Série VII - Volume 1 |
Strange Lab : Influences (Autoproduction), France, 13 mai 2022 1. Now She's Gone (4:57)- 2. Burning Waltz (4:47) - 3. Today's Mood (5:46) - 4. Womanhattan (4:32) - 5. Viva Carlton (4:21) - 6. El Jeffo (4:51) - 7. SL Blues (4:37) – 8. John From Dayton (5:16) – 9. Black Flamingo (6:17) – 10. Billy's Beard (5:23) Olivier Gadet (guitares, chant); Eric Halter (basse chant); Greg Aguilar (piano, Rhodes, orgue Hammond, synthés); Fabien Tournier (batterie, percussions) Ce groupe formé en 2020 dans un contexte de crise sanitaire est avant tout l'aboutissement d'une amitié complice qui, au fil du temps, de sessions et de tournées, s'est forgée entre quatre musiciens chevronnés. Instrumental à l'exception des deux pièces en ouverture et en clôture, ce premier album présente dix morceaux qui s'immergent, mais avec la plus grande humilité, dans l'univers de quelques illustres guitaristes de rock/blues, jazz/fusion, de Pat Metheny (Today's Mood) à Éric Johnson (Womanhattan) en passant par Steve Lukather (SL Blues). Si Olivier Gadet, fort de sa belle maîtrise de la six-cordes, s'est approprié de façon toute personnelle le leg de ces prestigieux musiciens, il a surtout su avec ses trois complices personnaliser ce répertoire à travers dix de ses compositions originales brillamment arrangées par le groupe. Les mélodies et les thèmes accrochent dès la première écoute et les développements instrumentaux sont captivants. Olivier déploie ici une panoplie de guitares, assorties de nombreuses pédales d'effet, passant selon l'univers musical qu'il explore d'une Fender Stratocaster au son vintage à une Music Man John Petrucci dans les registres plus blues, ou encore à une Duesenberg Fullerton pour approcher la fusion et le jazz. La Gibson Les Paul, quant à elle, est requise pour restituer un son plus épais, en l'occurrence dans le dernier morceau Billy's Beard dédié au guitariste de ZZ Top, Billy Gibbons. D'emblée, Now She's Gone nous plonge à la fin des années 60 à la rencontre de Jimi Hendrix, avec ces « Wah Wah » et ces sons légèrement distordus, à la limite parfois de la saturation, soutenus par la puissante section rythmique d'Éric Halter et Fabien Tournier. Greg Aguilar embrase ce premier morceau par des notes incandescentes d'un orgue Hammond. Le claviériste se met ensuite au piano acoustique et nous livre dans les pièces suivantes quelques somptueux chorus mettant en exergue son profond enracinement dans le jazz et le blues. Si l'on ajoute de surcroît, une forte connivence et une osmose entre les musiciens, le résultat fonctionne à merveille avec une suite de pièces délicieuses comme The Burning Waltz, sorte de blues en trois temps dédié à Steve Morse. Sur Viva Carlton, portée légèrement par les synthés et les Fender Rhodes, la six-cordes se fait cristalline et très accessible, dans ce style FM propre au guitariste californien. A la première écoute d'El Joffo, l'identification du son et du jeu si particulier de Jeff Beck, marqué notamment par l'absence d'utilisation d'un médiator, est immédiate. Puis dans John From Dayton, c'est sur le groove très funk du bassiste Éric Halter et sur le carillon du Fender Rhodes, qu'Olivier va chercher ces harmonies décalées si spécifiques à John Scofield. Enfin, dans un répertoire déjà riche et enchanteur, nous pourrions encore épingler Black Flamingo où la guitare se fait atmosphérique pour rendre hommage à David Gilmour qui, précisons-le, représente pour le leader de Strange Lab, l'une de ses influences majeures. D'une manière générale, bien que s'agissant de sessions réalisées au studio castrais de Rémi Vidal, on ressent une impression de spontanéité propre aux enregistrements live. Par ailleurs, malgré l'ampleur du périmètre musical qu'il explore ici, le groupe a quand même su donner à cet album une cohérence. Il est indéniable que dans ce premier opus, Strange Lab affiche déjà une personnalité bien marquée. Au vu de toutes ces qualités, la suite ne saurait être que passionnante. [ Chronique de Michel Linker ] [ Sur Bandcamp : Influences ] [ A écouter : Today's Mood ] |
Didier Gonzalez : L'Âge D'Or Du Rock Progressif Anglais Tome 1 - 1965-1979 (Camion Blanc), français, 996 pages, 27 août 2021
Pour ce Bordelais dont la passion n'a d'égal que son érudition, faire la plus large promotion du rock progressif est un véritable sacerdoce depuis quatre bonnes décennies. Ancien collaborateur de la revue Harmonie, aujourd'hui rédacteur en chef du magazine Highlands qu'il a fondé seul en 1997, Didier Gonzalez a parallèlement publié, entre 1991 et 2004, une dizaine de fascicules qui, du Royaume Uni aux Etats Unis en passant par le Japon, composent sa fastueuse Histoire Mondiale Du Rock Progressif. Et c'est à un projet né en 2015, et tout aussi ambitieux, qu'il s'attaque à présent avec ce tome 1 de L'Age d'Or Du Rock Progressif Anglais de 1965 à 1979 prévu en trois volumes. En préambule de cette trilogie, l'auteur resitue le courant musical dans ses origines (1967/1969, premières œuvres, Jethro Tull, Caravan puis King Crimson, apparitions de Van Der Graaf Generator, Yes et Genesis) puis son expansion de 1970 à 1972 avec l'avènement des groupes Emerson Lake & Palmer, Curved Air, Gentle Giant, Renaissance plus une pléthore de talentueux inconnus. Il