Le Rock Progressif

Disques Rares, Rééditions, Autres Sélections


Série II - Volume 6 Volumes : [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ] [ 5 ] [ 7 ] [ 8 ] [ 9 ] [ 10 ]

Muse : Black Holes And Revelations (Warner Bros.), UK 2006

Ce qui frappe d’abord, c’est la pochette énigmatique dont le style rappelle immanquablement celles d’anciens LP de Pink Floyd, Nice, Brand X ou Alan Parsons. Il s’agit bien ici du grand Storm Thorgerson (fondateur du studio Hypgnosis) qui a encore une fois conçu une œuvre surréaliste bourrée de références à la musique : la photographie, prise en Espagne, montre quatre hommes chauves assis comme des conspirateurs autour d’une table censée être plantée dans les sables rouges de Mars puisqu’on aperçoit la terre et sa lune dans le ciel. Les quatre chevaux en miniature symbolisent les chevaliers de Cydonia (une région de Mars célèbre pour sa roche à face humaine) mais aussi les quatre cavaliers de l’Apocalypse. Superbe image qui résume les préoccupations majeures du compositeur Matthew Bellamy (la théologie, les extraterrestres et une conspiration universelle) et qui invite, comme jadis, à emporter immédiatement l’album pour l’écouter. La musique elle, est martiale et si forte qu’elle prend à la gorge comme un mélange d’épices orientales. C’est du Rock alternatif épique, mâtiné de Heavy et de Art-Rock et l’on a peine à s’imaginer devant une telle puissance que Muse n’est qu’un trio. On perçoit ici et là quelques influences comme Depeche Mode ou U2 (Map Of The Problematique), Electric Light Orchestra (Starlight), Radiohead (Soldier’s Poem) et surtout Queen qu’on jurerait reconnaître à plusieurs endroits mais, dans l’ensemble, Matthew Bellamy est une fine plume à l’originalité incontestable : ses mélodies sont prenantes et ses arrangements d’une redoutable efficacité. Difficile de choisir un titre plutôt qu’un autre mais à force de réécouter l’album, on finit par distinguer quand même quelques titres encore plus réussis que les autres. Le riff de Exo-Politics par exemple est dantesque et la mélodie irradie cette histoire d’invasion galactique paranoïaque où les E.T. sont en fait les leaders du monde prenant le contrôle des esprits. La cavalcade sauvage de Knights Of Cydonia est la bande sonore ultime pour accompagner un western futuriste (jetez aussi un coup d'œil sur la vidéo réalisée par Joseph Kahn) ou les virées infernales d’un Ghost Rider en flammes : ce titre évoque encore le fameux Telstar des Tornados, un groupe du début des 60’s dont le père de Matt, George Bellamy, était le guitariste rythmique. Supermassive Black Hole est déjà un classique du métal funky et City Of Delusion avec ses accords de guitare sèche, son arrangement orchestral et sa partie instrumentale à consonance mexicaine, est un brûlot progressif qui déchire la voûte stellaire. Black Holes And Revelations est le meilleur album des trois hommes devenus tout soudain les nouveaux rois du Rock britannique … Comme U2 et Queen avant eux, Muse est désormais apte à remplir les arènes d’Europe et d’ailleurs.

