Jazz Belge : Post-Bop



Résolument acoustiques et fidèles à l'esprit du Bop, les orchestres de jazz présentés ici jouent un jazz moderne, certes pétri de tradition mais aussi tourné vers l'avenir, dans le sens où Wynton Marsalis le conçoit : une musique libre qui emprunte à plusieurs courants historiques sans nécessairement s'ancrer dans un style précis. C'est probablement la meilleure définition que l'on pourrait donner du Post-Bop que les américains désignent parfois comme le « modern mainstream ». Généralement interprétées par de petits ensembles (quartet ou quintet), ces musiques incorporent la complexité des changements d'accords du Bop mais aussi d'autres influences comme la musique modale si chère à Miles Davis, le groove du Hard-Bop ou même certains éléments avant-gardistes propres à John Coltrane. Aujourd'hui, il s'agit d'une des formes de jazz parmi les plus populaires et qui, outre Marsalis, compte parmi ses adeptes de vraies stars comme Joshua Redman, Joe Lovano, Wayne Shorter, Terence Blanchard, Kenny Garrett et bien d'autres. Voici une sélection d'artistes belges interprétant le même genre de jazz moderne mais qui révèle en plus une bonne dose d'impressionnisme propre à une sensibilité typiquement européenne.



Fabrice Alleman Quartet : Loop The Loop (Igloo IGL 136) - 1998

Fabrice Alleman (ss, ts), Michel Herr (p), Jean-Louis Rassinfosse (b), Frédéric Jacquemin (dr)

Loop The Loop (7:51) - Sonny (8:11) - Just Like Yesterdays (5:41) - Bye Bye BlackBird (9:58) - Crystall Bells (14:35) - Blues 8 (7:20) - What's Love (4:20) - Why Not Now (3:50)

Après l'avoir entendu avec No Vibrato et en duo avec Paolo Loveri, personne ne doutait que le jeune Montois reviendrait bientôt avec un grand disque. Mais qu'il allait nous gratifier d'une oeuvre à ce point intense et généreuse, aussi chargée d'émotion que le Titanic après sa collision avec l'iceberg, personne n'aurait pu l'imaginer. Merveilleusement soutenu et structuré par Michel Herr au piano et par une rythmique impeccable, Fabrice Alleman prolonge les climats du jazz Post-Bop, évoquant ici et là, et selon l'instrument utilisé, les guirlandes de notes d'un soprano coltranien ou l'ivresse d'un ténor rollinsien. Et au-delà des références, Alleman fait bien plus qu'interpréter des classiques comme Bye Bye Blackbird ou Crystal Bells, il les habite d'une étrange ferveur. Dans ses improvisations, plus encore en public qu'en studio, son imagination fait des bonds de géant, pouvant même aller jusqu'à l'insurrection sonore qu'il maîtrise quand et comme il veut grâce à une technique irréprochable acquise au cours de formations complètes aussi bien en musique classique qu'en jazz. Quant à ses propres compositions, de l'étonnant Blues 8 à la très belle ballade Just Like Yesterdays, elles tiennent la route sans funambuler au milieu des classiques. A l'heure où les géants disparaissent les uns après les autres, il est normal que l'on se plonge avec plus d'espoir et de délices dans l'écume des figures de proue qui surgissent : si ce n'est déjà fait, allez vite croiser la route de celle-ci.

[ Loop The Loop ]

Bruno Castellucci Quintet : Lost & Found (Quetzal Records QZ 107), 1998

John Taylor (p), Bruno Castellucci (dr), Uli Beckerhoff (tp), Dieter Ilg (b), Stan Sulzmann (ts)

MTL (5:09) - Savannah - Samurai (9:11) - Ambleside (8:04) - You've Read The Book (7:12) - June 19th (5:48) - Little Dog (6:22) - Waltz for Dani (6:00)

Le dernier album de Bruno Castellucci fut choisi en son temps par la Sabena comme accompagnement musical sur le canal jazz. Quand on l'écoute, on comprend pourquoi : ce disque moderne, agréable et varié est un sans faute que l'on peut réécouter en boucle pendant des heures. Avec Dieter Ilg (b), Stan Sulzmann (ss, ts), Uli Beckerhoff (tp, bugle) et, au piano, le Britannique John Taylor, qui fit jadis partie du trio Azimuth et du John Surman Quartet, et qui a apporté avec lui une de ses plus belles compositions : Ambleside. Son style sophistiqué (proche de l'esthétique ECM), sa fluidité et sa sensibilité harmonique procurent à cette musique une élégance formelle qu'elle n'aurait probablement pas eue sans lui.