considère ensuite la période 1973-1976 comme celle de l'apogée, marquée par les grands chefs-d'œuvre (Grand Hotel, Tales From Topographic Oceans, The Lamb Lies Down On Broadway, The Dark Side Of The Moon, The Snow Goose….) avant son crépuscule pendant la période 1977–1979 et les dernières merveilles. In fine, il s'agira probablement ici d'un des essais les plus complets sur une passionnante période née de l'avènement des Beatles (1965 est l'année de Rubber Soul) et qui prit fin avec l'arrivée brutale du nihilisme punk. Ce premier livre chronique, au long de presque un millier de pages ordonnées en 26 chapitres, une première liste de groupes et de musiciens allant alphabétiquement de Aardwark à Genesis. S'il n'a pas une vocation encyclopédique, évitant ainsi les écueils d'un délayage qui se voudrait exhaustif, il s'attache néanmoins à présenter sans saupoudrage le nombre le plus significatif de biographies en les détaillant par des informations clés, des données factuelles et des repères chronologiques. Toutefois, quand il l'estime nécessaire, l'auteur dédie l'exclusivité d'un chapitre à un artiste (Brian Auger) ou à un groupe (Camel, Caravan, Deep Purple, Genesis). Une véritable opportunité est offerte ici de découvrir un grand nombre de formations dans l'ombre des icônes précitées. Par ailleurs, qu'il s'agisse d'un collectif, d'un musicien, d'un album ou d'un simple morceau, l'analyse, au-delà du caractère subjectif inhérent à cet exercice, se veut toujours pertinente, précise et fouillée. La curiosité du lecteur est piquée et attisée en permanence par un texte engageant car porté à la fois par la passion, par une connaissance accrue des groupes et des œuvres présentées, ainsi que par la plume d'un chroniqueur chevronné. Il y a fort à parier que cette lecture sera alternativement relayée par d'irrésistibles séances d'écoute ciblée. Si dans son ensemble, ce sujet a déjà été traité par des auteurs anglo-saxons (Mike Barnes, Jerry Ewing, Charles Snider, Markus Freytag…), les ouvrages français, quant à eux, se sont plutôt concentrés sur des courants précis (psychédélique, jazz rock, école de Canterbury…), sur certains pays particuliers (Italie, France…) ou sur des chroniques de groupes et/ou d'albums ciblés dans un contexte plus général. Cet Âge D'Or Du Rock Progressif Anglais de Didier Gonzalez présente un intérêt évident à la fois pour les néophytes et pour les fans qui pourront enrichir et actualiser leurs connaissances. En attendant la sortie du second volet de ce triptyque, annoncé pour le premier trimestre 2023, les amateurs du genre peuvent déjà commencer à descendre au fond de la mine. [ Chronique de Michel Linker ] [ Didier Gonzalez : L'Âge D'Or Du Rock Progressif Anglais Tome 1 - 1965-1979 ] |
François Robinet : Le Rock Progressif Français, Une Histoire Discographique (Camion Blanc), septembre 2020, 360 pages.
Jeune agrégé de 28 ans, François Robinet voue, parallèlement à son activité de chercheur en histoire contemporaine, une indéfectible passion à la musique rock au sens le plus large, passion transmise de toutes parts par des aînés qui en vécurent l'âge d'or. Rédacteur en chef du webzine Albumrock, il a nourri depuis 2017 un projet d'écriture sur le rock progressif français qui a pris forme trois ans plus tard ; si d'autres spécialistes ont déjà consacré des livres à ce genre musical, il est assurément le premier et le seul à traiter ce sujet dans le périmètre de l'hexagone. De ce courant né aux sources du rock psychédélique qui a essaimé en France à l'aube des années 70 sous la première impulsion de groupes tels que Zoo ou Triangle, l'auteur présente chronologiquement, parmi les quelques 230 noms cités, l'œuvre significative de formations et musiciens qui ont été actifs durant cette période allant de 1969 au début du nouveau millénaire. Il fait naturellement un large focus sur les groupes emblématiques en partant de deux grandes écoles progressives que sont, d'une part, le rock mélodique incarné par Ange et, d'autre part, l'expérimental porté par Magma, deux formations largement chroniquées ici au fil de quatre décennies. Dans leurs sillages respectifs, apparaîtront notamment sur les pas des frères Decamps, Atoll, Taï Phong, Pulsar, Pentacle, Mona Lisa et, dans le courant Zeuhl du groupe de Christian Vander puis du Rock in opposition, Catharsis, Zao, Art Zoyd, Weidorje ou Etron Fou Leloublan (entre autres). Au sein d'un univers musical aussi ouvert, le lecteur croisera des influences jazz (Carpe Diem, Red Noise, Lard Free), Canterbury ou jazz-rock (Edition Spéciale, Spheroe, Potemkine), ou encore de musique électronique (Wapassou, Heldon, Flamen Dialis…). Toutefois, le rock peut également se parer des musiques du monde (Asia Minor), se faire folk et celtique (Dan Ar Braz, Alan Stivell, Malicorne), classicisant (Shylock) et symphonique (Cyrille Verdeaux & Clearlight). Même les connaisseurs feront nécessairement des découvertes dans cet inventaire avec des groupes plus ou moins oubliés (Mémoriance, Ripaille, Arachnoid, Synopsis, Métabolisme…). En apparence plus calme, la décennie 80, n'en est pas moins digne de mentions plus qu'honorables (Offering, Shub Niggurath, Xaal, Tiemko, Step Ahead, Anubis, Opale…) tout en voyant émerger le néo progressif (Nuance, Elixir). Les