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Pure Reason Revolution : The Dark Third (Red Ink / Inside Out), UK 2006
Le premier titre instrumental, Aeropause, est confondant. On croirait entendre le Pink Floyd de Dark Side Of The Moon ou de Wish You Were Here : départ sur un tempo medium, lent crescendo, effets sonores, guitare slide et harmonies aériennes en multi-couches, on n’est pas loin du pastiche. Toutefois, après quelques minutes d’écoute, on comprend vite que ce groupe londonien a digéré d’autres influences et est bien ancré dans sa décennie : Porcupine Tree, Radiohead, Pineapple Thief et le New-Age en général peuvent notamment être évoqués pour décrire ces mélodies lisses et souvent délectables. La voix de Chloe Alper, joliment combinée à celle de son acolyte mâle (Jon Courtney) quand elle n’est pas enrobée par un chœur immense de soixante chanteurs, est d’une infinie douceur et probablement exactement ce qu’il fallait pour mettre en valeur des textes qui sont comme des rêves cosmiques (pas très différents dans l’esprit de ceux écrits par Jon Anderson). Certains morceaux sont très réussis comme ce Bright Ambassadors Of The Morning, planant dans les hautes sphères avec ses bruitages discrets et sa phrase clé (tirée de Echoes de l'album Meddle du Pink Floyd) répétée à l’infini ou cette mini suite, The Twyncyn / Trembling Willows, plus aventureuse avec une seconde section paroxystique qui laisse entrevoir une facette moins édulcorée de leur art. Il n’est pas étonnant au vu de ses réelles qualités et de son accessibilité que cet album ait rencontré un succès critique pratiquement unanime même dans la presse non spécialisée. Toutefois, ce n’est pas non plus la totale réussite que certains ont bien voulu écrire. D’abord, la musique s’avère à la longue répétitive et l’ennui guette quand on écoute le compact d’un seul tenant. Ensuite, les passages instrumentaux symphoniques résultent d’un travail collectif sans aucun solo digne de ce nom : la guitare et le piano contribuent certes aux ambiances sonores mais il faut bien avouer que ça manque de panache. La production par contre est au top : au casque, la musique fond dans les oreilles comme la banquise sous un trou d’ozone. Tout ça leur a d'ailleurs coûté une fortune entraînant fin 2006 leur éjection du label Sony/BMG : on n'est plus dans les années 70 où l'on pouvait dépenser sans compter pour la production d'un album. En définitive, grâce à son côté Pop-Rock mélodique et à ses harmonies vocales somptueuses, The Dark Third séduira probablement beaucoup de monde même (ou plutôt surtout) en dehors des cercles progressifs mais en ce qui me concerne, il reste encore un peu de champs à ce groupe pour s’améliorer.

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Spock's Beard : Spock's Beard (Inside Out), USA 2006
Ce neuvième album en studio, ils l’ont tout simplement appelé Spock’s Beard probablement pour marquer un nouveau départ allant de pair avec un regain de confiance dans l’avenir après le désistement inopiné de Neal Morse, alors qu’ils étaient au faîte de leur gloire. Octane et Feel Euphoria offraient suffisamment pour plaire à ceux qui n’ont pas connu V ou Snow mais, avec le recul, ils apparaissent comme des disques moyens alors que celui-ci, avec ses 77 minutes de musique compactées sur une seule galette, marque un pas dans la bonne direction. Les trois morceaux les plus progressifs (comprenez les plus complexes) que sont On A Perfect Day, With Your Kiss et plus spécialement encore l’instrumental Skeletons At The Feast (qui représentent quand même un tiers de la durée totale de l’album) sont en effet et de loin les meilleurs titres composés par le groupe sans Morse et ils confirment à ceux qui en douteraient encore le potentiel énorme dont ces musiciens sont investis. Malheureusement, après ces trois nouveaux standards que l’on n’a pas fini de se repasser en boucle, le reste mouline avec beaucoup moins de panache et tombe même parfois dans une platitude atterrante pour des oreilles un rien progressives. On pourrait encore passer sur la suite en quatre parties As Far As The Mind Can See même si elle souffre nettement d’un manque de cohésion : rassembler quatre morceaux aussi disparates sous un intitulé unique ne suffit en aucun cas pour composer une chanson épique. Le Blues-Rock Sometimes They Stay, Sometimes They Go ou le popisant The Slow Crash Landing Man trouveront peut-être leur chemin sur les stations de Rock FM mais le Hard simpliste et sans peps de Is This Love et Wherever You Stand n’ajoutera rien à leur réputation. Quant aux incontournables chansons lentes que sont la ballade All That's Left et le longuet Hereafter avec son piano sous influence classique, elles sont tout au plus agréables. Sous sa pochette aussi imposante que de l’or massif et malgré trois titres indiscutablement fabuleux et un son énorme, cet album trop hétérogène et trop complaisant n’est pas celui que vous et moi attendions d’un gros calibre comme Spock’s Beard. Ah, si seulement il avait été plus court avec deux ou trois compositions mémorables en plus …

