Volume 1 | Volumes : [ 2 ] |
Ces pages sont réservées à des chroniques écrites par des lecteurs de DragonJazz : si vous avez aimé un disque de Rock Progressif particulier et que vous souhaitez en parlez, n'hésitez pas ! Envoyez votre texte et un bon scan de la pochette (simple ou double, au format JPG, 250 pixels en hauteur minimum) à cette adresse.
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Greenslade (Warner Bros), UK 1973 Après la séparation de Colosseum, le claviériste Dave Greenslade et son ami Tony Reeves (basse) eurent la bonne inspiration de former Greenslade en 1972, groupe bientôt rejoint par le batteur Andy McCulloch connu surtout pour sa participation au Lizard de King Crimson. Ce premier album éponyme ne recueillera aucun succès et pourtant … C’est un véritable chef d’œuvre, une pépite comme le Rock progressif sait parfois en offrir. L’apport d’un second clavier (tenu par Dave Lawson) au lieu d’une guitare confère une originalité supplémentaire à cette alchimie qui fonctionne parfaitement. Les thèmes variés sont travaillés tout en dentelle tandis que la voix chaude de Lawson, chanteur au registre étendu jusque dans les extrêmes aigus, illumine les compositions. Les orgues, pianos, mellotrons et autres claviers sont particulièrement soignés et mis en avant de façon délicate et avec maestria. Quant à la section rythmique, elle est monstrueuse : montez le volume…. La batterie de McCulloch est omniprésente, nerveuse et inventive !! Le point d’orgue de cet opus, c’est l’instrumental « Mélange » dans lequel la basse de Reeves est monumentale (même dans les aigus), solo pur par instant, concerto pour basse & orchestre à d’autres. Mon unique point de référence relatif à une telle basse jouissive est le « De Futura » de Jannick Top au sein de Magma. L’album se conclut par un autre instrumental ou l’art multiforme de Dave Greenslade apparaît dans toute sa singularité. Heureusement, ce premier disque réussi ne restera pas un essai unique et Greenslade gravera encore dans la foulée quelques autres vinyles de (presque aussi) bonne facture. [ Daniel ] [ Greenslade ] [ Ecouter / Commander ] |
U K : Danger Money (EG Records), UK/USA 1979 En congé de King Crimson pour cause de mort des dinosaures (dixit Robert Fripp), la section rythmique la plus progressive de l’époque, Bill Bruford (drums) et John Wetton (basse et chant), part former UK en 1977 avec l’aide de Allan Holdsworth à la guitare et de Eddie Jobson aux violons et claviers. Après un premier album éponyme intéressant mais quelque peu décousu, Holdsworth et Bruford jettent l’éponge. Arrive alors Terry Bozzio, le fabuleux batteur de Zappa, pour compléter ce trio de choc. Et la sauce prend avec cet album incroyable, cette « Prime de Risque » - l’histoire d’un tueur à gage (sur la pochette, il se lave les mains : après le contrat ?) – qui ne sera suivie que d’un troisième bon album en concert au Japon (Night After Night, 1979), puis d’une séparation définitive. Six morceaux, signés Wetton/Jobson, composent cette suite remarquable. Les mélodies sont terriblement accrocheuses. En absence de guitare, les claviers et le violon sont portés en avant sur des tempos impossibles (Bozzio pouvant même surpasser Bruford par moment). La voix de John Wetton, qu’on ne présente plus, est ici sublime, véritable cinquième instrument. Sous de faux airs de simplicité, les mélodies sont inextricables, les idées jaillissent innombrables et le plaisir dès la première écoute est immense. Les pièces, car on ne peut pas décemment parler de chansons, apparaissent selon cet ordre : Danger Money : après une intro qui vous serre la gorge, les développements des claviers sont étonnants et la mélodie ne vous lâche plus. Le chant de Wetton fait corps avec la composition. Rendez vous 6:02 recèle d'excellents passages de piano, une mélodie très émouvante et la voix de Wetton est ici encore inouïe. Une section