Ce livre résume l'univers littéraire de Marcel Battin, un écrivain plus ou moins connu des fans français de science-fiction pour ses publications dans des magazines spécialisés mais aussi pour ses traductions de nouvelles et de romans classiques de l'âge d'or de la SF.
Disons d'emblée que la couverture de ce livre peut induire en erreur. Par son titre, sa maquette et son illustration, elle évoque en effet les romans populaires de l'ancienne collection Anticipation de Fleuve Noir, en particulier la série "blanche" dessinée par Gaston de Sainte-Croix. Or, Destination Pluton n'est pas un récit populaire de space-opéra qu'on digère en une heure ou deux sur un banc de gare. D'abord, il s'agit d'un recueil de nouvelles qui vont d'une quinzaine de pages à quelques lignes. Ensuite, s'ils sont souvent reliés à une anticipation dans un avenir proche, la plupart du temps apocalyptique, les thèmes abordés débordent ici sur d'autres genres comme le fantastique, l'histoire humoristique à chute, le récit policier, ou même la chronique sociale. C'est dire que ce livre à géométrie variable gagne à ne pas être lu d'une traite mais plutôt comme livre d'heures afin de s'échapper épisodiquement du quotidien en choisissant une ou deux nouvelles par séance de lecture. Marcel Battin est un auteur de son temps. Son approche est inscrite dans les années 50 et 60, une époque marquée par la guerre froide et l'angoisse collective de finir calciné dans l'explosion d'une bombe atomique. Et si les extraterrestres sont présents, ils viennent la plupart du temps d'étoiles lointaines à bord de vaisseaux fantaisistes avec des intentions claires qui sont soit de sauver la Terre, soit de l'occuper, soit de la détruire. Mais comme chez beaucoup d'auteurs de SF classique, Marcel Battin cache bien son jeu. Si ses récits font appel à des fusées insensées ou à des créatures d'outre-espace aux formes bizarres, c'est d'abord pour analyser son environnement et les humain qui l'habitent. Dans ce sens, il s'inscrit lui aussi de plein pied dans cette littérature de l'imaginaire conjuguée au futur mais inscrite dans le présent, inventée par ces écrivains anglo-saxons incontournables qu'il connaissait bien pour avoir traduit leurs œuvres : Robert Sheckley, Catherine L. Moore, Brian Aldiss, Theodore Sturgeon, Alfred Bester ou Clifford D. Simak. Et celui que Marcel Battin évoque le plus est Fredric Brown. Comme lui, non seulement il raconte des histoires courtes aux chutes inattendues qui, en quelques mots, font mouche en resituant toute la perspective de ce qui a été dit avant (Solitude en est un exemple des plus réussis), mais il le fait avec un humour parfois noir (mais pas toujours) qui donne au texte une autre dimension. On ne manquera pas toutefois de noter aussi la "touche française" qui fait tout le sel du style Battin. Dans la nouvelle éponyme, lire qu'un ET venu de Bételgeuse ingurgite avec délectation une boisson qui ressemble à du "Mrtni" avec un arrière-goût de "Czno" et un léger arôme de "Dbnnet" fera sourire plus d'un nostalgique des troquets de l'ère de Gaulle. Enfin, si ces nouvelles sont divertissantes, elles n'en sont pas moins pétries d'angoisses (parfois datées et parfois pas) qui continuent d'inciter une réflexion sur l'avenir. On l'aura compris, cette anthologie séduira les lecteurs par l'imagination et par la diversité des textes, certes imprégnés des fantasmes, des métaphores et de plusieurs styles cousins issus de leur époque, mais qui ne s'enferment pas pour autant dans un type formaté de narration. Marcel Battin méritait bien cette réédition exhaustive réalisée avec beaucoup de soin et d'amour par son fils Daniel. [ Chronique de P. Dulieu ] [ Destination Pluton sur Amazon ] [ Destination Pluton chez Rivière Blanche ] |
Qu'écouter en lisant ces textes ? Trouver des chansons dont la musique collerait aux différentes nouvelles abordées ici n'est peut-être pas une chose impossible en soi mais reste quand même bien illusoire. Mieux vaut donc choisir quelques albums ou simples morceaux qui reflètent l'esprit du bouquin dans sa globalité et plus particulièrement ses aspects futuristes, fantasmagoriques, sociaux et/ou burlesques. Voici quelques propositions qui me semblent pouvoir convenir.
Ce à quoi on ajoutera pour le fun quelques titres puisés dans l'œuvre abondante de Frank Zappa. Ainsi, pour leur humour décalé, leur critique sous-jacente, ou leurs références au fantastique et à la science-fiction classique, on pourra faire notamment usage des morceaux suivants : Zomby Woof, Who Are The Brain Police?, We Are Not Alone, Cosmik Debris, The Return Of The Son Of Monster Magnet, Cheepnis ...
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