les autres faces des deux "Hot Five" et du "Hot Seven" de Louis Armstrong, |
Une mention spéciale doit être accordée à une compilation de titres enregistrés par Louis Armstrong de 1923 à 1931 (pour la plupart ceux des Hot Five et Hot Seven) et remastérisés en stéréo par l‘ingénieur du son Robert Parker. A partir de 1978, Parker a entrepris un incroyable travail de restauration consistant à transférer le son de 78 tours originaux sur un média digital, à éliminer les bruits de surface sans altérer la musique, à améliorer l’acoustique et à créer une fausse stéréo. Les morceaux ainsi restaurés furent longtemps diffusés dans ses émissions radiophoniques « Jazz Classics in Digital Stereo » d’abord en 1982 pour la radio Australian Broadcasting Corporation (Parker était Australien) et ensuite pour la BBC. Installé plus tard en Angleterre, il éditera son travail dans une collection de LP jazz restée célèbre sous le nom « Jazz Classics in Digital Stereo » (BBC Records). Comme les autres albums de cette collection consacrés à des artistes comme Sidney Bechet, Benny Goodman, Johnny Dodds, Count Basie, Duke Ellington ou Fletcher Henderdon, celui de Louis Armstrong est époustouflant : on y entend des détails jamais audibles jusqu’ici et on a l’impression d’écouter des enregistrements réalisés dans des conditions nettement plus modernes. Hotter Than That, West End Blues, Muggles et les 21 autres plages de l'album sont un véritable régal pour les oreilles. Certains ont critiqué l’approche de Parker et notamment l’ajout d’une réverbération qui ne figurait pas dans les 78 tours originaux. Parker justifiait cette réverbération par le fait qu’il tentait de montrer à l’auditeur comment les interprétations devaient sonner en concert quand elles étaient jouées dans de grands halls plutôt que dans les petits studios enfermés qui n’étaient pas l’habitat habituel des jazzmen. Sans doute discutable mais, quoiqu’il en soit et en dépit de l’avis des puristes, l’écoute de cette compilation exemplaire est plus que recommandée à tous les fans d’Armstrong pour un plaisir renouvelé et garanti. |
Louis Armstrong : The Hot Fives, Volume I | CBS 460821 |
Louis Armstrong : The Hot Fives & Hot Sevens, Volume II | CBS 463052 |
Louis Armstrong : The Hot Fives & Hot Sevens, Volume III | CBS 465189 |
Louis Armstrong : Volume IV, Louis Armstrong And Earl Hines | CBS 466308 |
Louis Armstrong And His Hot Five 1925 - 1926 | Classics 600 |
Louis Armstrong And His Hot Five And Hot Seven 1926 - 1927 | Classics 585 |
Louis Armstrong And His Orchestra 1928 - 1929 | Classics 570 |
The Hot Fives & Sevens (4 compacts remastérisés), édition 1999 Les compacts sont également disponibles séparément |
JSP Records 100 / 312 - CD 1 : 25 titres |
JSP Records 100 / 313 - CD 2 : 21 titres | |
JSP Records 100 / 314 - CD 3 : 22 titres | |
JSP Records 100 / 315 - CD 4 : 21 titres |
The Complete Hot Five and Hot Seven Recordings (4 compacts remastérisés), édition 2000 Compilation 1 CD de 18 titres extraits du coffret, édition 2002 (Columbia/Legacy - Sony 5055) Les titres Hot Five & Hot Seven ont aussi été ressortis en 2003 sur trois CD vendus séparément : Columbia/Sony Vol. 1 (86999) / Vol. 2 (87010) / Vol. 3 (87011) |
Columbia/Legacy Sony 86539 - CD 1 : 24 titres |
Columbia/Legacy Sony 86539 - CD 2 : 20 titres | |
Columbia/Legacy Sony 86539 - CD 3 : 22 titres | |
Columbia/Legacy Sony 86539 - CD 4 : 23 titres |
10 questions (et réponses) à propos des Hot Five et Hot Seven
Comment Armstrong eut-il l’idée de créer son premier groupe ? C’est incontestablement Lil Hardin, seconde épouse d’Armstrong depuis 1924, qui le poussa à quitta la formation de King Oliver et à voler de ses propres ailes. Après un passage à New York dans l’orchestre de Fletcher Henderson, Louis revint à Chicago sur le conseil de son épouse et forma son propre band : les Hot Five. Pianiste, compositrice, chanteuse à l’occasion, Lill Hardin sut s’imposer dans un monde d’hommes et joua un grand rôle dans le développement de Louis Armstrong dont elle fut un temps le manager. Ils se séparèrent en 1931, divorcèrent en 1938 et restèrent amis pour la vie. Quand et où se déroula la première session des Hot Five ? La première session du Hot Five fut organisée le 12 novembre 1925 dans les studios Okeh de Chicago. Trois morceaux y furent enregistrés : une composition de Lil Hardin (My Heart) et deux d’Armstrong (Yes ! I’m in the Barrel et Gut Bucket Blues). Les deux compositions d’Armstrong furent les premières faces du Hot Five éditées sur un 78 tours (OKeh 8261). Celle de Lil Hardin sera couplée avec le fameux Cornet Shop Suey, enregistré le 26 février 1926, et sortira plus tard en juin 1926 (OKeh 