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The Flower Kings : Islands (Inside Out Music), Suède, 30 Octobre 2020 | |
CD 1 (49:40) : 1. Racing With Blinders On (4:24) - 2. From The Ground (4:02) -3. Black Swan (5:53) -4. Morning News (4:01) - 5. Broken (6:38) - 6. Goodbye Outrage (2:19) - 7. Journeyman (1:43) - 8. Tangerine (3:51) - 9. Solaris (9:10) - 10. Heart Of The Valley (4:18) - 11. Man In A Two Peace Suit (3:21) CD 2 (43:01) : 1. All I Need Is Love (5:48) - 2. A New Species (5:45) - 3. Northern Lights (5:43) - 4. Hidden Angles (0:50) - 5. Serpentine (3:52) - 6. Looking For Answers (4:30) - 7. Telescope (4:41) - 8. Fool’s Gold (3:11) - 9. Between Hope & Fear (4:29) - 10. Islands (4:12) Roine Stolt (chant, guitares, claviers Additionels); Hasse Fröberg (chant, guitare acoustique): Jonas Reingold (basse); Zach Kamins (claviers); Mirko DeMaio (drums) + Rob Townsend (sax soprano) Comme Neal Morse, Roine Stolt est un stakhanoviste du prog. Le voici de retour avec ses Flower Kings, moins d'une année après Waiting For Miracles, pour un double album rempli de plus de 90 minutes de musique impossible à digérer en une seule écoute. Au niveau du style général, rien n'a vraiment changé : depuis les années 90, les Suédois ont acquis un savoir faire qui se perpétue avec de plus en plus de professionnalisme à chaque nouvelle production. De progression, il n'en est pas question ici mais, en revanche, on retrouve au fil de ces 21 compositions tout ce qui fait le charme de ce groupe : des mélodies en pagaille, des solos flamboyants de guitare, de bonnes vibrations avec des textes globalement optimistes, des compositions fluides (et plus courtes que d'habitude) louchant parfois vers le rock classique ainsi qu'une manière de les arranger qui renvoie bien souvent au groupe Yes (la pochette conçue par Roger Dean n'est pas là pour rien). Le seul bémol en ce qui me concerne est la longueur du show qui entraîne inévitablement une baisse d'intérêt avec ce qu'on suspecte être (sans doute à tort) des longueurs inutiles. C'est toutefois un problème récurrent chez ce groupe qui a énormément de qualités dont ne fait toutefois pas partie la concision. On ne boudera pas pour autant son plaisir et on découvrira ce disque à son rythme. Personnellement, j'y ai repéré d'excellents titres qui sortent assez vite de la masse musicale et qui m'ont permis de composer un album simple d'une quarantaine de minutes où il n'y a plus rien à jeter. Quel groupe de prog actuel pourrait en dire autant ? [4/5] [ Islands (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : From The Ground - Morning News - Broken ] |
Ancient Veil : Unplugged Live (Lizard Records), Italie, 2020 | |
1. Rings of Earthly Light (suite) - 2. Only When They're Broken - 3. The Way Home - 4. Chimes of The Times - 5. A clouded Mind - 6. Feast of The Puppets - 7. New - 8. Return to The Past - 9. Creatures of The Lake - 10. You'll Become Rain - 11. You'll Become Rain (part two)
Alessandro Serri (guitares, chant), Edmondo Romano (Saxo soprano, flutes à bec, clarinette, low whistle), Fabio Serri (piano, claviers), Massimo Palermo (basse), Marco Fuliano (batterie), Marco Gnecco (hautbois) On n'arrête plus Ancient Veil depuis son retour sur le devant de la scène prog italienne au mitan de la décade 2010/2020. Pour rappel Ancient Veil est l'émanation du groupe Eris Pluvia dont l'album sorti en 1991, Rings of Earthly Light, a servi de référence à pas mal de musiciens italiens prog dont Fabio Zuffanti pour son projet Höstsonaten. Ancient Veil a connu une première vie durant les années 90 avant de disparaître puis de réapparaître en 2013 avec à la clé quelques participations à des albums tribute de Mellow records et surtout un nouvel album studio en 2017, cette fois chez Lizard Records, I am changing. Depuis 2017 donc, le groupe enchaine les sorties discographiques avec une belle constance dans la régularité comme dans la qualité. On pourra d'ailleurs à juste titre se demander l'intérêt d'un nouvel album live tout juste deux ans après Rings of Earthly...Live qui remplissait parfaitement son rôle. Ancient Veil n'est pas une formation phare au point de ressentir le besoin d'inonder ses fans d'une offre musicale pléthorique. Alors quoi ? Les membres du groupe ont pensé que leurs compositions se prêteraient bien à une relecture acoustique agrémentée et augmentée de parties spécialement écrites pour ce type d'exercice. Banco ! (joke réservé aux aficionados du prog italien). Car le type de musique proposé par Ancient Veil et avant Eris Pluvia (plusieurs titres de la set list de ce live sont issus du répertoire d'Eris Pluvia) convient parfaitement pour ce type d'exercice. Mieux ! L'interprétation sur instruments traditionnels sans (ou presque) électricité met en valeur ces pièces qui se révèlent finalement d'inspiration très classique voire médiévale avec en corolaire l'ombre du vieux Genesis qui s'éloigne (à l'écoute de cet album vous ne serez pas sans remarquer que certains passages font penser au groupe précité mais aussi et surtout à Steve Hackett et Anthony Phillips). La musique d'Ancient Veil vit ici par elle-même et pour elle-même. C'est une occasion inespérée pour Edmondo Romano de mettre en avant les divers instruments à vent qu'il utilise avec sa maestria habituelle. C'est aussi un bel écrin pour le chant frêle et à la limite de la fragilité d'Alessando Serri qui peut ainsi faire passer tout ce que sa voix exprime habituellement de sensibilité et d'émotion contenue. Tout est précieux à entendre et à savourer sur cet album, mais je vous recommande particulièrement le dyptique You'll Become Rain, lui aussi en partie réécrit, qui a tout de la mini-suite épique parfaite (la basse et la batterie arrivant en renfort sur ce morceau). Au final, je ne suis pas loin de penser que ce Unplugged Live est à ce jour la meilleure production des génois ce qui non seulement ne minore en rien l'appréciation que j'ai de leurs précédents albums mais indique au contraire le haut niveau de maîtrise atteint par ces musiciens pour qui "expression artistique" rime avec "perfection". A quand un nouvel album studio construit sur le même principe et la même instrumentation ? [4½/5] [ Chronique de Louis de Ny ] [ Ancient Veil (Unplugged Live) (CD / Digital) ] [ A écouter : Rings of Earthly Light (suite) ] |
