Bobby Jaspar : Modern Jazz au Club Saint-Germain (Jazz In Paris 27), 1955. Le saxophoniste ténor Bobby Jaspar s'affiche sur ce répertoire de partitions ultra-connues ( Bag's Groove, Milestones, I'll Remember April, A Night in Tunisia ...) comme un fidèle disciple de Stan Getz avec un jeu fluide et lyrique d'une extraordinaire séduction. Contrairement à ce que pourrait laisser supposer le titre de l'album, les sessions ont été enregistrées au studio Pathé Magellan à Paris les 27 et 29 décembre 1955. Entouré par le pianiste René Urtreger, Sacha Distel à la guitare, Benoît Quersin à la contrebasse et Jean-Louis Viale à la batterie, Jaspar transporte la West Coast en plein Paris, la saupoudre de tendresse et d'émotion et se hisse à la hauteur du jeu de son idole. La réédition de ce LP mythique initialement paru chez Barclay (LP 84 023) offre une chance aux amateurs de redécouvrir un Jaspar différent, hors de son contexte Bop habituel. Recommandé ! [ Ecouter / Commander ]
Donald Byrd (avec Bobby Jaspar) : Byrd in Paris (Jazz In Paris 04), 1958. Le trompettiste Donald Byrd est ici capté live à l'Olympia à Paris le 22 octobre 1958. Il est accompagné par Walter Davis Jr au piano, Doug Watkins à la contrebasse, Art Taylor à la batterie et Bobby Jaspar au saxophone ténor sur quatre des cinq plages. De retour d'Amérique, Jaspar joue sans concession à l'instar d'un Sonny Rollins et apparaît bien plus agressif que le leader qui mise davantage sur l'élégance de son art. Cette complémentarité dynamite le concert dominé par un Dear Old Stockholm magistral. On notera aussi un superbe Flute Blues avec un Jaspar flûtiste cette fois beaucoup plus serein. Cette réédition d'un LP sorti à l'époque confidentiellement chez Brunswick (LP 87 903) est une aubaine pour les collectionneurs et les amateurs du jazzman belge. [ Ecouter / Commander ]
Donald Byrd Quintet (avec Bobby Jaspar) : Parisian Thoroughfare (Jazz In Paris 05), 1958. La suite du concert du quintet de Donald Byrd, avec Bobby Japar, enregistré le 22 octobre 1958 à l'Olympia de Paris comprend des titres chocs comme Salt Peanuts et Two Bass Hit de Gillespie, Parisian Thoroughfare de Bud Powell et 52nd Street Theme de Thélonious Monk. Cette réédition du LP Brunswick (87 904) est à considérer comme un deuxième volume indissociable du précédent : qui pourrait bien avoir l'idée saugrenue de quitter un tel récital en plein milieu ! [ Ecouter / Commander ]
Fabrice Alleman Quartet : Sides of Life (Lyrae / MPM Triomus), 2004. Fabrice Alleman (sax, cl) revient avec le même quartet qu’en 1998 : Michel Herr au piano, Jean-Louis Rassinfosse à la contrebasse et Frédéric Jacquemin à la batterie. Si comme beaucoup d’amateurs, Loop The Loop vous avait déjà impressionné, ce disque ne manquera pas de vous conforter dans l’idée que ce quartet compte désormais parmi les meilleurs combos de jazz européens. Dès le premier titre, Exaltation, l’osmose entre le saxophoniste et les autres membres du groupe apparaît parfaite, Alleman faisant preuve ici d’une grande justesse et même d’une retenue qui n’est pas spécialement dans ses habitudes. Hi Fellows est une superbe composition avec le trompettiste Bert Joris en invité qui rappellera à beaucoup la suavité d’un Chet Baker. On continue dans la même veine mélodique et sereine avec 3 or 4 or et Between You And Me, une ballade dotée d’un superbe arrangement bénéficiant de la présence d’un quatuor à cordes. Vient ensuite J-J avec le leader qui retrouve sa verve naturelle avant que le guitariste Perter Hertmans ne s’octroie un des soli électriques dont il a le secret. Why Do You Leave est rempli de volutes tournoyant sur des accords de piano cristallins. Le reste du disque est à l’avenant, posé, profond, nuancé, ouvert. A la fin de la première écoute, on reste sur l’impression d’une œuvre que l’on a voulue avant tout cohérente, retenue, voire classique dans sa forme. Quant à la musique, chaque note est soufflée avec cœur comme si le virtuose autrefois espiègle, gagné par un mûrissement artistique, avait soudain tout compris de la vie, du jazz qui va avec, et en était sorti plus humble. Faut-il s’étonner dès lors que Sides Of Live prenne racine dans votre lecteur comme le lierre sur un mur de pierre. [ Cover / Infos]