instrumentale très inventive s’enchaîne sur un Moog effréné qui procure le frisson. The Only Thing She Needs : une intro de batterie, des accords d'orgue et des solos de Moog, une basse rugissante qui suit le fracas des fûts de Bozzio : le plaisir est total. Le déploiement instrumental, initié par la batterie, est incroyable. Les syncopes fusent : pas de doute, on a aussi affaire à des virtuoses !! Un soupçon de piano, la voix s’élève et la batterie repart de plus belle. La fin endiablée du morceau avec son violon, son énorme section rythmique et ses tresses d’orgue façon ELP, reste très innovante même après trente années. Caesar's Palace Blues : un violon plaintif et son pizzicato, la section rythmique toujours fusionnelle, la voix qui est un régal sans oublier les petits solos de violon à la King Crimson (Confer l’intro de Larks' Tongues In Aspic). Nothing to Lose: son début magique de Moog et d’orgue s’inscrit dans le Prog classique. On a envie de danser (si ! si !). Le solo de violon électrique est éblouissant. La conversation basse/claviers relève du grand art et tout est dit en quatre minutes !! Carrying No Cross : là c’est l’opus majeur. Une lente montée, la voix de Wetton aussi belle que sur le morceau Starless And Bible Black. Les effets électroniques obtenus sur un piano désacordé impressionnent. Le violon donne le ton et le morceau devient nostalgique. Le long chorus est truffé de cassures, d’enchaînements d’instruments tandis que la batterie martèle son rythme haletant et inexorable. Les musiciens en osmose filent tous dans la bonne direction avant que l’orgue ne reprenne le lead à une vitesse fulgurante. Le temps s’est arrêté pour que s’expriment les trois comparses en état de grâce. Le piano remet tout le monde d’accord et s’octroie le pont, la fugue revient et soudain le break, introduisant le Moog suivi par un rythme fouillé avant que la mélodie de départ ne refasse surface calmement, comme pour l’intro… L’auditeur totalement conquis est épuisé par une telle avalanche de virtuosité au service d’une inspiration de bon aloi ! Bref, on l’aura compris : impossible de ne pas avoir un tel monument dans sa discothèque de Rock Progressif. [ Daniel ] [ John Wetton Official Site ] [ Eddie Jobson Official Site ] [ Ecouter / Commander ] |
Manfred Mann's Earth Band : Watch (BRONZE) UK 1978 Watch est le huitième album d’un groupe dont les changements de personnel sont incessants. Les (r)évolutions musicales au fil des disques apparaissent également considérables : R’n’B, Pop, Jazz Rock, Jazz (Chapter III), Prog et dernièrement New Age. Manfred Mann - de son vrai nom Michael Lubowitz - et son groupe sont connus comme les spécialistes des « reprises reconstruites » et magnifiées (Bob Dylan, Springsteen…) qu’ils juxtaposent cependant à des compositions personnelles éblouissantes comme ici : Drowning On Dry Land - Fish Soup (Bouillabaisse), Chicago Institute et California, une perle signée Sue Vickers, épouse du saxophoniste de la première formation. Cet album ne faisant pas exception comporte 4 reprises sur 7 titres (dont une de Bob Dylan et une de Robbie Robertson/John Simon). Cinq disques ont émergé de la période Prog du Earth Band : Messin’ ; Solar Fire ; The Good Earth ; The Roaring Silence et enfin Watch. Pourtant, Manfred Mann, « le bourreau des claviers », est resté dans l’ombre des Emerson, Wakeman et autres Banks probablement parce que les changements de genres musicaux et de personnel ne favorisent pas la notoriété. Les fans eux ne s’y sont pas trompés et le succès commercial fut souvent au rendez-vous : c’est le cas pour Watch, qui reste l’album le mieux vendu du groupe. Il y a incontestablement un savoir faire et une marque MM car malgré l’hétérogénéité des pièces musicales, l’unité de l’album existe bel et bien. On ne se lasse pas d’un tel disque que n’érodent pas les années. La maestria de Dave Flett aux guitares et de Pat King à la