Xavier Boscher : Waterscapes (Indépendant), France, 20 novembre 2020 | |
1. Cataract (4:04) - 2. Nectar Ocean's Depths (3:14) - 3. Atlantis (6:41) - 4. Coral Reef (3:39) - 5. Hydrotherapy (3:42) - 6. Abyssal (5:09) - 7. Fairy Pool (3:55) - 8. Sea Cathedral (4:54) - 9. Watershed (4:32)
Xavier Boscher (tous les instruments, production, art) Orné d'une superbe pochette, peinte par Xavier Boscher lui-même, qui évoque des turbulences océaniques, Waterscapes nous offre un nouveau voyage imaginaire dans les épaisseurs océanes, dernier refuge du doute et ultime bastion de l'inexplicable. Faut-il s'étonner dès lors si cette musique énivre et fascine ? Il est difficile d'enfermer Xavier Boscher dans un style particulier tant ces petites miniatures purement instrumentales s'abreuvent à divers genres comme le rock, la fusion, le métal et même le blues (comme sur le splendide Nectar Ocean's Depths, déjà sorti en simple il y a quelques mois). En ce sens, il n'est pas déraisonnable de comparer Xavier à Joe Satriani qui, au-delà de son approche technique et virtuose de l'instrument, a su faire évoluer sa conception musicale en accordant de plus en plus d'importance aux arrangements et surtout à la sonorité, aux mélodies, aux subtilités et aux ambiances de ses compositions. Waterscapes vous emmènera dans des recoins tranquilles où la lumière donne des reflets d'émeraude à la mer (Nectar Ocean's Depths), au cœur des bouillonnements majestueux des grandes chutes (Sea Cathedral), dans les profondeurs abyssales insondables et mystérieuses peuplées de créatures fantastiques (Abyssal), ou dans des cités antiques disparues jadis submergées par de gigantesques raz-de-marée (Atlantis). Xavier Boscher vous fournira même la musique planante dont vous aurez besoin pour flotter calmement dans la piscine d'un centre thalasso de relaxation (Hydrotherapy). Waterscapes est un album varié et élégant, parfois excitant et parfois atmosphérique mais toujours évocateur de son sujet : l'eau dans sa diversité naturelle, si indispensable et à l'origine de toute vie. Pour être clair, cet album me paraît être le plus distinct, le plus abouti et le plus riche en émotion que Xavier Boscher a enregistré jusqu'ici. Recommandé! [4½/5] [ Waterscapes sur Bandcamp ] [ Waterscapes (CD / Digital) ] |
Gazpacho : Fireworker (Kcope), Norvège, 18 septembre 2020 | |
1. Space Cowboy (19:43) - 2. Hourglass (04:15) - 3. Fireworker (04:41) - 4. Antique (06:24) - 5. Sapien (15:22)
Thomas Andersen (claviers); Jan-Henrik Ohme (chant); Jon-Arne Vibo (guitars); Mikael Krømer (violon, guitares); Kristian “Fido” Torp (basse); Robert R Johansen (drums) La nouvelle livraison de ce groupe de rock atmosphérique basé à Oslo est une grande réussite. Le thème s'attache à explorer les recoins de l'esprit humain où, selon le claviériste Thomas Andersen, vit une force distincte et dominante, séparée de la conscience, qui contrôle en sourdine nos actes et nos pensées. C'est cette entité dominante et immortelle, parfois appelée Lizard ou Space Cowboy, qui donne son nom au disque : Fireworker. L'album est donc cette fois encore conceptuel avec cinq chapitres différents mais qui seront avantageusement écoutés les uns à la suite des autres. Musicalement, le sextet norvégien continue d'évoluer comme le prouve la première composition épique du répertoire : de son introduction planante au piano à sa partie finale symphonique avec chœurs, Space Cowboy est une suite grandiose qui enveloppe littéralement l'auditeur afin de le transporter ailleurs. Jamais jusqu'ici, Gazpacho n'avait écrit un tel arrangement aussi complexe, spectaculaire et abouti. Après ce tour de force, Hourglass renoue avec les ambiances atmosphériques qui caractérisent la musique de Gazpacho depuis Night, son premier chef d'œuvre sorti en 2007. La voix de Jan-Henrik Ohme est parfaite sur un fond nostalgique de piano mais on y épinglera aussi un bref retour des chœurs suivi d'un beau solo de violon par un Mikael Krømer de plus en plus présent. Plus énergique, le titre éponyme marque une première incursion des Norvégiens dans un rock plus pop, façon années 80, qui lui sied bien. Après un Antique à nouveau planant, le disque se clôture sur un second titre épique, Sapien, de plus de 15 minutes, qui s'avère lui-aussi totalement dépaysant. Les guitares qui s'envolent lentement sur un rythme lent et hypnotique sont comme des fusées qui montent majestueusement vers l'espace en laissant derrière elles des traînées rémanentes. Quant à la pochette, elle est splendide surtout dans sa version double et grand format (gatefold) qui accompagne l'édition vinyle. Fireworker est un album exceptionnel de la part d'un groupe décidément en très grande forme depuis quelques années et dont la puissance créative semble aujourd'hui à son apogée. C'est en tout cas l'un des rares dans le petit monde du prog qui ne se contente pas de vivre sur ses acquis mais qui progresse vraiment à chaque nouvelle production. Vivement recommandé ! [4½/5] [ Fireworker (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : Fireworker - Hourglass ] |