années 90 et le nouveau millénaire ont fait renaître le rock symphonique dans son aspect théâtral (Magnesis, Versailles, Raison De Plus, Maldoror) ainsi que, dans une esthétique moderne (Minimum Vital, Halloween, Arrakeen, Chance, Caféine, XII Alphonso, Saens, Iris, Motis…) tandis que la technique s'est mise au service de la musique instrumentale (Hecenia, Eclat, Priam, Taal, Xang). Une nouvelle génération a embrasé la scène française comme Némo, Lazuli, Gens De La Lune et Seven Reizh et nous a régalé d'une production discographique aussi florissante que somptueuse parmi laquelle certains groupes (JPL, Franck Carducci, Minimum Vital, Nine Skies...), à l'instar d'Ange et Magma en leur temps, jouissent aujourd'hui d'une réputation internationale. Loin d'être clôturée, l'histoire du rock progressif français laisse bien sûr un grand nombre de pages encore blanches à écrire. Mais toute extrapolation mise à part, le livre de François Robinet constitue un véritable fil d'Ariane, indispensable, pratique et de surcroît bien écrit sur un registre musical tentaculaire qui n'a pas fini de nous émerveiller et de nous émouvoir. Vivement conseillé ! [ Chronique de Michel Linker ] [ François Robinet : Le Rock Progressif Français, Une Histoire Discographique ] |
Grandval : Eau | Feu (Vallis Lupi), France, 25 février 2022 1. Férimur (1:43) - 2. Les Jours Innocents (5:20) - 3. Il Neige Encore (5:36) - 4. Heinrich (Un Monde Bien Etrange (9:58) - 5. Erables Et Chênes (8:33) - 6. Acqua Et Igni (7:45) – 7. Fin De Partie (6:36) Olivier Bonneau (claviers, pédale d'effet basse, guitare électrique, harmonies vocales); Henri Vaugrand (chant, basse, guitares acoustiques et électriques, E-bow, claviers, programmation & sampling, harmonies vocales); Jean Baptiste Itier (batterie); Elodie Saugues (harmonies vocales : 3, 5) Après A Ciel Ouvert (2016) puis Descendu Du Ciel (2020), un second album encensé à la fois par la critique et par les pairs (citons simplement Christian Decamps) et dont le succès dépassa largement les frontières de l'hexagone, Grandval clôture avec Eau | Feu une trilogie dédiée aux éléments, aux animaux et à la nature face à l'homme et à ses méfaits. Cette fois, peu de développements instrumentaux prolixes et de longs solos ; le groupe, toujours en quête de climats et de sons nouveaux, a privilégié, sur la poésie des textes d'Henri Vaugrand, une orientation pop progressive marquée par la contribution d'Olivier Bonneau à des arrangements délicats et dans la composition de deux morceaux du répertoire. Les deux musiciens ont par ailleurs partagé les parties de guitares avec Jean Pierre Louveton à qui l'on doit le mixage, le mastering et la coréalisation de l'album avec Henri Vaugrand. Entre le court préambule Ferimur et Fin De Partie, on découvre d'abord deux morceaux incarnant cette musique pop associée aux années 80 par leur durée de cinq minutes, leurs mélodies en leitmotivs accrocheurs et un chant harmonieux à deux voix. La connexion est par ailleurs manifeste entre Les jours innocents, souvenir nostalgique des maux de jeunesse, et Il Neige Encore, évocation mélancolique de la solitude qui accompagne les vieux jours. Puis Heinrich (Un Monde Bien Etrange) dénonçant la destruction insensée de l'environnement, marque la transition vers des morceaux plus longs et riches de changements. Tour à tour dynamique, puis bercée par des claviers enveloppants et des arpèges de guitare, parfois ponctuée de soubresauts, pour finalement s'accélérer en un rythme endiablé emmené par le batteur de Némo, Jean Baptiste Itier, cette première pièce de bravoure, sans doute la plus progressive, fait irrésistiblement écho, surtout dans sa dernière partie, au groupe Ange dans les années 70. Puis, tel le pays auvergnat, ses monts et sa canopée s'élevant vers les cieux, Erables Et Chênes se veut, en dépit des menaces, un hymne à la vie et à la nature porté par de chatoyants arrangements aux accents d'Alan Parsons Project ou de Barclay James Harvest, et retrouvant la légèreté mélodique des deux premiers titres. Enfin, c'est l'inéluctable retour aux ténèbres avec Aqua Igni et une rythmique comme ralentie par le poids du désespoir, ainsi qu'un chant dont les harmonies vocales renforcent le caractère dramatique d'un homme déchu par les interdits qui le frappent. On soulignera tout au long de cet album le contraste entre la gravité des sujets dépeints et une musique qui en pondère et adoucit les effets. Après cette trilogie, de nouveaux projets prennent déjà forme pour Henri Vaugrand et Olivier Bonneau, notamment dans un trio intégrant le batteur Ludovic Etienne. [ Chronique de Michel Linker ] [ Sur Bandcamp : Eau | Feu - Descendu sur Terre - A Ciel Ouvert ] [ A écouter : Eau | Feu (album teaser) - Il Neige Encore ] |
