Série V - Volume 7 | Volumes : [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ] [ 5 ] [ 6 ] [ 8 ] [ 9 ] [ 10 ] |
Manning : Anser's Tree (ProgRock Records) UK 2006 Manning : Margaret's Children (Festival Music), UK 2011 Mine de rien, depuis sa formation en 1999, Manning en est déjà à sa quinzième production, soit approximativement un disque enregistré en studio chaque année, ce qui n'est pas mal pour un nom finalement assez confidentiel. De cette discographie émergent quelques belles réalisations comme Songs From The Bilston House (2007) et Charlestown (2010), tous deux nominés en tant qu'album de l'année par l'organisation britannique Classic Rock Society. Sorti en 2011, le douzième disque, Margaret's Children, est présenté comme une séquelle tardive à Anser's Tree qui date de 2006. Le concept des deux œuvres tourne en effet autour de la même famille fictive dont les origines remontent à Margaret Montgomery, originaire des Hautes Terres d'Ecosse dans les années 1600, et qui se prolonge jusqu'à un certain Dr. Jonathan Anser vivant dans un futur proche, chaque personnage faisant l'objet d'une chanson en soi indépendante mais globalement interconnectée via un réseau de causes et de conséquences à l'ensemble de la généalogie (dont l'arbre détaillé est fourni dans le livret à côté de certaines biographies). Chaque époque est aussi l'occasion de revisiter des évènements ou des personnages historiques ayant, quant à eux, réellement existé (comme l'infirmière Edith Cavell ou Isaac Newton), mais aussi d'exposer des idées sur certaines tragédies personnelles ou socio-économiques (Revelation Road) ainsi que sur les désastres écologiques (The Southern Waves), un thème majeur et récurent à travers toute l'oeuvre de Manning. La pochette de Margaret's Children présente le même paysage que celui de Anser's Tree, avec un arbre surplombant la mer sauf que cette fois, la vue est hivernale, laissant ainsi imaginer une autre vision des choses. Les illustrations ont été réalisées par le visionnaire Ed Unitsky toujours attentif à traduire méticuleusement en images les concepts des œuvres musicales, aussi étranges ou complexes puissent-ils être. Sur les deux disques, Guy Manning chante avec beaucoup de conviction et joue sur une multitude d'instruments (guitares électriques et acoustiques à six ou douze cordes, claviers, basse, percussions, bouzouki, mandoline …) ce qui ne l'empêche pas de laisser la bride sur le cou à ses musiciens réguliers ou invités : saxophones, grand piano, clarinette, flûtes, violon et violoncelle viennent ainsi enrichir considérablement des textures denses mais lustrées et arrangées avec un grand sens de l'espace. Le son est agréable, léger et organique comme pouvait l'être celui de Jethro Tull dans les glorieuses 70's (et je n'écris pas ça uniquement à cause des similitudes entre Manning et Anderson pour ce qui concerne la voix et la flûte). Plus abouties encore que celles de Anser's Tree et mieux produites, les chansons de Margaret's Children ont toutes cette richesse mélodique qui caractérise les œuvres tardives de Manning. Au croisement du prog symphonique, du folk, et du rock classique, en plus de quelques effluves orientales (Black Silk Sheets Of Cairo) et jazzy (A Night At The Savoy), elles dégagent ce parfum vintage d'une époque où la beauté des sonorités comptait autant que celle des thèmes. Pas un seul morceau ici qui ne soit attachant, pas un solo qui ne soit intégré s'il s'avère inutile, pas une note qui ne soit délivrée sans intensité ou émotion, pas un effet sonore qui ne soit pensé avec un soin maniaque. Et même la longue suite épique, A Perfect Childhood, qui dépasse les 17 minutes conserve tout du long son immense pouvoir d'attraction grâce à l'agencement intelligent des différentes parties, refrains mémorables et interludes instrumentaux compris. Au plan musical mais aussi technique, Margaret's Children apparaît donc