basse, la voix riche de Chris Hamlet Thompson, la virtuosité de Manfred Mann et le choix inspiré des reprises aboutissent à une réussite totale. Difficile de mettre en exergue un titre plus qu’un autre. Dry Land peut-être avec ses guitares rythmiques engendrant un chorus d’anthologie de Dave Flett ou Circles pour les synthés de violons, la voix si chaude de Chris Thompson, la basse et les guitares impériales ou encore Chicago et sa montée de synthés accompagnée d’une belle rythmique, son break monumental et les claviers omniprésents. Quant à California, c’est un petit chef d’œuvre émouvant sur la séparation, offrant un solo de guitare des plus exceptionnels et, en fin de morceau, un chorus du maestro des claviers : Manfred Mann plus fou et mélodique que jamais et encore plus rapide que son guitariste !! Davy’s On The Road Again, composé par Robertson/Simon mais jamais enregistré par The Band, se détache aussi par ses relances de guitares et son refrain hyper entraînant. On notera la jolie succession d’accords mineurs sur la guitare semi acoustique. Enfin, la reprise (l’adaptation plutôt) de Dylan, The Mighty Quinn en version live, clôt l’album de fantastique façon. Au final, on reste coi devant une telle virtuosité au service d’une grande inspiration. Les albums suivants seront tout de même un peu plus faibles, la source progressive se tarissant sans doute. Mais celui-ci reste incontournable pour tout amateur du genre. [ Daniel ] [ Manfred Mann Official Site ] [ Ecouter / Commander ] |
Rick Wakeman : No Earthly Connection (A&M Records), UK 1976 Le premier album de Rick Wakeman, Six Wives of Henry VIII, de 1973, était un disque instrumental fort réussi (autant que son excellent pendant de 1977, Criminal Record). Ses autres albums, à la grandiloquence grandguignolesque m’ont par contre toujours laissé de marbre, même si certains chorus de claviers demeurent stupéfiants. Les longues tirades narrées par le récitant anglais étaient tellement ennuyeuses et les textes à la sauce Jules Verne et autres légendes de la table ronde, prétextes à tant de rodomontades musicales! Les orchestrations pompières frisaient le mauvais goût et le chanteur habituel (Ashley Holt) chantait faux (si! si!). Bref je me suis tenu au large… jusqu’à No Earthly Connection. Enregistré juste avant son retour chez Yes en 1977 pour Going for the One, ce cinquième album, disque ignoré, totalement oublié et jamais réédité (une honte), est pourtant le chef-d’œuvre en solo inégalé du sorcier des claviers. Mon propre exemplaire est une antique K7 audio originale que j’ose à peine écouter de peur qu’elle ne me lâche (pensez donc, 30 ans de bons et loyaux services!! D’ailleurs, si vous avez un tuyau pour dénicher le CD, merci de m’envoyer un mail). Ce concept album ésotérique, sur la musique et son absence de connexion terrestre (le titre de l’album), comporte une longue suite de prés de 30 minutes divisée en 5 mouvements (Music Reincarnate) suivie par deux pièces plus courtes : The Prisoner et Lost Cycle. Music Reincarnate est un véritable poème symphonique pour voix, orchestre rock, cuivres et claviers multiples. Wakeman fait non seulement swinguer ses synthés mais aussi ses partitions de cuivres par ailleurs somptueuses. Cette composition de grande qualité se clôture en beauté par The Reaper, ses réminiscences des autres sections, son solo de Moog, ses superbes arrangements cuivrés en plus d’une belle intervention de basse de Roger Newell, musicien attitré de Wakeman. La ligne mélodique du chant est un chef d’œuvre à elle seule : pas un temps mort, pas une redite ou une note dispensable. On dirait un chant familier tellement il coule facilement. Un soin méticuleux a été apporté aux lignes de basse qu’on peut fredonner. Cette dernière est d’ailleurs très présente avec des parties particulièrement bien écrites. Intro de mellotron, envolées de Moog sur fond de mellotron, chorus