Xavier Boscher : Skyscapes (Orfeo'Lab Distribution / Bandcamp), 24 janvier 2022 1. Seen from Space (4:10) - 2. The Sky Is Sometimes Grey (3:35) - 3. Caelestis (4:54) - 4. Sky Diving (4:52) - 5. Solitude Interstellaire (9:18) - 6. The Seventh Sky (4:35) - 7. Clouds (5:56) - 8. Métronomie des cieux (3:11) - 9. Rainbow (4:22) - 10. Cathartic (4:06) Xavier Boscher (tous les instruments) Sorti moins de trois mois après Firescapes, Skyscapes est le dernier volet de la tétralogie dédiée par le guitariste Xavier Boscher aux quatre éléments. Avec cet ultime album inspiré cette fois par l'air, on pouvait s'attendre à une musique globalement plus atmosphérique que sur le précédent volume. Et c'est effectivement le cas ! La plupart des titres sont très mélodiques et procurent une impression d'apesanteur : écoutez comment les lignes de guitare s'étirent, se replient et s'étendent à nouveau dans des arabesques infinies sur Seen From Space. La même approche sinueuse est préservée sur Caelestis et sur Rainbow. L'intérêt est toutefois maintenu en partie grâce à la diversité des timbres, en particulier ceux de la guitare dont la sonorité varie d'un titre à l'autre et parfois même au sein d'un seul morceau. Sur Solitude Interstellaire, Xavier Boscher nous fait son « Comfortably Numb » à lui. Cette pièce épique de 10 minutes offre un voyage évocateur à travers des galaxies mouvantes. Pendant un instant, c'est comme si on dérivait dans le vide interstellaire à bord d'une navette spatiale, les yeux engourdis par les moniteurs qui scintillent dans la lumière diffuse du cockpit. Comme dans les autres albums de la série, on trouve ici un morceau joué en acoustique et c'est encore une fois une réussite : Clouds est une petite pièce folk délicate ensemencée de quelques envolées jazzy qui la rendent un peu plus épicée. Un autre bon moment est Sky Diving, un titre plus enjoué qui bénéficie lui aussi d'une jolie mélodie. L'album se referme sur les sons graves de Cathartic qui prolongent cette impression diffuse d'avoir vécu près d'une heure en dehors du puits de gravité qu'est cette planète. On en vient presque à regretter que la série des « Scapes » se termine ici ... à moins que Xavier Boscher à l'instar de Korben dans le film de Luc Besson, ne parvienne à ranimer Leeloo et à reconstituer un cinquième élément qui étendrait sa tétralogie en pentalogie. [ Chronique de Pierre Dulieu ] [ Skyscapes sur Bandcamp ] [ A écouter : Solitude Interstellaire ] |
Inner Prospekt : Grey Origin (Somnus Media), Italie, 2 mars 2022 1. En trance (3:20) – 2. The Machinery (10:44) – 3. Brain Sausage (4:16) – 4. Gymnoectomie (6:29) - 5. Le Docteur (4:13) – 6. Cavie (6:22) – 7. Special Waste (10:03) – 8. L'Assistant (2:52) 9. The Plague (3:57) – 10. Ex It (2:43) Alessandro Di Benedetti (claviers, percussions, instrumentation digitale diverse); Rafael Pacha (guitare 12 cordes, guitare électrique : 6) Marquant une pause dans la série Canvas, dont le second disque sorti en 2021 a fait l'objet d'une chronique dans ces pages, Alessandro Di Benedetti alias Inner Prospekt nous présente un concept album librement adapté de Dianetic Input-Output 5, une bande dessinée de S.F., inachevée et inédite, d'Alex Troma. Cette dernière raconte les expériences d'un scientifique tentant de greffer un cerveau humain sur des androïdes qu'il a conçus, le conduisant à la découverte d'une nouvelle forme de vie qu'il a fortuitement créée, défectueuse et aux conséquences funestes. Contrairement aux œuvres Canvas comprenant une majorité de compositions destinées à The Samurai Of Prog ou à The Guildmaster, il s'agit ici de dix pièces originales d'une durée totale proche de 55 minutes, connectées entre elles sans ordre précis. Le musicien a abandonné ses constructions complexes et caractéristiques du genre progressif pour une simplicité dans l'écriture et une rythmique dominée par le 4/4. Comme dans son premier album The Musing (2014), Alessandro s'est davantage attaché aux contrastes et aux ambiances. Il utilise une batterie qui sonne comme dans les années 70 et un piano droit légèrement désaccordé, suscitant trouble et inconfort au fil de ce répertoire parsemé de chœurs féminins, de vocalises et de sons et bruitages qui, tels des spectres, confèrent à cette musique un caractère inquiétant et déstabilisant. Tout en mêlant plusieurs styles (électronique, ambient, rock progressif, funk, classique, bande sonore), Alessandro a maintenu une unité dans les sons et les arrangements, assurant seul l'ensemble de l'instrumentation à l'exception du sixième titre Cavie où les guitares de Rafaël Pacha accompagnent cette pièce à part qui alterne passages aériens et séquences au groove léger. En Trance, au titre ambigu, puis The Machinery donnent d'emblée la couleur de cette musique répétitive et hypnotique qui s'étend sur la totalité du répertoire. Gymnoectomie démarre, telle une variation d'Erik Satie, sur les notes minimalistes du piano, pour ensuite nous emporter dans une douce pérambulation électro funk dans l'ambiance sombre d'une ablation chirurgicale. The Plague, dernier chapitre de ce récit, annonciateur d'un fléau imminent, pose une question clé, celle de la plausibilité d'un contrôle total. Enfin, à la façon d'une bande originale de Christopher Franke ou de Vangelis, Ex It, titre à double sens comme le premier morceau, clôt ce répertoire dans un apaisement très relatif. Le climat anxiogène et fantasmatique de la période pandémique, a profondément inspiré Grey Origin. De fait, le compositeur résume l'album comme « un voyage dans l'agitation, celle de l'âme humaine incarnée par un quinquagénaire vivant une époque sombre, métaphorisée par une histoire de S.F vintage ». Il laisse pour autant le soin à tout un chacun d'en avoir sa propre lecture. [ Chronique de Michel Linker ] [ A écouter : Le Docteur - The Plague - Grey Origin (Preview) ] |
