L'Heroic-Fantasy est un sous genre entre science fiction et fantastique nourri par les légendes de la tradition celtique ou nordique et par les contes de l'Europe du Moyen-Age. L'action se passe la plupart du temps à une époque ancienne indéterminée dans des contrées chaotiques et imaginaires que des hordes barbares disputent à des dragons ou autres créatures mythologiques du bestiaire médiéval. Si le premier récit d'Heroic-Fantasy est sans doute le poème nordique Beowul écrit au VIIIe siècle, ce sont Die Nibelungen de Fritz Lang qui, dans les années 1920, en poseront une fois pour toutes les codes visuels : héros magnifié, batailles épiques, paysages enchanteurs, nains mystiques et créatures mythiques... Le développement du genre se poursuivra ensuite dans les années 30 avec Robert Howard, le créateur de Conan le Cimmérien et en 1954 par la parution en Angleterre du premier volet du Seigneur des Anneaux, une incroyable épopée qui au fil des ans deviendra un véritable mythe littéraire. Toutes les disciplines artistiques se sont emparées du genre pour le meilleur et pour le pire. En littérature, Howard et Tolkien furent suivis par une foule d'écrivains parmi lesquels on retiendra Michael Moorcock et sa série sur Elric le Nécromancien, Robert Jordan et le cycle de la Roue du Temps ou, plus récemment, George R.R. Martin et le Trône de Fer. Chez les illustrateurs, les plus connus sont Frank Frazetta, Richard Corben, Boris Vallejo, John Howe, les frères Hildebrandt et Rodney Matthews. Le cinéma enfin a produit quelques oeuvres inégales : Excalibur de John Boorman (1981), Heavy Metal de Gerald Potterton (1981), Dragonslayer de Matthew Robbins (1981), Dark Crystal de Jim Henson (1982), Krull de Peter yates (1983), Conan The Barbarian de John Milius (1982), Conan the Destroyer de Richard Fleischer (1984), Ladyhawke de Richard Donner (1985), Legend de Ridley Scott (1985), Red Sonja de Richard Fleischer (1985), Willow de George Lucas (1988), Dragonheart de Rob Cohen (1996), Kull the Conqueror de John Nicoletta (1997) et enfin avec le succès qu'on sait la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. En ce qui concerne la musique, les groupes de Rock Progressif - et de Hard Rock ou Heavy Metal - se sont abondamment servis de l'imagerie médiévale et de l'Heroic-Fantasy pour illustrer les pochettes de leurs albums. Ce sont quelques-unes des plus réussies d'entre elles, regroupées par thème, qui sont présentées ici. |
Depuis le Trespass de Genesis, les paysages du Moyen-âge avec des châteaux fabuleux plantés dans des décors féeriques ont fait l'objet de nombreuses pochettes spécialement pour des groupes progressifs présentant une composante folklorique inspirée par la musique médiévale. Ainsi en est-il de Gryphon (Red Queen To Gryphon Tree, 1974) et, plus récemment, de The Morrigan (Hidden Agenda, 2002 - dont la pochette a été réalisée par le leader du groupe, Colin Masson) que tous les amateurs du genre devraient avoir dans leur discothèque. Anthony Phillips, qui était le guitariste de Genesis sur From Genesis to Revelation et Trespass, a réalisé avec The Geese & The Ghost (1977) un disque tranquille avec de longs passages instrumentaux, prolongeant en quelque sorte le style folk semi-acoustique qui caractérisait Genesis à ses débuts. L'album est d'ailleurs produit par Mike Rutherford qui joue aussi de la guitare et Phil Collins chante sur quelques titres. Quant à l'autrichien Hein Strobl qui a pris le nom du célèbre magicien de Tolkien, la pochette comme la musique pastorale de Tale from a Long Forgotten Kingdom (Gandalf, 1984) reflètent son amour de la nature et des grands espaces. |
Les Seigneurs de la Guerre