The Tangent : Auto Reconnaissance (InsideOut), UK, 21 août 2020 | |
1. Life on Hold (5:34) - 2. Jinxed in Jersey (15:59) - 3. Under Your Spell (5:51) - 4. The Tower of Babel (4:36) - 5. Lie Back & Think of England (28:24) - 6. The Midas Touch (5:54) - 7. Proxima (bonus track) (12:30)
Andy Tillison (chant, claviers); Theo Travis (saxophone, flûte); Luke Machin (guitare); Jonas Reingold (basse); Steve Roberts (drums) Ce groupe britannique mené par Andy Tillison produit régulièrement des albums qui, s'ils n'offrent plus guère de surprises, restent invariablement agréables à écouter. Dix-sept années après l'indispensable The Music That Died Alone et deux ans après Proxy, leur nouvel album est à nouveau affublé d'une belle pochette dessinée par le talentueux Ed Unitsky. Alors que le disque précédent déroutait un peu par l'inclusion de clins d'œil à des musiques actuelles, celui-ci revient sagement à une formule plus classique : le bon vieux prog-rock à la Flower Kings lui-même inspiré du rock progressiste des 70's. On sait que les plus grands titres de The Tangent sont ces chansons épiques où le leader chante ses mésaventures dans une ville souvent décrite avec humour et une certaine distanciation (Lost In London, Perdu Dans Paris). Il reprend ce thème fétiche dans Jinxed In Jersey, une composition épique réussie de 16 minutes racontant le trajet parcouru par le leader depuis son hôtel dans le New-Jersey jusqu'à la statue de la Liberté. L'autre pièce épique, Lie Back & Think Of England, ne décevra pas les amateurs tant les codes de ce genre de composition sont ici respectés à la lettre : improvisations jazzy, mélange des styles, équilibre entre les claviers et la guitare toujours experte du guitariste Luke Machin plus épisodiquement des interventions de flûte par l'excellent Theo Travis, passages atmosphériques sans oublier des incursions plus expérimentales conformes au rock de l'école de Canterbury. Le jazz s'invite parfois dans cette musique et c'est tant mieux. Quant au petit filet de voix d'Andy Tillison, il reste ce qu'il a toujours été mais ne dérange pas vu que ce n'est certainement pas ici l'élément primordial. En bref, Auto Reconnaissance est un album sans surprises mais de bonne facture et agréable à écouter. En dépit d'une durée beaucoup trop longue de 79 minutes, le répertoire parvient malgré tout à captiver grâce à un savant mélange de styles mais aussi par le jeu souvent inspiré des trois solistes. Si vous avez aimé A Place In The Queue, A Spark In The Aether ou The Slow Rust Of Forgotten Machinery, il est très probable que vous apprécierez sans doute aussi celui-ci. [4/5] [ Auto Reconnaissance (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : Life On Hold - The Tower Of Babel - Auto Reconnaissance (Teaser) ] |
Lonely Robot : Feelings Are Good (InsideOut), UK, 17 juillet 2020 | |
1. Feelings Are Good (1:16) - 2. Into the Lo-Fi (4:17) - 3. Spiders (5:04) - 4. Crystalline (5:16) - 5. Life Is a Sine Wave (6:33) - 6. Armour for My Heart (5:18) - 7. Suburbia (5:03) - 8. The Silent Life (5:04) - 9. Keeping People as Pets (5:20) - 10. Army of One (6:23) - 11. Grief Is the Price of Love (1:25)
John Mitchell (chant, guitare, basse, claviers); Craig Blundell (drums) Après la conclusion de la trilogie des "Astronautes", Lonely Robot, le groupe du guitariste et chanteur John Mitchell, existe toujours et propose même un nouvel album intitulé Feelings Are Good sorti sur le label InsideOut. Ce disque offre des chansons dont les thèmes sont plus personnels et bénéficie encore de la présence décisive du batteur Craig Blundell. Feelings Are Good, qui comprend 11 nouveaux morceaux plus une reprise de deux d'entre eux (The Silent Life et Crystalline) en version orchestrale, est un album très varié au plan musical, chaque chanson étant adaptée au panel d'émotions et d'expériences exprimées par le leader. Du rock puissant nourri par des refrains musclés de Into The Lo-fi ou de Keeping People As Pets à la mélodie introspective de Crystalline ou à la ballade The Silent Life avec cordes, piano et solo de guitare élévateur, on sent un réel travail de composition et d'arrangement motivé par la sincérité et la passion d'un musicien qui cherche, dans chaque nouvelle production, à affiner son approche et à faire mieux que les fois précédentes. Et il faut bien admettre que John Mitchell a encore réussi son coup : Feelings Are Good est un album brillant et jouissif, sans aucun temps mort, et où il n'y a rien à jeter. La pochette, dont l'image perturbante met en évidence le fait que les gens tentent généralement de se prémunir contre les émotions, a cette fois encore été réalisée par Paul Tippett / Vitamin P. Si vous appréciez des groupes comme It Bites, Frost* ou Kino plus, bien sûr, la trilogie des "Astronautes", Feelings Are Good est un excellent album que je peux vous recommander sans aucune réserve. [4½/5] [ Feelings are Good (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : Spiders - Life Is A Sine Wave ] |
Airbag : A Day At The Beach (Karisma), Norvège, 19 juin 2020 | |
1. Machines and Men (10:48) - 2. A Day at the Beach (Part 1) (3:55) - 3. Into the Unknown (10:27) - 4. Sunsets (8:16) - 5. A Day at the Beach (Part 2) (5:33) - 6. Megalomaniac (9:50)