Xavier Boscher : Firescapes (Orfeo'lab distribution / Bandcamp), 15 novembre 2021 1. Pyrotechnic (15:50) - 2. Lightning (feat. Julien Brière) (4:21) - 3. Chuck's Flame Will Live Forever (3:12) - 4. Heart On Fire (feat. Thomas Leroy) (4:28) - 5. Au Coin Du Feu (3:06) - 6. Conflagration (feat. Benjamin Masson) (5:21) - 7. Thermic Vision (3:37) - 8. Mercury Planet Retrograde (4:02) Xavier Boscher (compositeur, interprète, producteur) Après Waterscapes et Earthscapes, le guitariste Xavier Boscher poursuit son exploration des éléments dans ce qui s'annonce être une tétralogie. Ce troisième volume est consacré au feu comme l'indique le titre de l'album, ceux des plages, ainsi que la très belle peinture de Sacha & Xavier Boscher reproduite sur la pochette dont les couleurs dominantes sont celles du soleil. Le bien nommé Pyrotechnic démarre le répertoire sous des auspices favorables : ce morceau épique de 16 minutes est un vrai feu d'artifice. La diversité des rythmes et des ambiances comblera les amateurs de fusion progressive musclée. La guitare électrique se fraie un chemin à travers cette composition ambitieuse dont on a parfois un peu de mal à trouver le fil d'Ariane. Qu'importe, puisqu'il n'y a qu'à se laisser emporter dans la tourmente au gré des multiples mélodies qui se succèdent avec panache du début à la fin. L'album vire franchement métal à plusieurs reprises. Sur Lightning, un autre guitariste, Julien Brière, est venu poser un solo explosif tandis que Chuck's Flame Will Live Forever nous emmène aux franges d'un « death métal » heureusement uniquement instrumental. Thermic Vision complète le côté musclé du répertoire avec un riff dévastateur propre à déraciner les derniers arbres de la forêt équatoriale. Au milieu de cet embrasement, Au Coin Du Feu est une petite friandise acoustique aux accents folk et même un peu jazzy qui fait du bien aux oreilles. Quant à Heart On Fire, qui bénéficie de la présence du guitariste Thomas Leroy en invité, on tombe vite sous le charme de sa mélodie finement ciselée et du jeu des guitares qui s'enchevêtrent jusqu'à plus soif. Les deux morceaux les plus originaux, mais aussi les plus étranges du disque, sont d'une part, Conflagration, qui fait penser au chaos que pourrait provoquer l'incendie d'une cité, et, d'autre part, Mercury Planet Retrograde qui, tel un space-opéra, clôture le disque dans une apothéose grandiose et bariolée. Encore une fois, les compositions et la guitare de Xavier Boscher nous ont emporté dans un voyage science-fictionnel, mêlant le feu majestueux des supernovas à celui mortel de l'apocalypse. Combinant la maîtrise technique du métal progressiste à des passages mélodiques arrangés avec goût, Firescapes est la bande-son d'un voyage mouvementé à travers des feux telluriques d'origine inconnue. [ Chronique de Pierre Dulieu ] [ Firescapes sur Bandcamp ] [ A écouter : Mercury Planet Retrograde ] |
La Vague Planante, Électronique Et Expérimentale Allemande Des Années 70 (Le Mot Et Le Reste), nouvelle édition 2021, 432 pages.
Concepteur et rédacteur du site Néosphères, Éric Deshayes, grand passionné des courants musicaux des années 70, a déjà publié chez le même éditeur L'Underground Musical En France et, dans le même cadre que le livre présenté ici, les biographies de Kraftwerk et de Can, deux groupes également chroniqués dans ce dernier ouvrage et plus précisément dans sa nouvelle édition 2021. Cet essai expose en guise de préambule, une histoire musicale de l'Allemagne subdivisée en périodes de trois à six ans depuis l'après-guerre d'un pays dévasté à la période post-punk de la fin des années 70. Ensuite, d'Agitation Free à Zodiak Free Arts Lab, le cœur de l'ouvrage présente des chroniques classées par ordre alphabétique de 42 groupes emblématiques, décrivant leur histoire et retraçant leur discographie (parfois sélective). Le chapitre qui leur est dédié, s'étend selon leur importance, de trois (Deuter, Limbus, ..) à une dizaine de pages ou plus (Agitation Free, Amon Düül II, Ash Ra Tempel, Can, Faust, Kraftwerk, Klaus Schulze, Tangerine Dream). Nonobstant, le lecteur retrouvera dans cette sélection un bon nombre de formations ayant laissé une empreinte significative dans ces courants musicaux (Cluster, Embryo, Guru Guru, Harmonia, Neu!, Popol Vuh, Hans-Joachim Roedelius, le guitariste Michael Rother, Conrad Schnitzler, Asmus Tietchens, …). La troisième partie du livre présente dans ce même format chapitré, les producteurs et managers, les personnages influents comme l'avant-gardiste Karlheinz Stockhausen, ainsi que les labels. Enfin, dans une chronologie présentée à l'identique au préambule historique, Éric Deshayes parcourt la période entre 1976 et le Post Rock du nouveau millénaire, évoquant les cousins et héritiers de ce genre musical, tels que Brian Eno et « l'ambient » ou encore la musique dite industrielle. A la fois utile et rendu facile à lire par une belle écriture, ce livre constitue une excellente référence à la fois pour les amateurs de musique électronique, planante et expérimentale, et pour les lecteurs en quête de découvertes dans un registre musical poreux et aux nombreuses ramifications. De surcroît, il s'agit probablement aujourd'hui du seul ouvrage de ce type existant en français. Vivement recommandé ! [ Chronique de Michel Linker ] [ Au-delà du Rock: La vague planante, électronique et expérimentale allemande des années soixante-dix ] |