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Jeff Beck : Blow By Blow (Epic), UK 1975 - réédition CD remastérisée (Sony), 2002
Après une incursion plutôt désastreuse dans le Rock Heavy en compagnie du bassiste Tim Bogert et du batteur Carmine Appice (section rythmique des ex-Vanilla Fudge et Cactus), Jeff Beck se lance dans une aventure en solo et l’exploration d’un genre nouveau, du moins pour lui car la musique qu’il aborde est un mélange de Funk / Fusion quelque part entre le Jazz-Rock porté au pinacle quelques années auparavant par le Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin et le Funk/Soul Motown très particulier de Stevie Wonder (pour qui Beck collabora à l’enregistrement du fameux Talking Book en 1972). Après avoir évincé son ancien partenaire Carmine Appice jugé techniquement inapte à participer à un tel projet (mais qui contribua néanmoins à sa genèse), Beck réunit un groupe de musiciens compétents qui ne remettraient pas en cause ni la suprématie de sa guitare ni l’hégémonie de ses intentions : David Maxwell « Max » Middleton, compositeur et spécialiste du piano électrique Fender Rhodes, du Minimoog et du Hohner Clavinet (le piano électronique sur lequel Stevie Wonder joue le fameux riff de Superstition) ; Phil Chenn à la basse et Richard Bailey à la batterie. Neuf titres sont mis en boîte aux studios Air à Londres en octobre 1974 dont deux inédits écrits par Stevie Wonder (Cause We've Ended As Lovers et Thelonius) et un arrangement reggae du classique She’s A Woman de Lennon et McCartney, Beck lui-même contribuant à l'écriture de quatre titres originaux. L’entente entre les musiciens est effective et contribue à donner à l’ensemble une véritable cohésion, d’autant plus que les enregistrements furent réellement réalisés en groupe avec seulement quelques parties de guitare rajoutées ensuite par Beck. Mais le cœur de l’ouvrage reste évidemment le travail époustouflant d’El Becko sur sa Les Paul : le leader tire sur ses cordes, joue avec les boutons de volume et de tonalité, maîtrise les effets de vibrato, de distorsion, de sustain ou de feedback, cherche les couleurs sonores les plus improbables et délivre des chapelets de notes imprévisibles, volant loin au-dessus des harmonies et des rythmes efficaces déroulés par ses comparses galvanisés. Il en profite également sur Cause We've Ended As Lovers pour rendre hommage à l’une de ses grandes influences : le regretté Roy Buchanan, un autre maître du bending qui, lui aussi, savait si bien faire pleurer sa Telecaster. La musique, qui n’a pas la froideur de certains opus du genre, s’écoute avec infiniment de plaisir : c’est bien elle en effet et l’émotion/excitation qu’elle procure qui sont privilégiées par rapport à l’exhibitionnisme et à la virtuosité technique. Balancé intelligemment entre improvisations de haut vol et parties mélodiques accrocheuses, Blow By Blow est une œuvre que l’équilibre et la pondération rendent attachante. George Martin (celui des Beatles) a produit l’album en lui donnant un lustre intemporel et a en plus apporté une contribution non négligeable aux harmonies via quelques arrangements orchestraux dont il a le secret (Scatterbrain et Diamond Dust). De façon inattendue, cet album pourtant complexe, sophistiqué et entièrement instrumental, grimpa à la quatrième place des charts américains et fut élu « album de guitare de l’année » par les lecteur du magazine Guitar Player. Comme quoi, à l’époque, on savait encore reconnaître un vrai talent et apprécier la bonne musique !

