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Levin Minnemann Rudess : Back To The Machine (5:04) |
Levin Minnemann Rudess : From the Law Offices Of (Lazy Bones), USA/Allemagne, 15 Juillet 2016 Ce trio ressemble à un de ces super groupes des années 70 dont la motivation était de jouer ensemble une musique différente de ce que les musiciens avaient l'habitude de faire dans leurs orchestres d'origine. Trois ans après un premier essai remarqué (LMR, 2013), le claviériste Jordan Rudess (Dream Theater), le bassiste et prince du Chapman stick Tony Levin (King Crimson et Peter Gabriel) et le batteur guitariste Marco Minnemann (Steven Wilson, Joe Satriani) remettent le couvert pour un nouvel album gorgé de musique instrumentale non orthodoxe où le rock (Back To The Machine et le fantastique Good Day Hearsay quelque part entre ELP et Deep Purple) fait bon ménage avec la fusion progressive (Marseille, When The Gavel Falls) et d'autres styles qui vont de la ballade (la superbe composition Balloon de Minnemann) à l'expérimentation débridée (Ready Set Sue). Enregistrée séparément via Internet (chacun brodant et ajoutant sur le travail des autres), la musique n'en est pas moins cohérente avec des intrications entre les instruments proprement stupéfiantes. Techniquement au-dessus de la mêlée et bourré de trouvailles musicales et soniques, From the Law Offices Of LMR occupe en plus un créneau très original (et donc difficile à définir) dans le prog actuel. Dommage que, vu les obligations contraignantes des trois musiciens, les chances de voir un jour ce trio en action sur scène soient quasi nulles. [4/5] [ Levin Minnemann Rudess website ] |
Karmakanic : God, The Universe and Everything Else No One Really Cares About, Pt. I (5:59) |
Karmakanic : Dot (InsideOut), Suède, 22 Juillet 2016 Le groupe suédois, qui n'avait plus rien sorti depuis son excellent album In A Perfect World de 2011, revient avec un nouvelle production intitulée Dot. Le point en question, qui figure sur la pochette, c'est la terre vue par la sonde Voyager 1 depuis les limites du système solaire: une simple escarbille déjà presque froide. Une photo qui remet les choses en perspective et incite à réfléchir sur nos destins aussi bien que sur nos actions. C'est ainsi que le morceau épique de l'album, qui dure quelques 30 minutes tout en étant séparé en deux parties non contiguës, s'intitule Dieu, l'univers et toutes ces choses sans importance (tout un programme!). Le projet a été conçu entièrement par le leader du groupe, le bassiste Jonas Reingold (The Flower Kings), mais avec l'apport conséquent des autres membres du groupe, dont Goran Edman (Yngwie Malmsteen), Morgan Agren (Frank Zappa, Steve Vai) et Lalle Larsson (Agents Of Mercy), plus Andy Tillison à l'orgue en invité sur quelques titres. Quant à la musique, elle est mélodique, complexe, équilibrée (sur le plan de la dynamique mais aussi sur celui de la répartition entre parties chantées et instrumentales), variée, grandiose et bourrée de ces moments émotionnels qui donnent le frisson. En un mot, elle est stellaire et donc en parfaite adéquation avec le thème de l'album ! [4½/5] [ Dot (CD & MP3) ] |
Aisles: Hawaii Album complet (1:21:44) |
Aisles : Hawaii (Presagio Records), Chili, 29 Juillet 2016 Quatrième album de cet excellent groupe chilien formé à Santiago en 2001, Hawaii est un double disque conceptuel dont le thème raconte l'histoire de ces colonies dans l'espace qui tentent de préserver le patrimoine de l'humanité après destruction de la Terre. Entre prog classique et néo, la musique sonne quand même résolument moderne d'autant plus que la production impeccable met en relief le moindre détail sonore. Le chanteur Sebastian Vergara a une voix haut-perchée mais terriblement versatile et apte à s'adapter à toutes les ambiances et situations. De multiples passages instrumentaux laissent suffisamment d'espace aux deux guitaristes Rodrigo Sepulveda et German Vergara ainsi qu'au claviériste Juan Pablo Gaete, grand pourvoyeur d'effets électroniques en tous genres pour environnement spatial. Au total, Hawaii se révèle être une réalisation ambitieuse et sans défaut apparent qui devrait plaire aux fans de SF comme à ceux de prog mélodique, cosmique et parfois atmosphérique et même avant-gardiste, ce qui fait déjà énormément de monde. A écouter en version complète sur YouTube ! [4½/5] [ Hawaii (CD & MP3) ] |