8320). Le groupe derrière Armstrong était-il vraiment bon ou Armstrong n’était-il accompagné que de faire-valoir ? Le premier Hot Five étant une formation assemblée pour enregistrer en studio, Armstrong put s’entourer des plus grands musiciens de jazz disponibles. L’orchestre, basé sur le schéma d’un groupe typique de New-Orleans, comprenait ainsi Kid Ory, sans doute le meilleur tromboniste de l’époque, Johnny Dodds à la clarinette qui n’était égalé que par Jimmie Noone et surpassé par Sydney Bechet (qui était parti à Paris avec la Revue Nègre et Joséphine Baker), et le banjoïste – guitariste Johnny St. Cyr, véritable pionnier de l’instrument et qui a joué avec tout le monde depuis le début du siècle. Lil Hardin, par contre n’était pas une virtuose et son jeu est parfois jugé médiocre (écoutez son solo sur Cornet Shop Suey par exemple) mais c’est en comparaison avec les autres solistes car elle s’avère assez efficace sur le plan du soutien rythmique, ce qui est essentiel aux improvisations. Ceci dit, il y avait sûrement de meilleurs pianistes en ville mais comme c'est grâce à ses contacts avec le directeur artistique d'Okeh que furent organisées les sessions, Louis n'avait guère d'autre choix que de l'inclure dans le groupe. Armstrong joue-t-il du cornet ou de la trompette ? Selon les notes du coffret JSP, Armstrong aurait joué du cornet sur toutes les faces et ne serait passé à la trompette qu’en juin 1928 après que Lil Armstrong fut remplacée par Earl Hines. Par contre, l’historien Rainer Blum pense qu’Armstrong avait adopté la trompette plus tôt conformément à une photo du Hot Five, avec Lil Armstrong, montrant Louis avec une trompette en main (publicité Okeh du premier disque des Hot Five lancée le 6 mars 1926 avec une photo prise probablement le mois d'avant). C’est aussi l’avis du Français Irakli, autre spécialiste d’Armstrong, qui spécule que le changement a eu lieu entre les deux premières séances du Hot Five. En fait, il est quasiment impossible d’entendre la différence de timbre à l’écoute des plages et Armstrong aurait très bien pu changer d’instrument en fonction des contextes musicaux sans que l’on ne s’en rende compte. La question reste aujourd’hui ouverte. Existe-t-il dans les caves de Columbia des prises alternatives de ces morceaux historiques que l’on ressortira un jour? A l’époque, les musiciens arrivaient en studio avec quelques compositions écrites d’avance et se lançaient immédiatement dans l’interprétation et l’improvisation avec les erreurs que cela implique. Il est donc fort probable que le même morceau était refait plusieurs fois en cas d’erreur trop flagrante de la part d’un des musiciens. Malheureusement, à l’époque, quand cela arrivait, on effaçait simplement la matrice en cire et on recommençait à zéro, si bien qu’il n’existe aucune seconde prise des titres enregistrés par les Hot Five et Hot Seven. A noter que le 28 mai 1926, les Hot Five ont aussi enregistré sous le nom de Lil’s Hot Shots trois morceaux (Georgia Bo Bo et deux versions de Drop That Sack) parus chez Vocalion qui sont parfois repris dans les compilations (Ils sont notamment inclus dans le coffret CBS mais, politique commerciale oblige, non disponibles au téléchargement sous la forme de morceaux individuels). Au total, il existe donc 25 titres enregistrés par Louis avec le premier Hot Five de novembre 1925 à novembre 1926; plus 12 titres avec les Hot Seven enregistrés en mai 1927 essentiellement avec le même orchestre plus un tuba et une batterie ; plus 9 titres enregistrés à nouveau avec les Hot Five originaux de septembre à décembre 1927 et enfin, 9 titres encore avec une formation différente, également appelée Hot Five, gravés en 1928. Donc un total de 55 titres sans prise alternative auxquels on associe généralement les trois plages des Lil’s Hot Shot’s et quelques morceaux enregistrés à la fin de 1928 avec des groupes variables. Remarque-t-on une évolution du style d’Armstrong de la première session de 1925 à la dernière en 1928 ? En moins de trois années, le style d’Armstrong a évolué d’une manière radicale. Au début, Louis était un formidable trompettiste jouant au centre d’une formation exemplaire où chacun avait sa place. A la fin de cette période, Louis était un génie musical ayant pris conscience de ses capacités et reconnu par ses pairs. Il suffit d'écouter d’une part, My Heart, enregistré le 12 novembre 1925, et West End Blues, qui date du 28 septembre 1928, pour se rendre compte du chemin parcouru et de la facilité accrue d’Armstrong à improviser sur un thème. Sur quatre années, il avait à lui tout seul imposé le jazz comme une musique à écouter et qui ne serait plus destinée