Asle Tostrup (chant, claviers, programmation) Bjorn Riis (guitares, claviers); Henrik Fossum (drums) Désormais réduit à un trio, Airbag injecte plus d'électronique dans sa musique qui reste cependant toujours très atmosphérique. Peut-être un peu trop parfois quand les séquences se font répétitives et les solos de guitare de Bjorn Riis trop prévisibles. Mais dans l'ensemble, on se laisse glisser facilement dans ces ambiances plus moroses que ce que le titre de l'album suggère (encore que la pochette conçue par le chanteur Asle Tostrup, qui montre des ours en peluche avec la tête enfouie dans le sable, donne bien un indice qu'il n'est pas ici question de romance à la plage, de soleil et de mer bleue). L'évolution de ce groupe norvégien reste minimale par rapport aux albums précédents et les fans qui ont apprécié The Greatest Show On Earth ou Disconnected retrouveront à peu de choses près les mêmes recettes, certes efficaces mais aussi un peu génériques. Par contre, ceux qui ne connaissent pas encore ce groupe et qui apprécient des artistes comme David Gilmour, Porcupine Tree ou Gazpacho, peuvent opter pour ce cinquième disque de musique spatiale fort bien mixée et produite : ils ne seront probablement pas déçus. [3½/5] [ A Day at The Beach (CD / Vinyle / Digital) ] [ A Day At The Beach sur Bandcamp ] |
Once & Future Band : Deleted Scenes (Castle Face Records), USA, 10 avril 2020 | |
1. Andromeda (4:06) - 2. Automatic Air (4:12) - 3. Problem Addict (5:03) - 4. Several Bullets in my Head (4:16) - 5. Freaks (2:16) - 6. Mr. G (3:25) - 7. Deleted Scenes (4:35) - 8. Airplane (3:57) - 9. The End and the Beginning (9:08)
Joel Robinow (chant, guitars, claviers, basse, synthés, cordes); Eli Eckert (basse, guitares, chant); Raj Kumar Ojha (drums) + invités Un ami m'en a parlé, j'ai donc écouté, et j'ai été conquis : n'est-ce pas ainsi que les nouveaux groupes de prog se font une réputation, par le bouche-à-oreille? The Once & Future Band vient de Californie et leur second album, Deleted Scenes, est une petite pépite combinant soft-rock et prog avec de la fusion cool. Une mixture fraîche à entendre qui évoque ici Paul McCartney, là Crosby, Stills & Nash et, plus loin, Steely Dan ou la bande d'un film hollywoodien, tout ça en gardant, par la variété des styles abordés, une approche originale. De Freaks, jolie chanson dont les harmonies vocales évoquent instantanément les Beatles à Several Bullets In My Head, instrumental sophistiqué mais toujours mélodique avec ses claviers nonchalants, on change de genre mais pas de climat : l'atmosphère générale reste ensoleillée et le ciel est d'un bleu imperturbable comme l'océan. Le noyau du groupe est constitué de trois musiciens apparemment bien connus autour de la Baie : le chanteur et multi-instrumentiste Joel Robinow, le bassiste et guitariste Eli Eckert et le batteur Raj Kumar Ojha qui se sont fait aider sur cet album par des invités pour les chœurs, les cuivres et quelques parties de guitare. L'album s'écoute facilement dans son intégralité et donne immédiatement envie d'y retourner tellement on s'y sent bien. Si c'est ça le rock progressiste qu'on écoute sur la Côte Ouest, je me prendrais bien quelques jours de vacances sur une plage au bord du Pacifique. Recommandé! [4½/5] [ Deleted Scènes (CD / Digital) ] [ Deleted Scenes sur Bandcamp ] [ A écouter : - Andromeda - Freaks ] |
Pattern Seeking Animals : Prehensile Tales (InsideOut), UK, 15 mai 2020 | |
1. Raining Hard In Heaven (8:31) - 2. Here In My Autumn (7:56) - 3. Elegant Vampires (4:36) - 4. Why Don´t We Run (5:09) - 5. Lifeboat (17:09) - 6. Soon But Not Today (12:02)
Ted Leonard (chant, guitars); John Boegehold (claviers); Dave Meros (basse); Jimmy Keegan (drums) Ce spin off de Spock's Beard composé de John Boegehold, longtemps parolier et producteur du groupe, de Ted Leonard, Jimmy Keegan et Dave Meros, avait surpris l'année dernière par un splendide album éponyme. Moins d'une année plus tard, ils enfoncent le clou avec ce second essai, joliment affublé du titre absurde de Prehensile Tales, qui met une nouvelle fois en valeur les qualités de compositions ciselées avec un soin maniaque et dont les sujets variés (des vampires aux thésauriseurs) dénotent un réel talent de parolier. La musique de Pattern Seeking Animals est différente de celle de Spock'Beard, plus symphonique et surtout plus délicate, moins lourde si on veut, que celle produite par le Beard sur leurs dernières productions. L'utilisation d'une palette d'instruments plus large, incluant flûte, saxophone, trompette et violon, donne plus de corps aux arrangements sophistiqués tandis que les musiciens, tous virtuoses sur leurs instruments respectifs, se fendent de passages instrumentaux des plus jouissifs. Assorti d'harmonies vocales nuancées, le chant de Ted Leonard (qui se révèle ici également comme un excellent guitariste lead et rythmique) est par ailleurs parfait dans ce contexte de prog symphonique classique. La pochette a été réalisée dans un style de science-fiction par le graphiste allemand Thomas Ewerhard, déjà créateur de la splendide pochette du premier album de PSA mais aussi de couvertures légendaires pour divers artistes comme Neal Morse (Sola Scriptura, The Grand Experiment), Enchant (Juggling 9) et Spock's Beard (The Oblivion Particule). Prehensile Tales marque indéniablement un grand pas en avant vers une quasi-perfection, la qualité globale des thèmes et le pouvoir d'accroche des mélodies étant globalement supérieure au premier album. Si vous appréciez les Flower Kings, Neal Morse ou Transatlantic dans leurs titres les plus calmes et mélodiques, ce disque est pour vous. [4½/5] [ Prehensile Tales (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : - Raining Hard In Heaven - Elegant Vampires ] |
Pure Reason Revolution : Eupnea (InsideOut), UK, 3 avril 2020 | |