Robert Jeanne : Blue Landscapes (IGLOO IGL 171), 2003. Robert Jeanne appartient à l’autre génération des musiciens de jazz, celle des Bobby Jaspar, des René Thomas ou des Jacques Pelzer (réécoutez si vous pouvez encore le trouver, le disque Remembering Bobby Jaspar & René Thomas - BDN, 1980 – sur lequel Houben, Pelzer, Jeanne, Herr, Simtaine et quelque autres rendent hommage aux deux piliers du jazz européen). Sur Blue Landscapes, il s’est entouré d’une équipe d’amis avec qui il a l’habitude de jouer depuis plusieurs décennies. Le pianiste Michel Herr d’abord avec qui il a enregistré son premier disque en 1974 (Michel Herr Solis Lacus, B Sharp) et qui nous donne à entendre comme à l’accoutumée un jeu d’une limpidité cristalline. Le batteur Félix Simtaine ensuite, qui fit partie de son premier Quartet avec le pianiste Léo Fléchet en 1960, et qui est ici le garant du swing. Et enfin le contrebassiste Jean Warland qui a accompagné tous les grands musiciens de jazz qui se sont produits en Belgique, de Toots à Sadi en passant par Francy Boland. Avec un tel casting, on obtient forcément un quartet de luxe qui, sans la prétention d’innover ni gratuité démonstrative, délivre un jazz soigné, maîtrisé, fluide et mélodique qu’on ne peut dissocier d’un certain classicisme. Ceci dit, si Robert Jeanne a été jadis électrisé par le Be-Bop et par Charlie Parker, il est loin d’être resté bloqué sur le genre comme en témoigne le choix de son répertoire. Trois titres mettent en valeur les qualités des thèmes composés par des artistes belges : Mimi Verderame, Ivan Paduart et Michel Herr. Mister A.C., l’unique composition de Jeanne, est dédié au saxophoniste Al Cohn, un des grands ténors de la West Coast qui interpréta également le standard You Say You Care (réécoutez le disque Standards Of Excellence enregistré par Cohn en 1983 pour comparer). Et puis, il y a aussi le First Song de Charlie Haden repris il n’y a pas si longtemps sur Beyond The Missouri Sky (1986) par Haden lui-même et Pat Mettheny ; The Four Sleepers, un titre de Don Grolnick avec Michael Brecker ( Hearts and Numbers, 1985) ; et enfin le superbe Beatrice composé par Sam Rivers et extrait de son fameux LP Fuchsia Swing Song paru chez Blue Note (1964). Rien de convenu donc. Mais du jazz efficace, profond et convivial. Recommandé !
[ A écouter : Mister A.C. ]
Mahieu - Vantomme Quartet : Whatever (WERF 041), 2004. Ancien élève de Frank Vaganée et de John Ruocco et lauréat en 1999 du Jazz Contest Européen de Hoeilaart, le jeune Tom Mahieu est un saxophoniste ténor qui se distingue par une vision personnelle du jazz : phrasé inhabituel capable de séduire anciens et modernes, variations en boucles que l’on pourrait tenir pour un jeu de l’esprit si elles n’étaient portées par un véritable souffle, modernité du style et de la forme. On sent l’envie de raconter de nouvelles histoires, d’inviter l’auditeur à un voyage musical insolite. Sur ce disque, il partage la vedette avec le pianiste Dominique Vantomme, un autre musicien aux idées larges avec qui il collabore régulièrement depuis une dizaine d’années. Ajoutez Christophe Devisscher à la contrebasse, déjà fort apprécié au sein du quartet d’Alexi Tuomarilla (Voices of Pohjola), ainsi que le batteur Geert Roelofs et vous obtenez un quartet dynamique affichant des ambitions qui sans être démesurées n’en sont pas moins très élevées. Les onze compositions originales (3 de Mahieu, 6 de Vantomme et 2 de Devisscher) sillonnent l’univers du jazz dans tous les sens : du swing presque classique et chargé d’émotion à la frange d’un free maîtrisé en passant par une modernité où plane l’esprit d’un Steve Coleman. Pourtant, loin d’être un collage, la musique dégage une cohésion qui fait que l’on a envie de l’écouter d’un seul tenant. Ma préférence va quand même aux titres qui décoiffent comme Belly Buttons ou Two Stores High quand les musiciens se lâchent complètement. Si leurs concerts sont aussi jouissifs que la musique de cet album, je ne saurais trop vous conseiller d’aller passer une soirée en leur compagnie. Voilà du jazz que l’on peut qualifier de vivant et allumé ; comprenez : en totale opposition à ce qui est figé et éteint. [ Cover / Infos]