qu’à faire boire et danser. Une nouvelle forme d’expression artistique est ainsi née avec Louis Armstrong à la fin des années 20 et elle irait désormais en s’épanouissant à travers le reste du siècle. Quand s’est déroulée la dernière session et pourquoi Armstrong a-t-il dissout sa formation ? Le dernier enregistrement de Louis avec le Hot Five a eu lieu le 29 juin 1928 : il s’agissait de Knee Drops, une composition de Lil Hardin sur laquelle la pianiste ne joue pas et est remplacée par Earl Hines. Les autres musiciens sont Fred Robinson (tb), Jimmy Strong (cl & ts), Earl Hines (p), Mancy Cara (banjo) et Zutty Singleton à la batterie. Ce dernier titre est globalement un peu moins impressionnant que ceux du premier Hot Five dû au fait que Robinson et Strong ne sont pas les équivalents respectifs de Dodds et Ory mais Armstrong, lui, a atteint un niveau phénoménal. Il était devenu à la fois un musicien épanoui et complet au sommet de son art, l’ambassadeur du jazz et son principal héro, ainsi qu’un artiste susceptible d’amener beaucoup de profit, si bien qu’il était temps pour lui d’entamer une nouvelle carrière. Il accepta ainsi tout naturellement de répondre aux pressions externes qui le poussaient inexorablement vers un jazz plus commercial et plus proche du grand public, aussi bien noir que blanc. Quelles sont les meilleures versions existant sur le marché de ces enregistrements ? Pour les raisons expliquées plus haut, les meilleures versions actuellement sur le marché des titres enregistrés par Louis avec les Hot Five et Hot Seven sont celles offertes dans les deux coffrets JSP (1999) et CBS (2000). S'il fallait choisir cinq titres seulement, lesquels retiendrait-on en priorité pour téléchargement immédiat? La réponse est bien entendu subjective mais on pourrait sélectionner 1) Cornet Shop Suey (26/2/1926 - Okeh 8320), composition d'Armstrong dédiée au célèbre plat asiatique dans laquelle il révèle toute sa virtuosité; 2)Potato Head Blues, le plus célèbre des titres gravés par les Hot Seven (10/5/ - Okeh 8503); 3) Hotter Than That, un ouragan irrésistible dans l'histoire du jazz (13/12/1927 - Okeh 8535); 4) Savoy Blues, enregistré le même jour que Hotter Than That, qui élargit soudain la gamme d'émotions du trompettiste (13/12/1927 - Okeh 8535); et évidemment 5) West End Blues, le plus connu de tous avec son introduction légendaire (28/7/1928 - Okeh 8597). Qui a réalisé ces enregistrements à l’origine et pourquoi sont-ils édités par Columbia ? Les enregistrements ont été réalisés par le label indépendant Okeh, fondé en 1918 par l’Allemand Otto K. E. Heinemann (le nom du label est composé d’après les initiales de son nom), manager de la branche américaine d’Odeon Records. Basé au départ à New York, un second studio fut ouvert à Chicago dans les années 20 spécialement pour y enregistrer des artistes noirs tandis que le pianiste Richard M. Jones y fut nommé Directeur artistique pour la branche des disques afro-américains (Race Records). C’est sous son impulsion, et probablement celle de Lil Hardin avec qui il était en contact, que fut organisée la première session des Hot Five en novembre 1925. En novembre 1926, Columbia Records acquit une participation majoritaire qui lui donna le contrôle d’Okeh. Dans quelles conditions techniques les disques ont-ils été enregistrés et, notamment, la vitesse d’enregistrement était-elle correcte ? Comme tous les labels de l’époque et en dépit de sa technologie supérieure à d'autres marques, Okeh connaissait des problèmes avec la rotation de ses tables d’enregistrement et les vitesses pouvaient varier d’une session à l’autre en fonction de la maintenance. Il est notoire que la plupart des sessions n'ont pas été gravées à la bonne vitesse. Ce n'est qu'avec la parution du coffret CBS en 2000 que le problème de vitesse a été réglé. Ceci dit, la stabilité et la qualité sonore des enregistrements évolue fortement sur la période 1925 à 1928, notamment après le passage de l’enregistrement acoustique (devant un grand pavillon) à un système électrique (devant un microphone) plus perfectionné auquel Okeh a eu accès dès la fin de 1926 après avoir été racheté par Columbia. A noter que cette transition fut graduelle vu qu'avant le système d'enregistrement Western Electric mis au point par les Laboratoires Bell, Okeh mit en service du 19 avril au 29 october 1926 son propre équipement mixte dénommé Truetone, avec amplificateur mais sans micro, qui lui coûta cher et se révéla un total échec technique. Les enregistrements d'Armstrong réalisés pendant cette période laissent entendre nettement cette déficience sonore. |
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