1. New Obsession (5:09) - 2. Silent Genesis (10:20) - 3. Maelstrom (5:44) - 4. Ghosts & Typhoons (8:45) - 5. Beyond Our Bodies (4:28) - 6. Eupnea (13:23)
Jon Courtney (chant, guitares, claviers); Chloë Alper (chant, basse, claviers) + Geoff Dugmore (drums) Voici un disque qui s'écoute très facilement parce que tout a été pensé pour ça. Les arrangements hyper-soignés qui coulent harmonieusement dans l'oreille, les harmonies vocales splendides du duo Chloë Alper et Jon Courtney, les compositions pas trop complexes mais avec assez de surprises pour maintenir l'attention, et le mélange efficace de planant/heavy qui n'est pas sans évoquer Anathema ou Porcupine Tree sur leurs derniers albums. On ressent aussi une volonté du groupe de mitiger ses envies "électro" et de revenir plutôt à la musique qui fit le succès de son premier opus, The Dark Third, sorti il y a 14 ans. Cela dit, les amateurs de rock progressiste genre Yes ou The Flower Kings ne trouveront ici ni envolées instrumentales excitantes ni compositions à tiroirs sophistiquées. Les chansons de Pure Reason Revolution sont conçues pour plaire immédiatement dès la première écoute, d'autant plus que le son haut de gamme, résultat d'un important travail d'édition et de production, flatte l'oreille avec une constance remarquable. Le nom de l'album, Eupnea, qui se réfère à une respiration normale ou paisible prend alors tout son sens. Cette musique, en dépit de quelques accélérations musclées louchant vers un métal moderne à la Tool, détend, repose, et même envoûte parfois. Pure Reason Revolution est probablement ce qu'il fallait au prog moderne pour lui redonner un nouveau souffle capable de le sortir des sempiternelles ornières du prog classique des 70's ou du néo-prog des 80's. Il reste à voir si la rémanence de cette musique, très belle mais quand même assez balisée, persistera durablement au-delà de plusieurs écoutes attentives. Comme je n'ai pas pour l'instant la réponse à cette question, ce sera à vous d'y répondre … dans quelques mois ! [4/5] [ Eupnea (CD / Vinyle / Digital) ] [ Eupnea sur InsideOut ] [ A écouter : Silent Genesis - Ghosts & Typhoons ] |
Glass Hammer : Dreaming City ( Sound Resources), UK, 17 avril 2020 | |
1. The Dreaming City (7:14) - 2. Cold Star (7:29) - 3. Terminus (4:17) - 4. The Lurker Beneath (1:44) - 5. Pagarna (3:33) - 6. At the Threshold of Dreams (4:11) - 7. This Lonely World (4:52) - 8. October Ballad (4:11) - 9. The Tower (2:40) - 10. A Desperate Man (4:15) - 11. The Key (6:10) - 12. Watchman On the Walls (11:29)
Steve Babb (claviers, basse, chant : 1, 5, 12); Fred Schendel (claviers, guitares); Aaron Raulston (drums) ; Susie Bogdanowicz (chant : 8); Brian Brewer (guitares); Reese Boyd (chant : 2, 11, 12, guitare); John Beagley (chant : 3, 7, 10); Joe Logan (chant : 11); James Byron Schoen (guitare : 11); Barry Seroff (flute : 2, 11) Ce nouveau disque de Glass Hammer intitulé Dreaming City est une œuvre conceptuelle en forme de thriller-poursuite, le principal protagoniste ayant trois jours devant lui pour retrouver sa compagne avant qu'elle ne meure. Steve Babb en décrit la musique comme un « hommage nostalgique à plusieurs genres musicaux dont le space rock, l'électronique Berlin-style, le métal des 70's et le rock progressiste des débuts. » L'album se présente comme un de ces anciens romans d'aventures incluant textes et illustrations, chaque chanson étant conçue comme un chapitre du livre. A noter qu'en plus du tandem fondateur composé de Steve Babb et Fred Schendel, le groupe emploie d'autres musiciens dont certains invités sur quelques morceaux seulement. On ne compte pas moins de cinq chanteurs différents qui interviennent à un moment ou un autre sur ce disque ainsi que plusieurs guitaristes et, sur deux titres, le flûtiste Barry Seroff. Musicalement, cet album est moins symphonique et nettement plus hard que ceux qui l'ont précédé sans pour autant faire l'impasse sur les mélodies. C'est juste que la rythmique est plus lourde et les solos de guitare plus hargneux tandis que l'orgue Hammond riffe et groove comme celui de Jon Lord au temps de Deep Purple (écoutez le single avec le titre éponyme). Mais Babb et Schendel sont des malins : ils ont intercalé des passages plus calmes, avec flûte et guitares acoustiques, qui rendent le tout très écoutable sans aucune fatigue auditive. C'est une nouvelle direction pour Glass Hammer qui s'inscrit désormais dans une approche plus rock classique tout en conservant malgré tout la variété et l'imprévisibilité du prog. [4½/5] [ Dreaming City [Import USA] (CD) ] [ A écouter : The Dreaming City - Dreaming City (Trailer) ] |
Grandval : Descendu sur Terre (Indépendant), France, 2020 | |
1. Exondation (5:40) - 2. Un nouveau destin (9:20) - 3. Puissances de l'infini (1:42) - 4. Descendu sur Terre (5:06) - 5. Fractal et systémique (5:35) - 6. Le chemin à l'envers (6:17) - 7. Il existe une étoile (10:38) - 8. La meute est dans la place (4:38) - 9. Brûler dans les flammes de l'enfer (5:25) - 10. La vie, pourtant, la vie (8:50) - 11. La maison de Men-Tää (6:34)