A l'instar des mythologies greco-romaines, des légendes arthuriennes ou des contes orientaux, la Fantasy a ses héros sans peur et pas toujours sans reproche. Malheureusement récupéré par l'idéologie nazie pour propager ses idées abjectes, le héros nordique, pourtant pas très différent d'Ulysse, de Jason, d'Arthur ou de Hercule dans ses comportements et sa quête initiatique sans fin, aura du mal à s'en remettre. Et il faudra attendre Le Seigneur des Anneaux pour que l'Heroic-Fantasy se régénère lentement, le roman de Tolkien devenant au fil des ans un idéal de paix, symbolisant la victoire du bien contre les forces du mal et défendant même avant tout le monde des valeurs écologiques face à au côté inhumain de la société moderne industrielle. Quoiqu'il en soit et parce que le héros bardé d'acier de l'Heroic-Fantasy, qu'il s'appelle Conan, Elric ou Aragorn, accomplit d'innombrables exploits lors de batailles épiques avec des dragons ou des hordes de barbares dans des contrées aussi chaotiques que grandioses, la musique qui lui va comme un gant est forcément puissante, rythmée et symphonique. C'est pourquoi ce sont davantage les groupes de Hard Rock / Heavy Metal qui ornent leurs pochettes de guerriers farouches dessinés avec un faste graphique inégalable par des illustrateurs de génie comme Paul Raymond Gregory qui a imaginé ce cavalier aux prises avec un serpent multicéphale. Ceci dit, ne vous laissez quand même pas avoir par la superbe pochette de Molly Hatchet : ces gars-là jouent plutôt un Hard-Rock Boogie sudiste qui, s'il ne manque pas de panache, n'a absolument rien à voir avec le Rock Progressif. Quant à Saxon, mis à part une reprise monumentale du Court of the Crimson King de King Crimson sur l'album Killing Ground (2001), il joue habituellement un Rock Heavy dans la tradition des grands groupes anglais du genre comme Iron Maiden ou de Judas Priest. La pochette de cette compilation de leurs plus grands titres réenregistrés est emballée dans une pochette brillante dessinée une fois encore par Gregory dont l'oeuvre picturale dans le domaine du Heavy Metal vaut décidément bien celle qu'il a donnée du monde de Tolkien. Finalement, le disque le plus proche du rock progressif est ce cinquième opus studio de Hawkwind qui se hisse tout près de leur chef d’œuvre : Hall Of The Moutain Grill. Cet album de Space Rock marque de la part de ses auteurs un réel intérêt pour la Fantasy puisqu'ils ont même invité le célèbre écrivain anglais de SF Michael Moorcock, auteur de la saga d'Elric le Nécromancien, à y participer activement. De plus, le LP original était enrobé non pas dans une pochette double mais plutôt quadruple qui, une fois déployée, dévoilait une fresque gigantesque en forme de bouclier tellement extravagante que plus personne n'a osé refaire ça par la suite. |
Le Fabuleux Bestiaire Médiéval
Le Moyen-Age s'est inventé une multitude de créatures mythiques abondamment exploitées par les groupes de rock. L'une des plus belles est la licorne qui possède un corps de poulain au pelage immaculé avec sur le front une corne unique et parfois torsadée. Symbolisant la pureté et l'harmonie, elle était réputée inaccessible et l'homme ne pouvait la capturer que par traîtrise par exemple en l'attirant avec une jeune fille capable de la séduire par sa beauté et sa virginité. Le gryphon est composé d'un corps de lion avec des ailes et une tête d'aigle. Le dragon était et est resté la plus célèbre des créatures imaginaires. Appartiennent aussi à cette fabuleuse famille le basilic dont le souffle donne la mort et qui est constitué d'un corps de serpent avec un col et une tête de coq et l'aspic qui est un petit dragon dont la morsure est fatale. Quant à Emerson Lake & Palmer, ils ont choisi comme emblème la plus cruelle de ces bêtes légendaires : la manticore, un animal à face humaine avec un corps de lion et une queue de scorpion que l'on disait anthropophage. On appréciera tout particulièrement l'image vivante et très colorée de Legendary Tales, un peu dans le style des bandes dessinées. Elle a été créée par Eric Philippe, un designer et illustrateur basé en Belgique, qui s'est spécialisé dans la Fantasy et a réalisé quelques belles images ainsi que des logos entre autres pour Mob Rules, Luca Turilli, Stratovarius ainsi que pour le disque Silence de Sonata Arctica. Il faut surfer sur son site pour découvrir quelques échantillons de son art ainsi que les illustrations intégrales des pochettes de Rhapsody. |
Dragons ....
