionniste et deux vocalistes. En plus, un choeur est crédité sur deux titres. Calées entre 5 et 7 minutes, chacune des onze compositions originales de l'album constitue une somptueuse création finement ciselée avec une ambiance propre, parfois ombreuse, parfois envoûtante mais toujours d'une grande fraîcheur. Impossible de mettre en exergue un titre plutôt qu'un autre tant chacun a ses qualités. The Secret, par exemple, peut parfois évoquer Pink Floyd avec son piano arborescent, ses choeurs grandioses et un des rares solos de guitare de l'album alors que sur Where Your Thoughts Move With Ease, on a l'impression fugace, et pas seulement à cause de la voix évoquant celle de Gabriel, de retrouver la magie des premiers albums de Genesis. Certains titres comme Taxonomic Days et Big Surprise ont des tempos plus nerveux et un son heavy et moderne tout en restant fort mélodiques tandis que l'album se termine sur un Stressless majestueux qui retient le temps dans ses immenses nappes d'orgue. Les textes en anglais sont fort bien écrits et, magnifiquement enrobés par la musique, ils dégagent une poésie sombre et réflective. Comme l'album s'appelle Insekt, le livret brode sur le thème de l'entomologie et s'avère lui aussi très personnel tout en dégageant une atmosphère étrange, difficile à déchiffrer. On ne peut que recommander l'écoute de ce groupe créatif : sa musique, remplie de chimères et de poésie, fascine et ensorcelle. Et quand le temps aura fait son oeuvre, il ne fait aucun doute que ce disque singulier sera considéré comme un classique. [ Carptree website ] [ Ecouter / Commander ] [ Mashed Potato Mountain Man (YouTube) ] |
Sylvan : Posthumous Silence (Progrock Records), Allemagne 2006 | |
We failed to notice to show her we tried To keep her from failing, to safe this sole child ... Postumous Silence |
Pour leur cinquième album en studio, le groupe allemand Sylvan a tenté l'aventure toujours difficile du concept album. Un peu dans le même esprit que le disque Brave de Marillion qui était lui inspiré d'un fait divers, Posthumous Silence raconte l'histoire d'un père qui découvre trop tard les angoisses de sa fille disparue à travers la lecture de son journal personnel. Sans donner de précisions sur les faits, les textes s'intéressent davantage à l'état d'esprit des deux protagonistes : d'un côté, les émotions du père désespéré de ne pas avoir su apporter son soutien quand il le fallait et de l'autre, la solitude et le mal-être obsessionnel de sa fille face à un monde qui lui est étranger. Une trame thématique sombre mais aussi opaque en ce sens qu'elle n'explore que la psychologie des personnages sans donner aucune indication sur la réalité qui les entoure ni sur les circonstances du drame, ce qui en soi n'est pas fondamentalement gênant. Cette dualité père - fille se reflète à merveille dans la musique. Après une superbe introduction (Eternity Ends) habitée d'un choeur céleste censé évoquer le passage d'une âme dans l'au-delà, l'oeuvre alternera systématiquement entre, d'une part, des titres calmes et plus courts (Bequest of Tears, Bitter Symphony, Message from the Past ...), souvent accompagnés par un piano acoustique, reflétant les réflexions du père au fur et à mesure qu'il prend connaissance du journal laissé à son intention et, d'autre part, des compositions plus longues et plus agressives (In Chains, Forgotten Virtue, The Last Embrace ...) traduisant les états d'âme qui y sont reportés. On ne trouvera pas ici de très longs passages instrumentaux (pas de panique non plus : il y a quand même ce qu'il faut) ni de virtuosité inutile de la part des instrumentistes, la musique est d'abord au service du récit qu'elle parvient à rehausser par son expressivité et sa cinétique. Par contre, les arrangements ont été peaufinés avec un soin exemplaire, le groupe n'hésitant pas quand c'est nécessaire à utiliser les