Série V - Volume 9 | Volumes : [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ] [ 5 ] [ 6 ] [ 7 ] [ 8 ] [ 10 ] |
Barock Project : Skyline (Artalia), Italie 2015 | |
La découverte de ce quartet italien nommé Barock Project est une belle surprise. Emmené par le claviériste et compositeur Luca Zabbini, le groupe invoque, par sa combinaison de classique, de jazz et de pop-rock, le trio anglais Emerson Lake & Palmer dont Zabbini ne se cache pas d'être féru. Rares sont ceux qui ont osé s'attaquer à ce genre de musique complexe exigeant d'énormes qualités aussi bien au niveau de l'interprétation que de l'écriture. A l'instar de la puissance d'ELP dont l'origine réside dans ses trois musiciens hors-normes, chacun virtuose sur son instrument, dont deux au-moins pouvaient écrire des chansons attrayantes (Emerson et Lake) et dont un possédait un timbre de voix unique dans l'histoire du rock (Lake), celle de Barock Project repose sur des valeurs similaires : technique, claviers proéminents, mélange des genres, mélodies attrayantes parfois à la limite du pop, plus la voix ensoleillée de Luca Pancaldi qui chante en anglais, procurant ainsi une dimension plus internationale à la musique. Toutefois, Barock Project est loin de n'être qu'un projet en hommage au groupe britannique définitivement réduit au silence (après la mort de Keith Emerson). En fait, si Overture, avec son orgue et ses orchestrations, se nourrit du meilleur d'ELP, le reste de l'album s'écarte résolument de ce style symphonique à base de musique classique. Skyline est ainsi une composition très originale où l'on décèlera entre autres des bribes de Jethro Tull (période Aqualung) avec une introduction en forme de chant médiéval accompagné en acoustique et, par la suite, une flûte en contrepoint judicieusement jouée par Vittorio De Scalzi du groupe New Trolls en invité ainsi qu'une guitare électrique agressive dans le style de Martin Barre. Plus loin, The Silence Of Our Wake est une de ces pièces sophistiquées qui se développent lentement, acquérant peu à peu, sur les dix minutes de sa durée, une véritable dimension symphonique. Sur d'autres plages comme Roadkill, Spinning Away et The Sound Of Dreams, la musique embrasse d'autres influences et se diversifie davantage en devenant respectivement plus rock, plus expérimentale, ou plus douce dans le genre ballade sur fond de piano acoustique. Enfin, un autre grand moment est Gold qui, au fil de ses différentes sections, étale toutes les qualités d'une formation brillante et inspirée qui parvient à maintenir l'intérêt en associant intelligemment complexité et accessibilité. Cet album marque aussi le retour de Paul Whitehead, le génial illustrateur des pochettes de Van Der Graaf Generator et des premiers albums de Genesis. Comme à son habitude, il a conçu un dessin en phase avec le concept d'un des morceaux, en l'occurrence le titre éponyme qui raconte la dérive d'un naufragé surveillant avec intensité et espoir la ligne d'horizon jusqu'à ce qu'elle s'ouvre sur une vision de l'Univers infini. Même si ce dessin ne compte pas parmi ses plus grandes réussites, il n'en relie pas moins ce disque magnifique à une époque révolue où images et sons contribuaient ensemble à définir la notion de musique prog. Malheureusement, le chanteur du groupe Luca Pancaldi ayant jeté l'éponge après dix années de travail en commun, Barock Project, qui est actuellement à la recherche d'un nouveau vocaliste, ne sera plus tout à fait le même lors de l'enregistrement de son prochain disque en studio. Une raison de plus, selon moi, pour se précipiter sur ce Skyline ambitieux et quasi parfait dont l'écoute est hautement recommandée. [ Skyline (CD & MP3) ] [ A écouter : Overture - Skyline ] |
Drifting Sun : Safe Asylum (Autoproduction), Multinational/UK, 21 Mai 2016 | |
Formé en Angleterre au début des années 90 par le claviériste et compositeur d'origine française Patrick Sanders, Drifting Sun a survécu tant bien que mal jusqu'à aujourd'hui moyennant une longue interruption d'activité et plusieurs changements de personnel. Si ses deux premiers disques sortis respectivement en 1996 et en 1998 sont depuis longtemps oubliés, le troisième, Trip The Life Fantastic, qui ne connut qu'une édition digitale en 2015, laissa une impression juste assez positive pour qu'on prête une oreille attentive à ce nouvel album. Certes, la musique s'inscrit encore dans le style néo-prog défini dans les années 80 et peaufiné lors de la décennie suivante, mais elle n'en est pas moins fraîche et attrayante. On le sait, le style néo nécessite