Henri Vaugrand (chant, basse, pédales basse, guitares acoustiques et électriques, claviers, programmation, sampling, harmonies vocales); Olivier Bonneau (claviers, pédales basse, guitares électriques, harmonies vocales); Jean-Baptiste Itier (batterie); Jean Pierre Louveton (guitares acoustiques et électriques, mellotron, programmation, harmonies vocales); Christophe Chalancon, Steph Honde, Kevin Serra, Raffaele Spanetta (guitares électriques). Mixage et mastérisation : Jean Pierre Louveton. Réalisation artistique : Jean Pierre Louveton et Henri Vaugrand J'ai un peu de mal à écrire que Grandval est "revenu" avec un second album tellement j'ai l'impression qu'il n'a pas bougé de son coin d'Auvergne. Comme pour le premier disque, A Ciel Ouvert, la pochette de celui-ci s'ouvre sur de grands espaces, les oiseaux, les montagnes, les nuages, le ciel immense troué par des colonnes de lumières. Tout ça donne fort envie d'écouter ce qui se dissimule à l'intérieur et, d'emblée, le premier titre, Exondation, ne déçoit pas. C'est avec un plaisir impossible à dissimuler qu'on s'immerge dans cet instrumental qui débute comme une longue plainte floydienne avant de s'aventurer sur des sentiers moins balisés. Steph Honde y prend la part du lion en faisant virevolter avec flamboyance sa guitare électrique sur une musique de plus en plus excitante qui grimpe très haut avant de revenir en mode planant au point de départ. Avec Un Nouveau Destin, on aborde le corps du répertoire et les chansons proprement dites. Le texte est hermétique et, par moments, la façon de narrer les paroles évoque les grands groupes de prog francophone comme Ange ou Mona Lisa. Plus personnel apparaît le Chemin à l'Envers, une excellente chanson dont les paroles ont cette fois un sens direct et profond, et qui, par la nostalgie qu'elle dégage, pourrait évoquer l'esprit si particulier des compositions de Gérard Manset. Sinon, j'aime aussi beaucoup Brûler dans les Flammes de l'Enfer et son arrangement psychédélique où l'on reconnaît sans peine le style rock un rien rageur de Jean Pierre Louveton dans les envolées jouissives de guitare. En finale, Grandval reprend La Maison de Men-Tää, un morceau sorti en face B d'un single d'Atoll de 1979, ici revisité dans une version modernisée et tout-à-fait convaincante. Un fil d'Ariane est ainsi posé qui situe Grandval dans la dynastie des grands combos de rock francophone qui surent concilier énergie et sophistication sans faire pour autant l'impasse sur leurs origines culturelles. Ce qui précède n'est toutefois qu'une présentation sommaire d'une partie de la musique offerte dans un compact qui dure quand même près de 70 minutes. Beaucoup d'autres surprises attendent l'auditeur qui voudra bien y consacrer du temps car, il faut le souligner, Henri Vaugrand n'a pas lésiné ni sur la quantité ni sur la qualité d'un album qui a dû lui demander d'innombrables heures de travail. Les arrangements ciselés à la perfection des grands morceaux épiques, comme Il existe Une Etoile ou La vie Pourtant La Vie, finiront rapidement par vous convaincre que Grandval est un groupe qui cherche (et bien souvent trouve) une manière originale d'exprimer son indiscutable talent. Recommandé ! [4/5] [ Descendu sur Terre (CD / Digital) ] [ Descendu Sur Terre sur Grandval Music ] [ A écouter : Le Chemin à l'Envers - Un Nouveau Destin ] |
Pat Metheny : From This Place (Nonesuch), USA, 21 février 2020 | |
1. America Undefined (13:22) - 2. Wide and Far (8:26) - 3. You Are (6:13) - 4. Same River (6:43) - 5. Pathmaker (8:19) - 6. The Past in Us (6:23) - 7. Everything Explained (6:52) - 8. From This Place (4:40) - 9. Sixty-Six (9:38) - 10. Love May Take Awhile (5:57)
Pat Metheny (guitars); Gwilym Simcock (piano); Linda May Han Oh (basse); Antonio Sanchez (drums); Hollywood Studio Symphony (orchestrations) + MeShell NdegeOcello (chant); Gregoire Maret (harmonica); Luis Conte (percussions) En compagnie de son batteur habituel d'origine mexicaine Antonio Sanchez, de la contrebassiste australo-malaisienne Linda May Han Oh et du pianiste britannique Gwilym Simcock, le guitariste Pat Metheny élargit encore son horizon en ajoutant après coup aux enregistrements, réalisés sans répétition préalable par son quartet, des arrangements orchestraux conçus par Alan Broadbent et Gil Goldstein, et conduits par Joel McNeely. On retrouve sur le titre America Undefined le souffle lyrique du Pat Metheny Group d'autrefois (avec le regretté Lyle Mays). Cette composition qui se développe comme une suite a un côté cinématographique avec l'inclusion de bruitages d'ambiance et de train. Son côté dramatique qui s'accentue graduellement fait rapidement oublier les improvisations virtuoses des instrumentistes au profit d'une vision d'ensemble à la fois grandiose et accessible. C'est l'une de ces immenses compositions épiques, riches de myriades de sonorités, comme le PMG nous en a déjà offertes quelques-unes dans le passé. Mais le répertoire offre aussi d'autres plaisirs qui témoignent du parcours varié du guitariste et de son intérêt pour les musiques les plus diverses. Ainsi Wide And Far évoque-t-il le Wes Montgomery de la période Verve quand le guitariste d'Indianapolis jouait lui-aussi en compagnie d'un orchestre arrangé et conduit par Don Sebesky. Sur Same River, Metheny pose à nouveau sa guitare synthé sur ces rythmes latins qu'il s'était jadis appropriés avec maestria sur Letter From Home. Et sur Everything Explained, il joue pleinement ce jazz fluide et mélodique dont il a depuis longtemps le secret. Le guitariste a invité Meshell Ndegeocello qui prête sa voix fragile pour un From This Place particulièrement poignant. Selon le leader, ce titre éponyme fut composé le 9 novembre 2016, soit le jour suivant la dernière élection présidentielle américaine qui a marqué l'histoire des Etats-Unis par l'extravagance du candidat républicain. Cette pièce de musique a pris une intonation tragique au fur et à mesure que les résultats de l'élection devenaient de plus en plus évidents. On se rend compte ici que si Pat Metheny est l'un des plus grands musiciens actuels, ce n'est pas à cause de son incroyable technique mais plutôt par la profondeur des sentiments que sa musique fait naître. On épinglera encore le tendre et solo d'harmonica posé par Grégoire Maret sur la ballade The Past Is In Us qui rappelle une autre collaboration émouvante avec Toots Thielemans sur l'album Secret Story. Alors que le guitariste n'avait plus produit de nouvelle musique depuis six ans, il est de retour, à la tête d'un quartet terriblement soudé, avec un album ambitieux et parfaitement structuré, rempli de sonorités envoûtantes, de mélodies splendides et d'atmosphères inédites. Entre jazz et fusion progressiste, aucune musique présente ou passée ne peut se comparer à celle de Pat Metheny ! [5/5] [ from This Place (CD / Vinyle / Digital) ] [ From This Place sur Bandcamp ] [ A écouter : America Undefined - Wide and Far ] |