Ben Sluijs Quartet : True Nature (WERF 046), 2004. Depuis Food For Free enregistré il y a déjà huit années et jusqu’à son dernier disque avec son quartet habituel paru en 2002 ( Flying Circles), Ben Sluijs s’est bâti une réputation de saxophoniste lyrique en jouant un jazz moderne d’une grande sensibilité. En avril 2003, il décide d’explorer d’autres univers et forme un nouveau quartet sans piano avec le Belge Jeroen Van Herzeele au ténor (qui fut déjà la complice de Ben Sluijs au sein du big band expérimental Octurn), le Sarde Manolo Cabras à la contrebasse et le batteur tchèque Marek Patrman. Les références se sont cette fois élargies et si les ombres expressionnistes de John Coltrane ou Joe Lovano planent encore sur sa musique, ses compositions empruntent aussi au florilège de musiciens avant-gardistes comme Anthony Braxton ou Ornette Coleman. Les deux saxophonistes, qui sont d’extraordinaires techniciens, soufflent avec intensité en se laissant porter par un vent de liberté et la tension entre les deux hommes est bien souvent palpable comme sur ce 3 Times Nothing qui ouvre le disque avec une belle énergie. True Nature et Transformation ont une structure lâche et ressemblent plus à des workshops qu’à des compositions écrites. Mali a les couleurs du désert avec un Ben Sluijs flûtiste qui installe un climat envoûtant avant que Van Herzeele ne remue le sable avec ses phrases en boucles et lève la tempête. Unlike You est une oasis de fraîcheur où l’on retrouve avec plaisir un peu du lyrisme d’antan. Quant à Follow Your Neighbour, c’est un chassé croisé bourré de contrepoints improvisés qui fonctionne par association d’idées tandis que Happy Widow et Major Step sont deux excitantes courses dans l’imprévisibilité. Le risque existe pour Ben Sluijs de perdre avec cet album une partie de son public tout acquis à la poésie de ses œuvres antérieures mais il faut reconnaître que son talent lui permet aussi d’enregistrer des disques plus aventureux comme ce True Nature et qu’il aurait eu bien tord de ne pas ouvrir son art à de nouvelles formes d’expression. Ouverture d’ailleurs magnifiquement symbolisée par la ligne d’horizon infinie de la superbe photographie reproduite sur la pochette du digipack. [ Cover / Infos] [ Ecouter / Commander ]
PHINC : Old Woes New Wail (ALONE Records), 2004. Pirotton – Houben Incorporation (PHINC), c’est en fait le trio Houben – Pirotton – Pougin (à qui l’on doit l’iconoclaste We Can't Stop Loving You paru chez Igloo en 1998) augmenté de Philippe Thuriot à l’accordéon et de Sam Gerstmans à la contrebasse. Les neuf plages de ce compact installent des atmosphères distinctes. Commençons par les cinq les plus reposantes qui, à mon avis, sont aussi les plus réussies. Death’s Dateless Night, Old Woes New Wail, April-Fool, First Tear et le Nocturne Op. 15 n°3 de Frédéric Chopin sont des rêveries mélancoliques sur fonds d’arpèges et d’accords de guitare acoustique ou électrique avec des interventions fluides et délicates de Philippe Thuriot à l’accordéon et de Steve Houben à l’alto ou au soprano et, sur un titre, au piano. L’ambiance est à la nostalgie et au recueillement et il est clair que la construction du paysage sonore passe ici bien avant les chorus. On pense à Bill Frisell ou à certaines productions du label ECM quand la musique s’inspire de vielles pierres, d’un ciel aux nuages figés ou d’une terre déserte. News from a New Continent et Hear Nothing, placés respectivement au début et à la fin du compact, sont différents, le premier installant un groove chaloupé et le second s’effilochant en une séquence de boucles et de notes qui ne conduisent nulle part. Enfin, les deux derniers titres libèrent une tension antinomique au climat général du disque. Le plus abordable, Mutiny and Retreat, commence comme de la fusion avec un Pirotton électrique, porté par une rythmique libérée, qui se noie après trois minutes dans une mélodie amère jouée à l’accordéon. Quant à Maybe Not! c’est une explosion free où tout le monde s’en donne à cœur joie : dommage seulement que ce morceau rempli de dissonances soit placé au milieu du répertoire, rompant ainsi un équilibre émotionnel qui ne demandait pas à être brisé. Old Woes New Wail, que l’on pourrait traduire par « vielles souffrances nouvelle lamentation », est un disque hétérogène mais qui n’en offre pas moins beaucoup de bons moments. [ Cover / Infos] [ Ecouter / Commander ]