des qualités particulières pour qu'un groupe sorte du lot des myriades de formations médiocres qui y sévissent : des mélodies de qualité, des arrangements impeccables à base de guitares et claviers, des passages instrumentaux en alternance avec les parties chantées, un minimum de sophistication dans la structure des compositions et, surtout, un chanteur digne de ce nom doté si possible d'une voix expressive sont quelques-uns des codes obligés. Et bien, Drifting Sun a désormais tout ça en magasin et même un peu plus. On s'en convaincra en écoutant Alice, une chanson typiquement anglaise et un peu folk sur fond de piano et de guitare acoustique qui est un chef d'œuvre digne des meilleures productions de Big Big Train. Enrobée dans une orchestration à cordes de toute beauté, elle met particulièrement bien en lumière la voix de Pete Falconer qui parvient à faire passer une réelle émotion sur cette chanson romantique. Alice est logiquement suivi par Wonderland, une autre réussite majeure dans un style plus symphonique comportant quelques digressions instrumentales mémorables où brille le guitariste Dan Storey. Parfois, comme sur Intruder, Drifting Sun montre ses muscles en intégrant un zeste de métal tout droit emprunté aux premiers albums de Dream Theater, quand la musique de ce groupe recelait encore une part d'humanité, mais ça ne dure guère, le fonds de commerce de Pat Sanders restant avant tout un néo-prog mélodique aussi vibrant qu'ambitieux. Le sommet du disque réside dans ce King Of Hearts qui ouvre en beauté le répertoire : une composition sophistiquée avec de multiples changements de direction, un chant et des harmonies vocales subtiles, des passages instrumentaux à couper le souffle et un arrangement grandiose bourré de breaks qui vous prennent par surprise en faisant monter l'adrénaline. Pas de doute, Safe Asylum est une réussite aussi complète qu'inattendue à placer d'ores et déjà au panthéon des grands disques de néo de l'histoire du prog. [ Safe Asylum (CD & MP3) ] [ A écouter : Alice - Wonderland - Intruder ] |
Aranis : Aranis II (Autoproduction), Belgique, 2007 | |
Encore une musique difficile à décrire et que l'on rattache bien volontiers au RIO (Rock In Opposition, un mouvement qui regroupe des styles avant-gardistes suffisamment différents pour englober celui-ci), d'autant plus qu'Aranis participa à plusieurs éditions du festival RIO de Carmaux en France aux côtés d'Univers Zero, Magma, The Muffins et Present ainsi qu'en novembre 2014 à une édition japonaise du festival en compagnie notamment de Picchio dal Pozzo, Richard Pinhas et Present. Comprenant deux violons, une contrebasse, un accordéon, un piano et une flûte, la formation délivre en fait une musique de chambre aux perspectives inédites, nettement plus énergique que le classique et qui inclut à l'occasion quelques bribes d'un folk indistinct. Cette musique instrumentale, que l'on pourrait qualifier de typiquement belge, s'inscrit ainsi dans la ligne d'autres expériences similaires dont le plat pays, connu pour son surréalisme teinté d'humour, s'est depuis longtemps fait une spécialité (Julverne, Univers Zero, Present, Daniel Denis, DAAU, Daniel Schell & Karo …). Ceci dit, les dissonances sont rares dans ce disque et, mis à part le sombre et tortueux Trog qui est le seul titre non écrit par le groupe, le reste du répertoire s'écoute facilement même si les ambiances sont très variables d'une pièce à l'autre. Entre un Kitano enlevé aux accents de danse futuriste et un Looking Glass au thème terriblement nostalgique, en passant par un Waris dont l'ambiance hivernale bénéficie de la présence du trompettiste Bart Maris (Moker, Flat Earth Society), l'auditeur est invité à déambuler dans des univers savoureusement décalés mais toujours frais, inventifs et bourrés de charme. On pourra tergiverser sans fin sur le fait que cette musique n'est pas du prog mais vu qu'elle n'est ni du jazz, ni du classique, ni du rock, ni du folk, ni de la variété mais un peu tout ça en même temps, personne ne niera que, débarrassée de toute contrainte et poussée par un puissant désir de liberté, elle a quand même sa place dans ces pages consacrées aux musiques "extraordinaires". [ Aranis II (CD) ] [ A écouter : Kitano - Looking Glass - Trog ] |
Mantric Muse : Mantric Muse (Transubstans Records / 2LP Andasonia Records), Danemark 2012 | |