De toutes les créatures fabuleuses inventées par l'homme, le dragon est de loin le plus célèbre. Créature ailée couverte d'écailles, alliant les pouvoirs du serpent et du lion, il balaie l'air de sa queue redoutable, crache le feu et détruit les récoltes paysannes, se nourrit de cendres et désole les contrées qu'il habite. Veneur infernal, il est réputé au Moyen-Age pour poursuivre les pêcheurs afin de les entraîner aux enfers. Tous les chevaliers dignes de ce nom doivent avoir vaincu au moins un dragon et même le preux Lancelot du Lac est réputé pour avoir affronté le sien en combat singulier. Si la créature de Jabberwocky n'a pas l'air bien méchante, celle piégée par les paysans sur la pochette de Killing The Dragon n'a pas l'intention de se laisser faire. Cette magnifique image est due au talent de l'une des étoiles montantes de l'illustration musicale : Marc Sasso qui vient de concevoir une autre image fabuleuse pour Cryonic Temple que l'on pourra découvrir sur leur propre site. Quant au dragon de Symphony For Enchanted Lands (Rhapsody), à l'instar des Nazgûl maléfiques du Seigneur des Anneaux, il s'est allié au chevalier à qui il sert de monture redoutable pour attaquer les donjons inaccessibles qu'il enflamme en brasiers rugissants. Le dragon du disque de John Wetton qui se détache en ombre chinoise sur fonds de soleil rouge a un petit air asiatique, ce qui est normal vu que le concert de cet album live a été enregistré pendant une tournée au Japon. Quant à la fantastique image qui clôt cette série, elle a été dessinée par Travis Smith pour illustrer l'intérieur de la pochette de Rapture (Spitfire, 2001) pour Dragon Lord, un groupe de Black Metal, extrême et agressif. Je vous laisse seul juge d'apprécier ou pas leur musique qui ne relève pas de mes compétences mais l'illustration, elle, est carrément géniale. Travis y peint un paysage désolé avec, dans la terre calcinée, des oeufs de dragon qui viennent d'éclore : l'ambiance relève du cauchemar à mi-chemin entre le pays dévasté du Mordor et le Londres en ruines du film Reign Of Fire. Grandiose hallucination ! |
L'Influence De Tolkien
Bo Hansson (Lord Of The Rings), Glasshammer (The Middle Earth Album), Rick Wakeman (Songs of Middle Earth) ..... Les musiciens n'ont pas attendu le film de Peter Jackson pour s'inspirer de Tolkien et de son univers mythique. Blind Guardian, groupe de Power Metal germanique, s'est fait une niche dans le genre en consacrant plusieurs titres et même tout un album aux légendes de la Terre du Milieu (Nightfall in Middle-Earth, 1998). La pochette de Somewhere Far Beyond représente une communauté de personnages au bivouac réunis autour d'une machine ésotérique dans une forêt sombre hantée par des êtres malfaisants qui pourraient bien être des Uruk-Hais. Elle est due à Andreas Marschall, un artiste allemand spécialisé dans la Fantasy et le médiéval sombre et aujourd'hui très réputé dans le petit monde du Heavy Metal. Avec son style très particulier aux décors torturés fourmillant de détails, on n'aura aucun mal à repérer immédiatement sa griffe sur les pochettes entre autres de Hammerfall, Dragonheart, Running Wild ou In Flames. Pour Avantasia et son Metal-Opera, le jeune dessinateur J.P. Fournier a conçu un paysage aussi grandiose que les Monts Brumeux tandis que la tour solitaire évoque immanquablement celle d'Orthanc. Enfin, pour son disque dédié au Seigneur des Anneaux, Mostly Autumn a carrément fait appel aux plus célèbres des illustrateurs de la saga avec John Howe et Alan Lee : les frères Greg & Tim Hildebrandt. Cette scène intimiste réunissant autour d'un feu de cheminée Gandalf et quelques Hobbits musiciens est une merveilleuse représentation de l'intérieur accueillant des petites maisons cossues de la Comté. |
Entre vieux sage, mage, astrologue, enchanteur, alchimiste ou savant, la différence était parfois imperceptible dans les âges des ténèbres (Kansas : Leftoverture, 1976) On ne présente plus Uriah Heep dont l'histoire discographique est parsemée de clins d'oeil aux magiciens, sorciers et autres démons (Paul Raymond Gregory pour Uriah Heep : Spellbinder, 1999) Le groupe allemand Helloween passe pour avoir inventé le Power Metal avec ce disque puissant et mélodique. La pochette est une illustration simple du titre du disque qui colle bien aux textes bourrés de références au gothique et à la Fantasy (Helloween : Keeper Of The Seven Keys Pt.1, 1987) Pochette très expressive de J.P. Fournier pour ce cinquième disque du groupe germanique de Metal Power Symphonique emmené par le chanteur Tobias Sammet (Edguy : Mandrake, 2001) |
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