incroyables de clavecin (tel le madrigal d’un Couperin sous amphétamine), orchestrations de cuivres irréprochables… Même la voix de Holt se place bien : bref, tous les ingrédients sont là pour une œuvre Prog majeure. Ecoutez The Prisoner avec ses solos de Moog sur nappes de synthés et cette basse toujours en avant qui alterne avec les fugues de clavecin lâchées à la vitesse du solo d’orgue de Wakeman dans Close to the Edge. Lost Cycle clôt (déjà) l’album avec ses pianos électriques, à queue ou désaccordés. Dommage que Rick Wakeman n’ait pas toujours composé ses œuvres avec une telle rigueur d’écriture et un tel degré d’inspiration car il en avait sûrement les moyens. No Earthly Connection est un album à ne pas laisser sur son étagère lorsque viendra le jour de l’île déserte ! [ Daniel ] [ Rick Wakeman Official Website ] |
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Note de DragonJazz : No Earthly Connection et quelques autres LP de Rick Wakeman (Rhapsodies notamment) n'ont effectivement jamais été réédités en compact par leur maison de disque. La raison en est que le label A&M Records a été racheté en 1998 par le groupe Seagrams qui n'a jamais manifesté le moindre intérêt dans la ressortie de ces albums. A noter toutefois que No Earthly Connection a quand même été transféré sur compact au Japon sous une édition limitée dotée d'un pochette cartonnée imitant en réduction celle du LP original. Bien que cette édition nippone soit dite remastérisée, il semble qu'elle ait été simplement transférée à partir du vinyl. On peut encore en trouver quelques exemplaires d'occasion sur Amazon. |
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Phil Manzanera : K-Scope (Polydor), UK 1978 Pour son troisième effort solo, l’ex-guitariste de Roxy Music, qui s’est encore une fois entouré de musiciens exceptionnels, scintille dans le firmament du Prog où brille le binôme rythmique composé de Simon Phillips (drums et percussions) et du bassiste Bill McCormick (déjà complices sur l’excellent album 801 LIVE) ainsi qu’une pléiade d’autres étoiles parmi lesquelles Mel Collins, John Wetton, Godley & Creme, les frères Finn (Split Enz) et Francis Monkman (Curved Air). Il s’agit de l’œuvre d’un guitariste certes, mais qui intègre ses interventions dans des compositions animées d’un souffle exceptionnel, presque toutes signées McCormick/Manzanera. Si bien que, malgré la diversité des intervenants, ce disque présente incontestablement une grande homogénéité. L’album démarre très fort sur un instrumental au titre éponyme : envolées de guitares, rythmique dansante et mélodies chatoyantes sont au rendez-vous. Remote Control écrit par McCormick est le seul titre non signé par PM. Chanté par Tim Finn sur un rythme implacable, ce morceau parsemé de solos de guitare est d’une grande richesse mélodique. Cuban Crisis, dont le thème est davantage lié à la séparation d’un couple qu’à la politique, se distingue par son rythme latin et les belles harmonies vocales de Finn. Gros travail sur les lignes mélodiques et les changements de beat avant que le morceau ne se termine par une basse solitaire. Hot Spot, avec son intro de sax très free jazz par Mel Collins, ne dépare pas l’ensemble. On retrouve le gros son de la basse fretless jouée en slapping. Nouveau solo de sax suivi de chœurs splendides redevables aux tant regrettés et inoubliables Godley & Creme (souvenez-vous de 10 CC !) Numbers est signé Wetton/Manzanera. Le fameux bassiste « ne fait » que chanter ici mais quel plaisir ! A décourager quiconque du karaoké… A souligner les phrases des guitares et claviers développées par le leader et puissamment soutenues par le batteur. Slow Motion avec sa section rythmique sautillante nous fait découvrir des zébrures de chorus de guitares, de piano et de sax enrichies par de multiples chœurs. Gone Flying, planant à l’instar de son titre, est chanté par le bassiste McCormick qui n’excelle