services d'une violoncelliste, d'un choeur, d'un guitariste additionnel et de bruitages suggestifs alimentant l'ambiance des compositions (orages, vent, cris d'oiseaux, disputes, radio ...). La belle voix de Marco Glühmann est parfaitement adaptée à ce genre de musique : sans exagération ni effet particulier, elle arrive à s'imposer et à faire passer l'émotion à tout instant. Difficile de pointer un titre particulier : les chansons sont enchaînées les unes aux autres et constituent un ensemble opulent de 70 minutes qu'il est préférable de ne pas morceler (il ne viendrait à personne l'idée d'aller écouter un seul acte d'une pièce qui en comprend 15). Un dernier mot pour le livret conçu par Tobias C. Harnack : les montages photographiques aux teintes uniformes grises et verdâtres sont originaux dans leur esthétisme glacé et parfaitement adaptés au concept. Si vous appréciez les grands albums conceptuels à écouter dans la concentration, le progressif mélodique de Marillion épisodiquement traversé de traits explosifs ainsi que les ambiances moroses développées par Fates Warning dans l'album A pleasant Shade of Gray, Posthmous Silence est exactement ce qu'il vous faut. [ Sylvan website ] [ Ecouter / Commander ] [ In Chains (YouTube) ] [ The Colors Changed (YouTube) ] |
Pulsar : Halloween (CBS), FRANCE 1977 - Réédition en CD avec livret 16 pages (Musea Records), 2000 | |
Tout commence par des vocalises enfantines sur un simple accompagnement au piano et il n'en faut guère plus pour que se dégagent immédiatement de cette musique une pureté et une nostalgie qui ne nous quitteront plus. Le mellotron prend ensuite le relais, entrelacé de passages à la guitare acoustique dont les notes perlées sont autant de gouttes de rosée. Tout est calme, reposé, serein tandis que les couleurs automnales envahissent le monde à l'instar de la pochette romantique d'où toute teinte vive a été bannie. Et soudain, les nuages s'amoncellent et c'est l'orage, la fracture tant attendue. Le groupe montre alors sa filiation avec le Pink Floyd : percussions, synthés et guitares électriques composent un paysage sonore qui évoque les éruptions de lave rouge sur Pompéi ou l'explosion d'une villa dans le désert de Zabriskie Point. Avant le retour à la lumière tamisée où des boucles hypnotiques lardées de guitares électriques rappellent cette fois le Tangerine Dream de Cyclone. Enregistré avec des moyens honnêtes dans les studios Aquarius de Genève et produit par le label CBS, la musique recèle une vraie profondeur qui surprend chez un groupe aussi peu connu. Même si les rares parties chantées (en anglais) ne disent pas grand chose, elles ne réduisent en rien l'impact de cette fresque symphonique où les sections se fondent les unes dans les autres avec une grâce confondante tandis que les parties de flûte et de violoncelle viennent rehausser le côté lyrique de ce rêve éveillé. Ce groupe lyonnais fut en fait l'un des rares à transposer en France le genre Space Rock symphonique en lui rajoutant une dimension romantique propre à la tradition française. Le seul problème est qu'il le fit trop tard. En 1977, les Sex Pistols et les Ramones avaient pris le pouvoir et les jeunes rêvaient d'avantage d'anarchie que d'harmonies, fussent-elles touchées par l'ange du mystère et de la beauté. Que justice leur soit enfin rendue grâce à cette superbe réédition concoctée avec soin par Musea Records ! [ Halloween (CD & MP3) ] [ Halloween Part 1 & 2 (YouTube) ] |
Cafeïne : Nouveaux Mondes (Musea), France 2000 | |