un peu supérieur à Anser's Tree mais ça se joue sur un fil de rasoir et, dans tous les cas, il est préférable d'appréhender les deux albums successivement pour saisir correctement les subtiles interférences entre les différentes vignettes du concept. Dans le petit monde du monde du Prog, Guy Manning, créateur d'histoires, compositeur unique et interprète talentueux, est sans doute aujourd'hui le musicien le plus sous-estimé du genre. [ Anser's Tree (CD & MP3) ] [ Margaret's Children (CD & MP3) ] [ A écouter : Margaret's Children - Album trailer 2011 - Amelia Fairfax 1926-2010 (Black Silk Sheets Of Cairo ] |
Silhouette : Across The Rubycon (Progress Records), Pays-Bas, Août 2012
Ce troisième effort du groupe néerlandais Silhouette est une belle réussite. Les deux titres enchaînés Across The Rubycon et Breathe, le premier étant une sorte d'ouverture au second, feront tout de suite l'unanimité. L'arrangement est somptueux et les mélodies soignées tandis que guitares (Brian de Graeve) et claviers (Erik Laan) tissent ensemble un mur de son tellement dense qu'on peine à imaginer qu'il ne soit construit que par quatre hommes plus un invité: Aldo Adema venu prêter main forte pour les orchestrations ainsi que pour quelques parties de guitare. Dominée par toutes sortes de claviers, incluant aussi un piano acoustique, la musique est bien souvent lyrique même si des passages instrumentaux plus véloces émergent régulièrement mettant en exergue de solides interventions d'orgue, de synthé et de guitare. Comme trois des membres du quartet sont également chanteurs, les harmonies vocales sont non seulement élaborées mais la voix lead varie en plus d'une chanson à l'autre. On appréciera en particulier le chant du batteur Jos Uffing, qui a malheureusement depuis quitté le groupe, sur la ballade Empty Places ainsi que les derniers refrains de When Snow's falling Down interprétés par un chœur d'enfants se substituant aux voix des adultes ou encore Grendel Memories avec MaryO en choriste discrète mais très efficace. Sans être un album conceptuel, plusieurs morceaux traitent du "point de non retour" lié à certaines actions, un thème évidemment connecté au titre de l'album, Across The Rubycon, une métaphore basée sur la traversée du Rubycon par Jules César et ses légions qui marquait symboliquement sa décision irréversible de revenir en Italie en violant la loi du Sénat romain. Ce thème a aussi inspiré l'illustrateur Ed Unitsky pour les dessins de la couverture et du livret qui comptent parmi ses plus belles réalisations. Les trois titres épiques (Breathe, Anybody et Don't Stop This Movie) sont les plus aventureux et donc aussi les plus captivants bien qu'aucune des huit chansons du répertoire ne soit particulièrement faible. Cet album riche en moments mémorables, à la tonalité globalement dramatique et parfois nostalgique, plaira à tous les amateurs de ce néo-prog symphonique et mélodique tel qu'il est joué par Arena, Marillion, Pendragon, IQ ou Pallas. [ Across the Rubicon (CD & MP3) ] [ A écouter : Accross The Rubicon - Breathe - Grendel Memories ] |
Gordon Giltrap : Visionary (Electric Record Company), 1976 - réédition CD remastérisé + 3 titres en bonus (Esoteric Recordings), 2013 Gordon Giltrap : Perilous Journey (Electric Record Company), 1977 - réédition CD remastérisé + 4 titres en bonus (Esoteric Recordings), 2013 Gordon Giltrap : Visionary (Electric Record Company), 1978 - réédition CD remastérisé + 8 titres en bonus (Esoteric Recordings), 2013 Gordon Giltrap fit partie de la scène folk londonienne des années 60 au côté d'artistes comme Bert Jansch, John Renbourn et Mike Oldfield. Mais bien qu'il enregistra un premier disque éponyme pour le label Atlantic en 1968 alors qu'il n'avait que 20 ans, la reconnaissance populaire ne viendra qu'au milieu des années 70 avec la sortie de Visionary, inspiré par les mots du poète anglais William Blake. Son style unique