Magnesis : Légendes De Nos Campagnes (Musea), France, 30 septembre 2021 1. Une Visite à la Campagne (10:41) - 2. Dans la Chaleur du Foyer (8:40) - 3. La jeune Fille et le Diable (4:22) - 4. Dis Moi… (6:12) - 5. A l'Est Rien de Nouveau (2:03) - 6. Camille (4:22) - 7. La Vieille (4:18) – 8. Légendes au Coin du Feu (27:59) Eric Tillerot (chant, claviers, mellotron, basse, guitares acoustiques et électriques); Fabrice Foutoillet (guitares électriques et rythmique, chœurs); Denis Codfert (batterie, percussions); Ivan Jacquin (claviers, piano : 8); Jean Pierre Matelot (claviers, chœurs : 3); Magali Buffet (narration : 8) Depuis sa création à Dijon en 1987 autour du chanteur, auteur, compositeur et multi instrumentiste Éric Tillerot, Magnesis parcourt le paysage du rock progressif français dans un courant spécifique qui depuis les années 70, associe l'esthétique musicale à une forme théâtrale et visuelle par ses costumes de scène autour du chant et de la narration d'histoires et de légendes. Ce genre initié par Genesis période Gabriel ou, en France, par Ange et les frères Décamps, deux formations qui ont accompagné l'adolescence du leader, est perpétué par le groupe bourguignon qui s'est indéniablement forgé un style propre au fil de onze albums studio majoritairement conceptuels dont L'Immortel Opera, chef d'œuvre absolu paru en 2005. Voici donc, un an après La Bête Du Gévaudan, le douzième opus du groupe, qui clôt une trilogie rendant hommage à cette région d'Auxois Morvan qui a vu grandir Éric. Le premier album, La Dame de Braise (2015), en contait l'histoire aux temps médiévaux, puis Prés En Bulles (2017), entièrement instrumental, en dépeignait les paysages de vallons et de bocages. Légendes De Nos Campagnes est sans nul doute l'œuvre la plus personnelle d'Eric Tillerot en ce sens qu'au fil d'un généreux répertoire d'une durée de 68 minutes, elle évoque la propre histoire du musicien, de sa famille et de son terroir, autour de faits historiques ou de légendes que son grand-père et inspirateur lui contait soir après soir au coin du feu. Une Visite A La Campagne, pièce instrumentale dominée, comme l'ensemble de l'album, par les claviers, commence par un départ allègre suivi du temps du voyage, onirique et atmosphérique, et enfin d'une arrivée sur une rythmique évoquant un train qui ponctue chaque séquence et qu'on imagine passant de village en village. La Chaleur Du Foyer réveille les souvenirs hivernaux de l'enfance portés en douceur par des claviers qui carillonnent, nappés de synthétiseur et d'une guitare aérienne au service d'un chant narratif. C'est au rythme enjoué d'une danse du folklore morvandeau qu'Éric nous conte la légende de La Jeune Fille Et Le Diable. Le morceau suivant, Dis-Moi, récit du grand-père évoquant la guerre au son d'une guitare acoustique entremêlée de pluie et d'orage, rappelle irrésistiblement Emile Jacotey. Après un morceau hommage à l'oncle Camille, survivant des Goulags sibériens, La Vieille, évocation de la matriarche du village usée par les deux guerres, sur des notes de piano légèrement enveloppées par du mellotron, nous replonge avec émotion dans l'âge d'or de la chanson française au temps de Ferré et de Brel. Mais c'est bien la huitième et dernière plage de cet album d'une durée de 27 minutes découpée en 5 parties que nous épinglerons : Entre un Avant-Propos à la guitare acoustique et un doux Epilogue au piano d'Ivan Jacquin, asseyons-nous face au feu crépitant de la cheminée et laissons-nous conter par Éric et par la narratrice Magali Buffet ces légendes du Loup Garou De Saint Agnan dit « le Crassou », de La Lavandière d'Alligny En Morvan et des Jeunes Filles Et La Lune. Nul doute que c'est sur scène que ces pièces vivantes, comme l'essentiel de l'œuvre du groupe, prendront toute leur dimension. Par bonheur, la sortie imminente (cd + dvd) en ce mois de Décembre de Magnesis Fête ses 30 balais au Crusoé offrira une belle opportunité de (re)découvrir Magnesis, et cette fois dans la dynamique d'un live datant du 11 Novembre 2007 qui célébrait les 30 ans du groupe bourguignon et reprenait dans son intégralité l'album La Dame De Braise. Enfin, notons également qu'en septembre 2022, un second concert événement se tiendra, toujours à Dijon, au prestigieux Théâtre des Feuillants, cette fois pour les 35 ans de Magnesis, également immortalisé en dvd, et dont le titre Dernier Délire laisse perplexe quant à la suite. L'ensemble de l'œuvre du groupe est distribué par le label lorrain Musea. [ Chronique de Michel Linker ] [ Legendes de Nos Campagnes (CD / Digital) ] [ A écouter : Legendes De Nos Campagnes (full album) ] |
Molesome : Aftonland (Indépendant), Suède, 9 août 2021