[ Bruno Castellucci sur Quetzal ]

Ivan Paduart : Belgian Suites (A Records AL 73122), 1998

Ivan Paduart (p), Bob Malach (sax), Hein Van De Geyn (b), Hans Van Oosterhout (dr)

Can't Wait (6:36) - Bouncing Ball (8:47) - Between Heaven And Earth (4:46) - Shivers Down My Back (8:19) - Precious Moments (9:07) - Sherry On a Cake (7:31) - Reaching For The Stars (7:48) - Billet Doux (2:24)

Après une dizaine d'albums joliment marbrés d'interventions de musiciens aussi prestigieux que Richard Galliano, Toots Thielemans, Jean-Marie Ecay, Philip Catherine ou Tom Harrell, le pianiste belge Ivan Paduart propose huit nouvelles compositions soigneusement arrangées et toujours marquées par cette attirance pour un monde liquide que l'on imagine tout bleu (Precious Moments). Pourtant, en faisant appel pour la deuxième fois au saxophoniste Bob Malach, authentique requin de studio qui fut jadis le compagnon de Bob Mintzer et de Ben Sidran, il introduit dans son univers un élément perturbateur : un son de ténor musclé qui l'entraîne ici et là sur la vague plus écumeuse d'un bop (Sherry On A Cake) qui se fait même parfois funky (Between Heaven And Earth). Du coup, sa musique se colore en des teintes plus chaudes d'autant plus qu'elle se trouve être propulsée par l'une des plus belles rythmiques du moment : le tandem magique Hein Van de Geyn - Hans van Oosterhout. Si les amants ont perdu un peu de la bande-son qui couvrait si bien leurs murmures, la musique a par contre gagné en vitalité et en fraîcheur. Une nouvelle étape sans faux pas dans la discographie du jeune pianiste qui ne peut que raviver tout l'intérêt qu'on lui porte.

[ Belgian Suites ]

Manuel Hermia : L'Esprit Du Val (Igloo IGL 145), 1999

Manuel Hermia (as, ss), Erik Vermeulen (p), Salvatore La Rocca (contrebasse), Bruno Castellucci (dr)

No Doubt (8:25) - Seeds Of Wisdom (7:16) - Juju (6:38) - You Know What? I'm Happy (7:38) - Never Again, They Said (5:19) - Pierrot The Moon (6:46) - Afro Blue (10:05) - My lonely angel (6:16)

Entre tradition et modernisme, L'Esprit Du Val est un album de Post-Bop néo-coltranien joué avec énergie et passion. Même le Juju de Shorter est décliné avec une époustouflante vivacité. Le saxophoniste a une attaque franche et un son qui accroche et il est clair que, même s'il joue de l'alto, c'est chez les ténors comme Coltrane ou Wayne Shorter qu'il va chercher son inspiration. En tout cas, cette musique offensive, cinglante et spontanée fait des étincelles et possède beaucoup de moments glorieux. Alors que, dans le même registre, Kenny Garrett sombre lamentablement avec son Simply Said racoleur, Manuel Hermia surfe avec brio sur la crête de la vague

[ L'Esprit Du Val ]

Ben Sluijs Quartet : Candy Century (WERF 019), 2000

Ben Sluijs (as, fl), Erik Vermeulen (p), Piet Verbist (b), Eric Thielemans (dr)

After All Things been said (7:25) - Candy Century (10:56) - New Life (Part 1) (4:54) - New Life (Part II & III) (11:45) - Out Of The Garden (6:03) - Zinaïda (10:27) - Every Now And Then (6:02) - Pour Jacques (6:15)

Agé de 33 ans à peine, le saxophoniste Ben Sluijs témoigne d'une étonnante maturité dans la manière de gérer sa carrière musicale. Héritier, comme beaucoup de jeunes talents actuels, d'une certain tradition coltranienne mais aussi de Lee Konitz et du jazz cool en général, Sluijs ne manifeste pourtant aucune envie de se laisser enfermer dans un quelconque tiroir avec étiquette. Sa musique, il la veut libre et un rien inaccessible, le produit d'une nécessité intérieure quelque part à mi-chemin entre une rêverie poétique et une harmonie parfaite. Un état de grâce qu'il n'est possible d'atteindre que libéré des contingences physiques et matérielles. Du coup, Ben Sluijs ne s'éparpille pas et prend son temps. Musicien professionnel depuis le début de la décennie (il a joué notamment avec Philip Catherine, Toots Thielemans, Michel Herr, Joe Lovano et Billy Hart), il a enregistré son premier vrai compact (Food For Free) en mai 1997. Pour ce faire, il s'est placé à la tête d'un quartette dont il a soigneusement choisi les composantes avant tout pour leur capacité à comprendre, à intégrer, à prolonger sa musique. En s'entourant d'Erik Vermeulen au piano, de Piet Verbist à la basse et d'Eric Thielemans à la batterie, le saxophoniste s'est aménagé un formidable tremplin pour l'expression de ses propres idées. Deux années plus tard, il enregistre ce Candy Century avec la même équipe. Et l'on reste tout simplement stupéfait face à la beauté des thèmes, des harmonies, des solos, qui se dégage de cette musique. Bien que l'album doit avoir été méticuleusement conçu pour être écouté d'un seul tenant, je ne peux m'empêcher d'accorder ma préférence aux ballades, genre dans lequel Ben Sluijs excelle tout particulièrement : After All Things Been Said, Every Now And Then et Pour Jacques, dédié à la mémoire de Jacques Pelzer, sont des opérations de séduction lyrique. Plus enlevés, Candy Century et Out Of The Garden sont propices à d'étourdissantes variations, démontrant l'incroyable chemin parcouru par le leader en quelques années. Et pour s'en convaincre, il suffit d'écouter encore la première partie de New Life interprétée au saxophone en solo : son phrasé inventif, sa science du rythme et sa juste conception de l'espace y sont exemplaires. Quand à Zinaïda, superbe ballade aux accents orientaux qui fait penser au quartet de Rabih Abou-Khalil, Ben Sluijs y retrouve la flûte, instrument déjà utilisé avec bonheur sur le titre Daydreaming du précédent album. Au total, voilà une musique à la fois intense et ravissante, un équilibre parfait qui évoque le bonheur et éveille l'espoir d'autres beaux ouvrages à venir.