Avec les groupes de space-rock, on peut tomber sur le meilleur ou sur le pire. Du petit combo amateur sans aucune technique dont le guitariste promet avec deux accords de vous emmener à l'intérieur de la grande tâche rouge de Jupiter jusqu'à la formation rutilante capable de vous catapulter via un trou de ver jusqu'au cœur de la galaxie, tout est possible. Originaire de Copenhague au Danemark où il a été assemblé en 1998, le vaisseau Mantric Muse semble pouvoir tenir ses promesses. Non seulement, son ramage est attractif avec une pochette suffisamment bizarre pour attirer les regards, mais son équipage traîne aussi derrière lui une réputation d'improvisateurs cosmiques ayant des accointances avec cette bande de vieux pirates stellaires connue sous le nom d'Oresund Space Collective. Une fois à bord, le décollage se fait en douceur avec un Nanoid de bonne facture suffisant pour se libérer de la gravité terrestre. Bon sang, cette musique qui se situe quelque part entre Ozric Tentacles et Oresund a de l'allure. En fait, les titres sont issus de longues improvisations qui ont été découpées, réassemblées et complétées en studio pour former des pièces plus digestibles d'environ 8 à 10 minutes. Mais le résultat est bluffant : de la lumière incandescente des supernovas jusqu'au sombre maelstrom des origines, quand Ola Eriksson libère la puissance de ses synthés et Magnus Hannibal celle de sa guitare, on peut dire qu'on voyage. Ce quartet propulsé par un moteur rythmique indéfectible sait même négocier les virages dans les champs d'astéroïdes. Et quand la fusée oblongue atterrit sur une planète inconnue, c'est pour y découvrir d'abord des ciels aux couleurs psychédéliques (Azur) et des marécages peuplés de gymnospermes géantes et de grands sauriens verts (Deep Sea Cheops) avant d'entrer dans des villes qui, en dépit d'avoir été bâties par des civilisations extraterrestres, ont l'air de sortir d'un conte des Mille et Une Nuits avec leurs souks aux trafics occultes et leurs sensuelles créatures aux parfums orientaux (Sindbad Sofareren). Il est clair que Mantric Muse a assimilé tous les classiques du genre et les fans de Hawkwind comme ceux de Gong ne regretteront certainement pas d'avoir acheté un ticket. D'ailleurs, de retour au spatioport avec des images de space opéra plein la tête, je refais illico la queue pour un nouveau tour. [ Mantric Muse (CD & MP3) ] [ A écouter : Sindbad Sofareren ] |
Abel Ganz : Abel Ganz (Indépendant / Abel Records), 2014 | |
En dépit de quelques bonnes productions dont la meilleure est l'excellent Shooting Albatross sorti en 2008, ce groupe originaire de Glasgow (Ecosse), qui compta un temps le chanteur Alan Reed (Pallas) dans ses rangs (l'album Gratuitous Flash de 1984 et The Dangers Of Strangers en 1988) et qui existe pourtant depuis 1980, n'a jamais vraiment percé. Ce dernier disque sans nom à la pochette minimaliste d'une blancheur immaculée a été enregistré sans les membres fondateurs Hew Montgomery et Hugh Carter mais avec le reste du casting identique à celui de l'album précédent. Pourtant, le style a changé, la musique plus légère se situant désormais la pluspart du temps aux frontières du folk avec des parties de flûte pastorales, des guitares acoustiques aérées, une pedal steel guitare aux accents country, et des mélodies mémorables bien chantées par Stuart "Mick" MacFarlane. Une grande partie de la suite Obsolescence, Spring, Thank You et A Portion Of Noodles relèvent de cette approche tranquille qui évoque ce que faisaient autrefois des groupes comme America et surtout Magna Carta. L'aspect prog est cependant toujours présent avec quelques titres fort réussis comme Unconditional, un pot-pourri de styles divers où l'on retrouve des influences néo-prog mais aussi quelques passages non conventionnels avec une section de cuivres, un piano jazzy et, la tension allant crescendo, un solo réjouissant d'orgue suivi, en finale, d'un autre aussi intense qu'inattendu de guitare électrique. Ce morceau particulièrement brillant est l'un des sommets de l'album, l'autre étant le fantastique Heartland introduit par des cris d'enfants. Ici, le style plutôt ambient, voire New-age, est entièrement original avec des nappes de synthé dans lesquelles s'enroule le chant en gaélique de la chanteuse écossaise traditionnelle Joy Dunlop en invitée. Si l'on ajoute encore les arrangements de cordes sur le morceau introductif de l'album (Delusions Of Grandeur) et de cuivres sur celui en clôture (The Drowning), on obtient en finale un disque varié, inspiré et fort agréable qui ravira tous les fans de prog mélodique et mélancolique délivré dans des écrins riches où se mêlent avec subtilité sonorités acoustiques et électriques. Une bonne surprise de la part d'un groupe injustement mésestimé!