The Future Left Behind : Promo video (0:59) |
Leon Alvarado : The Future Left Behind (Melodic Revolution), USA, 30 Juillet 2016 Cette excellente production du multi-instrumentiste américain Leon Alvarado est un concept album basé sur une histoire de science-fiction. Polluée et surpeuplée, la terre se meurt et ses habitant la quittent pour fonder des colonies dans l'espace. Il en résulte deux civilisations distinctes, l'une technologique et l'autre, restée sur Terre, dont le seul avenir possible et de restaurer une écologie dégradée. A l'instar de Journey To The Centre Of The Earth de Rick Wakeman (qui apparaît ici sur The Launch Overture où il joue un solo de Moog), l'histoire est racontée d'une voix de baryton par Steve Thamer dans des sections narratives qui s'intercalent entre des pièces purement instrumentales. Planante ou mystérieuse, ou encore futuriste avec des sons électroniques évoquant le vaisseau Ayreon, la musique inclut également des passages grandioses et orchestrés à la manière des bandes sonores des films hollywoodiens. Billy Sherwood (tombé récemment dans le giron de Yes) joue de la guitare sur tous les titres sauf sur To Be Loved sur lequel Johnny Bruhns délivre un superbe solo de guitare acoustique qui renvoie à la manière classique de Steve Howe. Mastérisé à la perfection par l'ingénieur de Pink Floyd, Andy Jones, cet album parvient à stimuler l'imagination et fait naître des images rémanentes qui persistent longtemps après l'écoute. Ce qui, on en conviendra, est l'apanage des disques réussis. [4/5]
[ The Future Left Bhind (CD & MP3) ] |
The Pineapple Thief : No Man's Land (4:23) |
The Pineapple Thief : Your Wilderness (Kscope), UK, 12 août 2016 The Pineapple Thief a depuis longtemps mis au point un style personnel, entre prog et pop-rock alternatif, qui est désormais immédiatement reconnaissable et qui n'évolue plus que lentement. Sur Your Wilderness, un onzième disque en studio de huit titres d'une durée de 41 minutes, la grande nouveauté est d'avoir invité des musiciens extérieurs à la formation qui contribuent au fil des plages à enrichir les textures : le brillant Gavin Harrison (Porcupine Tree) à la batterie sur l'intégralité du répertoire, John Helliwell (Supertramp) à la clarinette, Darran Charles à la guitare, et Geoffrey Richardson (Caravan) pour orchestrer une section de cordes, en plus d'un groupe de quatre choristes. Les chansons révèlent une dynamique très contrastée, les arrangements sont nuancés et créatifs, et la production de Bruce Soord et Steve Kitch est immaculée. Même si on ne saurait parler de totale surprise, ce nouvel album, plus ambitieux et moins pop que d'habitude, est sur un plan musical particulièrement réussi et séduisant. En plus, il est accompagné d'un superbe livret ornementé d'une collection de somptueuses photographies prises par le talentueux Carl Glover (qui d'autre ?) [3½/5] [ Your Wilderness (CD & MP3) ] |
Nosound : In Celebration Of Life (5:43) |
Nosound : Scintilla (Kscope), Italie, 2 Septembre 2016 Selon son créateur Giancarlo Erra, la musique de Nosound marque une évolution majeure avec ce cinquième album en studio. Peut-être, mais il n'empêche que comme auparavant, l'atmosphère générale de Scintilla est toujours mélancolique avec des textes moroses et désabusés comme Steven Wilson se plaît parfois à en écrire. Les textures musicales sont riches et lustrées grâce, entre autres, à des arrangements organiques incluant quelques surprises (les cuivres sur le titre éponyme) ainsi que le son nostalgique de la violoncelliste Marianne De Chastelaine qui plane sur tout le répertoire. Erra a aussi fait appel à deux chanteurs invités : Andrea Chimenti sur Sogno E Incendio (le seul morceau chanté en italien) et Vincent Cavanagh sur deux autres titres dont le superbe Celebration Of Life qui évoque d'ailleurs son groupe d'origine, Anathema. En réalité, ceux qui connaissent déjà la musique de Nosound ne seront guère surpris ni rebutés par ce disque qui conserve l'essentiel du style alangui et un peu répétitif des productions précédentes mais pour les profanes qui souhaiteraient découvrir ce groupe singulier, Scintilla est une porte d'entrée des plus recommandables. [3½/5] [ Scintilla (CD & MP3) ] |