Jean Pierre Louveton : Sapiens chapitre 1/3 : Exordium (Quadrifonic), France, 20 mars 2020 | |
Erectus (16.56) (1. Mastodontes 5.46 / 2. Homo sapiens 6.09 / 3. Ecce homo 5.01) - Exitium (15.55) (4. A condition 6.14 / 5. Le chaud et le froid 9.41) - Exodus (13.38) (6. Planète A 5.39 / 7. Alpha Centauri 7.59)
Jean Pierre Louveton (guitare, basse, chants, arrangements); Jean Baptiste Itier (drums) Consacrer une œuvre à l'Homo Sapiens est certes très original mais c'est aussi très ambitieux. Après tout, l'espèce est apparue sur terre il y a quelques 300.000 ans et l'étude de son évolution a déjà rempli des centaines de volumes. Jean Pierre Louveton, lui, a prévu trois albums pour faire le tour du sujet en musique. Ce premier volet, sous-titré Exordium, est donc le récit des origines, une entrée en matière si on veut. Le rideau s'ouvre comme au cinéma avec une ouverture grandiose à la Stanley Kubrick, mais ici, c'est de l'Odyssée de l'Espèce qu'il s'agit. Grands espaces et nature vierge : le décor est planté. L'aventure peut commencer. Le premier chapitre intitulé Erectus comporte deux instrumentaux entre lesquels vient s'insérer Homo Sapiens et son texte narratif présentant l'homme dressé, sa fragilité, sa détermination et sa capacité à survivre en dépit de ses faiblesses. Les riffs de guitare sont telluriques mais il se dégage parfois du magma des mélodies brillantes qui illuminent l'atmosphère et donnent de l'espoir. L'hominidé, debout dans le soleil levant, survivra un jour de plus. Le second chapitre, Exitium, se penche sur l'agressivité de l'homme dit sage, nécessaire à sa propre survie mais souvent canalisée vers la domination et l'abus de pouvoir. Le comportement de l'homo sapiens est-il plus destructeur que celui des autres espèces ? Est-ce cette particularité qui lui a permis de s'imposer au risque de tout brûler sous ses pieds ? Jean-Pierre Louveton donne de la nourriture pour l'esprit tout en lâchant de nouveaux riffs et solos mi-hargneux mi-élégiaques. Le dernier chapitre (Exodus) fait un grand bond jusqu'à notre époque et semble constater un effondrement inéluctable de la civilisation humaine impliquant une disparition au-moins partielle de notre espèce. Comme le dernier titre, Alpha Centauri, le laisse supposer, la solution serait-elle dans un exode vers les étoiles ? Mais alors, quelle fraction de l'humanité pourra en bénéficier ? Ici encore, les passages instrumentaux sont bien intégrés et importants parce qu'ils nous laissent du temps pour réfléchir au-delà de ce qui est dit. Maintenant que le rideau est tombé sur les trois actes de ce premier opus, il faudra attendre les deux autres volumes de la trilogie pour avoir les réponses, mais après avoir fait l'état des lieux du passé et du présent, on peut imaginer que la vision de l'auteur s'étendra au futur. Sapiens est un disque rafraîchissant qui sonne actuel aussi bien par son propos que par sa musique et s'il parvient à sensibiliser davantage de monde sur le sort de notre planète et de notre espèce, il aura fait œuvre utile en plus de nous avoir diverti sur un plan purement artistique. Recommandé! [4/5] [ Sapiens Chapitre 1/3 : Exordium (CD / Digital) ] [ Sapiens - chapitre 1/3 : Exordium sur Bandcamp ] [ A écouter : Homo Sapiens ] |
Pendragon : Love Over Fear (The Merch Desk), UK, 14 février 2020 | |
1. Everything (5:40) - 2. Starfish And The Moon (3:37) - 3. Truth And Lies (8:26) - 4. 360 Degrees (5:34) - 5. Soul And The Sea (5:44) - 6. Eternal Light (8:19) - 7. Water (7:57) - 8. Whirlwind (4:59) - 9. Who Really Are We? (8:41) - 10. Afraid Of Everything (5:08)
Nick Barrett (chant, guitare); Clive Nolan (claviers); Peter Gee (basse); Jan-Vincent Velazco (drums, percussions) Pendragon est un fleuron de la scène néo-progressive anglaise des années 80 au même titre que IQ, Arena (dont Clive Nolan est aussi le claviériste) et bien sûr Marillion. Un groupe reconnu pour ses envolées mélodiques, ses claviers et guitares, et ses ambiances éthérées. Ce nouvel album fête les 40 années d'existence du combo de bien belle manière. Avec une production actuelle et de jolies pièces, les 10 titres de ce nouvel opus passent en revue le meilleur du style de ces musiciens. Guitare acoustique 12 cordes, violon, saxophone, orgues, solos de guitare, la palette du groupe est définitivement large pour nous offrir une grande variété d'arrangements. Nick Barrett semble plus en verve vocalement que sur les précédents opus, explorant un côté « crooner » qui, ma foi, lui sied plutôt bien. Malgré cela, je lui préfère son jeu de guitare particulièrement expressif que ce soit dans ses solos, ou dans ses arpèges, la mélodie étant sa principale force. Un bien bel album pour ce groupe incontournable du rock progressif dont la pochette signée par l'aquarelliste Liz Saddington, illustre