[ Abel Ganz (CD) ] [ Shooting Albatross (CD) ] [ A écouter : Obsolescence Pt 1 : Sunrise ] |
Nice Beaver : The Time It Takes (Oskar Records), 23 Février 2015 | |
Troisième disque de ce groupe hollandais au nom douteux (peut-être inspiré par la remarque culte de Leslie Nielsen dans le film humoristique The Naked Gun) qui existe depuis 1997, The Time It Takes, dont le titre se réfère à la longue période de 11 années qui aura nécessaire pour donner une suite à leur précédent album (Oregon, 2004), est une belle réussite. Certes, leur rock est à peine prog et consiste essentiellement en chansons souvent atmosphériques et pétries d'émotion à l'instar du dernier disque de Riverside, Love Fear and the Time Machine, qui lui est postérieur de quelques mois. Portée par des lignes de basse profondes et terriblement efficaces (Peter Stel, également membre de Leap Day), la musique bénéficie de la voix au timbre grave du chanteur Erik Groeneweg (qui est aussi le claviériste) et d'un guitariste à la main lente (Hans Gerritse) capable de délivrer des solos avec la retenue et la puissance émotive d'un Steve Rothery ou d'un Andy Latimer (Camel). Moins présents, les claviers, orgue et mellotron inclus, restent en retrait mais n'en donnent pas moins de belles rondeurs à des textures particulièrement soignées. Avec des textes bien écrits et une production organique due à Stephen van Haestregt (ancien batteur de Within Temptation et de Ambeon) qui donne du corps à la musique, ce rock mélodique à tendance prog, sans effet ni pompe symphonique, sonne frais et moderne, le sommet étant atteint dès le premier morceau avec River So Wide et en finale avec l'épique Waiting For The Bell To Toll et ses fulgurantes saillies de guitare wah-wah. Si vous appréciez la dernière production de Riverside ainsi que des groupes comme Camel et Leap Day, The Time It Takes saura vous séduire.
[ The Time It Takes (CD) ] [ A écouter : Rainbow's End - Waiting for the Bell To Toll ] |
The Tea Club : Quickly, Quickly, Quickly (Indépendant), USA 2012 | |
Ce groupe du New Jersey formé en 2003 joue un rock éclectique marqué par les duos vocaux des deux frères Patrick et Daniel McGowan ainsi que par leur accompagnement de guitare très original. Quoique progressiste par nature (la complexité et la longueur des morceaux), le son global est d'abord rock, quelque part entre le rock alternatif et le post-punk pour les passages les plus énergiques. Evoquant parfois le style de The Mars Volta en plus mélodique, la musique n'accroche pas tout de suite : les longues parties chantées combinées avec une musique sophistiquée qui manque de relief finissent pas lasser. Si les frères Gowan se concentrent quasi exclusivement sur un jeu de guitare en accords peuplé de riffs musclés, le claviériste Becky Osenenko occupe un créneau essentiel, parsemant la musique de solos et de sonorités agréables qui injectent un peu de d'émotion et de détente dans des compositions dont les arrangements sont, par ailleurs, un peu confus. La faute en incombe en partie à une rythmique trop autoritaire mais aussi et surtout à un mixage approximatif où les divers instruments sont comme retenus dans une brume sonique dont ils ont bien difficiles à s'extirper. C'est dommage car les harmonies vocales et le chant lui-même sont expressifs, les frères Gowan pouvant se prévaloir d'un registre vocal étendu (surtout vers les aigus) dont ils savent se servir avec brio. Si The Tea Club, dont le potentiel bien réel mériterait d'être cristallisé, veut un jour jouer dans la cour des grands, il a intérêt à revoir son projet : dynamique, mixage, production, et rééquilibrage de l'instrumentation sont quelques-uns des conseils qu'on peut lui prodiguer. Quickly trois fois pourra sans doute plaire aux fans de The Mars Volta et peut-être de Oceansize et de Radiohead, mais c'est quand même un album à écouter avant d'acheter.