à la guitare acoustique fait de sa musique quelque chose de vraiment spécial. Quasi entièrement instrumental, ce premier essai de ce qui deviendra une trilogie progressiste mixe pour la première fois la guitare acoustique de Giltrap avec un accompagnement rock. Ce dernier est assuré par un trio compétent comprenant le bassiste John G Perry (Caravan, Curved Air et Anthony Phillips), le jeune batteur virtuose Simon Phillips (dix-sept ans à l'époque) et le claviériste Rod Edwards en charge des fabuleux arrangements impliquant à l'occasion des cordes et des cuivres. Très dynamique et particulièrement mélodieuse avec parfois un accent médiéval (The Dance Of Albion), cette musique est un véritable hymne à la guitare: à six ou douze cordes, acoustique ou électrique, ou empilée en multipistes, elle est partout et c'est autour de son jeu expressif que sont bâtis les formidables crescendos orchestraux. Sa sonorité est d'ailleurs tellement originale qu'elle a finalement conduit plus tard à la création d'une guitare personnalisée : une superbe Vintage électro-acoustique "Gordon Giltrap Signature" satin clair d'une beauté toute classique. Parmi les trois titres en bonus ajoutés sur la réédition par Esoteric, on trouve un superbe Concerto de 13 minutes en trois mouvement mettant encore une fois en exergue le jeu virtuose du leader sur sa guitare acoustique à travers des thèmes qui en rappellent d'autres retenus, eux, pour le LP initial. Sorti une année plus tard, Perilous Journey continue dans la même veine et avec la même équipe, confirmant le succès de la nouvelle formule qui mixe le jeu folk de Giltrap à un environnement plus rock et orchestral. Le premier titre, Quest, ainsi que The Deserter et Cascade sont ainsi des compositions symphoniques de toute beauté qui comptent parmi ce que le genre a produit de meilleur dans sa variété instrumentale. Par chance, le morceau Heartsong, sorti en simple, devint un hit, atteignant la 21ème place dans les Charts anglais et tirant l'album entier dans la lumière. Ce titre classico-rock accessible et joyeux, assez proche du style du groupe Sky, fut choisi par la BBC comme thème pour une série touristique (Holiday) et devint emblématique de ce genre de documentaire. Une version plus simple de ce morceau interprétée sur une guitare acoustique est ajoutée en bonus sur la réédition en CD. A noter qu'il en existe aussi une chouette version réenregistrée en 1993 avec Brian May à la seconde guitare et qu'on peut trouver sur l'album Music From The Small Screen de 1995. Parmi les bonus figure également une reprise du fameux Oh Well de Fleetwood Mac, sortie en 45 tours, mais qui n'égale pas l'original, Giltrap pouvant certes reproduire facilement la partie de guitare mais pas la voix chaleureuse de Peter Green. Fear Of The Dark, conclut la trilogie de belle manière en offrant une musique mature qui est désormais plus celle d'un groupe que d'un seul homme accompagné. La production est meilleure et le son plus lustré que sur les deux opus précédents. L'influence d'autres formations prog, comme Pink Floyd et Camel (Inner Dream) ou Barclay James Harvest (Weary Eyes bien orchestré et chanté par Shirley Roden), se fait cette fois plus insistante tandis que le titre qui donne son nom à l'album est affublé d'un de ces rythmes un peu disco relétant l'époque à laquelle ce disque a été conçu. Même si ma préférence va à Perilous Journey, parfaite incarnation de la vision du leader entre le folk du premier disque et le rock plus mainstream du dernier, la réédition augmentée, annotée et correctement remastérisée de cette trilogie de folk-prog instrumental, symphonique, fluide, éclectique, pastorale ou dansante, et toujours très agréable à écouter, est une vraie bonne nouvelle. Ce n'est pas pour rien que Ritchie Blackmore (Deep Purple, Rainbow et Blackmore's Night) a un jour déclaré que Giltrap était "probablement l'un des meilleurs guitaristes acoustiques au monde, largement en avance sur son époque". [ Visionary (CD & MP3) ] [ Perilous Journey (CD & MP3) ] [ Fear Of The Dark (CD & MP3) ] [ A écouter - Visionary: From the Four Winds - Lucifer's Cage - Revelation ] [ Perilous Journey: The Deserter - Heartsong ] [ Fear Of The Dark: Inner Dream - Fear Of The Dark ] |