[ Le label De Werf ]

Bart Defoort Quartet : The Lizard Game (WERF 039), 2003

Bart Defoort (ts), Hans Van Oost (gt), Bart De Nolf (b), Jan de Haas (dr)

The Lizard Game (6:50) - Busy Inside (4:08) - Playground (6:40) - The Law Within And The Stars Above (6:32) - Mr. Dot (5:50) - Laughing Soul (7:37) - Soul Eyes (7:36) - Sloam (6:55) - Strange Things Happen (4:31) - Elvira (5:03)

Il y a sept années déjà, Bart Defoort sortait un premier disque en leader intitulé Moving (Werf 009) dans lequel il s'imposait comme un héritier doué des grands ténors du bop des années 50 et 60. Après avoir prêté son talent à deux grands orchestres parmi les plus modernes et les plus originaux de ces dernières années (le Brussels Jazz Orchestra et Octurn) et enregistré avec des combos comme Streams et le Quartet d'Ernst Vranckx, Defoort se décide enfin à sortir un deuxième opus sous son nom propre. Rien n'a fondamentalement changé sinon qu'au sein du quartet, le pianiste virtuose Erik Vermeulen a été remplacé par Hans Van Oost à la guitare. Pour le reste, l'ombre de Coltrane (période Blue Note) et celle d'Eddie Henderson planent toujours sur ce bouquet de notes qui fusent dans toutes les directions. Sur des titres aux rythmes bondissants comme The Lizard Game, Playground, Strange Things Happen ou Mr. Dot, Defoort poursuit l'œuvre créatrice de ses aînés sous une forme sublimée, libre et consciente de l'incroyable énergie que cette musique véhicule. Van Oost joue les thèmes à l'unisson avec le ténor et se prend quelques beaux solos inspirés évoquant à l'occasion le soul décontracté d'un Wes Montgomery ou le groove bluesy d'un Grant Green. Alternant avec des titres jubilatoires qui font monter l'adrénaline, le saxophoniste, pour détendre l'atmosphère, a placé quelques ballades à des endroits stratégiques. Ainsi Soul Eyes, emprunté à Mal Waldron, avec son introduction au ténor jouée en solo, est un grand moment de lyrisme tandis que The Law Within And The Stars Above, composé par le guitariste, interpelle par sa mélodie aérienne et un son ample qui propulse l'auditeur dans un univers sonore vibrant de mille et une émotions. Au total, The Lizard Game offre près de 62 minutes de musique énergique et passionnante qu'on recommande à tous ceux qui aiment le jazz un tantinet explosif interprété avec beaucoup d'âme dans une formule bop certes classique mais qui fonctionne toujours.

[ The Lizard Game ]

Alain Cupper : Cold Station (AZ Productions), 2005

Alain Cupper (bs), Gino Lattuca (tp), Ivan Paduart (p), Eric Fusillier (b), Herman Pardon (dr)

5° Avenue (4:44) - Cold Station (5:48) - Disconnected (4:59) - Muezzin (4:39) - Confusion (6:39) - Yoni (4:32) - Mr. Lenoir (3:10) - Elyoniss (4:21)