pas que sur son instrument. Le synthé est splendide et on se surprend à fredonner la mélodie. N-Shift avec son intro de piano et sa basse fretless est un instrumental ou les mélodies affolantes s’enchevêtrent en un lacis permanent. A noter la basse très ingénieuse de McCormick décidément brillant et la section rythmique qui relance en permanence les guitares tous azimuts. Walking Through Heaven’s Door qui est la pièce maîtresse de l’album en justifierait à lui seul l’acquisition. Sept minutes de bonheur, avec Wetton, à la seconde basse, pour un morceau superbement chanté une nouvelle fois par McCormick. Après une intro de sax qui expose un thème magnifique sur fonds de claviers, le chant trafiqué par des effets d’écho et de réverbération s’impose avec grâce. Vient ensuite la partie monumentale de cette pièce de choix avec ses deux basses inventives tandis que les guitares et les claviers s’ajoutent pour créer un magma sonore particulièrement travaillé et truffé de trouvailles. Une fin de morceau que l’on pourrait même jouer en discothèque si les DJ avaient un peu plus d’imagination et de culture musicale. You Are Here clôture l’album par un retour au calme ou Phil officie seul parmi les consoles des guitares et claviers, créant une pièce éthérée toute en finesse avec quelques belles parties de guitares acoustiques. K-Scope est un chef-d’œuvre du Progressif injustement oublié que je ne peux que vous inciter à redécouvrir. [ Daniel ] [ Phil Manzanera Website ] [ Ecouter / Commander ] |
Liquid Tension Experiment : LTE (Magna Carta) US/UK 1998 - LTE 2 (Magna Carta) 1999 Inséparables. Ces deux albums prodigieux sont inséparables… Deux OVNIS dans la galaxie progressive, 2 disques instrumentaux concoctés par des musiciens virtuoses bien connus : John Petrucci, Mike Portnoy et Jordan Rudess qui oeuvrent chez Dream Theater et Tony Levin (Asia, Yes, Bowie, Gabriel, King Crimson…) qu’on ne présente plus. LTE est une création de « commande » : deux producteurs sont venus voir Mike Portnoy pour lui demander d’imaginer un super groupe idéal et c’est ainsi que Liquid Tension Experiment est né !! Les deux albums s’écoutent avec le même plaisir : le style musical de cette musique est un savant mixage de jazz-rock, de métal, d’improvisations, de riffs, de mélodies, soutenu par une virtuosité jamais démonstrative. Un morceau épique est logé dans chaque album : un Three Minute Warning (qui paradoxalement dure 28’) complètement déjanté dans le premier et When The Water Breaks de 17’ dans le second (avec un bébé qui pleure en intro, souvenir du moment ou Petrucci est devenu papa pendant l’enregistrement). Chaque plage est parfaitement structurée, avec des impros certes mais qui retombent toujours sur des leitmotivs ou sur l’exposition du thème ou des thèmes. La richesse instrumentale doit également être soulignée et comprend même un vibraphone ou de l’accordéon et de la guitare classique (Another Dimension sur LTE 2). Les claviers sont particulièrement jouissifs et diversifiés, du piano à queue au piano bastringue en passant par des parties de synthé splendides. Quant à la finesse exceptionnelle du toucher de Petrucci, impossible de ne pas l’évoquer. En ce qui concerne le processus de création et de composition, l’apport du claviériste Jordan Rudess est primordial : c’est souvent lui qui arrivait en studio avec des thèmes, mélodies et autres riffs déjà assez élaborés. Certaines parties ont été écrites puis rajoutées sur des improvisations enregistrées en studio, ce qui donne cette énergie brute mais totalement sous contrôle. La section rythmique omniprésente de Portnoy – Levin est évidemment mise en avant avec des lignes de basse fourmillant de trouvailles et un jeu de batterie, comme à l’accoutumée avec Portnoy, très inventif et sans aucune monotonie. En ce qui concerne le graphisme des pochettes, la première est plutôt réussie mais la seconde ne reflète pas la qualité du contenu. Après ces deux pierres précieuses…. on ne peut qu’inciter LTE à sortir prochainement un troisième chef d’œuvre attendu année après année avec de plus en plus d’impatience. [ Daniel ] [ LTE chez Magna Carta ] [ LTE 1 : Ecouter/Commander ] [ LTE 2 : Ecouter/Commander ] |