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Jeff Beck : Wired (Epic), UK 1976 - réédition CD (Sony), 2001
En 1974, le guitariste le plus imprévisible des ex-Yardbirds décide d’abandonner le Rock Heavy et de tenter un genre à priori plus complexe : la Fusion. Après Low By Low (1975), un premier essai au succès critique, commercial et artistique incontestable, Wired qui s’inscrit dans la même ligne est pourtant une autre histoire. D’abord, le batteur Narada Michael Walden est un pivot important de cet album auquel il contribue à donner un ton particulier : non seulement la moitié des compositions sont écrites de sa plume mais son jeu explosif et foisonnant (carrément volcanique sur Led Boots) s’impose également comme l’un des moteurs propulsant la musique. Ensuite, Jeff Beck a fait appel à Jan Hammer, claviériste réputé du Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin pour qui il a enregistré trois disques (dont le fameux Birds Of Fire en 1972) et qui deviendra encore plus célèbre une décennie plus tard grâce à l’enregistrement du thème de Miami Vice. Les synthés de Hammer sont omniprésents sur quatre titres sur lesquels les arrangements typés « années 70 » ne laissent malheureusement pas de place pour des orchestrations de cordes ou de cuivres qu’aurait pu concocter le producteur George Martin (imaginez le riff mordant de Blue Wind avec une section de trompettes et de saxophones à la Memphis Horns). Enfin, Beck n’a rien composé pour cet album, préférant des titres écrits par ses comparses à côté d’une reprise de l’un des thèmes les plus fameux du grand Charlie Mingus : Goodbye Pork Pie Hat (une composition en hommage au saxophoniste Lester Young). Tout ça, en plus du fait que l'enregistrement s'est effectué en plusieurs étapes et que le line-up change d’un titre à l’autre, rend l’album moins homogène que Blow By Blow et, en conséquence, son écoute est un peu moins lisse. Ceci dit, Wired n’a quand même pas grand-chose à rendre à son prédécesseur : le disque est mieux produit ; le jeu de Beck qui évolue d’une intensité ardente à une sensibilité extrême sans virtuosité inutile est au top ; les musiciens rassemblés pour Wired sont tous des virtuoses et la qualité technique de l’œuvre est impressionnante ; la relecture du classique de Mingus est un incontournable qui vaut à elle seule l’achat de l’album : de l’art du bending à la maîtrise du feedback, le leader y explore toutes les possibilités de son instrument, procurant à une même note des tonalités différentes comme s’il utilisait successivement plusieurs guitares, ce qui est d’ailleurs probablement le cas puisqu’on sait que Beck a enregistré la plupart de ses interventions en re-recording au-dessus des structures déjà gravées par le groupe. Au bout du compte et bien qu’il soit différent de Blow By Blow, Wired n’en reste pas moins l’un des plus beaux fleurons du Jazz-Rock des années 70 : pour la seconde fois, Jeff Beck prouvait aux incrédules que des musiciens de Rock pur pouvaient évoluer avec succès vers le Jazz le plus élitiste pour autant qu’ils en avaient vraiment envie.