Gordon Giltrap & Rick Wakeman : From Brush & Stone (VoicePrint), UK 2009 | |
La trilogie folk-prog de Gordon Giltrap (Visionary, Perilous Journey, et Fear Of The Dark), parue dans la seconde moitié des années 70, rappelait suffisamment la collaboration fructueuse entre le guitariste et chanteur de folk David Cousins et le claviériste Rick Wakeman au sein du groupe The Strawbs pour alimenter l'idée d'une rencontre possible entre Giltrap et Wakeman, d'autant plus que ces deux artistes se connaissent et s'apprécient depuis longtemps. Ils ont d'ailleurs travaillé ensemble au moins une fois en 1993, lors du réenregistrement de Heartsong, le morceau à succès de Giltrap jadis utilisé comme bande son pour un documentaire de la BBC. Pourtant, si le résultat contentera largement les amateurs de belles mélodies et de musique lyrique, il n'est pas tout à fait à la hauteur des espérances que l'on pouvait en attendre. D'abord, il n'y a pas eu vraiment d'émulation réciproque entre les deux hommes. Les sept dernières plages (attention, il y a une inversion des titres sur la pochette de l'album dans son édition originale), toutes composées et préenregistrées par Giltrap, ont été envoyées à Rick Wakeman qui y a intégré par la suite sa contribution tandis que les sept premières plages, écrites par le claviériste, ont suivi le trajet inverse. Ensuite, à l'exception de quelques synthés très discrets, quasiment toutes les interventions de Rick Wakeman sont jouées au piano acoustique, ce qui procure à l'ensemble une uniformisation sonore engendrant une certaine monotonie, d'autant plus qu'il s'agit de duos instrumentaux, donc sans basse ni batterie. Inspirée par les œuvres de sculpteurs et de peintres célèbres (d'où le titre de l'album "du pinceau et de la pierre"), voici une musique classicisante, fraîche, parfois alerte et ailleurs contemplative, qui entre par une oreille et ressort par l'autre sans s'attarder longtemps dans le cerveau et qui, par ailleurs, conviendrait très bien à la sonorisation discrète d'une galerie d'art. En dépit des formidables qualités intrinsèques des deux musiciens, tout ça ne suffit pas pour faire un grand disque. [ From Brush And Stone (CD & MP3) ] [ A écouter : The Thinker ] |
Mystery : Delusion Rain (Unicorn Digital), Canada 2015 | |
Alors que le chanteur canadien Benoît David semblait la solution idéale pour remplacer Jon Anderson au sein de Yes, ce que confirma avec brio l'album Fly From Here, sa voix devint par la suite moins assurée sur scène, ce qui créa des difficultés pour son groupe doté d'un ambitieux carnet de concerts à travers le monde. Sa santé restant précaire, il fut finalement remercié et remplacé par le chanteur de Glass Hammer, Jon Davison. A ce stade, on aurait pu imaginer que David allait reprendre sa place au sein de Mystery, dont l'activité est moins turbulente que celle de Yes, et qu'il en résulterait de nouveaux disques marqués par sa voix exceptionnelle. Mais ce ne fut pas le cas, David annonça qu'il arrêtait ses activités pour un temps indéterminé, laissant ainsi sa place à Jean Pageau, devenu officiellement le nouveau chanteur de Mystery. Ce dernier n'a pas la voix aussi typée que celle de son prédécesseur mais c'est quand même un excellent chanteur parfaitement capable de transmettre de l'émotion. Quant à la musique du maître à penser et membre fondateur Michel St-Père, elle est fidèle à elle-même, quelque part entre Pink Floyd et un néo-prog symphonique, mélodique et souvent nostalgique comme un lointain écho du meilleur de Pallas. Rien de très original certes, mais cette musique