Eric Legnini Trio : Miss Soul (Label Bleu LBLC 6686), 2005 (sorti en janvier 2006). Ca fait longtemps qu’on l’attendait celui-là. En fait, on en était resté aux premiers albums, par ailleurs tous excellents, du pianiste hutois sortis sous son nom au début des années 90 : Essentiels (Igloo, 1989), Natural Balance (Jazz Club, 1991, réédité en 2003 chez September Records), Antraigues (Quetzal, 1994) et Rhythm Sphere (Igloo, 1994) avec Joe Lovano. Après, ce fut la rencontre avec des musiciens italiens et le début d’une longue carrière en sideman aux côtés de musiciens prestigieux comme Stefano di Battista, Flavio Boltro ou encore Stéphane Belmondo dont il fut le compagnon pour quelques uns de leurs plus beaux disques. Il y cinq ans, la rumeur de la parution d'un compact sous son nom sur le label légendaire Blue Note en fit saliver plus d’un mais, hélas, pour d’obscures raisons, l’album ne vit jamais le jour. Aujourd’hui, Miss Soul sort enfin chez Label Bleu et c’est bien plus que de simples retrouvailles : la redécouverte d’un formidable pianiste doté d’une énergie incroyable, d’un phrasé précis et concis et d’un swing naturel au balancement irrésistible. La ligne directrice de cet album est un hommage à un pianiste énigmatique mais génial, Phineas Newborn Jr, dont le style inclassable tient d’un Be-bop nourri de swing et de Blues, un peu à l’instar d’un Oscar Perterson à qui sa virtuosité permet de le comparer. En plus de reprendre deux de ses compositions ( Sugar Ray et Back Home qu’on peut écouter sur l’album Back Home de Newborn paru en 1976 chez Contemporary), Eric Legnini lui dédie aussi un morceau original, The Memphis Dude. Sinon, Legnini illustre le titre de son disque en proposant des morceaux au groove irrésistible qui portent leurs noms comme des étendards : Horace Vorace, Miss Soul et Home Sweet Soul inspirés par les maîtres du Hard Bop / Soul Jazz que furent Horace Silver ou Bobby Timmons. Et pour faire bonne mesure, le pianiste ne manque pas de rappeler ses origines italiennes sur sa composition La Strada, son respect pour le jazz classique avec Prelude To A Kiss d’Ellington sans oublier un clin d’œil à Esbjörn Svensson avec une interprétation personnelle du Joga de Bjork. Magnifiquement secondé par Rosario Bonaccorso ou Mathias Allamane à la Contrebasse et par Franck Agulhon à la Batterie, Eric Legnini a enregistré un disque magnifique au son parfait. Et si cette musique provoque chez l’auditeur une intense jubilation, c’est parce qu’on y perçoit l’âme authentique du jazz. C’est rare et c’est bon ! [ Ecouter / Commander ]
Danza Quartet : Mainly Joy (IGLOO IGL 186), 2005. Associant une guitare électrique parfois sauvage et tumultueuse à un saxophone soprano virevoltant et imbibé de thèmes folkloriques empruntés aux Balkans ou au Moyen-Orient, ce quartet délivre une musique ouverte sur le rock comme sur la tarentelle, parfois dissonante et à la frange de la musique contemporaine et, en tout cas, en dehors des sentiers battus. La batterie de Renaud Van Hooland et la basse électrique de Luc Evens, musicien que l’on retrouve aussi bien avec des groupes africains qu’avec Kris Defoort ou Octurn, maintiennent une pulsation serrée qui favorise les improvisations débridées. Sautant de cauchemars harmoniques à d’ahurissantes tourneries endiablées, alternant sans transition rythmes incandescents et litanies mélancoliques, les compositions du saxophoniste Jan Rzewski, connu pour sa participation à un hommage à Frank Zappa et sa collaboration avec l’ensemble de musiques nouvelles Ictus, évoquent aussi à l’occasion le M’Base de Steve Coleman relayé par des groupes et musiciens