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National Health : Of Queues And Cures (Charly Records), UK 1978 - réédition CD (Spalax), 2002
National Health (nommé d’après le système de sécurité sociale britannique) fut fondé en 1975 par les claviéristes de Hatfield and the North, Dave Stewart, et de Gilgamesh, Alan Gowen. L’enchaînement des musiciens prestigieux qui firent partie du groupe jusqu’en 1978, date d’enregistrement de cet album, est un casse-tête mais toujours est-il que ceux qui se retrouvèrent à Ridge Farm dans le Surrey en juillet 1978 pour enregistrer Of Queues And Cures étaient Dave Stewart, Phil Miller (guitariste de Matching Mole et de Hatfield and the North), John Greaves (bassiste chez Henry Cow) et Pip Pyle (batteur chez Chicken Shack, Gong et Hatfield and the North). D’autres musiciens plus ou moins célèbres dont Jimmy Hastings (flûte et clarinettes), Georgie Born (violoncelle) et Keith Thompson (hautbois) apparaissent également en invités au fil des plages. Une affaire de famille donc pour ces artistes habitués à tourner au sein des groupes à géométrie variable issus de la scène de Canterbury. Pourtant, cet album ne ressemble ni aux jam-sessions psychédéliques de Soft Machine ni aux expérimentations dissonantes de Henry Cow. Sans Gowen dont l'inclination pour les longues improvisations est notoire, ce disque se révèle plus structuré, chaque titre ayant une identité propre bâtie sur des idées certes singulières, voire carrément déjantées, mais souvent géniales. Bizarre en effet cet hilarant Phlakaton percussif de 8 secondes (le titre Prog le plus court de toute l’histoire du Rock) ou ce Collapso en forme de calypso détourné conservant malgré tout une sérieuse déferlante de « steel drums ». Sinon, comme dans tout bon disque relié à l’école de Canterbury, l’essentiel de cet album presque entièrement instrumental est constitué de passages Jazz-Rock (quelque part entre Brand X et les disques en solo de Bill Bruford), de rythmiques complexes en perpétuelle mutation, de dynamiques versatiles et de mélodies originales sans oublier un humour anglais décapant qui évite à tout le monde de se prendre trop la tête. Grâce à un contrôle permanent sur les compositions et malgré son indescriptible variété, Of Queues And Cures ne s’effiloche pas dans tous les sens : tout s’enchaîne avec classe, facilité et rigueur et chaque solo (guitare, piano acoustique ou électrique, orgue, Mini-Moog, flûte, violoncelle …) est à sa place dans des textures cohérentes, riches et souvent rehaussées d’arrangements symphoniques précis où brillent cuivres, clarinettes et hautbois. Cet album représente l’une des dernières manifestations du Rock Progressif dit de Canterbury dont il est aussi l’un des points culminants. Energique et malin tout en restant accessible, c'est également un pied de nez aux brigades Punk qui, à la même époque, imposaient au développement de la musique populaire un point de rupture irréversible. Bien qu'il soit passé inaperçu en son temps et qu'il n’ait en rien changé le cours de l’histoire du Rock, Of Queues And Cures présente l'incomparable avantage sur ses contemporains de s’écouter aujourd’hui avec le même plaisir qu’il y a trente ans.

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UFO : The Monkey Puzzle (Steamhammer SPV), UK 2006
Soudain, les vieux briscards de UFO sont à nouveau sur le devant de la scène. Reconstitué à quatre-vingt pourcents, le groupe a substitué Michael Schenker par un petit nouveau : le guitariste Vinnie Moore. Mais Vinnie est un authentique « rapid fire » qui s’est déjà fait un nom grâce à sa collaboration avec Jordan Rudess (pour les amateurs de Prog) et à ses disques en solo sur Shrapnel Records (le label de Mike Varney), la plupart reconnus par les revues spécialisées comme des incontournables de la gratte pyrotechnique. C’est lui qui écrit la majorité des thèmes musicaux et propulse le son de UFO dans la modernité : influences néo-classiques, attaques venimeuses, arpèges en cascades, décollages à l’arraché, barrages staccato, explosions stellaires… On entend ici du Joe Satriani, du Steve Vai, du Al Dimeola, du Edward Van Halen et aussi du Vinnie Moore ramassant toutes les leçons du passé pour mieux forer sa propre percée glorieuse. Mais les vétérans de UFO, tout subjugués qu’ils soient par leur nouvelle recrue, ne sont pas que des faire-valoir : Paul Raymond qui joue toujours de son orgue et de son piano avec autant de discrétion que de subtilité, est aussi l’auteur de l'incandescent Black & Blue et du mélodique Kingston Town qui clôture l’album ; Pete Way, en dépit de ses frasques légendaires, manie sa basse comme un démon et Phil Mogg est non seulement un chanteur doté d’une voix parfaite pour le Hard-Rock mais il sait aussi écrire des textes qui tiennent la route. Quant à Andy Parker, son retour inopiné derrière les fûts revitalise un team désormais soudé par sa propre légende. Evidemment, on regrette quelque peu le tandem Mogg / Schenker : l’affinité entre ces deux-là avait quand même donné naissance à des classiques inusables comme Doctor Doctor, Shoot Shoot, Rock Bottom, Lights Out ou Too Hot To Handle mais en dépit du respect que l’on porte au talent de l’irascible Teuton, il faut bien avouer que, grâce à Moore, le UFO de 2006 est aujourd'hui aussi bien en phase avec le Métal contemporain qu’avec le Hard des 70’s. Et puis, des titres comme Who’s Fooling Who ou Hard Being Me ont bien assez de panache pour être inclus sur toute bonne compilation du groupe à côté de leurs anciens hymnes. Renouer avec une antique magie pour la faire revivre n’est jamais simple : UFO l’a fait et c’est tant mieux !