qui se promène sur le versant ensoleillé du prog, en restant éloigné des tempos rapides, a quelque chose de fluide et de lumineux dont on se lasse pas. Il arrive aussi que l'orage gronde brièvement comme dans le rush instrumental de l'épique The Willow Tree mais c'est exceptionnel et l'ambiance retourne vite à sa rondeur ouatée initiale. La production impeccable met bien en relief la dynamique des instruments tout en respectant le lustre des arrangements particulièrement soignés. Les textes bien écrits traitent de sujets sociaux parfois intimistes comme l'histoire de ce père dans Wall Street King, absorbé par l'argent et le travail qui l'éloignent de sa vie familiale. Enfin, la pochette a une nouvelle fois été confiée au photographe polonais Leszek Bujnowski qui, comme pour The World Is A Game and Tales From The Netherlands, a créé une belle image surréaliste dont le ciel diaphane semble illuminé de l'intérieur. Bref, on l'aura compris: si Delusion Rain ne saurait en aucun cas être qualifié de grande surprise, ce n'en est pas moins un disque très attachant. [ Delusion Rain (CD & MP3) ] [ A écouter : Delusion Rain - The Last Glass Of Wine - The Willow Tree ] |
Steve Hackett : Highly Strung (Charisma), UK 1982 - Réédition CD + 3 titres bonus (Virgin Records), 2007 | |
Dans une immersion au cœur des années 80 à la recherche des disques de prog oubliés, on tombe immanquablement sur Highly Strung, une production négligée de Steve Hackett issue de sa période la moins faste. Paru juste après Cure, un disque orienté pop sans grand intérêt dont la pochette montrant Hackett à la plage derrière une boisson tropicale est aussi ridicule que celle du Love Beach d'Emerson Lake & Palmer, Highly Strung indique une certaine reprise en main par le guitariste de sa carrière musicale. Non seulement, les compositions sont plus ambitieuses, la musique plus rock mais la guitare est aussi bien plus présente. Et l'album renferme même un hit, le seul jamais obtenu par Hackett, qui, une fois édité en simple, grimpa fièrement à la 66ème place des Charts anglais: Cell 151 a cette couleur synthétique des années 80 et, à cause de la batterie étouffée et mise en avant par de la réverbération (un effet inventé par Phil Collins qu'il utilisa abondamment sur In the Air Tonight), ressemble un peu à la musique du Genesis de la période pop-rock sauf qu'en plein milieu, il y un superbe solo de guitare mêlé à des sons bizarres de synthé. Ce n'est toutefois pas la seule réussite. Camino Royale, avec son refrain accrocheur, deviendra bien vite un incontournable des concerts; Group Therapy est un instrumental propice à de beaux échanges dynamiques entre la guitare de Hackett et les claviers de Nick Magnus sur une rythmique emmenée par l'excellent et raffiné Ian Mosley avant qu'il ne soit recruté comme batteur de Marillion; et India Rubber Man est une somptueuse ballade orchestrale sur fond de piano dans laquelle on peut entendre Hackett jouer de l'harmonica qui fut son tout premier instrument. Le reste est toujours très écoutable. Hackett qui n'est pas un très grand chanteur parvient quand même à tirer son épingle du jeu surtout quand il ne pousse pas sa voix trop haut. Quant à la sonorité globale du disque, elle est délibérément moderne et s'inscrit parfaitement dans l'époque. On appréciera aussi le graphisme de l'album une fois encore réalisé dans un style inimitable par sa femme à l'époque, la brésilienne Kim Poor, auteur entre autres de l'illustration de Voyage Of The Acolyte qui remporta en 1976 la palme de la meilleure pochette de l'année. Si Highly Strung n'est pas le plus grand disque de Hackett, il n'en fait pas moins bon étalage de ses qualités de compositeur et de guitariste et ne saurait être mis à l'écart. La réédition en CD de 2007 par Virgin offre trois titres en bonus: Guitar boogie qui est exactement ce que son titre indique et qui a probablement été enregistré pendant