belges comme Antoine Prawerman, Deep In The Deep ou Octurn. Certains titres sont ahurissants comme La Chinoise avec son petit air asiatique, sa basse grondante et ses bruitages électriques incongrus et surtout Matteo en forme de course poursuite effrénée à travers une cité nocturne hantée par les sirènes de police. Attention ! Malgré une belle relecture émotionnelle d’un titre de Charlie Mingus ( Re-incarnation of a Lovebird), ce disque en forme d’ovni qui offre une succession de tableaux vifs et colorés en un peu plus d’une heure de musique intense, séduira bien davantage les aficionados de musique moderniste et bizarre que les jazzophiles plus conventionnels. [ Cover / Infos]
Mirages : Eternité (Travers TRA 009 / AMG), 2003 (parution en 2005). Le trio Mirages est composé de Yves Gourmeur au piano, Cédric Waterschoot à la guitare basse et Michel Morvan à la batterie. Deux de ces noms ne sont pas tout à fait inconnus de la scène jazz en Belgique puisqu’on a entendu le pianiste swinguer dans divers projets du trompettiste Richard Rousselet tandis que Waterschoot est le bassiste attitré du trio d’Anne Wolf. Toutes les compositions sont ici de la plume d’Yves Gourmeur qui fait preuve d’un certain classicisme aussi bien au niveau du jeu que de l’écriture. La plupart des plages sont mélodiques et installent des climats romantiques qui peuvent évoquer ceux d’un Ivan Paduart. Toutefois, la musique loin d’être immobile progresse souvent en crescendo, laissant alors la place à un swing mordant qui témoigne d’un beau talent d’improvisateur (L’enfant perdu, Wedding Waltz). Quelques plages sont même carrément musclées avec des appels du pied à un Bop presque Hard qui retrouve à l’occasion l’esprit du Blues (Fast Food). Born to Be Blue est un autre bon exemple de l’énergie que peuvent dégager les trois musiciens : breaks, improvisations brillantes au piano, solos efficaces de basse et de batterie se succèdent avec une belle énergie de la première note au dernier accord plaqué avec conviction. Personnellement, c’est ce Mirages-là que je préfère : on sent la passion au bout des doigts tandis que les influences se font oublier. Ceci dit, par sa variété qui procède d’une volonté affirmée de ne pas s’enfermer dans un style convenu, ce disque, plus subtil qu’il ne paraît à première écoute, est de nature à satisfaire un large public.
HLM : Un Ange Passe (IGLOO IGL 183), 2005. La chanteuse de variétés Maurane a un passé Jazz maintenant déjà ancien. En 1984, elle s’était unie au pianiste Charles Loos et au flûtiste et saxophoniste Steve Houben pour un trio intimiste au sein duquel elle utilisait sa voix comme un instrument, improvisant au gré des harmonies développées par ses complices. Le premier album, intitulé simplement HLM d’après les initiales des musiciens, parut en deux années plus tard et connut un succès suffisant pour être réédité avec un son nettement amélioré chez Igloo en 1988. Ce second album est une fête en hommage aux retrouvailles du trio et reprend les choses là où il les avait laissées. Les vocalises aériennes de Maurane se faufilent encore et toujours entre piano et flûte donnant à la musique des teintes pastel et lui conférant une nostalgie propice à un voyage intérieur. Cette fois, le trio a eu recours à quelques invités : le Quatuor à cordes Thaïs enrobe les mélodies précieuses et légères composées par un Charles Loos égal à lui-même tandis que Patrick Deltenre prête sa guitare acoustique sur trois titres (dont un Merci Luis débridé dans lequel Maurane se laisse entraîner par ses partenaires dans un chassé-croisé plus périlleux qu’ailleurs). A noter aussi le très beau Koriedzeki inspiré du folklore traditionnel turc et doté d’un arrangement superbe concocté par le pianiste. Véritable musique de chambre conçue pour le repos et le voyage de l’âme, Un Ange Passe est un album sensible célébrant l’alchimie parfaite de trois artistes dotés d’un profond lyrisme. On avait souhaité jadis une suite au fameux HLM. Maintenant qu’on l’a, ce serait dommage de ne pas en profiter. [ Ecouter / Commander ]
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