Patrick Moraz : The Story Of I (Charisma), SUISSE 1976 De formation classique, Moraz joua au début des années 70 avec Refugee, bâti sur les cendres de Nice, puis plus tard, avec les Moody Blues à partir de 1978 (Long Distance Voyager, 1981 ...). Quand cet album sort en 1976, Moraz vient de mettre un terme à sa collaboration avec Yes pour l’album Relayer sur lequel il tenait les claviers aussi honorablement que Rick Wakeman, un virtuose pourtant difficile à égaler. Pour la petite histoire, c’est Vangelis qui avait été initialement retenu mais ce dernier n’ayant pu se conformer aux contraintes propres à l’insertion dans un groupe préféra décliner l’offre… Quel curieux choix pour Patrick Moraz d’aller chercher son inspiration au Brésil pour cette première œuvre en solo, considérée avec raison par les amateurs comme son meilleur album. Tous les ingrédients sont là, de l’inspiration créative à la variété sonore due à l’arsenal des claviers utilisés. N’oublions pas quand même, malgré l’omniprésence du leader, l’apport des autres musiciens parmi lesquels Ray Gomez à la guitare, Jeff Berlin à la basse, Alphonse Mouzon ou Andy Newmark à la batterie et John McBurnie au chant plus tout un ensemble de percussionnistes brésiliens. Dès les premiers mouvements de claviers sur Impact, l’assortiment de percussions latines s’annonce splendide. Au fil des 14 petites pièces courtes qui composent le répertoire, le claviériste nous gratifiera d’un déluge de claviers, de mélodies, de chœurs, d’envolées tragiques, de fugues de synthés ou de piano, de solos d’orgue Hammond et de magnifiques digressions pianistiques sans jamais se répéter. C’est un régal d’écouter ces percussions brésiliennes lancées à toute vitesse et parsemées par moments de grains de piano épars et de partie de Moog délirantes… Ce Rock brasilo-progressif qui fusionne la modernité à la tradition est une grande idée !! L’album se clôture par une superbe Symphonie dans l’espace, bien nommée avec ses nappes de synthés omniprésentes. La composition de l’album est particulièrement soignée avec des arrangements méticuleux et sans aucune faute de goût malgré le côté novateur de cette forme de Prog. Les autres aventures solitaires de Moraz n’auront plus la force novatrice de ce chef d’œuvre unique en son genre et seule sa collaboration avec Bill Bruford portera encore quelques beaux fruits (Music For Piano And Drums, 1983 et surtout Flags, 1985). [ Daniel ] [ Patrick Moraz Website + extraits musicaux ] [ Ecouter / Commander ] |
Hatfield & The North : Hatfield & The North (Virgin), UK 1973 Du fameux courant progressif issu de Canterbury, Hatfield & The North n’est pas le moindre de ses prestigieux représentants. Constitué à l’automne 1972, Hatfield & The North acquit son line up définitif au début de 1973 mais sa durée de vie ne fut malheureusement que de deux années : juste le temps d’enregistrer deux disques. Ensuite, ce quatuor composé de Richard Sinclair à la basse et au chant, Phil Miller aux guitares, Dave Stewart aux claviers et Pip Pyle à la batterie, se séparera et ses membres essaimeront dans des groupes divers comme Camel, Caravan, Gong, National Health et In Cahoots, se retrouveront à l’occasion ou collaboreront avec des musiciens comme Robert Wyatt, Kevin Ayers, Hugh Hopper, Bill Bruford ou Steve Hillage. Bien que les signatures des compositions soient l’œuvre à chaque fois d’un musicien seul, ces quinze titres enchevêtrés et enchaînés composent un bloc musical. Cet opus, révolutionnaire à l’époque de sa sortie par son éclatement du genre, apparaît un rien déjanté (on écrirait décalé aujourd’hui) et doté