1. The Final Option (3:17)- 2. Friction (10:02) – 3. Tremolo (3:55) – 4. Vox Humana (11:49) – 5. Fading Joni (2:10) – Exit (8:53) Mattias Olsson (percussions, onde magnétique, guitare électrique, platines, guitare à résonateur, batterie à répétition instantanée, Moog 15, cloches tubulaires, Korg mono, celeste, accordéon, Vako Orchestron, mellotron, glockenspiel, clochettes, timbales, kantele, Optigan) ; Hampus Nordgren-Hemlin (grand piano, celeste, guitare électrique, trompette, trompette basse & contrebasse, tuba, Vako Orchestron, orgue) ; Stina Hellberg-Agback (Harpe) ; David Keller (violoncelle, violoncelle électrique) ; Leo Svensson-Sander (violoncelle) ; Reine Fiske (guitare électrique) ; Lars Fredrick Froisle (Hammond C3) ; Tiger Olsson (chant) ; Anna Eklund-Tarantino (chant) ; Asa Carild (chant) ; Martin Von Bahr (hautbois, cor anglais) Depuis Änglagard et White Willow dont il était membre, le compositeur et multi-instrumentiste suédois Mattias Olsson peut assurément porter le qualificatif d'artiste prolifique, totalisant quelques 160 albums, que ce soit à travers de nombreuses collaborations (Pixie Ninja, Pine Forest Crunch, In These Murky Waters, Elisa Montaldo…), ses sessions de musicien ou encore ses productions. C'est sous le nom de Molesome que démarre concrètement son projet solo depuis Songs For Vowels And Mammals en 2015. Ces albums trouvent tous leur genèse dans des événements entourant le musicien, qu'ils soient musicaux ou personnels, comme la perte d'un ami cher qui enfantera le céleste et poignant Tom & Tiger (2020). A l'exception de Are You There ? (2021) ancré davantage dans le rock progressif, ces œuvres difficilement classables s'inscrivent dans un registre mêlant électronique, ambient et expérimental. Aftonland nous immerge précisément dans cet univers invitant au calme, à la contemplation et à l'introspection. Imaginons un lieu, non pas physique et en trois dimensions, mais mental et onirique, aux contours dessinés par des ambiances sonores, guidant notre esprit et nos sens au fil de l'exploration de six pièces majoritairement acoustiques. Leur lenteur ainsi que l'absence de rythmique (à l'exception, relative, de Vox Humana) créent une sensation d'apesanteur. Dès l'introduction, les longues notes de violoncelle de David Keller, accompagnées par une harpe légère, installent un climat mélancolique présent sur tout le répertoire qui inclut des plages courtes représentant à la façon d'un sas des points de passage vers des pièces plus conséquentes. Tremolo est construit comme Fading Joni sur trois notes répétitives de guitare pouvant rappeler la bande originale de Paris Texas (Ry Cooder), toutefois légèrement nappées sur ce troisième titre d'un orgue Hammond. Friction déploie une longue respiration de 10 minutes dans laquelle le violoncelle de Leo Svensson-Sander, la harpe de Stina Hellberg ainsi que la subtile guitare électrique de Reine Fiske (Landberk, Paatos, Motorpsycho) se fondent au service d'une musique ambient au minimalisme cher à Brian Eno ou à Steve Roach. Mais c'est bien Vox Humana qui représente, au fil de ses 12 minutes, la pièce la plus ambitieuse de par son architecture complexe, à savoir quatre lignes harmoniques divisées en quatre modules distincts (respectivement en 16/4, 15/4, 14/4 et enfin en double temps). Autre tour de force, la lenteur de cette musique polyrythmique permet une succession d'accords qui se renouvellent constamment et sans répétition. Enfin, comme sur l'ensemble de l'album, l'artiste n'a jamais eu recours au digital, à l'instar des 16 voix humaines utilisées et arrangées ici, et d'une sélection très minutieuse de musiciens et d'instruments, notamment Hampus Nordgren-Hemlin (grand piano, celeste, guitare électrique) et Ulf Äkerstedt (trompettes, tuba). Le répertoire se referme sur Exit, aux tintements et carillons semblant marquer la fin du périple. Ce concept album non pas narratif mais exploratoire, nécessite une écoute ininterrompue afin que ce « voyage en un ailleurs » vous livre toute sa substance. Quant à Mattias Olsson, il poursuit en parallèle de nombreux projets, notamment une nouvelle collaboration avec le groupe de rock progressif norvégien Pixie Ninja, et prépare d'ores et déjà deux nouveaux albums de Molesome (Running Out Of Change et Les Larmes Du Monstre). [ Chronique de Michel Linker ] [ Aftonland sur Bandcamp ] [ A écouter : Fading Joni ] |
Half A Band : Tales From Topographic Horizons (Vallis Lupi), France, 10 septembre 2021
1. The Great Collapse Part One (20:12) - 2. The Game IS Over (8:49) – 3. The Great Collapse Part Two (16:12) – 4. The Future Looks Bright (25:28) Olivier Bruneau (chant, piano, clavier Prophet, synthétiseur analogique Minibrute, string machine, pédales de basse, guitares électriques, piano électrique, synthétiseur VA, guitare basse, batterie, TR-808, mellotron, orgue à roues phoniques, glockenspiel, butadream, cloches tubulaires) Claviériste de Grandval, ayant collaboré avec Sundayer, Birkenhead et Cargobelly, compositeur, multi-instrumentiste, Olivier Bonneau réalise ici, et depuis 2016, son septième album sous le nom humoristique de Half A Band, s'agissant du seul membre de ce groupe. Faisant un double clin d'œil à Yes par ce titre et par un répertoire de 4 morceaux, Tales From Topographic Horizons trouve une filiation dans le registre progressif des années 70 et 80, mettant davantage l'accent sur une musique atmosphérique, épurée, comme l'annoncent les premières notes de piano qui ouvrent l'album. Née du premier confinement de la crise sanitaire, elle est empreinte d'une mélancolie nourrie à la fois par le spleen de l'artiste et par