King Crimson : Easy Money (8:46) |
King Crimson : Radical Action (To Unseat The Hold Of Monkey Mind) (DGM), UK/USA, 2 Septembre 2016 Après Live At The Orpheum (2015) et Live In Toronto (2016) que vous pouvez maintenant revendre, ce coffret documente d'une façon plus complète la dernière incarnation de King Crimson, celle avec trois batteurs en ligne sur le devant de la scène (Pat Mastelotto, Gavin Harrison et Bill Rieflin), pendant sa tournée 2015 aux USA, au Canada et au Japon. Les titres des anciens albums (depuis In The Court Of The Crimson King de 1969 jusqu'à Level Five en 2003 en passant par A Scarcity Of Miracles de Jakszyk, Fripp and Collins en 2011) sont mêlés à de nouvelle compositions écrites spécialement pour cette formation (Radical Action II, Suitable Grounds For The Blues) tandis que le répertoire soigneusement édité et expurgé des bruits du public sonne comme celui d'un nouvel album qui aurait été enregistré live dans un grand studio. Un peu vite classé au départ dans les bizarreries de Robert Fripp, ce line-up singulier finit enfin par dévoiler ses charmes. Remise en perspective, l'oeuvre de KC offre de nouveaux contrastes mais, pour la première fois depuis longtemps, le groupe renoue aussi avec le charme des premiers disques: le retour du mellotron ainsi que la voix respectueuse de Jakko Jakszyk y contribuent pour beaucoup, et Mel Collins avec son sax et sa flûte encore plus, et c'est sans parler du support exceptionnel de Tony Levin à la basse. Du coup, on fait une croix sur tout ce qu'on a pu lire ou écrire à propos de cette dernière version étendue de King Crimson : voici un coffret aussi original et essentiel que tous les disques que le groupe a enregistrés en studio avant lui. Force est donc de reconnaître que sur ce coup-ci également, tel un Miles Davis du Prog toujours en avance de deux ou trois longueurs, Robert Fripp voyait encore beaucoup plus loin que tout le monde. [5/5] [ Radical Action - To Unseat The Hold Of Monkey Mind (3 CD / 1 Blu-Ray) ] |
Grandval : A Ciel Ouvert (8:00) |
Grandval : A Ciel Ouvert (Indépendant), France, 5 Septembre 2016 Grandval (dont le nom est à la fois celui du groupe et celui de son unique membre officiel) a ses racines en Auvergne et son disque en porte les stigmates : un intitulé, des vidéos, un livret et une pochette évoquant les grands espaces, une musique ample et dramatique comme un ciel d'orage, et des textes en français poétiques et parsemés de références à la nature. Multi-instrumentiste et chanteur, le leader a eu la bonne idée de faire appel à des musiciens extérieurs pour étoffer ses compositions : un excellent batteur et pas moins de quatre guitaristes dont Jean-Pierre Louveton (Nemo) et Colin Tench (Corvus Stone). Alors forcément, avec celles du leader en plus, les guitares sont omniprésentes, imprimant des couleurs qui évoluent au fil des plages et des invités. Aériennes sur Comment Les Loups Changent Les Rivières (Tench), plus rock et musclées sur A Ciel Ouvert (Louveton), psychédéliques sur Aktion T4 (Steph Honde), sinueuses et interactives sur Jongleur Des 4 Vents (Kevin Serra), les six-cordes sont reines et, il faut le souligner, fort bien mixées dans une production subtile qui privilégie intelligemment la dynamique au volume. Homogène dans ses thèmes, l'album sans être conceptuel s'écoute d'une traite, les chansons plus atmosphériques que tumultueuses s'enchaînant avec cohérence dans leur agréable diversité. Courant musical discret, le prog chanté en français, avec des artistes aussi emblématiques que Ange, Atoll, Mona Lisa, Lazuli, Nemo et Gérard Manset, n'en a pas moins contribué à façonner le genre. Avec ce disque particulièrement soigné, Grandval s'inscrit dans le sillage de ces créateurs historiques mais avec son propre style, moins symphonique, plus hybride, et marqué par une touche indispensable de modernité. Un premier essai longuement mûri et, en finale, réussi. [4/5] [ Your Wilderness (CD & MP3) ] |