La pochette de l'élégant digipack est énigmatique : une silhouette noire presque austère en retrait et, par devant, un canon rutilant de mille feux. C'est lui le roi de cette fête qui convoque dès le premier titre le hard bop orthodoxe des années Blue Note. Après l'exposition à l'unisson du thème original écrit par Alain Cupper, les solos se succèdent comme à la parade sur l'harmonie de la composition: d'abord le leader qui fait chanter son sax baryton d'une voix riche et équilibrée, entièrement sous contrôle ; vient ensuite le vétéran Gino Lattuca et sa trompette au timbre chaud, parfaitement à sa place au cœur de cette forme musicale. Ivan Paduart clôture les improvisations avec un solo frais et léger qui rappelle que, derrière le fin mélodiste lyrique qu'il est, se cache aussi un musicien capable de délivrer un swing félin. Rompant avec le style incisif de ce 5° Avenue, Cold Station est un morceau nostalgique introduit par le piano de Paduart qui s'y sent comme un poisson dans l'eau. Enchevêtré à la trompette, le baryton délivre un son tellurique qui monte des profondeurs de la terre pour dialoguer avec ses complices dans un grand format romantique. Malgré la présence du piano, on ne peut s'empêcher, de penser au couple Mulligan / Baker en raison des lignes à deux voix de cette superbe ballade qui dégage la même sérénité que le légendaire My Funny Valentine. On reconnaît dans Disconnected l'art et la manière de composer d'Ivan Paduart : sa plume est légère et ses partitions toujours estampillées d'un charme délicat au parfum presque suranné. Dans Muezzin, étrangement amené par des percussions latines, Alain Cupper rend hommage à Pepper Adams avec un son précis et tranchant, rappelant pourquoi Adams était surnommé « le couteau » par ses pairs. Confusion est un autre thème de Cupper en mid-tempo transcendé cette fois par le groove organique semé par une rythmique en état de grâce composée du contrebassiste Eric Fusillier et du batteur Herman Pardon dont le jeu est ici remarquable. Après la seconde ballade de l'album (Yoni), le quintet s'épanouit avec un Mr. Lenoir festif tandis que le répertoire se clôture sur un blues de fin de soirée qui marque le terme d'un disque exemplaire et varié dont le seul reproche qu'on peut lui faire est d'être un peu trop court. Je ne crois pas qu'Alain Cupper ait enregistré un autre album en leader après celui-ci mais il devrait : rares après tout sont les musiciens de ce côté de l'Atlantique qui savent manipuler avec autant d'assurance les clés de cet instrument éléphantesque qu'est le sax baryton.

[ Cold Station ]

Manuel Hermia : Rajazz (IGLOO IGL 190), 2006

Manuel Hermia (as, ss, flûte), Erik Vermeulen (p), Lieven Venken (dr), Sam Gertsmans (contrebasse)

I'm Just Me (7:11) - Internal Sigh (6:48) - Rajazz #1 PART I: Exposition, PART II: Development, PART III: Integration (9:05) - Indian Suite (9:56) - Contemplation (8:16) - Awakening (8:02) - Always Smiling (5:54) - Little Sonate For El Mundo (9:44)

Toujours guidé par la spiritualité indienne (qui lui avait déjà inspiré l'excellent Murmure de l'Orient), Manuel Hermia prolonge son voyage au cœur de cette dimension mais cette fois en quartet et dans un contexte plus Jazz. Le premier titre I'm Just Me est fabuleux : il évoque instantanément le grand John Coltrane de Impressions, le Wayne Shorter de Juju ou le McCoy Tyner de The Real McCoy (dont le magnifique Contemplation est par ailleurs repris sur cet album). Le soprano en apesanteur plane au-dessus d'une rythmique foisonnante comprenant Lieven Venken à la batterie et Sam Gertsmans à la contrebasse tandis que le piano d'Erik Vermeulen déroule un tapis modal somptueux sous les longues phrases paroxystiques du soliste emmené par son rêve (à noter le jeu en accords du pianiste présentant un aspect ornemental qui crée une impression de sérénité en opposition à la furia du saxophone). On est irrémédiablement replongé dans ce qui constitue l'une des pages les plus inventives de l'histoire du Jazz : la période après-Bop de Blue Note / Impulse emblématique de la première moitié des années 60. On retrouve cette atmosphère obsessionnelle et transcendante (en ce qui me concerne, l'une des plus créatives du jazz d'après-guerre) sur une bonne part de ce disque. Toutefois, la démarche de Manuel Hermia est également originale en ce qu'il a fondé sa musique sur une réflexion personnelle : en résumé, les Rajazz consistent en un matériel mélodique basé sur une gamme pentatonique propre à un Raga avec des passages ouverts sur des gammes dérivées par transposition de la pentatonique originale. Le système ainsi créé selon une logique rigoureuse et théorique donne naissance à des improvisations complexes et proliférantes qui sont autant de quêtes vers un absolu. L'influence indienne est plus perceptible sur certains titres comme Indian Suite que sur d'autres comme Awakening ou Always Smiling qui relèvent davantage des harmonies d'un Jazz moderne plus classique où se combinent lyrisme et création improvisée. Le disque se clôture avec Little Sonate For El Mundo joliment interprété à la flûte : un instrument que Hermia utilise avec beaucoup de technique et de sensibilité. Avec son répertoire diversifié et bien équilibré, Rajazz est un vrai bonheur que l'on conseillera à tous les amateurs d'un Jazz inspiré par une élévation spirituelle, les amoureux de Coltrane et des autres artistes précités ou à ceux qui ont apprécié le dernier disque de Kenny Garrett (Beyond The Wall). En fait, cet album, qui squatte ma platine depuis plus d'un mois, est de nature à enchanter presque tout le monde … Recommandé !