La pochette colorée est prometteuse en termes de découvertes et de voyages exotiques. Elle illustre bien le concept de Nouveaux Mondes qui traite d'une manière globale de l'esprit de conquête animant l'humanité. Que ce soit l'espace, l'infiniment petit, les autres pays ou civilisations, la spiritualité ou simplement l'autre, l'homme a toujours été en quête de ce qui lui est inconnu. C'est-ce que démontre les chansons de cet album qui portent des titres éloquents comme L'or Des Indes, Les Conquérants, Atomik, Alexandre, My Only Quest ou Cathédrale. Ceci dit, tout en étant relativement bien écrits, les textes restent quand même très prosaïques et ce ne sont pas des refrains du genre "Au nom du Tout-Puissant. A Feu et à sang. Que règne la terreur, l'épouvante et l'horreur" qui inciteront l'auditeur à méditer sur leur signification profonde. Cafeïne (sic) se résumant à un quartet d'instrumentistes, le groupe a eu recours à une solution similaire à celle appliquée par Arjen Lukassen pour Ayreon : recruter plusieurs chanteurs de prog avec la différence qu'ici, tous chantent en français et chacun n'intervient que sur le morceau qui lui a été confié. Les résultats sont forcément variables, quoique pour la plupart assez plaisants, avec toutefois deux réussites majeures : Don Juan interprété par Christian Décamps du groupe Ange avec toute la théâtralité dont il est coutumier et l'épique Cathédrale, avec ses harmonies vocales, sa flûte et ses accents folk à la Malicorne, chanté en duo par Jean-Baptiste Ferracci et Sonia Nédélec de Minimum Vital. Par ses thèmes, sa dramaturgie et le côté emphatique du chant, cet album évoque parfois les grandes formations françaises de prog comme Ange ou Mona Lisa même si la musique de Cafeïne sonne définitivement plus moderne que celle de ces groupes pionniers. On appréciera le talent des musiciens sur Atomik et surtout sur le premier titre, Hubble : bruitage d'ambiance en rapport avec l'espace et le télescope de la Nasa, décollage rythmique bizarre avant mise en orbite, et lâchers de synthés (Christophe Houssin) et de guitares (Patrick Jobard) pour un titre fusionnel inspiré qui fait regretter que le répertoire de 66 minutes n'ait pas inclus plus d'épisodes instrumentaux du même genre. Après La Citadelle sorti en 1994, ce second album prometteur laissait entrevoir d'autres productions intéressantes mais Cafeïne a soudain disparu sans envoyer de nouvelles, peut-être à la conquête d'autres horizons artistiques? [ Nouveaux Mondes (CD & MP3) ] [ Hubble (YouTube) ] |
Evergrey : The Inner Circle (Inside Out), Suède 2004 | |
Waking up blind and blind you must be So stupid of me to believe in your hypocrisy Gave it all up for life in a dream so foolish of me to not stop your infidelity Waking Up Blind |
Originaire de Gothenburg en Suède, Evergrey se démarque des autres groupes de métal progressif par une approche paroxystique et des textes gothiques qui, au long de leurs quatre premiers albums, distillent une angoisse sourde portée par une musique violente pas toujours facile à appréhender. Dans le genre, In Search Of Truth, leur troisième compact sorti en 1991, reste une oeuvre intense, quasi obsessionnelle, construite autour d'un thème insolite à propos d'un homme abusé par une force extérieure non précisée. En fait, le concept de The Inner Circle n'est pas très différent de celui de In Search Of Truth sauf qu'il est traité différemment : il s'agit ici encore de la soumission d'un individu fragile perdant toute identité une fois tombé sous la coupe d'un culte fanatique (il est bon de préciser qu'aucune croyance n'est visée en particulier). Un thème difficile et dérangeant qu'on n'a pas souvent l'habitude de voir abordé par des groupes de métal fussent-ils progressifs. Par contre, musicalement, Evergrey a mis de l'eau dans son vin : les structures sont moins denses qu'auparavant et, si les rythmiques mitraillettes sont toujours présentes, elles alternent désormais avec des passages symphoniques. On compte même une ballade (Waking Up Blind) fort joliment tournée dans le style mélodique typique du Métal des années 90. La voix très flexible de Tom S. Englund surprend toujours autant : à la fois cassée et puissante, elle exprime une souffrance