d’un humour très british. Dans Shaving Is boring par exemple, on entend à chaque porte qui s’ouvre l’intro d’un des morceaux de l’album et ce jusqu’à la bonne suite. Humour toujours avec l’annonce du nom du groupe en plein milieu de l’album sur Fol de Fol…, sans parler des morceaux complètement allumés. Cette drôle de mixture, mélange de Prog, de Jazz et de Jazz-rock à la sauce de Canterbury, est difficile à cataloguer mais après tout, qu’importe l’étiquette pourvu qu’on ait le bon flacon…. Les musiciens sont accompagnés par les trois « Northettes » qui se chargent des chœurs d’une bien belle façon (et prennent même le leadership par instant), enrichissant la musique sans la surcharger. Robert Wyatt prête sa voix, inimitable et aussi émouvante que celle de Wetton à la même époque, sur Calyx tandis que Geoff Leigh (Henry Cow), Didier Malherbe (Gong, Clearlight) et Jimmy Hastings (le frère de Pye, leader et fondateur de Caravan) apportent aussi leur concours aux saxophones et flûtes en procurant une coloration jazzy. Quelle finesse, quelle délicatesse dans cette expression musicale ! Le groupe flirte par moment avec un certain minimalisme, tantôt avec un Free Jazz débridé ou explore des mélodies que ne renieraient pas Caravan ou Camel (et pour cause). Bourrée de phrases mélodiques parfaites, de refrains qui ne vous lâchent plus (Aigrette), de riffs enchanteurs, cette galette transpire l’invention et l’originalité. Je vous conseille vivement de (re)découvrir cette musique intemporelle et, par la même occasion, leur second disque (The Rotter’s Club, 1975) qui compose avec celui-ci un duo en tout point réussi. [ Daniel ] [ CALYX - The Canterbury Website ] [ Commander ] |
Soft Machine : Softs (EMI/Harvest), UK 1976 La plupart des onze thèmes de cet album sont simples mais poignants et bien souvent interprétés sur des instruments acoustiques : guitares, piano et cuivres. Ces motifs très élégamment enchaînés, grâce à des solistes expérimentés comme Alan Wakeman aux saxophones et John Etheridge dans les chaussures de Allan Holdsworth, sont quand même encore enracinés dans la fusion Jazz-Rock et au-delà dans le style de Canterbury. Il arrive que cette magnifique suite musicale orchestrale fasse aussi penser à de la musique New Age avec 20 ans d’avance ou parfois à une sorte de Jazz-Folk (Aubade ou le duo d’Etheridge avec lui-même sur Elka). En tout cas, on est à mille lieues de l’esprit libertaire et psyché de Soft Machine, époque Wyatt/Ayers/Ratledge, et même très loin de la seconde période du combo caractérisée par un free jazz excentrique pur et dur. Après tout, le seul membre original à subsister ici est Mike Ratledge mais il est relégué au statut d’invité et ne joue du synthé que sur deux titres. Par contre, l’empreinte de Karl Jenkins (co-fondateur avec Ian Carr du groupe de Jazz-Rock culte Nucleus), auteur de presque toutes les compositions et arrangeur extrêmement doué, se fait fortement sentir : la musique reste captivante mais elle est devenue beaucoup plus accessible. D’aucuns ont crié au scandale, que Jenkins avait changé la nature de Soft Machine et donc qu’il aurait fallu changer aussi le nom du groupe… Mais ne boudons pas notre plaisir musical pour des querelles qui apparaissent aujourd’hui bien stériles. Réhabilitons plutôt ce bel album peu connu et profitons de l’immense talent de Karl Jenkins. Ce dernier enregistrera encore avec Soft Machine les albums Alive And Well Recorded In Paris (1978) et The Land Of Cockayne (1981) avant de fonder un studio d’enregistrement à vocation commerciale avec son pote Mike Ratledge. Plus tard encore et toujours en compagnie de Ratledge, il révèlera pleinement ses talents de compositeur au sein d’un projet nommé Ademius au croisement des musiques ethniques et de la tradition classique européenne. [ Daniel ] [ The Soft Machine Pages ] [ Commander ] |
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