[ Manuel Hermia sur Amazon ]

Fred Delplancq Quartet : Talisman (Talisman Music), 2007

Fred Delplancq (ts), Vincent Bruyninckx (p), Sam Gerstmans (contrebasse), Toon Van Dionant (dr)

Mister Ravi (8:30) - The Gale (8:37) - Tendre Cecile (9:00) - Triste (7:44) - Talisman (6:30) - The Traveller (7:31) - 15 May (7:49) - Simplicity (5:40) - It's All Right With Me (6:30) - I'm Hungry (6:04)

Le premier titre, Mister Ravi, est un hommage au second fils de John et Alice Coltrane, ce qui peut paraître étonnant si l'on sait que ce saxophoniste est toujours en progression comme en témoigne ses quatre albums personnels dont le dernier en date, In Flux, paraît aujourd'hui le plus abouti. Toutefois, Ravi Coltrane qui a refusé de s'inscrire dans la voie ouverte par son père en préférant s'imposer au rythme qu'il s'est choisi, a quand même développé un style original qu'on retrouvera d'ailleurs ici, rendu avec beaucoup de subtilité. C'est bien le même genre de jazz post-bop que joue avec énergie et passion Fred Delplancq qui s'approprie avec une apparente facilité cette façon très singulière qu'à son modèle d'articuler ses phrases au-dessus des mesures sans jamais perdre le sens du swing. En un sens, cet exercice montre combien Fred Delpancq est un saxophoniste talentueux, doué d'une sensibilité et d'une ouverture formidables - ce que confirme par ailleurs le reste du répertoire qui se cantonne dans le même idiome d'un post-bop aventureux aux harmonies complexes - allant même dans ses ultimes explorations jusqu'à à flirter l'espace d'un moment avec le free jazz. Au fil des plages, on pense aussi à Wayne Shorter ou à Brandford Marsalis qui soufflent tous les deux avec le même esprit de liberté. On retrouve non seulement la technique formidable de ces musiciens chez Fred Delplancq mais aussi leur spiritualité, indispensable pour soutenir de telles mouvances créées dans l'instant. Ecoutez Talisman par exemple : ne recèle-t-il pas dans ses mutations et ses improvisations tournoyantes ce qui fait toute la force de cette musique (the healing force of the universe pour paraphraser Albert Ayler) ? Un tel projet ne peut toutefois donner sa pleine mesure que si le leader est entouré de sidemen capables de partager sa vision et, par chance, son nouveau quartet (Second Time), pourtant composé de jeunes musiciens moyennement ou peu connus, est carrément époustouflant. Le pianiste Vincent Bruyninckx notamment est un nom à retenir : ses solos arborescents rehaussent les partitions et son interactivité au sein de la rythmique, composée de Sam Gerstmans à la contrebasse et de Toon Van Dionant à la batterie, est exemplaire. Pour une cure de jazz moderne et aventureux, innovant et émotionnel, pensez à Fred Delplancq : pour peu qu'on ferme les yeux, c'est le genre de musique qui vous irradie de l'intérieur.

[ Fred Delplancq Website ]

Bart Defoort : Sharing Stories On Our Journey (WERF 072), 2008

Bart Defoort (ts), Emanuele Cisi (ts), Ron van Rossum (p), Nic Thys (contrebasse), Sebastiaan de Krom (dr)

Indian Summer (5:42) - Alma, La Diva (4:53) - Home (10:53) - Unknown Time And Place (5:27) - Keys To The Kingdom (4:46) - Thaïs (6:51) - Speak Low (7:11) - The Way You Look Tonight (9:04) - Easy Living (7:47)