une répétition pour la tournée de 1983; une version étendue de Walking Through Walls (référencée 12" alors qu'elle n'a jamais été éditée sur un EP) qui ne figurait que sur l'édition américaine du LP; et Time Lapse At Milton Keynes, une belle composition de Hackett pour guitare classique reprise en face B du simple Cell 151. Dommage, puisqu'il restait de la place sur le CD, qu'on n'ait pas jugé bon d'être complet et d'inclure aussi la version 7" plus courte de Cell 151 ainsi que la version live très rare de Air Conditioned Nightmare reprise en face B du EP 12" de Cell 151. Rien n'est jamais parfait ! [ Highly Strung (CD & MP3) ] [ Cell 151 (45 tours 7") ] [ A écouter : Cell 151 - Walking Through Walls ] |
Circa : HQ (Indépendant / Cleopatra Records), USA/UK 2009 | |
La musique évoque celle de Yes et c'est bien normal puisque Circa est composé de musiciens ayant appartenu à ce groupe légendaire dans le passé et au présent. Multi-instrumentiste, Billy Sherwood joua sur Union en 1991, Open Your Eyes (1997) et The Ladder (1999) avant de remplacer Chris Squire à la basse après sa mort. Le guitariste Jimmy Haun est également crédité sur Union (sur lequel il a assuré de nombreuses parties de guitare à la place de Steve Howe du côté ABWH). Et surtout, le claviériste est Tony Kaye, membre fondateur de Yes, remplacé par Rick Wakeman après sa formidable prestation sur The Yes Album mais qui rejoindra encore le groupe plus tard de 1993 à 1995 (sur 90125, Big Generator, Union, et Talk). Quand au batteur américain Jay Schellen, recruté en remplacement d'Alan White, il n'a jamais joué avec Yes mais a été le complice de Sherwood et de Kaye dans différents projets. Toutefois, si la filiation avec le géant du prog britannique est inéluctable (le jeu de basse de Sherwood est par exemple quasiment indiscernable de celui de Squire), Circa a aussi sa spécificité et retrouve quelque part la tendance jazzy qui caractérisait le troisième album de Yes avant qu'il ne devienne full symphonique avec l'arrivée du grand sorcier capé. Kaye groove vraiment sur son orgue Hammond vintage qu'il utilise bien davantage que ses synthés et ça fait la différence. Car Tony Kaye est un vrai spécialiste de l'instrument qu'il adapte au contexte rock comme seuls peuvent le faire quelques grands musiciens (dont Jon Lord, Keith Emerson et Brian Auger entre autres) et les plus grands moments sont ceux où il se lâche. En plus, les compositions tiennent la route même si, relativement complexes, leurs mélodies ne vous sautent pas à la gorge. Né à Las Vegas, Sherwood n'a pourtant rien d'un chanteur de variétés et il s'est très vite converti au prog britannique dont il maîtrise tous les arcanes. Sa voix, qui n'est en aucun cas un clone de celle de Jon Anderson, a un timbre bien particulier, avec quelques intonations entre Stevie Winwood, Gary Wright et Peter Gabriel, qui la rend plaisante et tout à fait adaptée à ce genre de rock progressiste. Ceci, dit, la musique impétueuse est essentiellement instrumentale et les prouesses sont légion. Quelques esprits chagrins objecteront que ce second album de Circa n'a guère eu de succès mais ça peut s'expliquer par diverses raisons comme : 1) la distribution du disque produit de manière indépendante est restée très confidentielle; 2) la pochette originale de l'album, avant sa réédition par le label Cleopatra, est d'une confondante banalité qui en dit long sur le marketing autour de l'objet; 3) le répertoire ne contient pas de morceau immédiatement mémorable (la principale faiblesse de ce disque, encore que l'épique Remember Along The Way grimpe dans les cœurs à chaque écoute). Il n'empêche que HQ est brillant et qu'à ce stade, on pouvait penser que leur prochaine production serait celle de la révélation. Toutefois, comme on le constatera à la lecture de la chronique suivante, il arrive que des (super)groupes ne répondent pas aux attentes projetées sur eux.