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Skin Alley (CBS), UK 1969 - réédition CD avec 2 titres en bonus (Eclectic Discs), 2006
Skin Alley : To Pagham And Beyond (CBS), UK 1970 - réédition CD (Eclectic Discs), 2006


Formé à la fin des années 60, Skin Alley a eu la chance de figurer, aux côtés d’autres groupes célèbres comme Chicago, Santana, Blood, Sweat and Tears et Janis Joplin, sur le double LP promotionnel Fill Your Head With Rock édité en 1970 par le label Columbia. Le titre présenté, Living In Sin, était suffisamment engageant pour donner l'envie d’écouter leur premier LP en entier. Ce dernier est typique des ensembles proto-progressifs de la fin des années 60 avec un style basé sur une combinaison soft de Jazz, de Rock, de Blues et même de Folk. Le département des guitares est laissé en friche au profit des saxophones (Bob James) et des claviers (Thomas Crimble et Krzysztof Henryk Justkiewicz). Fort bien produit par Dick Taylor (ex-guitariste des Pretty Things), le disque s’écoute plutôt facilement et les longs interludes instrumentaux coulent comme du Rock smooth très légèrement jazzy à la manière des pièces les plus accessibles de Camel ou de Caravan : on retiendra entre autres Night Time ensemencé de Folk, l’intimiste All Alone et son solo d’orgue et un Marsha plus up-tempo dominé par des riffs d’orgue et un long solo de saxophone. Dans cette réédition définitive en CD concoctée par Eclectic Discs, le mélodique Tell Me est inclus en deux versions : celle de l’album original et celle sortie en simple avec un nouvel arrangement plus jazzy. La face B du 45 tours, Better Be Blind, est également ajoutée en bonus. Le second album To Pagham And Beyond, paru en 1970, n’est pas moins intéressant malgré le désistement pendant les sessions du bassiste et claviériste Thomas Crimble parti rejoindre les rangs de Hawkwind. Avec l’arrivée de l’excellent bassiste et flûtiste Nick Graham (ex-Atomic Rooster) en remplacement de Crimble, le style devient encore plus ouvert sur les improvisations tandis que l’atmosphère se fait nettement plus bluesy avec le recours à l’harmonica sur Big Brother Is Watching You et une bonne reprise R&B du Walking In The Park de Graham Bond (profitez-en pour réécouter la version de Colosseum sur Those Who Are About To Die Salute You sorti en 1969). Ces deux disques ouverts, sophistiqués, fusionnels et pleins de vitalité sont recommandés à ceux qui apprécient le son et le style des groupes de Rock aux influences Jazz et Blues de la fin des années 60 : bien que peu connus, ces deux-ci ont largement contribué à l’éclosion de la musique progressive qui allait déferler dans toute sa splendeur à travers la première moitié des seventies.

[ Ecouter / Commander : Skin Alley first album - To Pagham And Beyond ]

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