Depuis la sortie en 1997 de son premier album, Moving, le saxophoniste Bart Defoort est resté relativement discret, jouant surtout pour les autres et ne délivrant que deux autres enregistrements sous son propre nom : Streams avec le pianiste Diederik Wissels et l'excellent The Lizard Game qui présente un jazz moderne dominé par un ténor à la sonorité épaisse. Ce quatrième compact, qui ne déroge pas à son style formé à l'école du bop, lui permet d'explorer plus en profondeur les grands standards du jazz. Peu de reprises dans le sens littéral du terme mais plutôt des séquences harmoniques sur lesquelles sont développées de nouvelles mélodies servant elles mêmes de base à d'autres improvisations spontanées. On est ainsi confronté à des thèmes, parfois empruntés à des compositeurs célèbres, parfois écrits et arrangés par le leader ou par des membres de son quintet, qui rappellent confusément le jazz mainstream ou bop des années 50 et 60. Bart Defoort a ici élargi son quartet en s'associant avec un autre saxophoniste ténor : Emanuele Cisi, d'origine italienne, qu'on a pu entendre jadis aux côté de Paolo Fresu, d'Enrico Rava, d'Aldo Romano et de Nathalie Loriers. Dotés chacun d'une approche bien reconnaissable, les deux ténors s'en donnent à cœur joie, explosant dans des solos de haut vol ou interférant l'un avec l'autre en de subtils contrepoints. Le répertoire est un assortiment varié de friandises. D'un côté, il y a les escapades lyriques, en forme de ballades, sur lesquels les ténors se répandent avec chaleur, partageant leurs histoires et leurs visions du monde : le mémorable Indian Summer (un standard composé en 1919 par Victor Herbert et sublimé entre autres par Coleman Hawkins), les magnifiques Home et Speak Low (composé par Kurt Weill ) ou encore Easy Living, une autre reprise composée par Ralph Rainger pour un film des années 30 et autrefois popularisée par Billie Holiday et Ella Fitzgerald. De l'autre, ce sont des courses échevelées et pleines de swing où les ténors s'embrasent et trouvent leur écho dans une section rythmique au drive impressionnant : les indescriptibles Alma La Diva, Keys To The Kingdom et The Way You Look Tonight et, dans un style moins tendu et plus élastique, Unknown Time And Place et Thaïs. Composée de Ron van Rossum au piano, de Nic Thys à la contrebasse et de Sebastiaan de Krom à la batterie, le trio accompagnateur est de premier ordre et, de frénésie en poésie, contribue à relever l'expressivité du discours. En définitive, l'esprit est respecté mais pas forcément la lettre, ce qui fait de Sharing Stories un album à la fois classique et original, rempli à ras bord d'une joie de jouer qui se transmet instantanément à l'auditeur. Voici une musique de plaisir qu'il ne faut rater sous aucun prétexte.

[ Bart Defoort sur MySpace (MP3) ]

Gino Lattuca : Bad Influence (IGLOO IGL 215), 2010

Gino Lattuca (tp), Philip Catherine (gt), Bart De Nolf (contrebasse), Mimi Verderame (dr)

Bad Influence (6:59) - Come Rain Or Come Shine (7:59) - Once More (7:06) - Along Came Betty (6:43) - Espresso (4:11) - Theme For Ernie (7:51) - Adriano (6:17) - Pick Up (5:21) - Last Minute Blues (5:20)

Premier prix de trompette du Conservatoire de Mons, Gino Lattuca fait du jazz depuis le début des années 80 mais, s'il apparaît en tant que sideman dans une multitude d'orchestres, ce n'est pas pour autant que sa discographie en solo soit bien fournie. En fait, le trompettiste n'a enregistré en tout et pour tout que deux disques sous son nom : My Impression en 1992 sur le label B. Shap, aujourd'hui disparu, et ce Bad Influence dix-huit années plus tard, tous les deux en quartet et avec le batteur Mimi Verderame. Excellent technicien, l'homme s'est plié à plusieurs styles et joue souvent au sein de grands orchestres (Act Big Band et Brussels Jazz Orchestra) mais il affectionne tout particulièrement le Bop moderne où il excelle et c'est tout naturellement vers ce genre particulier qu'il s'est tourné pour cet album. Evidemment, l'un des bonnes surprises de Bad Influence est la présence de Philip Catherine, non pas en invité sur quelques titres, mais bien comme membre à part entière du quartet. Conjuguant volubilité et délicatesse, sa guitare habite cette musique et, comme il ne pourra probablement pas suivre Lattuca en concert par suite de ses propres obligations, mieux vaut acheter ce disque pour profiter du quartet au complet. Le trompettiste cosigne avec Verderame deux superbes compositions : Bad Influence, tout en swing et souplesse comme un classique venu tout droit de la grande époque Blue Note, et Espresso, plus énergique encore avec une articulation hallucinante entre trompette et guitare qui témoigne d'une belle complicité. L'un des thèmes les plus irrésistibles de l'album est pourtant Last Minute Blues offert spécialement par Michel Herr pour cette séance : Catherine y prend un solo d'anthologie tandis que Lattuca adopte une sonorité plus suave qui va comme un gant à cette chanson féline qu'on a envie de faire tourner en boucle jusqu'aux premières lueurs de l'aube. Bonne idée aussi de reprendre quelques standards dont Come Rain Or Come Shine d'Harold Arlen et surtout Along Came Betty de Benny Golson : ces deux là s'inscrivent avec bonheur dans un répertoire dédié à un post-bop chaleureux. Quant à l'incontournable ballade lyrique et sensuelle, elle réside ici dans Theme For Ernie, une mélodie blême qui fut écrite un jour d'inspiration par Fred Lacey pour le saxophoniste Ernie Henry. Bart de Nolf et Mimi Verderame composent une rythmique solide et dynamique garantissant aux solistes un tempo sans faille et le dynamisme indispensable à la réussite d'un tel projet. Tous ces messieurs swinguent avec une bonne humeur contagieuse et, franchement, à l'heure où une nouvelle génération de jazzmen belges revient avec délice aux racines d'un jazz mainstream, ça fait plaisir d'entendre que les plus anciens n'ont jamais cessé de les cultiver avec passion !