intérieure inapaisable. Toutefois, malgré certains morceaux particulièrement réussis (A Touch Of Blessing entre autres est un gros calibre), l'album ne convainc pas entièrement. D'abord, les textes déclamés, à l'instar de ceux des télévangélistes, qui émaillent les différents titres deviennent à la longue fastidieux et responsables d'une sacrée baisse de régime (allant jusqu'à l'étouffement sur le dernier morceau, When The Walls Go Down). Ensuite, aucun titre n'a une mélodie assez forte pour s'imposer comme un hymne - pas de Forsaken à la Dream Theater ici, ni de Nightwalker à la Vanden Plas ni même quoi que ce soit qui se hisse au niveau de Watching The Skies ou de Dark Waters de l'album In Search Of Truth. A cause de son approche ultra sombre et radicale, la réputation d'Evergrey n'avait jusqu'ici pas dépassé le cercle restreint des amateurs de Métal progressif extrême. The Inner Circle est accessible à plus large public et ne devrait déplaire ni aux fans de Vanden Plas ni à ceux de Queensrÿche mais il faut aussi reconnaître qu'il n'atteint jamais la puissance dramatique de leur avant-dernier opus (In Search Of Truth, 2001) ni celle d'ailleurs de son prédécesseur direct (Recreation Day, 2003). Vu son énorme potentiel, ce groupe séminal du Prog-Métal suédois devrait pouvoir faire mieux. [ Evergrey website ] [ Ecouter / Commander - Edition spéciale avec 3 titres acoustiques enregistrés live en France ] [ A Touch Of Blessing (YouTube) ] [ Harmless Wishes (YouTube) ] |
Threshold : Dead Reckoning (Nuclear Blast), UK 2007 | |
Get me back down I lost my way and I want to be grounded Get me back down I lost my way coming out of the storm Pilot In The Sky Of Dreams |
Formé en 1988, Threshold a progressivement acquis une réputation enviable faisant de lui, du moins au Royaume-Uni, le groupe de Métal progressif le plus prisé après Dream Theater. Pourtant, contrairement à son homologue américain, Threshold est un ensemble instable qui a connu au fil du temps de multiples changements de personnel. Mais bizarrement, ces derniers qui n'ont d'ailleurs eu qu'un impact tout relatif sur la qualité de leurs productions, n'ont jamais entamé leur capial d'à priori positif. Depuis les excellents Hypothetical et Critical Mass, les deux pics de leur discographie parus successivement en 2001 et 2002, chaque nouvelle production est attendue avec un intérêt croissant par un public qui leur est acquis d'avance. Malheureusement, après un Subsurface (2004) qui laissait déjà entrevoir quelques failles, Dead Reckoning vient infléchir un peu plus la belle parabole de leur brillante ascension. Certains ont été effrayés par la présence créditée sur deux titres - Slipstream et Elusive - de Dan Swanö (Edge Of Insanity), spécialiste des chants gutturaux façon Death Métal mais sa contribution est anecdotique et n'influence aucunement le jugement qu'on peut porter sur cet album. Par contre, le répertoire constitué de Rocks mélodiques bâtis sur des riffs ravageurs devient un peu trop systématique sur la longueur. Même genre de solos, même style de rythmique fracassante, arrangements soignés mais sans surprise : tout tombe en place de manière trop prévisible. Les refrains ont beaux être joliment tournés, la musique qui ne contient d'ailleurs presque plus d'éléments progressifs, finit par tourner en rond sans parler de l'absence du second guitariste Nick Midson qui se fait cruellement sentir. Par contre, les amateurs de Hard Rock mélodique et accessible trouveront quand même ici de quoi se réjouir : le grain et le timbre singuliers du chanteur Andrew Mac McDermott sont irrésistibles, réveillant parfois quelques frissons violemment pulsionnels comme sur le très réussi Pilot In The Sky Of Dreams quand après un début en forme de ballade, le chant prend soudain son envol. Mieux vaut toutefois renvoyer ceux qui ne connaissent pas encore Threshold aux deux opus cités au début de cette chronique. Quant aux autres, beaucoup seront probablement enclins à succomber une fois encore à ce Hard Rock brillant et monolithique, d'autant plus que la formation vient de subir un nouveau revers avec le désistement inattendu de son chanteur Andrew Mac McDermott et qu'ayant ainsi perdu l'un de ses éléments les plus originaux, son avenir est aujourd'hui incertain. [ Threshold website ] [ Ecouter / Commander ] [ Pilot In The Sky Of Dreams (Official Video) ] |