[ HQ (CD & MP3) ] [ A écouter : Chasing After Ghosts - We Can Last - Remember Along The Way ] |
Circa : And So On (Indépendant / Cleopatra Records), USA/UK 2011 | |
Sur les deux années ayant suivi la sortie de HQ, le line-up du groupe a changé : Jay Schellen a laissé sa place derrière les fûts à un musicien de studio newyorkais nommé Ronnie Ciago (qui a joué notamment avec Brand X et Patrick Moraz) tandis que le guitariste Jimmy Haun a été remplacé par le Philadelphien Johnny Bruhns. Ce dernier ayant été le leader de Roundabout, le groupe en hommage à Yes qui se produit aux Etats-Unis, il fut invité comme doublure de Steve Howe pour les répétitions en vue de la tournée 'In The Present'. En principe, la nouvelle formation se situant encore globalement dans l'alumni de Yes, la musique n'aurait pas dû changer de manière si radicale. Or, And So On apparaît nettement plus musclé que son prédécesseur, s'orientant davantage vers un prog énergique à l'américaine. Un travail plus conséquent a été fait au niveau des mélodies, ce dont ne peut que se réjouir, mais les références à The Yes Album ont disparu et l'orgue Hammond de Kaye est mis en sourdine. Certains titres comme Castaway, proche de ce que faisait jadis Alan Parsons Project, Notorious en forme de chanson pop anodine, et In My Sky, avec sa tentative ratée d'émulation de Steve Howe à la guitare acoustique, n'ont vraiment rien de spécial si bien qu'il faut attendre le dernier titre épique, Life's Offering pour être vraiment captivé par des passages instrumentaux variés et une mélodie décente. True Progress est quand même un autre bon moment avec sa structure plus progressive et ses alternances inattendues d'atmosphère. Mais ça ne suffit pas pour être séduit d'autant plus qu'on avait surtout aimé HQ pour sa part de nostalgie envers le prog britannique et le Yes des années 70. Certes, les musiciens sont ultra-compétents et la direction musicale tend vers un son plus personnel mais il n'empêche que le virage à l'américaine de And So On déçoit, surtout que le manque d'imagination mélodique de Sherwood et Kaye est ici à mille lieues de la verve et du dynamisme de ce groupe légendaire dont ils ont fait partie. Quant à la pochette, elle délaisse le sable pour l'eau mais, pour ajouter à la médiocrité ambiante, elle reste une fois de plus d'une affligeante banalité. Dommage tout ça ! [ HQ (CD & MP3) ] [ A écouter : Chasing After Ghosts - We Can Last - Remember Along The Way ] |
Jeff Wayne : Musical Version of The War Of The Worlds (Columbia), USA 1978 | |
Après quelques activités discrètes en tant que musicien et producteur, Jeff Wayne eut l'idée d'écrire une adaptation musicale du célèbre roman La Guerre des Mondes de H. G. Wells. A son crédit, il faut bien dire qu'il n'a pas fait les choses à moitié: un double album avec un coût de production supérieur à 300.000 Euros; des musiciens renommés comme Justin Hayward (The Moody Blues), Chris Spedding, Chris Thompson (Manfred Mann's Earth Band) et Phyl Lynott (Thin Lizzy); un orchestre à cordes; un narrateur prestigieux en la personne de l'acteur Richard Burton; le parolier d'Elton John -Gary Osborne- pour écrire les textes; un graphisme ambitieux (qui devait initialement être réalisé par Roger Dean) réparti entre trois artistes différents: Mike Trim pour la pochette, Geoff Taylor et Peter Goodfellow pour les illustrations du livret; sans oublier un enregistrement en 48 pistes (un des premiers du genre) dans les célèbres Studios Advision à Londres… Et comme la musique des Bee Gees pour le film Saturday Night Fever venait juste de faire exploser les ventes de disques, Wayne a donné à sa musique un coloration disco bien en phase avec l'époque. Et voilà l'amateur de prog face à cette incongruité que représente un double album conceptuel avec un thème de science fiction mais dont la musique louche occasionnellement vers le monde de la danse et des discothèques. C'est immédiatement évident dès le premier titre, The Eve Of The War, qui, une fois nettoyé de son introduction narrative, sera bien souvent inclus par les DJ dans les mix destinés à animer leurs soirées. Ceci dit, au fil des morceaux, on trouvera aussi le superbe Forever Autumn, une ballade magnifiquement orchestrée et chantée à la perfection par Justin Hayward ainsi que Brave New World, une sorte d'opéra-rock qui renvoie aux comédies musicales de Broadway. Evidemment, une grande part de l'œuvre est réservée au récit (narré ou chanté) tandis que de nombreux effets sonores parsèment les plages, appuyant ainsi les moments forts de l'action (et sur The Red Weed, on n'échappe pas aux ondes sonores si caractéristiques des films SF des 50's qui servaient jadis à identifier les soucoupes volantes, martiennes ou pas). Cet album ne manquant pas d'imagination et son interprétation étant sans défaut, il peut être conseillé à ceux qui apprécient Journey To The Centre Of The Earth de Rick Wakeman en sachant toutefois que la musique est ici plus commerciale et pour autant que le recours occasionnel au disco ne soit pas une barrière rédhibitoire. [ The Musical Version of the War of the Worlds (CD & MP3) ] [ A écouter : The Eve Of The War - Forever Autumn ] |
Commentaires et avis sur ce site : livre d'or Contact pour promotion et chronique : @dragonjazz.com |