[ Bad Influence chez Igloo Records ]

Mimi Verderame : Wind (Prova Records), 2011

Nicola Andrioli (piano, Fender Rhodes), Kurt Van Herck (saxophone ténor), Carlo Nardozza (trompette), Philippe Aerts (contrebasse), Mimi Verderame (batterie, guitare)

Andalucia (7:41) - Reconciliation (7:33) - Cellular (vibes) (7:48) - Wind (8:43) - Danza Dei Veli (8:46) - Nice Cap (7:08) - Blues #4 (3:53)

Moins connu pour ses disques édités sous son nom, le batteur Mimi Verderame est par contre devenu une référence incontournable du jazz belge depuis la fin des années 80. Pendant plus de deux décennies, il a en effet contribué inlassablement au succès du genre en participant à l’enregistrement d’albums aussi réussis que Nymphea (Nathalie Loriers, 1990), +Strings (Steve Houben, 1995), Joy And Mystery (Olivier Collette, 2001), Still (Ivan Paduart, 2002), Nature Boy (Ronny Verbiest, 2007) et Bad Influence (Gino Lattuca, 2010). Sur ce nouveau chapitre, Verderame, qui en plus de la batterie joue aussi de la guitare sur quelques morceaux, s’est associé à des musiciens d’origine diverse qu’il connaît bien et qui impriment leur marque à une musique qui, globalement, ne s’écarte pas trop d’un bop mainstream. Le jeune pianiste italien Nicola Andrioli s’avère la véritable attraction de ce quintet : les trois compositions (sur sept) qu’il a écrites ont définitivement quelque chose de spécial (surtout le thème dynamique d’Andalucia) et ses improvisations aussi bien au piano acoustique qu’au Fender Rhodes, retiennent l’attention par un jeu personnel à la fois technique et lyrique. A la trompette, le non moins jeune Carlo Nardozza confirme tout le bien qu’on pense de lui en développant des solos qui démontrent sa maîtrise de la tradition hard bop. Quand au saxophoniste ténor Kurt Van Herck, complice de Verderame depuis de nombreuses années, il apporte son expérience à ce style de jazz qu’il connait par cœur. Et il ne faudrait pas oublier le vétéran Philippe Aerts, contrebassiste exceptionnel qui complète avec assurance une section rythmique au drive riche et précis. Fruit d’une exécution impeccable et d’un travail bien fait, Wind parvient aisément à maintenir l’attention en dépit d’un certain académisme assumé et sans doute imposé par le leader.

[ Wind (CD & MP3) ]

Jean-Paul Estiévenart : Wanted (W.E.R.F. 115), 2013

Jean-Paul Estiévenart (trompette), Sam Gerstmans (contrebasse), Antoine Pierre (drums) + Invité : Perico Sambeat (saxophone alto)

The Man (4:22) - Between the Curves (6:18) - Am I Crazy? (5:40) - Amok (5:40) - Bird (5:28) - Les Doms (6:34) - Lazy Bird (3:09) - Witches Waltz (5:07) - SD (4:14) - Guerrilla (5:59) - Wanted (6:24)

Celui qui aurait écouté le dernier disque de Collapse avant celui-ci aurait probablement été surpris tant ce Wanted apparaît moins abstrait, plus mélodique et donc plus directement accessible. D'un autre côté, il y a aussi quelques similitudes : d'abord, l'absence d'instrument harmonique, le trompettiste jouant ordinairement en trio avec une section rythmique ou, sur trois plages, en quartet avec le saxophoniste alto Perico Sambeat en invité; ensuite, l'esprit d'Ornette Coleman qui plane à l'occasion au-dessus de cette musique. Mais la comparaison s'arrête là car Alain Deval, batteur et leader de Collapse, et Jean-Paul Estiévenart ont chacun une esthétique très personnelle et des approches en matière de composition qui ne se ressemblent guère.