Marillion : Living in F E A R (4:16) |
Marillion : F E A R (F*** Everyone And Run) (EarMusic), UK, 23 Septembre 2016 Le nouvel album de Marillion a beau porter un titre provocateur, il ne s'inscrit pas moins dans la continuité de ce qui a fait le succès du groupe: une musique atmosphérique immédiatement reconnaissable avec des textes en prise sur l'actualité et une époque troublée. En l'occurrence, F E A R (pour Fuck Everyone And Run) est un constat amer de l'évolution capitaliste en Angleterre et ailleurs ayant conduit à une attitude égoïste du "chacun pour soi". C'est aussi une phrase chantée avec amertume par un Steve Hogarth plaintif dans The New Kings, la longue suite (près de 17 minutes) en cinq parties qui clôture le disque. Réalisée par Simon Ward (déjà auteur du visuel de Sounds That Can't Be Made), la pochette présente les lettres de l'acronyme "F E A R" poinçonnées dans un lingot d'or (virtuel). A noter que la lettre "A" est associée à un "U" en exposant (Au est le symbole chimique de l'or) ainsi qu'au nombre "18" qui, par contre, n'est pas le symbole chimique de l'or (79) mais renvoie plutôt au fait qu'il s'agit du 18ème album en studio de Marillion. [4½/5] [ F E A R (CD) ] |
"We all know about the wars that are raging. All the millions who just cannot see. There's so much more that binds us than divides us. But our fear denies it, while the papers stir it." (El Dorado IV - Fear) "I don't know if I can believe the news. They can do anything these days. They can do anything with computers these days." (The New Kings III - A Scary Sky) Tous les textes exsudent une forme ou l'autre de tristesse mêlée d'angoisse, soit liée à l'ambiance de l'époque, soit à des causes plus personnelles. La peur, la xénophobie, le cynisme, l'égoïsme, le repli sur soi face aux tempêtes sociales et financières qui s'annoncent sont au cœur de ce disque sombre et pessimiste qui énonce des faits et pose des questions mais n'apporte aucune réponse. On se dit alors que la musique aurait pu être le reflet de ces peurs et de ces frustrations et que, pour une fois, elle aurait pu, à l'instar de ce qu'avait fait Pink Floyd avec son album Animals, partir dans d'autres directions plus rageuses et révoltées. Mais c'est mal connaître Marillion dont le style néo-prog symphonique semble une fois pour toutes coulé dans un moule en béton incassable. Le claviériste Mark Kelly envahit comme à l'accoutumée des arrangements somptueux tandis que la guitare de Steve Rothery (particulièrement grandiose sur El Dorado) s'envole dans ces solos atmosphériques dont il possède la quasi-exclusivité. On peut supposer que la critique ne manquera pas d'épingler cette opportunité ratée mais, pour les fans de Marillion qui ne souhaitent pas nécessairement un changement trop radical de style (le flop d'anciennes productions comme Radiation, Marillion.com et Anoraknophobia l'ont amplement montré), ce dix-huitième disque en studio devrait quand même apporter comme d'habitude son lot de petits bonheurs. Il faut dire aussi que les textes de Steve Hogarth, pour moroses qu'ils soient, ne sont pas vraiment en désaccord avec la musique de son groupe. Au contraire, ils sont paradoxalement mis en exergue par cette apparente opposition entre les problèmes sérieux abordés par le chanteur et l'accessibilité d'une musique rampante qui coule bien souvent comme du miel au soleil. C'est comme si le romantisme désabusé du chanteur traquant les fléaux du siècle s'épanouissait dans le lyrisme mélodique et vaporeux de ses partenaires. C'est d'autant plus vrai que la voix plaintive de Hogarth s'accommode à merveille de ces nappes de sons en apesanteur peaufinées par Marillion depuis Brave en 1994. Reste à ajouter qu'il vaut mieux ne pas passer F E A R comme musique de fond : les longues plages finiraient par lasser en laissant une impression de collage et d'éternité alors qu'une écoute attentive révèle les subtilités des multiples sections imbriquées dont la variété comme l'intensité, sans atteindre celles de The Sounds That Can't Be Made, n'en sont pas moins bien réelles. |
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