[ Quickly Quickly Quickly (CD & MP3) ] [ A écouter : Quickly Quickly Quickly (album complet) ] |
The Tea Club : Grappling (Indépendant), USA 2015 | |
Quatrième album du groupe américain The Tea Club, Grappling marque une évolution par rapport à leur précédente production, Quickly Quickly Quickly. Sans pour autant que leur style, situé quelque part entre The Mars Volta et Oceansize, ait vraiment changé, Grappling sonne mieux, comme si le quintet avait mis les trois années intercalaires pour peaufiner leurs compositions et, surtout, leurs arrangements qui accordent désormais une place plus importante aux claviers tout en introduisant d'autres instruments comme l'orgue et le violon (The Fox In A Hole). Héritier des grands sorciers des seventies, le claviériste Reinhardt McGeddon s'avère en particulier un talentueux musicien, comme on pourra s'en convaincre à l'écoute de Remember Where You Were et de Wasp In The Wig. Si les frères McGowan sont bien entendu toujours les leaders, compositeurs, guitaristes et chanteurs, le reste du groupe a été remplacé par d'autres têtes tandis qu'un nouvel équilibre entre les instruments a été recherché avec succès. Ceci dit, la musique est plus intense que jamais mais, entrelacée avec des moments plus posés, elle reste assimilable en dépit de sa densité et de sa réelle complexité. Par contre, une lacune déjà mise en exergue sur le disque précédent n'a pas été comblée : la dynamique de cette musique reste encore très pauvre et tiendra probablement à l'écart certaines oreilles délicates. Dommage car, avec Grappling, The Tea Club est indéniablement sur la bonne voie qui devrait lui permettre d'accéder à une plus grande notoriété. [ Grappling (CD & MP3) ] [ A écouter : Grappling (album complet) ] |
The Enid : Something Wicked This Way Comes (The Enid / ENID 3), UK 1983 - Réédition CD + 3 titres bonus (Mantella), 1993 | |
Suivant la vision de son membre fondateur Robert John Godfrey, The Enid pratique l'une des rares véritables fusions entre rock et orchestrations symphoniques, ce qui conduit éventuellement à des musiques grandioses mais n'évite pas toujours un côté lourd et emphatique. Sorti en 1983, Something Wicked This Way Comes poursuit globalement dans la même veine que celle des albums précédents mais marque quand même une réelle transition. Suite à la faillite de leur maison de disques Pye Records, le groupe, qui s'est retrouvé en difficulté, a été réduit à un trio comprenant le claviériste Godfrey, le percussionniste Chris North ainsi que le guitariste et bassiste Stephen Stewart. Travaillant désormais de façon indépendante et sans obligation contractuelle, les musiciens en ont profité pour prendre le temps nécessaire à l'élaboration d'un album conceptuel sur le thème de la destruction du monde par les armes nucléaires. Enfin et surtout, ce disque est le premier à inclure parmi les compositions instrumentales des morceaux chantés (par Godfrey et Stewart), ce qui le rend un peu moins austère que par le passé, et donc aussi plus accessible. Beaucoup de bons moments parsèment le répertoire : les orchestrations sont subtiles et moins envahissantes que jadis tandis que quelques brèves interventions de claviers (les synthés sur Evensong, le piano de Something Wicked This Way Comes) et de guitare électrique (Jessica, Bright Star, Song For Europe, Something Wicked This Way Comes) fleurissent ici et là, apportant un côté plus rock à la musique. Les points d'orgue du répertoire sont le martial Song For Europe avec ses percussions et ses multiples couches orchestrales, le mélancolique Evensong enrobé dans un arrangement somptueux ainsi qu'en finale, la longue pièce éponyme à la fois légère et nostalgique mais porteuse en filigrane d'une sinistre menace. Après tout, la pochette originale cache dans sa présention saugrenue une croix gammée qui, pour ne pas sauter immédiatement aux yeux, n'en est pas moins bien présente. Les fans de prog symphonique à tendance classique apprécieront probablement cette oeuvre aussi ambitieuse que méconnue, conçue à une époque particulièrement peu gratifiante pour des musiciens aussi créatifs et visionnaires que Robert John Godfrey. [ Something Wicked This Way Comes (CD Japan Paper-Sleeve) ] [ A écouter : Something Wicked This Way Comes - Something Wicked This Way Comes (album complet) ] [ Something Wicked This Way Comes (The Enid live, UK, 2011 - From the film Ensemble by Andrew Cross) ] |
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