Si l'on excepte la reprise du Lazy Bird de John Coltrane, tous les morceaux de Wanted ont été écrits par Estiévenart dans des styles certes modernes mais tellement variés qu'ils empêchent de classer cet album sous une étiquette quelconque. Du lyrique Amok dont la trompette bouchée en introduction peut évoquer les grandes heures du second quintet de Miles Davis au mystérieux Witches Waltz dans lequel les deux souffleurs semblent explorer prudemment les zones d'ombre d'une maison hantée par une nuit de pleine lune, en passant par The Man avec son thème simple et primesautier propice à l'impro post-bop la plus tranchante du répertoire, on en a pour tous les goûts. On a même droit sur le titre éponyme, pourtant bâti sur un drive lanscinant qui promettait un hard-bop plein de soul, à un dérapage qui le temps de quelques mesures poussera le trio vers un chaos libertaire inattendu avant de revenir, comme si de rien n'était, au groove moite du début.

Sam Gerstmans à la contrebasse et Antoine Pierre à la batterie composent une rythmique de choc dont le dynamisme et la souplesse constante sont un véritable plaisir pour les oreilles. Quand à Perico Sambeat, à écouter ses fantastiques interventions sur Guerilla, on peut s'interroger sur le fait que malgré une carrière bien remplie à jouer avec des pointures comme Mehldau, Mark Turner, David Kikoski, Wallace Roney ou plus récemment Eric Legnini, il ne soit pas plus connu du grand public hors de son Espagne natale. Enfin, la musicalité et la versatilité qui ont amené Estiévenart à être invité à jouer dans des projets les plus divers (du Al Orkesta de Joe Higham au quartet de Nathalie loriers en passant par le Jazz Station Big Band) s'affirment ici avec ampleur tandis que se confirment également ses talents d'auteur. Ecouter cet album de jazz polymorphe bourré d'émotion, d'idées et de connivence communicative est un vrai bonheur que je vous invite à partager.

[ Wanted (CD) ]
[ A écouter : Am I crazy? ]

Frank Deruytter Quartet: Moon Of Ensor (Prova Records), 2014

Frank Deruytter (saxophone ténor); Eric Legnini (piano); Bart De Nolf (contrebasse); Peter Erskine (drums)

Battle And Shame (5:23) - Left, Right? (5:08) - Lizzy's Dream (6:23) - Podgy Pooch (6:19) - Atomium Song (8:45) - Word To Babelina (8:24) - Moon Of Ensor (6:18) - Bling Bling Blues (7:30) - Orgy Of Sadness (4:22)

Il y a un an, le premier album sans nom du Frank Deruytter Quartet imposait un style de jazz précis et mordant sur lequel planait entre autre l'esprit bienveillant de Michael Brecker (lire la chronique ici). Pour ce second opus, le saxophoniste a réuni la même fine équipe bien décidée à défendre les neuf nouvelles compositions du leader. Au plan rythmique, le tandem Bart De Nolf / Peter Erskine tourne à plein régime, le batteur américain assurant une frappe discrète mais inventive dont la sophistication n'a d'égale que la rigueur de son découpage, deux qualités qui ont fait de lui l'un des musiciens de session les plus recherchés des Etats-Unis. Fort bien enregistré au studio Synsound (Bruxelles) par Dan Lacksman, le son du ténor est magnifique. Et c'est sur les lentes ballades en particulier, comme Lizzy's Dream et Orgy Of Sadness, que le timbre séduit le plus, accentuant le pouvoir émotionnel des notes mélancoliques.

Ailleurs, le quartet groove gentiment sur un Podgy Pooch plein de sève au coeur duquel le pianiste Eric Legnini déroule un solo félin nourri de soul. C'est le même genre d'atmosphère que l'on retrouve sur un Word To Babelina cinématographique, bourré de suspense, de zones sombres, de séduction trouble et de vérités non dites. Quant à Left Right?, c'est un combustible à haut indice d'octane qui permet aux musiciens de swinguer à tout va. Globalement, le répertoire se cantonne à un post bop moderne et organique, alternant les tempos et les humeurs mais avec une fixation sur les belles mélodies et les impros généralement développées avec retenue. Ce qui n'empêche pas Deruytter de se fendre de quelques fulgurances post coltraniennes, certes fluides et contrôlées mais bien réelles, comme sur Atomium Song ou sur Bling Bling Blues par exemple. Mais ces éclats tempétueux ne détruisent en rien le climat de ce disque qui privilégie l'esthétique d'un jazz souple, clair, nuancé et terriblement raffiné. En plus, ce quartet a désormais un vrai son de groupe parfaitement équilibré et on sent bien que chaque musicien s'y trouve à l'aise comme en famille. C'est sans doute en partie pour ça qu'il s'en dégage une sérénité et un charme subtil que les nombreuses écoutes successives ne parviennent pas à entamer.

[ Prova Records ] [ Moon of Ensor (CD & MP3) ]
[ A écouter : Podgy Pooch - Left Right? ]

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