la fragilité du monde moderne. Half A Band puise son inspiration dans de nombreux univers musicaux tels que l'ambient (Brian Eno avec Music For Airports, et surtout le dernier album de No-Man, Love You To Bits caractérisé par peu de titres et des morceaux longs emmenés par une rythmique addictive). Olivier Bonneau évoque également la new wave, depuis sa genèse (Closer de Joy Division) en passant par certains artistes des générations suivantes et actuelles (l'album The Colour Of Spring de Talk Talk, ou encore l'univers psyché de Tame Impala). Cet album présente donc quatre morceaux caractérisés d'abord par une construction très libre qui s'affranchit d'un bon nombre de codes et d'usages. Sur The Great Collapse Part 1, la voix d'Olivier semble se fondre, comme dans l'ensemble du répertoire, dans une instrumentation s'appuyant sur des nappages de claviers qui investissent tout l'espace à la façon d'un large travelling parcourant cette nature faite de vastes étendues de monts et de vallons du pays auvergnat dont le musicien est originaire. Malgré ses 9 minutes, The Game Is Over est la pièce la plus courte du répertoire dans laquelle, sur un tempo soutenu, les guitares électriques parfois gilmouriennes appuient de leurs arpèges puis de leurs riffs aériens, pianos électriques, synthétiseurs et un chant toujours léger. Les deux pièces suivantes, riches d'une instrumentation mêlant claviers vintage et modernes qui ne renie pas les grandes figures du passé (Rick Wakeman, Tony Banks ou Rick Wright), alternent une succession d'ambiances bigarrées et d'effets sonores toujours harmonieux, passant de séquences aériennes à des passages au groove porté par une section rythmique inspirée, et qui dévoilent au fil des changements leur lot de surprises. Tales From Topographic Horizons est édité par le Label independant Vallis Lupi, auvergnat lui aussi, et qui d'ores et déjà, annonce par ailleurs, la sortie prochaine du troisième album de Grandval pour lequel, contrairement à l'opus précédent Descendu Sur Terre, Olivier Bonneau contribuera à la composition. [ Chronique de Michel Linker ] [ La page Facebook de Vallis Lupi ] [ A écouter : The Game Is Over sur Bandcamp ] |
Kosmogon : Mässan (Tonbad Grammofon), Suède, 27 août 2021
1. Mässan (25:00) - 2. Somnus (22:57) Sophie Linder (mellotron, Logan string machine, électronique); Nicklas Barker (orgue, Arp odyssey, mellotron, bandes) Mässan inaugure la discographie de Kosmogon, duo suédois réunissant Sophie Linder, pianiste de formation classique, autant passionnée par Chopin, Debussy ou Pärt que par la musique traditionnelle de son Pays, et de Nicklas Barker, compositeur, chanteur, guitariste et mellotroniste, bien connu en tant que membre d'Anekdoten ainsi que de My Brother The Wind où il évoluait déjà vers le space rock. Kosmogon puise majoritairement son inspiration dans la musique électronique, depuis les pionniers attachés à l'école de Berlin (Klaus Schulze, Tangerine Dream, Manuel Göttsching, Ash Ra Tempel et surtout leur compatriote Anna Själv Tredje), mais également les courants expérimentaux (Harmonia ou les français Luc Ferrari et Bernard Parmegiani). Il va sans dire que Sophie et Nicklas se sont dotés d'un ensemble d'instruments spécifiques, dont entre autres, un mellotron M400 vintage de 1973 et un orgue analogique Farfisa. L'album présente deux pièces de durées respectives de 25 et 23 minutes, dans un format familier aux groupes allemands précités, la version vinyle comptant un titre par face. Dès les chants d'oiseaux qui l'ouvrent et le clôturent, le morceau-titre Mässan annonce une pièce contemplative dépeignant en six parties, du crépuscule à l'aube, le cadre bucolique d'une forêt. Un bourdon créé par une « Logan String machine », accompagne en permanence cette musique minimaliste et planante, bercée par les arpèges d'un ARP Odyssey, et livrant ici et là un grand nombre de détails sonores, comme le souffle du vent, évocation de Timewind (Klaus Schulze), ou encore des murmures et des chuchotements faisant écho à Trussilago Fanfara (Anna Själv Tredje). Mässan revêt également un caractère pastoral au travers des séquences de mellotron inspirées par les appels ancestraux aux troupeaux, héritage perpétué par la musique du folklore suédois. Somnus est le résultat d'improvisations à partir de drones, enregistrées par Sophie en utilisant deux mellotrons et plusieurs chambres d'écho ; elle décrit cette expérience comme un véritable élan créatif, un retour à la composition, après une pause de 20 ans, particulièrement portée et inspirée par les innovateurs de la musique électronique (Eliane Radigue, Wendy Carlos et Ralph Lundsten). Ses travaux ont ensuite été compilés par Nicklas en une longue pièce méditative qui forme au final, avec Mässan, une œuvre compacte et précieuse, mettant nos sens en éveil et suscitant de quiètes émotions. Finalisé début 2021 dans un studio privé de Stockholm, cet album a aussi été l'occasion de créer la maison de disques Tonbad Grammofon, et déjà une nouvelle sortie est prévue dans le courant de l'année 2022 dans ce même registre de musique expérimentale contemporaine. [ Chronique de Michel Linker ] [ Kosmogon sur Bandcamp ] [ A écouter : Mässan sur Bandcamp ] |
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