Threshold : The Ravages Of Time (InsideOut - Compilation 2 CD), UK 2007 | |
Economies are growing, subsistence life is dead We can't sustain this growth and things are coming to a head We gotta learn to climb down the ladder of success With two feet on the ground, we gotta clean up all this mess There's a fire in the furnace and there's nothing left to burn Buried waste has reached the surface is there nothing left to learn? Consume To Live (Wounded Land) |
Aucun best of ne remplacera jamais un album complet conçu et agencé pour être écouté en entier. Toutefois, on peut comprendre que les groupes, après plus d'une décennie d'existence, ressentent le besoin de se pencher à nouveau sur leur passé et de le faire revivre le temps d'une compilation. Dans le cas de Threshold, ce retour en arrière est d'autant plus justifié qu'il remonte jusqu'au milieu des années 90 quand le chanteur s'appelait Damien Wilson. Aujourd'hui que Wilson reprend sa place au sein du groupe après la démission inattendue de Andrew Mac McDermott, on a envie de réentendre la formule initiale de ce groupe de Métal progressif qui n'a jamais failli. Quant aux nouveaux fans qui viennent d'embarquer dans le vaisseau Threshold, c'est pour eux l'occasion de plonger à moindre frais dans une oeuvre déjà abondante (huit albums en studio) et d'en retirer la substantifique moelle. La compilation est partagée en deux compacts. Le premier, consacré aux quatre derniers albums enregistrés en studio, soit Dead Reckoning (2007), Subsurface (2004), Critical Mass (2002) et Hypothetical (2001), inclut trois versions alternatives inédites en CD mais ces morceaux, plus courts et formatés pour la radio, s'avèrent en fin de compte moins intéressants que leurs jumeaux épiques. Par rapport aux compacts originaux, les titres n'ont pas été remastérisés mais la production des albums initiaux touchant déjà à la perfection, ce n'est pas très important. Le second compact inclut des extraits des quatre premiers compacts en studio : Clone (1998), Extinct Instinct (1997), Psychedelicatessen (1994) et Wounded Land (1993). Si l'on excepte le choix contestable des éditions radio, la sélection réalisée par le groupe en collaboration avec le label InsideOut est sans faute, la couverture de la discographie du groupe complète, le son impeccable, le livret présentant une nouvelle biographie intéressant et la pochette confiée à leur ancien collaborateur Thomas Ewerhard est tout simplement sublime. Si une chose se dégage de cette compilation, c'est que de 1993 à 2007, le temps aura été clément avec Threshold et ses ravages finalement peu perceptibles. La liste complète des titres figurant sur ce double compact est donnée ci-dessous avec les références des albums dont ils sont extraits : CD 1 - The Latter Years
[ Threshold website ] [ Ecouter / Commander ] |
Tribal Tech : Thick (Zebra Records), USA 1999 | |