magnifiquement bien la musique. [4½/5] [ Chronique de Xavier Boscher ] ------------ Mélodie simpliste et batterie binaire : ça commence mal avec Everything. On retient son souffle mais heureusement, ça ne dure pas. Après une minute, la chanson se transforme complètement tandis que la musique complexe et grandiose envahit l'espace avec un son et une présence fantastiques. Après deux escapades plus musclées, Pendragon en est sagement revenu à ce qu'il sait faire le mieux : du pur Pendragon, un néo-prog aux mélodies séduisantes et aux arrangements finement ciselés. Seulement, cette fois, on a l'impression que le groupe a atteint son apogée car tout est quasiment parfait. Nick Barrett en particulier est devenu un vrai chanteur, capable de faire passer toutes sortes d'émotions, et ses interventions à la guitare sont toujours aussi brillantes qu'autrefois. Mais tout ça ne serait rien sans la qualité des compositions qui sont toutes aguichantes avec, sur les dix, au moins trois qui sont exceptionnelles et se classent parmi les meilleures jamais écrites par le groupe. Ainsi, 360 Degrees, avec mandoline et violon, est une incursion réussie dans le domaine du folk-rock britannique. Who Really Are We? est un titre épique d'une formidable densité avec des solos de six cordes ascensionnels. Et Water est un hymne atmosphérique et évocateur à la beauté océane. Beaucoup d'autres surprises attendent l'auditeur au fil du répertoire, la moindre n'étant pas d'entendre Barrett se réinventer en crooner sur des accords de piano jazzy en compagnie d'un saxophoniste (Whirlwind). Plus qu'une expérience, cet album est une renaissance : le produit d'un grand groupe qui à force de persévérance a enfin réalisé son plein potentiel. Si vous êtes fan de Pendragon, Love Over Fear est un incontournable. Si vous ne l'êtes pas, c'est simplement un des grands disques actuels de prog-rock qu'il vous faut écouter. [4½/5] [ Chronique de Pierre Dulieu ] [ Love Over Fear (CD / Vinyle / Digital) ] [ A écouter : Love Over Fear (Album Teaser) ] |
David Cross & Peter Banks : Crossover (Noisy Records), UK, 17 Janvier 2020 | |
1. Rock to a Hard Place (9:12) - 2. Upshift (8:21) - 3. The Smile Frequency (5:17) - 4. The Work Within (4:28) - 5. Missing Time (4:10) - 6. Plasma Drive (6:05) - 7. Laughing Strange (7:23) - 8. Crossover (4:40)
David Cross (violon); Peter Banks (guitare) + Geoff Downes (1); Jeremy Stacy (1,7); Billy Sherwood (2,6); Oliver Wakeman (2,3,6); Jay Schellen (2); Tony Kaye (2,7); Randy Raine-Reusch (3); Andy Jackson (4); Pat Mastelotto (6) Crossover est né d'une rencontre entre le violoniste David Cross (King Crimson) et le guitariste Peter Banks (Yes avant Steve Howe) pendant une tournée conjointe en mars 2006. Il faudra attendre août 2010 pour que les deux musiciens entrent finalement en studio pour improviser ensemble toute une après-midi. Les bandes sont restées en l'état après la mort de Peter Banks en 2013 jusqu'à ce que David Cross décide de les produire comme le guitariste en avait eu l'intention. Davis Cross a alors invité d'autres musiciens, pour la plupart des membres de Yes, afin d'enregistrer des parties additionnelles et de finaliser l'album. La musique entièrement instrumentale et souvent improvisée est parfois ample et atmosphérique mais aussi, à certains moments, expérimentale. Les mélodies et les textures sont dominées par le violon tandis que la guitare, assez discrète, œuvre surtout en arrière-plan, tricotant des effets sonores et rythmiques (il n'y a pas de solo). Néanmoins, ce disque sera peut-être la dernière occasion d'entendre Peter Banks, talentueux musicien qui collabora aux deux premiers albums de Yes (Yes en 1969 et Time And A Word en 1970) avant d'enregistrer une multitude de disques avec ses propres groupes (dont l'excellent Flash), sous son nom ou pour d'autres artistes. [4/5] [ Crossover (CD / Digital) ] [ A écouter : Crossover (Album Sampler) ] |
Karfagen : Birds of Passage (Caerllysi Music), Ukraine, 3 Janvier 2020 | |
1. Birds of Passage (Part 1) (22:40) - 2. Birds of Passage (Part 2) (21:11) - 3. Spring (Birds Delight) (4:34) - 4. Sunrise (5:23) - 5. Birds (Short Introduction) (3:19)
Antony Kalugin (claviers, chant, percussions); Mathieu Spaeter (guitares); Konstantin Ionenko (basse); Viktor Syrotin (drums); Tim Sobolev (chant); Olha Rostovska (chant); Aleksandr Pavlov (guitare nylon); Alexandr Pastuchov (bassoon); Maria Baranovska (violon); Elena Kushniy (flûte) Cela fait quelques jours que j'écoute ce nouvel album de Karfagen, le groupe d'origine ukrainienne du claviériste et chanteur Antony Kalugin, et j'y trouve beaucoup de plaisir. L'essentiel en est la longue suite éponyme en deux parties d'une durée totale de 44 minutes. Cette œuvre full symphonique incluant flûte, violon et basson a parfois des accents folks et se révèle d'une grande fraîcheur. Les belles mélodies enrobées dans des textures grandioses se succèdent sans heurt tandis que les textes, pour la plupart empruntés à des poésies de Wadsworth et de William Blake sont forcément au-dessus de toute critique. Paru le 3 janvier 2020, ce premier disque prog de l'année n'est pas sans évoquer les lointains Yes ou Mike Oldfield mais c'est surtout par l'esprit car musique et style sont entièrement originaux. A l'instar de la scène féérique à la Lewis Caroll représentée sur la pochette, l'univers sonore de Karfagen a quelque chose de merveilleux et d'irrésistible. [4½/5] [ Birds of Passage (CD / Digital) ] [ Birds of Passage sur Bandcamp ] [ A écouter : Birds of Passage (Short Introduction) ] |
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