Dans le paysage des années 90, Tribal Tech est un artefact. Trop intense pour des oreilles jazz, pas assez pour des métalliques et trop compliqué pour les rockers y compris les progressifs. C'est que ce quartet fait dans la Fusion, un genre qui connut son apogée dans les 70's avec des groupes comme Return To Forever et Mahavishnu Orchestra. Toutefois, loin de payer un quelconque tribut aux anciennes gloires dont il renie pas non plus l'impact, Tribal Tech aborde le genre sans complexe ni référence, affichant plutôt une attitude fraîche qui boute le feu aux clichés. C'est encore plus perceptible avec Thick qui, par rapport aux albums qui l'ont précédé (Tribal Tech, 1991 ; Illicit, 1992 ; Face First, 1993 ; Reality Check, 1995), marque une évolution : les compositions généralement soignées ont cette fois laissé la place à des improvisations fumantes enregistrées live en studio. Les musiciens sont bien sûr des virtuoses sur leurs instruments respectifs. En particulier, le guitariste Scott Henderson (qui a joué avec le Joe Zawinul Syndicate, l'Elektric Band de Chick Corea et Jean-Luc Ponty) est un technicien hors pair qui a été hissé au sommet par des magazines comme Guitar World et Guitar Player qui savent en général de quoi ils parlent. Mais son acolyte Gary Willis (qu'on a pu entendre sur le fabuleux Metal Fatigue d'Allan Holdsworth) est loin d'être en reste avec sa basse électrique qu'il fait gronder comme un démon. Quant à Scott Colley (claviers) et Kirk Covington (drums), bien que non crédités au recto de la pochette, ils n'en constituent pas moins deux piliers essentiels à la réussite de cet album protéiforme... Un album pratiquement sans mélodie mais bourré d'improvisations collectives et d'esquisses sophistiquées qui partent dans tous les sens, installant un groove félin ici (Thick), traînant une ambiance bluesy par là (Somewhat Later), planant sans vergogne sur You May Remember Me, rallumant un feu tribal sur Slick ou allant même jusqu'à titiller la dissonance sur Clinic Troll. Que ceux qui apprécient leur Jazz-Rock avant tout mélodique et structuré prennent soin de rester à l'écart. Mais si vous aimez les systèmes soniques ouverts, énergiques, inventifs et virtuoses, Thick de Tribal Tech va probablement vous plaire. [ Scott Henderson & Tribal Tech ] [ Ecouter / Commander ] [ Thick (YouTube) ] |
Tribal Tech : Face First (Bluemoon), USA 1993 | |
Enregistré au début des années 90, ce sixième album de Tribal Tech appartient à la période la plus prolifique du groupe, quand sa fusion était encore mélodique et structurée. Très différent des deux derniers opus - Thick sorti en 1999 et Rocket Science en 2000 qui sera leur chant du cygne -, Face First est beaucoup moins orienté vers l'improvisation pure et l'expérimentation. Le premier titre éponyme de sept minutes est une excellente introduction à la musique de cet album : un Jazz-Rock technique mais accessible porté par la basse volubile de Gary Willis et surtout la guitare électrique de Scott Henderson qui délivre ici quelques solos glorieux, rappelant parfois les bons moments d'Allan Holdsworth ou de John Scofield dans sa période « Loud Jazz » chez Gramavision. Arrangements sophistiqués mais abordables, rythmique dynamique (excellente interaction entre Willis et le batteur Kirk Covington) et synthés clinquants joués par le très professionnel Scott Kinsey (qu'on peut aussi écouter sur Faces and Places de Joe Zawinul et sur les bandes sonores de Ocean's Eleven et Twelve), la fusion entendue sur cet album n'est pas non plus sans référence aux dernières moutures de Weather Report ni à l'Elektric Band de Chick Corea et, à travers ces groupes, au son synthétique typique des années 80. On sait que Scott Henderson est également un guitariste de Blues fort prisé des amateurs : il le rappelle ici avec un Boat Gig monumental en forme de Blues-Rock dédié à Stevie Ray Vaughan et à Albert King. Si vous aimez les systèmes soniques ouverts, improvisés et expérimentaux, essayez Thick (voir la chronique ci-dessus) ou, dans la même veine, Rocket Science mais si vous prisez davantage un Jazz-Rock mélodique et structuré, optez plutôt pour ce Face First certes plus classique mais quand même de bonne facture. [ Scott Henderson & Tribal Tech ] [ Ecouter / Commander ] [ Face First (YouTube) ] [ Boat Gig (YouTube) ] |
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